B. UNE COEXISTENCE DE DEUX CATÉGORIES DE PERSONNELS PEU SATISFAISANTE
La juxtaposition du dispositif des aides éducateurs et de celui des MI-SE, qui rend plus complexe la gestion de ces personnels, a créé en outre un clivage non justifié entre les fonctions à vocation éducative et les fonctions de surveillance. Elle précipite à ce titre la nécessité d'engager une refonte du système de surveillance et d'encadrement au sein des établissements.
1. Une concurrence préjudiciable entre aides éducateurs et MI-SE
Même si chacun d'entre eux éprouve le sentiment de son utilité, les MI-SE ont parfois mal perçu la concurrence qu'a fait peser sur eux l'arrivée des aides éducateurs.
Si, à l'origine, 70 % des aides éducateurs exerçaient dans un établissement primaire, les redéploiements effectués au cours des vagues de recrutement suivants sont intervenus en faveur du second degré. Aussi, plus de 40 % des 62 000 aides éducateurs 13 ( * ) , soit près de 25 000 jeunes, sont venus s'ajouter aux quelques 50 000 MI-SE déjà présents dans les collèges et lycées.
Leur effectif moyen au sein des établissements de l'enseignement public, 3,4 par collège et 3,3 par lycée en 2000, est supérieur à celui des écoles, où ils ne sont en moyenne qu'un peu moins de 2 par établissement. Il faut observer que leur présence est renforcée dans les établissements du second degré classés en zone d'éducation prioritaire (ZEP), où les aides éducateurs, présents dans 98 % des collèges et 90 % des lycées, sont en moyenne 5,8 et 4,5 respectivement dans chaque établissement.
Les emplois-jeunes de l'éducation nationale étant plutôt dédiés à exercer des fonctions d'encadrement et d'animation , leur intégration s'est souvent faite au détriment des MI-SE, qui se sont souvent retrouvés cantonnés dans les seules fonctions de surveillance , alors qu'ils exerçaient également auparavant des fonctions aux frontières de celles des enseignants, intervenant en matière de soutien scolaire ou d'aide à l'orientation des élèves. On comprendra aisément que leur motivation se soit dégradée.
De plus, la dichotomie existant entre missions pédagogiques plus « nobles » et surveillance pure crée un clivage préjudiciable et non pertinent entre des fonctions par nature complémentaires qui gagneraient à être exercées conjointement et en synergie.
Par ailleurs, il convient d'observer que ce clivage théorique trouve peu d'écho en pratique et n'est guère justifié, dans le contexte actuel de montée des comportements violents et des incivilités au sein des établissements, qui requiert des besoins de surveillance accrus. Ainsi, selon une étude menée en 2000 par la Direction de la programmation et du développement (DPD) sur la perception des aides éducateurs par les équipes éducatives, la surveillance occupe, au collège, en moyenne 30 % du temps de service des aides éducateurs avec, localement, d'importantes variations, en particulier dans les établissements « sensibles ».
Il existe donc, en pratique, une confusion entre les aides éducateurs et les MI-SE , qui rend d'autant plus injustifiée et opaque la distinction de leurs statuts. Selon la même étude, un professeur interrogé sur quatre assimile en effet les aides éducateurs à des surveillants.
A cela s'ajoute le constat que le profil des aides éducateurs est souvent proche de celui des MI-SE, même si les premiers sont en moyenne un peu plus âgés, un peu plus diplômés et un peu plus motivés.
Rappelons que d'une manière générale, les MI-SE sont recrutés entre bac et bac + 3. Ils ont en moyenne un peu plus de 24 ans, ce qui correspond à l'âge moyen des aides éducateurs au moment de leur embauche. Les jeunes filles (75 % des aides éducateurs, 67 % des surveillants d'externat et 45 % des maîtres d'internat) et les profils littéraires sont majoritaires dans chacun des dispositifs.
Cette proximité dans les profils et les fonctions exercées conduit à s'interroger sur le maintien d'une dualité juridique source d'iniquités des situations et de complexité de gestion.
2. Des situations inéquitables et des difficultés de gestion
L'existence de deux cadres juridiques distincts réglementant les personnels d'encadrement et de surveillance des élèves crée une situation inéquitable entre ces personnels.
- Alors que les MI-SE sont des agents publics non titulaires, les aides éducateurs relèvent d'un contrat de droit privé . Outre qu'elle engendre de nombreuses difficultés pratiques et de gestion pour les établissements, cette exception au droit public s'est révélée être une expérience peu concluante et préjudiciable pour les aides éducateurs eux-mêmes. Leur qualité de salariés de droit privé au sein du secteur public leur rend en effet inapplicables un certain nombre de dispositions protectrices du code du travail, relatives notamment aux conventions collectives, à la représentation collective ou à l'exercice des droits syndicaux.
- En outre, les obligations de service et les conditions de rémunération applicables aux surveillants et aides éducateurs sont hétérogènes. Les aides éducateurs sont embauchés pour cinq ans, sur la base d'un temps plein équivalent à 35 heures hebdomadaires, alors que les MI et les SE, qui effectuent un service de sept ans maximum, travaillent respectivement 34 et 28 heures par semaine, pour un salaire néanmoins supérieur : 980,98 euros nets mensuels, contre 949,57 euros pour les aides éducateurs.
- Enfin, leurs modalités de recrutement sont différentes. Si les rectorats ont compétence pleine et entière pour recruter les MI-SE, ils n'interviennent qu'à titre de cadrage et de régulation en ce qui concerne le recrutement des aides éducateurs, opéré par les établissements.
Il en résulte en particulier une gestion peu rationnelle des effectifs et des répartitions guère cohérentes entre les établissements, faute d'un centre de décision unique en matière de recrutement.
L'ensemble de ces constats invite à mener une réflexion globale sur l'avenir du pionnicat et sur les mutations qui doivent être opérées afin que le système d'encadrement et de surveillance des élèves, en devenant plus souple et plus adapté aux besoins des établissements, se hisse à la hauteur des attentes placées dans le service public de l'éducation nationale, auquel il apporte une valeur ajoutée indéniable.
* 13 Début 2000, 28 % des aides éducateurs exerçaient dans les collèges et 14 % dans les lycées, environ 57 % dans les écoles.