Modalités de détention par l'Etat du capital social de France Telecom
HERISSON (Pierre)
RAPPORT 222 (2002-2003) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
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Table des matières
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE IER -
LE SOUTIEN PARLEMENTAIRE AU REDRESSEMENT
DÉJÀ ENGAGÉ DE FRANCE TÉLÉCOM-
I. UN NOUVEL ÉLAN MANAGÉRIAL A D'ORES ET
DÉJÀ PERMIS D'ENCLENCHER LE REDRESSEMENT
- A. UN NOUVEAU MANAGEMENT POUR SORTIR DE LA CRISE
-
B. LE PLAN « AMBITION FRANCE
TÉLÉCOM 2005 »
- 1. Effort de l'entreprise : le programme de mobilisation opérationnelle TOP chiffré à 15 milliards d'euros
- 2. Le refinancement obligataire : les marchés obligataires et bancaires sollicités pour 15 milliards d'euros
- 3. L'effort des actionnaires : pour un renforcement des fonds propres de l'entreprise de 15 milliards d'euros
- C. DES RÉSULTATS DÉJÀ PROBANTS
- II. LE PARLEMENT ACCOMPAGNATEUR DU PLAN DE REDRESSEMENT
-
I. UN NOUVEL ÉLAN MANAGÉRIAL A D'ORES ET
DÉJÀ PERMIS D'ENCLENCHER LE REDRESSEMENT
-
CHAPITRE II -
LE RECOURS À L'ERAP : UN IMPÉRATIF TECHNIQUE SANS PORTÉE POLITIQUE -
ANNEXE I -
RECETTES QUE L'ÉTAT A TIRÉES
DE FRANCE TÉLÉCOM DEPUIS 1997 -
ANNEXE II -
EXTRAITS DU TRAITÉ INSTITUANT
LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE :
LES AIDES ACCORDÉES PAR LES ÉTATS
N°
222
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mars 2003
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1), sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, modifiant l'article 1 er -1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l' organisation du service public de la poste et des télécommunications ,
Par M.
Pierre HÉRISSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.
Voir les
numéros :
Assemblée nationale
(
12
e
législ.)
:
677, 691
et T.A.
103
Sénat : 219
(2002-2003)
Postes et télécommunications. |
INTRODUCTION
« A moi, Comte, deux mots ! »...
Le Cid
(Acte II, scène 2),Corneille
Mesdames, Messieurs,
Le
projet de loi qui nous est soumis ne vise qu'à aménager les
modalités de la détention majoritaire par l'Etat du capital de
France Télécom. Paradoxalement, sa concision appelle quelques
commentaires.
Il s'agit d'un article unique, quasi chirurgical, tendant à
compléter l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990
relative à l'organisation du service public de la poste et des
télécommunications. Les deux mots « ou
indirectement » que cet article prévoit d'insérer
assouplissent le mode de détention par l'Etat de la majorité du
capital de France Télécom : ils permettent ainsi de
transférer à un établissement industriel et commercial,
que le gouvernement a annoncé être l'ERAP,
l'intégralité de la participation de l'Etat dans France
Télécom. Cet établissement, bénéficiant de
la garantie de l'Etat, participera ensuite au renforcement des fonds propres de
France Télécom, qui a été approuvé le 4
décembre 2002 et auquel l'Etat actionnaire majoritaire a indiqué
vouloir contribuer pour sa part, en « investisseur
avisé ».
Ce texte technique a donc pour objet exclusif la contribution au redressement
de France Télécom. Votre rapporteur salue, à cet
égard, la grande transparence de la démarche du gouvernement, qui
a choisi de présenter un texte de loi spécifique pour cette
légère modification de la loi de 1990. Ce choix offre au
Parlement l'occasion de marquer son soutien à l'entreprise France
Télécom, qui a su déjà engager son redressement. Il
offre également l'occasion d'un débat sur la procédure
retenue pour financer ce redressement.
Votre rapporteur tient enfin à souligner, à l'attention de
l'ensemble de ses collègues, que ce projet de loi ne met pas en cause la
majorité de l'Etat au capital de France Télécom et
n'affecte en rien le statut du personnel de l'opérateur historique.
CHAPITRE IER -
LE SOUTIEN PARLEMENTAIRE AU REDRESSEMENT
DÉJÀ ENGAGÉ DE FRANCE TÉLÉCOM
I. UN NOUVEL ÉLAN MANAGÉRIAL A D'ORES ET DÉJÀ PERMIS D'ENCLENCHER LE REDRESSEMENT
A. UN NOUVEAU MANAGEMENT POUR SORTIR DE LA CRISE
Votre
rapporteur ne juge pas nécessaire de revenir sur le
passé
1(
*
)
et l'enchaînement
malheureux qui a conduit France Télécom à la
crise de
liquidités de septembre 2002
, révélée lors de
la présentation des résultats du premier semestre 2002. A ce
moment-là, France Télécom affichait une perte de
12,2 milliards d'euros sur le premier semestre 2002 ainsi qu'une dette
colossale atteignant 69,7 milliards d'euros au 30 juin 2002, si bien
que les fonds propres consolidés de la société se
trouvaient négatifs (de 440 millions d'euros). Cette dette a fini par
focaliser l'attention des marchés et des agences de notation -notamment
Moody's qui, en juillet avait rabaissé la notation de France
Télécom au rang spéculatif-. La
conjonction de fonds
propres négatifs, d'une telle dette et d'une note très
dégradée
a précipité la crise de septembre
2002.
Afin de remettre l'opérateur à flot et d'équilibrer son
bilan, un nouveau président a été élu par le
conseil d'administration de France Télécom le 2 octobre
dernier et élaboré un plan de redressement, en concertation avec
son actionnaire majoritaire, l'Etat.
C'est sur cette nouvelle dynamique en
marche que votre rapporteur souhaite s'attarder.
