3. Le phosphore
Le phosphore est utilisé dans les engrais agricoles (c'est avec l'azote le deuxième facteur limitant qui conditionne la croissance des plantes) et dans l'industrie chimique, mais il est surtout utilisé dans les lessives où un de ses dérivés constitue un adoucisseur d'eau qui facilite le lavage. Il est à ce titre massivement présent dans les eaux usées d'origine urbaine. Malgré sa diminution notable dans les lessives, le phosphore reste utilisé. Peu de sociétés ont respecté l'engagement professionnel de limiter la proportion de phosphore à 20 %. On compte environ 70.000 tonnes de rejets de phosphore par an, dont 51 % d'origine urbaine. A proximité des grands centres urbains, cette part peut aller jusqu'à 95 %.
Tandis que le phosphore d'origine agricole reste dans le sol et dans la plante, le phosphore d'origine domestique se trouve directement dans les eaux usées qui agissent alors en vecteur de pollution.
Le phosphore, naturellement peu présent dans l'eau, cesse d'être un facteur limitant et, au contraire, favorise la prolifération algale qui est l'un des principaux signes de l'eutrophisation des eaux. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les eaux stagnantes (38 ( * )). L'eutrophisation engendre de nombreuses conséquences négatives pour l'homme avec, d'une part, la diminution des usages des plans d'eau (pêche, loisirs), et d'autre part, une diminution de l'efficacité des traitements d'eau potable liée à la multiplication des matières en suspension et à la transformation des caractéristiques de l'eau (acidité, odeurs, goût).
C'est pourquoi les fabricants de lessives s'étaient engagés, en 1990, à créer au moins une lessive sans phosphates par marque et à réduire la teneur des nouveaux produits à un maximum de 20 % de phosphates. Tous les consommateurs avertis peuvent voir que certaines marques commerciales ne respectent pas cet engagement.
L'attention portée aux nitrates et la diminution des phosphates dans les lessives ont fait oublier que le risque phosphates n'est pas écarté. Même moins nombreuses qu'avant, des quantités de phosphates continuent de se déverser dans les rivières. Très peu d'usines de traitement des eaux usées possèdent des installations de déphosphatation et plusieurs experts craignent que l'eutrophisation ne perdure.
4. Les micropolluants d'origine domestique
Les micropolluants d'origine domestique recouvrent une large gamme de molécules chimiques utilisées dans la vie quotidienne : additifs, enzymes utilisés dans les lessives, solvants, plastifiants que l'on retrouve dans les combustions, produits cosmétiques, médicaments... La plupart de ces molécules sont éliminées ou véhiculées dans l'eau, par lavage, ou dans les urines. Elles sont parfaitement connues, mais jusqu'à ces dernières années n'étaient pas mesurées, la recherche de molécules de quelques nanogrammes (milliardièmes de grammes) étant très délicate.
Mais quand l'infiniment petit est multiplié par des millions de personnes, il devient un problème. On rappellera que l'Europe consomme 10.000 tonnes d'antibiotiques, répartis pour moitié entre la consommation humaine et l'usage vétérinaire, 2.500 tonnes d'analgésiques... qui, un jour ou l'autre, se retrouvent dans les eaux.
A quel niveau et dans quelles proportions ? Il n'y a pratiquement pas d'étude en France, mais les études aux Etats-Unis ont montré que les cours d'eau étaient contaminés par des dizaines de molécules issues, par ordre d'importance décroissante, de métabolites des détergents, de stéroïdes utilisés dans l'alimentation du bétail, de plastifiants ainsi que, dans une moindre mesure, de médicaments, d'hormones reproductives, etc... (39 ( * ))
La qualité des cours d'eau est donc bien très directement influencée par la vie sociale et les nouvelles habitudes de consommation.
Ces contaminations suscitent des inquiétudes croissantes sur la santé humaine (voir 2 ème partie). L'inquiétude vient du cumul de molécules. Certaines de leurs caractéristiques, notamment le fait qu'elles soient peu biodégradables, qu'elles soient bioaccumulables (elles s'accumulent dans l'organisme), qu'elles soient toxiques, et encore très peu traitées dans les stations d'épuration ont permis d'ores et déjà de mettre en évidence des impacts négatifs sur la faune.
Source : Professeur Yves LEVI - Audition OPECST
PCB : polychlorobiphényles -plus connus sous le nom de pyralène, utilisés comme fluide dans les transformateurs électriques, ou dans les peintures et les solvants.
Organochlorés : famille de pesticides, à base de chlore, surtout utilisés comme insecticides.
TBT : tributhyletain biocide puissant qui entre dans la composition des peintures navales, qui empêche la formation d'algues.
Pour en savoir plus sur cette partie, voir aussi les annexes suivantes consultables à l'adresse ( http://www.senat.fr/rap/l02-215-2/l02-215-2.html ) :
Annexe 33 - Les réseaux de mesures de qualité de l'eau superficielle
Annexe 34- Les objectifs de la directive cadre européenne concernant les eaux de surface
Annexe 34 bis - La contamination du Lot par le cadmium
Annexe 35- Réglementation et mesure des pollutions industrielles dans l'eau de surface
Annexe 36 - Principaux rejets industriels dans les eaux
Annexe 37- La dépollution des mines de potasse d'Alsace
Annexe 38 - Le rôle du phosphore dans l'eutrophisation des eaux stagnantes
Annexe 39 - Les micropolluants dans les cours d'eau. L'exemple américain
* (38) Annexe 38 - Le rôle du phosphore dans l'eutrophisation des eaux stagnantes.
* (39) Annexe 39 - Les micropolluants dans les cours d'eau. L'exemple américain.