B. LE PROJET DE LOI : DES INCRIMINATIONS PRÉCISÉMENT DÉFINIES QUI COMBLERONT UN VIDE JURIDIQUE
Le projet de loi déposé au mois d'avril 2002 tire les conséquences du vide juridique devant lequel se trouvent les juridictions françaises lorsqu'elles ont à juger de faits participant d'une activité de mercenaire.
Cette volonté de combler une lacune de notre législation trouve sa source, aux yeux du gouvernement actuel comme de son prédécesseur, dans la nécessité de ne pas rester impuissant face aux agissements de certains de nos ressortissants qui se situent en marge de tous les efforts de notre pays en faveur de la paix et de la stabilité internationale, voire s'y opposent directement, notamment dans des régions aussi gravement affaiblies que l'Afrique.
Pour autant, il importe de caractériser aussi précisément que possible les faits qu'il s'agira de réprimer . Le texte s'attaque au mercenariat en tant que facteur d'instabilité ou vecteur d'exactions et de violences avérées. Il entend bien éviter que ne soit donnée du mercenariat une définition trop extensive, qui pourrait mettre en cause des activités pleinement licites telles que l'assistance ou le conseil, dans un cadre officiel, à des armées étrangères.
La définition des faits incriminés constitue donc le coeur du projet de loi qui reprend sur ce point les six critères cumulatifs contenus dans le protocole I de 1977 additionnel aux conventions de Genève, à savoir : un recrutement opéré spécialement pour combattre dans un conflit armé, un avantage financier substantiel par rapport au combattant régulier, la participation directe aux combats, une nationalité autre que celle des parties au conflit, la non-appartenance à leurs forces armées et l'absence de mission confiée par un État tiers en tant que membre des forces armées dudit État.
L'importance de ces six critères cumulatifs justifie que la France n'envisage pas de signer la convention de 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, qui omet l'exigence d'une participation directe aux combats, omission d'autant plus gênante que les règles de compétence juridictionnelle universelle établies par cette convention élargissent considérablement le champ des juridictions qui pourraient être appelées à statuer sur des faits de mercenariat.
S'il se démarque, en ce qui concerne la définition du mercenariat, de la convention de 1989, le projet de loi retient cependant certaines situations spécifiquement visées par cette dernière, comme les atteintes aux institutions ou à l'intégrité territoriale d'un État, et en ne se limitant pas aux conflits armés internationaux ou aux guerres de libération nationale.
Au delà des sanctions à l'encontre des personnes convaincues de mercenariat, le projet de loi prévoit également des peines aggravées pour ceux qui les recrutent, les forment, les financent ou les équipent, ainsi que des sanctions à l'encontre des personnes morales impliquées dans de telles activités.
Enfin, comme il se devait pour des faits commis par nature à l'étranger, le projet de loi lève les conditions traditionnellement exigées pour engager des poursuites contre des délits intervenus hors de France . Il étend en outre la compétence des juridictions françaises aux ressortissants résidant traditionnellement sur notre territoire.