B. LE PLAN « AMBITION FRANCE TÉLÉCOM 2005 »
Selon
l'expression même de M. Thierry Breton, président, l'entreprise
veut « reprendre son destin en main ». Pour ce faire, un
plan a été approuvé le 4 décembre 2002 par le
conseil d'administration de l'entreprise, dont le titre
« Ambition
France Télécom 2005 »
fixe l'échéance
d'un redressement possible de l'opérateur historique français et
le sous-titre, « 15+15+15 », détermine les
modalités :
- 15 milliards d'euros de disponibilités devraient être
dégagés par un programme d'amélioration
opérationnelle;
- 15 milliards d'euros de dette sont prévus d'être
refinancés auprès des marchés;
- 15 milliards d'euros doivent venir renforcer les fonds propres de
l'entreprise, l'Etat actionnaire participant à hauteur de sa part au
capital, soit à hauteur d'environ 9 milliards d'euros.
1. Effort de l'entreprise : le programme de mobilisation opérationnelle TOP chiffré à 15 milliards d'euros
Selon le
constat réalisé par la mission « Etat des
lieux » confiée par M. Thierry Breton à un groupe
d'experts, l'entreprise France Télécom peut, selon une
comparaison systématique de la productivité des différents
pôles de son organisation avec ceux de ses principaux concurrents,
améliorer significativement sa capacité à engendrer des
liquidités dans les 3 ans. Pour cette raison a été
lancé le programme TOP, programme d'amélioration des performances
opérationnelles de l'entreprise, qui devrait permettre sur 3 ans de
créer
15 milliards d'euros de disponibilités
supplémentaires consacrées totalement à la
réduction de la dette
.
Selon l'opérateur,
« environ 20 % à 25 %
des disponibilités générées par cette
amélioration des performances opérationnelles sont attendus en
2003, 35 % à 40 % en 2004 et 35 % à 40 % en
2005. Sur la période 2003-2005, l'amélioration des performances
devrait provenir principalement de la réduction et de l'optimisation des
investissements (à hauteur de 40 % à 45 % des
économies du programme TOP), de la réduction des coûts
opérationnels (35 % à 40 % des économies) et de
l'optimisation du besoin en fonds de roulement et divers (20 % à
25 % des économies). En 2003, l'impact sera surtout lié
à la réduction et l'optimisation des investissements, compte tenu
des délais nécessaires pour la mise en oeuvre des programmes
d'économies sur les coûts opérationnels. Cette
génération de disponibilités supplémentaires en
2003-2005 devrait être réalisée principalement par
l'activité fixe en France (pour 40 % à 45 %) et par
Orange (pour 35 % à 45 %). La contribution du segment Service
Fixe Voix et Données Hors de France serait de l'ordre 12 % à
17 % et celle de Wanadoo de moins de 3 % ».
2. Le refinancement obligataire : les marchés obligataires et bancaires sollicités pour 15 milliards d'euros
Par ailleurs, le plan de redressement prévoit d'organiser, sur la période 2003-2005, un rééchelonnement des financements obligataires et bancaires qui portera sur 15 milliards d'euros. Ce rééchelonnement est déjà largement engagé, comme il sera détaillé plus bas.
3. L'effort des actionnaires : pour un renforcement des fonds propres de l'entreprise de 15 milliards d'euros
Un
renforcement des fonds propres
de France Télécom
s'avère indispensable
2(
*
)
. L'Etat,
actionnaire majoritaire
3(
*
)
, contribuera, pour sa
part, à ces opérations et, comme les actions que France
Télécom détient en autocontrôle ne souscrivent pas
à l'augmentation de capital, ce sont environ
9 milliards de fonds
propres
(soit près de 64 % et non 56 % des 15 milliards
annoncés) qui
seront apportés par l'actionnaire
majoritaire
. Cet apport représente un montant tout à fait
considérable, mais votre rapporteur croit utile de rappeler, en
comparaison, les importantes recettes que
l'Etat a retirées de France
Télécom depuis la loi de sociétisation de 1996 :
14 milliards d'euros,
au titre des recettes de cession de
participations et au titre des dividendes
4(
*
)
.
En recapitalisant France Télécom, l'Etat agit en
« investisseur avisé », comme l'a souligné le
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, lorsqu'il a
confirmé le soutien de l'Etat au plan d'action approuvé par le
Conseil d'administration de France Télécom le 4 décembre
dernier. En effet, cette décision d'investissement dans
l'opérateur historique est fondée sur la conviction qu'
un tel
investissement vaut la peine, étant donné l'ambition et le
réalisme du plan d'action adopté par l'entreprise et les
perspectives de retour sur investissement.
On peut ici rappeler que France Télécom, un des principaux
opérateurs de télécommunications du monde, sert plus de
111 millions de clients sur les cinq continents et a réalisé un
chiffre d'affaires consolidé de 46,6 milliards d'euros en 2002. Au
travers de marques d'envergure internationale comme Orange, Wanadoo, Equant et
GlobeCast , France Télécom est un opérateur
intégré, qui offre toute la gamme de services de
télécommunications : téléphonie locale et
internationale, téléphonie mobile, Internet et multimédia,
transport de données, télévision par câble. France
Télécom est ainsi le second opérateur mobile et
fournisseur d'accès Internet en Europe et parmi les leaders mondiaux des
services de télécommunications aux entreprises multinationales.
Son potentiel opérationnel ne fait pas de doute et justifierait, de la
part de tout investisseur privé agissant à moyen et long terme,
une attitude équivalente à celle de l'Etat actionnaire.
Pour que les conditions financières de la recapitalisation de France
Télécom soient satisfaisantes et que l'opération ne soit
pas fortement dilutive, il convient que celle-ci n'intervienne qu'au moment le
plus opportun, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas être
effectuée dans l'urgence ou sous la pression des marchés.
C'est pourquoi l'Etat a indiqué qu'il était
prêt
à anticiper sa participation au renforcement des fonds propres en
fournissant à l'entreprise une avance d'actionnaire
, temporaire, aux
conditions de marché.
Enfin, le plan « Ambition France Télécom
2005 » implique de manière inévitable une recentrage
des activités de l'entreprise sur ses secteurs les plus rentables et une
gestion prudente de ses effectifs, l'affectation de fonctionnaires de France
Télécom dans d'autres fonctions publiques étant notamment
favorisée mais reposant sur la base du volontariat.
C. DES RÉSULTATS DÉJÀ PROBANTS
1. Un plan crédible : l'étau financier est desserré
La
reprise en mains de France Télécom a d'ores et déjà
permis à l'entreprise de retrouver la
confiance des marchés,
ce qui atteste de la crédibilité du plan « Ambition FT
2005 »
. Le soutien temporaire à la liquidité, que
l'Etat s'était dit prêt à apporter, n'a même pas
été sollicité par l'entreprise.
Le fait-même, pour France Télécom, d'avoir
retrouvé la possibilité de choisir ce moment opportun
(printemps 2003, automne 2003 ou printemps 2004, selon les déclarations
de son président)
est en lui-même une première
réussite
du plan de redressement. Le conseil d'administration et son
Président retrouvent ainsi une autonomie et un réel pouvoir de
décision vis-à-vis des marchés. Cela devrait permettre de
tenir compte, au mieux, des intérêts des actionnaires individuels,
de ceux des salariés actionnaires de l'entreprise ainsi que des
légitimes préoccupations des contribuables.
Surtout, France Télécom est désormais en mesure de
couvrir le financement des emprunts venant à échéance
d'ici fin 2004
, alors qu'il y a encore quelques mois, M. Michel Bon,
ancien président du groupe, estimait que les problèmes de
financement de France Télécom pourraient devenir cruciaux voire
« inextricables » à l'horizon juin 2003. En effet,
lorsque les marchés financiers ont pris conscience, à la fin de
l'été 2002, que France Télécom se trouvait devant
un « mur de liquidités », les
échéances de remboursement auxquelles devaient faire face le
groupe étaient évaluées à 15 milliards d'euros
sur l'année 2003, et autant en 2004. En 2005, les montants des
remboursements étaient évalués à 20 milliards
d'euros.
Entre temps, France Télécom a retrouvé l'accès aux
marchés : depuis le mois de décembre 2002, France
Télécom a réalisé le refinancement de plus de 14
milliards d'euros de dette grâce à l'émission de plus de 9
milliards d'euros d'obligations et au refinancement de la ligne
syndiquée pour un montant de 5 milliards d'euros. En outre, France
Télécom prévoit de générer plus de 3
milliards de cash-flow disponible
5(
*
)
en 2003 et
de dégager des produits de cessions d'actifs non
stratégiques
6(
*
)
de plus d'1 milliard
d'euros.
2. Un plan réaliste : la dynamique du plan TOP est déjà à l'oeuvre.
Le volet
interne du plan de redressement repose sur l'amélioration de la
rentabilité de l'entreprise et l'optimisation des flux d'investissements
et des flux d'exploitation. A cette fin, une nouvelle organisation du groupe a
été mise en place : plus ramassée, plus rationnelle,
cette nouvelle équipe managériale a pour objectif
d'accroître les performances opérationnelles. Une centaine de
chantiers ont été identifiés dans cette perspective, leurs
responsables désignés et les indicateurs de performance
définis. Les chantiers les plus significatifs concernent le domaine des
achats et approvisionnements, qu'il est prévu de rationaliser et de
centraliser, le domaine des investissements, dont la gestion sera rendue plus
rigoureuse, et le domaine des coûts opérationnels, notamment ceux
afférant au marketing et à la communication, qui devraient
diminuer à la faveur d'une meilleure coordination, aux systèmes
d'information et aux frais généraux.
La dynamique positive engagée dans l'entreprise fonctionne et est
déjà partiellement visible dans les résultats annuels pour
2002, publiés par France Télécom le 5 mars 2003: si le
résultat net est négatif
7(
*
)
, comme
prévu, les chiffres révèlent surtout une
accélération de la rentabilité et du free cash flow
opérationnel
8(
*
)
au second semestre
2002
.
Ainsi, la progression du résultat d'exploitation est, en
pro
forma
, de 44,8 % sur le second semestre 2002 par rapport au second
semestre 2001, au lieu de 15,8 % de croissance constatée entre le
premier semestre 2001 et celui de 2002, grâce à une maîtrise
des charges sur le quatrième trimestre 2002. Le free cash flow
opérationnel réalisé au second semestre 2002
représente plus de trois fois le free cash flow opérationnel
produit au second semestre 2001.
La forte amélioration du cash flow disponible au cours du second
semestre a notamment permis d'enclencher le
désendettement du
groupe
, qui est au coeur du plan « Ambition FT 2005 ».
Au 31 décembre 2002, la dette nette de France Télécom
s'établit à 68 milliards d'euros, ce qui représente une
baisse de 1,7 milliard d'euros par rapport au 30 juin 2002
.
Pour 2003, France Télécom affirme un objectif de croissance de 3
à 5 % du chiffre d'affaires et une croissance à deux
chiffres de son résultat d'exploitation, sous l'impulsion des mobiles et
de l'Internet. Le haut débit devrait notamment se positionner comme un
relais de croissance face au recul maîtrisé des revenus de la
téléphonie fixe en France.
II. LE PARLEMENT ACCOMPAGNATEUR DU PLAN DE REDRESSEMENT
A. LE PREMIER ACTE DE CET ACCOMPAGNEMENT LÉGISLATIF A EU LIEU
La décision de l'Etat actionnaire de participer à une augmentation de capital doit être accompagnée. Au plan communautaire, les mesures prévues ont été, dès le 3 décembre 2002, communiquées à la Commission européenne. Au plan national, la contribution du Parlement à l'opération a trouvé sa première expression en décembre dernier, après un premier pas réglementaire fait par le Gouvernement sous forme d'un décret.
1. Le préalable réglementaire : le changement d'objet de l'ERAP
Avant
d'envisager de confier à l'
ERAP, anciennement Entreprise de
recherches et d'activités pétrolières,
un rôle
dans la recapitalisation de France Télécom, il était
nécessaire d'élargir l'objet de cet établissement public,
dont la mission première est étrangère au secteur des
télécommunications.
Cet établissement public à caractère industriel et
commercial, doté de la personnalité civile et de l'autonomie
financière, a été créé par le décret
n°65-1117 du 17 décembre 1965, à l'origine pour mettre en
oeuvre la politique pétrolière nationale. Selon les termes
originels de l'article 2 du décret de 1965, l'ERAP pouvait en effet
intervenir dans les domaines pétroliers ou, minoritairement,
pharmaceutiques.
ARTICLE 2 DU DÉCRET N° 65-1117 DU 17 DÉCEMBRE 1965
« L'Entreprise de recherches et d'activités
pétrolières a pour objet la recherche, la production, le
stockage, le transport, le traitement, la transformation, la distribution, la
commercialisation des hydrocarbures liquides ou gazeux et des autres substances
minérales ou fossiles et de leurs dérivés, ainsi que
généralement toutes opérations concernant ces
activités et s'y rattachant directement ou indirectement.
A cet effet, l'Entreprise de recherches et d'activités
pétrolières peut, soit de son initiative propre, soit à la
demande du ministre de l'industrie, étudier toutes questions, engager
toutes opérations se rapportant à son objet, directement ou par
l'intermédiaire des entreprises dans lesquelles elle détient une
participation ou dont elle évoque, au besoin, la création.
L'Entreprise de recherche et d'activité pétrolières est,
en outre, habilitée à prendre des participations dans le secteur
de la pharmacie. Ces participations doivent demeurer minoritaires. »
Même en interprétant avec souplesse l'adverbe
« indirectement » à la fin du premier alinéa,
il était juridiquement impossible d'inclure les opérations
relatives aux télécommunications dans le champ
réglementaire d'intervention de l'ERAP !
A la veille de l'approbation du plan de redressement de France
Télécom, le Gouvernement a donc procédé à la
modification de l'objet de l'ERAP par décret. En choisissant
d'élargir l'objet d'une structure juridique déjà
existante, l'Etat gagnait du temps, le décret pouvant être pris en
quelques jours, à la différence de la loi qui aurait
été nécessaire pour créer une nouvelle
catégorie d'établissement public. En effet, l'article 34 de la
Constitution dispose que la loi « fixe les règles concernant
la création de catégories d'établissements
publics ».
Le
décret n° 2002-1409 du 2 décembre 2002
définit dorénavant en ces termes l'objet de l'ERAP :
« prendre, à la demande de l'Etat, des participations dans des
entreprises appartenant aux secteurs de l'énergie, de la pharmacie et
des télécommunications » au lieu de « la
recherche, la production, le stockage, le transport, le traitement, la
transformation, la distribution, la commercialisation des hydrocarbures
liquides ou gazeux et des autres substances minérales ou fossiles et de
leurs dérivés, ainsi que généralement toutes
opérations concernant ces activités et s'y rattachant directement
ou indirectement ». Le conseil d'administration de l'ERAP reste en
revanche marqué par le passé : y figure ainsi un
représentant du ministère des affaires
étrangères...
COMPOSITION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'ERAP
L'ERAP
est administré par un conseil, nommé pour trois ans,
composé de douze membres:
- un haut fonctionnaire ou une personnalité ayant exercé des
fonctions de haute responsabilité économique, industrielle ou
financière au service de l'Etat, président ;
- deux représentants du ministre de l'industrie ;
-deux représentants du ministre des finances et des affaires
économiques ;
- un représentant du ministre des affaires
étrangères ;
- six personnalités de nationalité française choisies
en raison de leur compétence.
Le Président est nommé en Conseil des Ministres, les onze autres
membres par décret. L'ERAP est soumis au contrôle d'un Commissaire
du Gouvernement désigné par le Ministre de l'Industrie et d'un
Contrôleur d'Etat.
2. La première expression législative du soutien au plan de redressement : l'octroi à l'ERAP de la garantie de l'Etat
C'est au
travers du vote de la loi de finances rectificative n° 2002-1576 du
30 décembre 2002
9(
*
)
que le Parlement a
d'abord accompagné le plan de redressement de France
Télécom. En effet,
l'article 80 du collectif
budgétaire
dispose que : « Les emprunts
contractés par l'ERAP, dans le cadre de son soutien d'actionnaire
à France Télécom, bénéficient, en principal
et intérêts, de la garantie de l'Etat dans la limite de 10
milliards d'euros en principal ».
Ainsi, en octroyant à l'ERAP la garantie de l'Etat, le Parlement fait de
cet établissement un « bras armé » de l'Etat
pour le refinancement de France Télécom. Cette garantie de l'Etat
permet d'une part à l'ERAP de bénéficier d'un emprunt
auprès de la Caisse des dépôts et consignations aux
meilleurs taux
10(
*
)
, dans la limite de
10 milliards d'euros en principal. Il marque d'autre part l'engagement de
l'Etat, dès la mise en place d'une ligne de crédit par l'ERAP,
d'accompagner l'entreprise France Télécom dans la réussite
de son plan de redressement.
B. CE TEXTE CONSTITUE LE DEUXIÈME ACTE DE SOUTIEN LÉGISLATIF AU REDRESSEMENT DE L'OPÉRATEUR HISTORIQUE
Le
projet de loi qui est soumis ici par le Gouvernement à votre Commission
conditionne la réalisation de l'augmentation de capital de France
Télécom.
Selon les termes actuels de l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du
2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de
la poste et des télécommunications, l'Etat détient
« directement » la majorité du capital social de
France Télécom. Le législateur avait alors tenu à
préciser le mode de détention par l'Etat de la majorité de
l'établissement public France Télécom, devenu depuis
société anonyme à capitaux majoritairement publics en
vertu de la loi 96-660 du 26 juillet 1996. Pourtant, comme le précisait
l'avis du Conseil d'Etat du 18 novembre 1993, la détention
« directe ou indirecte » était, pour l'Etat, sans
incidence sur son statut d'actionnaire majoritaire.
La décision gouvernementale de participer au renforcement des fonds
propres de France Télécom par le truchement d'un
établissement public, que le Conseil d'Etat validait implicitement en
1993, nécessite donc aujourd'hui un assouplissement du cadre
législatif. En ouvrant la possibilité d'un mode de
détention indirect de la part de l'Etat au capital, le texte soumis
à votre commission libère le Gouvernement du dilemme entre son
désir de soutenir France Télécom et sa soumission à
diverses contraintes.
Quelles sont donc les raisons du recours à l'ERAP ?
CHAPITRE II -
LE RECOURS À L'ERAP : UN
IMPÉRATIF TECHNIQUE SANS PORTÉE POLITIQUE
Comme un actionnaire privé, l'Etat actionnaire doit veiller à la santé financière, au développement des entreprises et à la juste rémunération des capitaux investis, et, comme lui, il agit sous contraintes, qu'elles soient internes (les sources de financement ne sont pas illimitées) ou externes (contraintes communautaires en matière de concurrence ou d'aides d'Etat).
I. POURQUOI RECOURIR À L'ERAP ?
Le choix d'un établissement public existant a été fait, non pas « de façon (...) à ne pas ouvrir le débat législatif », comme a pu l'écrire un quotidien du soir 11( * ) , mais pour des raisons de simplicité et pour satisfaire aux règles communautaires en matière d'aides d'Etat. Ce texte-même et le débat qu'il occasionne en apportent aujourd'hui la preuve.
A. LE RECOURS OBLIGÉ À UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC
1. Contraintes internes : le carcan budgétaire
L'octroi
d'avances d'actionnaires ou la dotation en capital aux entreprises dans
lesquelles l'Etat est actionnaire passe normalement par le compte d'affectation
spéciale des produits de cessions de titres, droits et parts de
sociétés n° 902-24. Ce compte est insuffisamment
doté en 2002, comme en 2003, pour participer à un refinancement
de France Télécom dont le montant à la charge de l'Etat
s'élèvera à 9 milliards d'euros.
Dans ce cadre,
une solution extra-budgétaire a dû être
trouvée
qui passe par la mobilisation d'un établissement
public existant pour porter les titres détenus par l'Etat dans France
Télécom et souscrire à l'augmentation annoncée du
capital du groupe.
Cet établissement public s'endettera donc avec la garantie de l'Etat
puis souscrira à l'augmentation de capital avant de rembourser son
emprunt au gré des échéances, notamment, grâce au
produit de la vente d'actions France Télécom
12(
*
)
.
Le refinancement de France Télécom n'aura donc pas d'incidence
directement budgétaire. En revanche, l'opération
programmée par le biais de l'ERAP affectera les finances publiques
françaises.
D'une part, l'octroi de sa garantie à l'ERAP constitue bien sûr un
engagement hors bilan de l'Etat qui figure à ce titre dans le Compte
Général de l'Administration des Finances (CGAF).
D'autre part, l'emprunt de l'ERAP, qui devrait être classé en
Organisme divers d'administration centrale (ODAC), augmentera sensiblement
la dette des administrations publiques
. 9 milliards d'euros de
dette supplémentaire, qui sont la contrepartie d'un investissement
porteur d'avenir et représentent
0,6 point de PIB
. La dette des
administrations publiques ayant été estimée, dans le
rapport économique et social joint au projet de loi de finances pour
2003, à 58,8 % du PIB pour 2003, elle devrait donc être
portée à 59,4 % du PIB.
2. Contraintes externes : les obligations communautaires
Les
contraintes communautaires ne sont pas d'ordre budgétaire. En effet,
les dépenses d'investissement d'un Etat ne sont pas
comptabilisées dans le déficit au sens de Maastricht
. Un
réinvestissement dans France Télécom prélevé
sur le budget général n'aurait donc pas eu d'incidence sur le
déficit « maastrichtien » et donc sur le respect ou
non par la France du Pacte de stabilité.
Les contraintes communautaires qui ont contribué à la
décision gouvernementale de recourir à une recapitalisation par
le biais d'un établissement public tiennent aux règles
communautaires en matière de concurrence. Ce sont
précisément les
articles 87 et 88 du Traité
instituant la Communauté européenne qui encadrent les aides
d'Etat.
L'article 87 du Traité dispose ainsi que « sauf
dérogations prévues dans le présent traité, sont
incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles
affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées
par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit
qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions. » Cette règle ne souffre
d'exception que lorsque l'aide peut être considérée comme
résultant du comportement d'un « investisseur
avisé ».
L'article 88 prévoit la procédure d'examen par la Commission de
la conformité à cet article 87 des régimes d'aides
existant dans les Etats membres. Il pose notamment l'obligation pour tout Etat
membre d'informer la Commission de tout projet tendant à instituer une
aide.
Le gouvernement français a respecté cette obligation en
informant la Commission
de son projet dès le 3 décembre 2002.
Le choix de confier à un établissement public la participation de
l'Etat au capital de France Télécom et à l'augmentation
prévue de ce capital présente en outre toutes les
garanties de
transparence, ce transfert autorisant une séparation comptable
très claire de toutes les opérations entre France
Télécom et son actionnaire public et permettant un suivi dans le
temps de cette opération patrimoniale pour l'Etat.
La décision de la Commission d'ouvrir le 30 janvier 2003 une
procédure au titre de l'article 88 vise à vérifier la
conformité à l'article 87 du plan d'action
13(
*
)
élaboré par France
Télécom et reposant sur le soutien de son actionnaire
majoritaire. A cet égard, votre rapporteur souligne que
la
participation de l'Etat au renforcement de France Télécom
relève d'une attitude similaire à celle d'un investisseur
privé qui aurait été également amené
à apporter des capitaux d'un montant équivalent, eu égard
aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles de
l'entreprise à la date de cet apport en capital.
B. LE CHOIX DE L'ERAP, OUTIL AU SERVICE D'UNE MEILLEURE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES PUBLIQUES
1. L'ERAP : un outil d'intervention efficace de l'Etat dans les entreprises industrielles
Le choix
de l'ERAP ne doit rien au hasard. Son statut d'établissement public
industriel et commercial (EPIC), la transparence de son mode de gestion et sa
capacité financière -assortie de la garantie de l'Etat- en font
aujourd'hui pour l'Etat actionnaire un instrument efficace d'intervention, dans
la durée, dans des entreprises industrielles. Au 31 décembre
2002, l'ERAP est une structure sans endettement, qui dispose d'une
trésorerie de près de 50 millions d'euros. Ses comptes,
établis selon les normes françaises, sont soumis au
contrôle et à la certification de deux commissaires aux
comptes
14(
*
)
.
L'ERAP a déjà une longue pratique des participations de l'Etat
dans les entreprises, puisque cet établissement a porté et
géré, depuis sa création jusqu'en 1996, le capital
détenu par l'Etat dans le groupe Elf, puis des participations de l'Etat
dans des entreprises du secteur nucléaire comme la Cogema.
L'ERAP a donc accompagné la naissance de la marque Elf et était
toujours actionnaire majoritaire en 1984, quand Elf Aquitaine est devenue la
première entreprise de France. A partir de 1994, conformément
à la décision du gouvernement, l'ERAP a cédé
progressivement ses actions du groupe Elf pour en sortir définitivement
en 1996. Sur cette période de 30 ans, l'ERAP aura fait remonter à
l'Etat plus de 60 milliards de francs de plus values nettes.
L'ERAP est également intervenu à la demande de l'Etat pour
accompagner la réorganisation industrielle de la Société
Le Nickel, acteur essentiel de l'activité de la
Nouvelle-Calédonie et acteur mondial majeur sur le marché de ce
métal stratégique. Entré dans la société Le
Nickel par le rachat des parts qu'y détenait le groupe Imétal en
1990, l'ERAP a recapitalisé et restructuré cette entreprise, en
devenant actionnaire majoritaire du groupe Eramet. L'ERAP a accompagné
le développement du groupe Eramet sur de nouveaux métiers,
jusqu'à sa privatisation en 1999.
A cette date, l'ERAP a favorisé la mise en oeuvre des
« accords de Bercy » qui rééquilibrent au
profit des provinces calédoniennes le produit des richesses
minières de l'île. Il a alors cédé une partie de ses
actions dans Eramet à la SCTPI créée entre les provinces
et apporté le reste de sa participation à Cogema.
Depuis la restructuration du secteur nucléaire français en
septembre 2001, à laquelle il a participé, l'ERAP détient
3,2 % d'Areva, qui regroupe désormais les anciennes
activités de la Cogema, de Framatome et de CEA-Industrie. C'est
aujourd'hui l'unique (et petite
15(
*
)
)
participation dont l'ERAP ait la charge.
Cet historique atteste de l'expérience de l'ERAP en matière
d'actionnariat public.
2. Le mécanisme envisagé
Il est
prévu que l'ERAP se voie transférer l'intégralité
de la participation de l'Etat dans France Télécom et s'endette
auprès des marchés financiers pour financer la part de l'Etat
dans le renforcement des fonds propres de l'entreprise.
L'avance d'actionnaires que l'Etat avait proposée à France
Télécom aux conditions de marché aurait été
financée, si le besoin d'y recourir était apparu, par un emprunt
de l'établissement public auprès de la Caisse des
dépôts et consignations. Celle-ci devait ouvrir une ligne de
financement à court terme, mobilisable sous un délai de
48 heures, d'un montant maximal de 9 milliards d'euros,
d'échéance le 1er mars 2003, à un taux
d'intérêt correspondant à l'EONIA augmenté d'une
marge applicable de 0,1 % l'an. Cette avance aurait été
convertible en titres France Télécom lors du futur renforcement
des fonds propres de l'opérateur historique. Elle n'a, en fait, pas
été demandée par l'entreprise.
Désormais, fort des notations que viennent de lui accorder les agences
de « rating », l'ERAP peut émettre un ou plusieurs
emprunts obligataires, bénéficiant de la garantie explicite de
l'Etat. Cet emprunt sera remboursé en temps voulu par l'ERAP à
l'aide de ses moyens propres, des dividendes perçus sur les titres
France Télécom et, surtout, par la revente progressive des titres
de l'entreprise que l'ERAP aura acquis grâce à ces emprunts.
3. L'ERAP, antichambre de l'Agence des participations de l'Etat
Le
transfert à l'ERAP de la part de l'Etat au capital de France
Télécom (parmi d'autres) peut être interprété
comme une première application des recommandations de MM. René
Barbier de La Serre, Jacques-Henri David, Alain Joly et Philippe Rouvillois
exprimées dans le rapport sur « L'Etat actionnaire et le
gouvernement des entreprises publiques » qu'ils ont remis à M.
Francis Mer, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
à la fin du mois de février 2003.
Les auteurs de ce rapport préconisent une clarification des
différentes fonctions qu'exerce l'Etat envers les entreprises publiques
et, notamment, une identification claire de sa fonction d'actionnaire. Cette
identification implique une organisation et des procédures distinctes.
Sur la base des recommandations du rapport, M. Francis Mer a annoncé
lundi 3 mars 2003 sa décision de créer une « Agence des
participations de l'Etat » chargée d'exercer les missions de
l'Etat actionnaire.
Cette agence, qui sera totalement opérationnelle début 2004, a
vocation à assurer toutes les responsabilités d'un actionnaire
vis-à-vis de l'ensemble des entreprises dans lesquelles l'Etat
détient une participation. Interlocuteur unique des dirigeants des
entreprises, l'Agence validera et suivra la mise en oeuvre de la
stratégie des entreprises, contrôlera les risques et la
qualité de gestion, recherchera la valorisation du patrimoine de l'Etat.
Elle rendra des comptes au ministre et informera le Parlement de la situation
du secteur public et de chacune des entreprises concernées.
Placée sous l'autorité du ministre et rattachée au
directeur du Trésor, l'Agence disposera d'une équipe d'une
cinquantaine de personnes issues de l'administration et du monde de
l'entreprise. Elle s'appuiera sur un conseil d'orientation composé de
personnalités reconnues du monde de l'entreprise et des
représentants des autres ministères. Son rôle sera
notamment de fixer les règles de gouvernement des entreprises et les
conditions de délégation et d'information de l'actionnaire.
Votre rapporteur se félicite de ce projet, qui entend donner à
l'Etat tous les moyens d'exercer son rôle d'actionnaire dans les
meilleures conditions
: l'Agence devrait lui permettre de s'appuyer
sur des compétences renforcées, des règles de
fonctionnement plus claires, et une transparence accrue, autant d'outils au
service d'une meilleure gouvernance des entreprises publiques. Votre rapporteur
souhaite notamment
que le rôle d'actionnaire majoritaire de France
Télécom soit désormais assumé par l'Etat avec le
plus grand professionnalisme et la plus grande vigilance
.
II. LE RECOURS À L'ERAP NE MODIFIE EN RIEN LE STATUT DE FRANCE TÉLÉCOM
A. FRANCE TÉLÉCOM DEMEURE UNE SOCIÉTÉ A CAPITAUX MAJORITAIREMENT PUBLICS...
Votre
rapporteur souhaite insister sur la nature technique du texte. La portée
politique de ce projet de loi est en effet extrêmement réduite,
puisqu'il ne vise qu'à adapter les modalités de l'exercice, par
l'Etat, de son rôle d'actionnaire majoritaire. Mais le statut de France
Télécom reste bien identique : une société
anonyme à capitaux majoritairement détenus par l'Etat.
Or la majorité d'Etat au capital de France Télécom
est
le socle constitutionnel sur lequel s'appuie le maintien du statut de
fonctionnaire des quelque 112.000 salariés
du groupe qui y sont
assujettis (soit plus des trois quarts des effectifs en France)
16(
*
)
.
Que cette majorité soit détenue de
manière directe ou indirecte est en revanche sans importance, selon
l'avis rendu en 1993 par le Conseil d'Etat.
En effet, saisi par le Gouvernement de la question de savoir s'il était
constitutionnellement possible de placer des corps de fonctionnaires de l'Etat
auprès d'une société anonyme, le Conseil d'Etat avait,
dans son avis du 18 novembre 1993, répondu par l'affirmative
en indiquant que, dans ce cas, il serait nécessaire que la loi qui
porterait création de la société anonyme France
Télécom :
«
- définisse les missions de service public
confiées à cette société et les fasse figurer dans
son objet social ;
« - prévoie que le capital de cette
société anonyme devra demeurer majoritairement détenu, de
manière directe ou indirecte, par l'Etat, responsable en dernier ressort
du bon fonctionnement de ce service public national. »
Le statut du personnel de France Télécom n'est donc en rien
affecté par le présent projet de loi.
B. ET LE RESTERA TANT QUE LE PARLEMENT N'EN AURA PAS DÉCIDÉ AUTREMENT
Le
caractère majoritairement public du capital de France
Télécom a des avantages conjoncturels, l'Etat étant un
pôle de stabilité dans un environnement boursier chahuté,
garant de l'indépendance de l'entreprise, socle sur lequel s'appuie le
statut public du personnel. Il pourrait même présenter des atouts
structurels : pôle d'impulsion -plus potentiel
qu'avéré ces dernières années- pour une politique
ambitieuse des télécommunications.
Toutefois, il ne fait pas de doute que l'appartenance au secteur public
présente des inconvénients, pour l'opérateur (acquisition
en cash d'Orange contribuant à alourdir l'endettement,
« silence » de France Télécom sur le prix
exorbitant un temps exigé par l'Etat pour les licences UMTS
-5 milliards d'euros-, impossibilité d'une participation à
de grands regroupements sectoriels toujours possibles), mais aussi pour ses
concurrents, l'Etat étant en quelque sorte juge et partie du jeu
concurrentiel.
L'avenir du groupe exigera peut-être que la question de la place de
l'Etat au capital soit posée. Par exemple, le jour où les
marchés financiers seront revenus à des niveaux de valorisation
plus corrects, cette présence pourrait devenir un obstacle à la
réalisation d'un projet stratégique tel qu'une acquisition
d'envergure, réalisée par échange de papier. Ce jour
là,
si la réalisation d'un grand projet d'entreprise en
était facilitée, il faudra peut être envisager une
évolution, comme l'a suggéré le Ministre de l'Economie
lui-même
.
Dans ce cas, en tout état de cause, l'ensemble de la Nation -Parlement,
salariés, acteurs économiques et politiques- aura à en
débattre. De toute façon précédée d'un
dialogue social,
une loi devrait nécessairement intervenir
et,
comme le préconisait notre collègue Gérard
Larcher
17(
*
)
, elle devrait prévoir trois
conditions impératives :
- respect des exigences constitutionnelles relatives au service public;
- maintien d'une influence significative de l'Etat pour les grandes
orientations stratégiques ;
- enfin, poursuite d'un véritable projet social, incluant le
respect de la parole donnée aux personnels sous statut public en 1996
-maintien du statut, et en particulier des droits à pension-.
*
Lors de sa réunion du 20 mars 2003, la Commission des Affaires économiques a adopté l'article unique du projet de loi sans modification.
ANNEXE I -
RECETTES QUE L'ÉTAT A TIRÉES
DE FRANCE
TÉLÉCOM DEPUIS 1997
A
l'heure où s'annonce une recapitalisation de France
Télécom par l'Etat à hauteur de 9 milliards d'euros, il
peut être utile de rappeler que l'Etat a retiré une manne de 14
milliards d'euros de France Télécom depuis la loi de
sociétisation de 1996, au titre des recettes de cession de
participations et au titre des dividendes.
I - RECETTES DE SOCIÉTISATION : 12 MILLIARDS D'EUROS
Au total, depuis 1997, les recettes figurant au budget de l'Etat, et plus
précisément au compte d'affectation spéciale n°
902-24, intitulé « compte d'affectation des produits de cession de
titres, parts et droits de sociétés » au titre des
opérations de cessions de capital de France Télécom,
s'élèvent à 12,3 milliards d'euros
18(
*
)
, comme le détaille le tableau ci-après :
RECETTES DE PRIVATISATION DE FRANCE TÉLÉCOM
ENCAISSÉES PAR L'ETAT (EN MILLIONS D'EUROS)
|
Recettes brutes
|
Recettes nettes
|
1997 |
6 532 |
6 271 |
1998 |
5 469 |
5 281 |
1999 |
166 |
166 |
2000 |
89 |
85 |
2001 |
119 |
119 |
TOTAL |
12 375 |
11 922 |
Source
: Rapport d'information de M.
Gérard
Larcher, « France Télécom : pour un avenir
ouvert », avril 2002 (rapport du Sénat n° 274
2001-2002), à partir de chiffres du Trésor.
II - RECETTES D'ACTIONNAIRE : 2 MILLIARDS D'EUROS
A ces produits de cession, s'ajoutent les dividendes annuellement perçus
par l'État en tant qu'actionnaire de l'entreprise :
- 743 millions d'euros en 1998 ;
- 647 millions d'euros en 1999 ;
- 645 millions d'euros en 2000 ;
- au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001,
l'Assemblée Générale des actionnaires du 28 mai 2002 a
décidé de distribuer un dividende
19(
*
)
de 1 € par action, payable en numéraire
ou en actions France Télécom S.A. au choix de l'actionnaire.
L'Etat, détenant 55,4 % du capital à cette date, a choisi le
paiement en actions.
NB
: on pourrait aussi évoquer la soulte versée
pour le paiement des pensions des agents de France Télécom. Dans
le cadre du passage au système de contribution libératoire, la
loi du 2 juillet 1990 modifiée a imposé à France
Télécom de verser une contribution forfaitaire exceptionnelle de
5,72 milliards d'euros à l'Etat en 1997.
ANNEXE II -
EXTRAITS DU TRAITÉ INSTITUANT
LA
COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE :
LES AIDES ACCORDÉES
PAR LES ÉTATS
Article 87
1. Sauf dérogations prévues par le présent traité,
sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles
affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées
par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit
qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions.
Article 88
1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen
permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose
à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement
progressif ou le fonctionnement du marché commun.
2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de
présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide
accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas
compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87, ou que
cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que
l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le
délai qu'elle détermine.
Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cette décision dans le
délai imparti, la Commission ou tout autre Etat intéressé
peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles
226 et 227.
Sur demande d'un Etat membre, le Conseil, statuant à l'unanimité,
peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet
Etat, doit être considérée comme compatible avec le
marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ou
des règlements prévus à l'article 89, si des circonstances
exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à
l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure
prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande
de l'Etat intéressé adressée au Conseil aura pour effet de
suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du
Conseil.
Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois
mois à compter de la demande, la Commission statue.
3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses
observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des
aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché
commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la
procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat
membre intéressé ne peut mettre à exécution les
mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à
une décision finale.
1
Pour plus de détails, voir les
pages
20 à 23 du rapport pour avis n°70-tome XXI- 2002-2003 de M. Pierre
Hérisson, sénateur, au nom de la Commission des Affaires
économiques sur le projet de loi de finances pour 2003.
2
Aux termes de l'article L. 225-248 du code de commerce,
France Télécom doit rétablir le montant de ses capitaux
propres à un niveau au moins égal à la moitié de
son capital social avant la clôture du deuxième exercice suivant
celui où ont été constatées les pertes ayant
conduit les capitaux propres en-dessous de ce niveau.
3
Au 9 juillet 2002, l'Etat détenait 56,57 % du capital
de France Télécom. S'y ajoutent 8,27 % de capital détenus
en autocontrôle.
4
Pour plus de détails, voir annexe I.
5
Flux de trésorerie provenant de l'exploitation, nets des
flux de trésorerie affectés aux investissements, y compris
produits de cessions de titres de participation et de filiales, nets de la
trésorerie cédée.
6
L'intégrité du groupe étant
préservée.
7
Résultat net part du Groupe négatif de 20,7
milliards d'euros pour 2002 en raison de provisions et amortissements
exceptionnels, à mettre en rapport avec les 24,6 milliards d'euros de
pertes pour 2002 annoncées par Deutsche Telekom, les 9,5 milliards
d'euros de perte nette accusée en 2002 par KPN et les 3,6 milliards
d'euros de perte nette de l'opérateur TeliaSonera.
8
Résultat d'exploitation avant amortissement des
immobilisations et des écarts actuariels du plan de congés de fin
de carrière, moins investissements corporels et incorporels hors
licences.
9
parue au
JO
n° 304 du 31 décembre 2002
.
10
D'ailleurs, le 11 mars 2003, les agences de notation Standard and
Poor's, Moody's et Fitch ont attribué chacune une note maximale à
l'ERAP.
11
Le Monde du 3 décembre 2002.
12
Cette solution n'a rien en commun avec la structure de
défaisance à laquelle avait eu recours l'Etat dans le cas du
Crédit Lyonnais et qui réunissait des actifs
« pourris » en face d'une dette, à charge pour
l'Etat de combler le flux annuel à débourser pour financer la
dette.
13
Ainsi que du régime particulier de taxe professionnelle
qui s'est appliqué à France Télécom du fait de son
statut historique.
14
Coopers-Lybrand Audit et Ernst & Young Audit.
15
Inscrite à la valeur comptable de 236 millions d'euros.
16
Exactement 112.400 personnes sur 146.800, soit 76,56 %.
17
Rapport d'information du Sénat n° 274 2001-2002
de M. Gérard Larcher, au nom de la Commission des Affaires
économiques et du Groupe d'études « Poste et
télécommunications » : « France
Télécom : pour un avenir ouvert ».
18
Cette somme équivaut à plus d'un quart du produit
de l'impôt sur le revenu en année pleine, ou encore, à
près d'un tiers du rendement annuel de l'impôt sur les
sociétés.
19
Dividende d'une valeur totale de 1.074.654.829
euros.