EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est invité à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux juges de proximité (n° 103, 2002-2003).
Ce texte, fortement inspiré du statut des magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et de grande instance 1 ( * ) tend principalement à déterminer les règles de recrutement, de nomination, de formation, d'incompatibilité, ainsi que le régime disciplinaire applicables à ces juges.
Ce volet statutaire complète le titre II de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice 2 ( * ) dont il conditionne l'entrée en application, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002.
La mise en place d'une justice de proximité plus rapide, plus efficace, plus accessible et l'arrivée échelonnée sur les cinq prochaines années de 3.300 juges de proximité 3 ( * ) concrétisent l'engagement pris par M. le Président de la République pendant la campagne présidentielle de redonner aux Français confiance en la justice de leur pays.
Saisi en premier lieu, le Sénat suivant les propositions de votre commission des Lois a pleinement souscrit à cet objectif . Il a en effet approuvé l'esprit et les modalités de cette réforme tout en y apportant quelques compléments. Les 2 et 3 octobre dernier, le Sénat a ainsi amendé l'article unique 4 ( * ) qui composait initialement le projet de loi organique et ajouté trois articles additionnels. Au total, il a adopté 21 amendements dont 15 modifications de fond.
Le 17 décembre 2002, l' Assemblée nationale a exprimé une position convergente moyennant quelques aménagements. Au terme d'une lecture dans chaque assemblée, trois articles demeurent encore en discussion , les députés en ayant adopté deux conformes .
Votre rapporteur se félicite des nombreux points d'accord entre les deux assemblées et souhaite aborder cette deuxième lecture dans le même esprit constructif qu'en première lecture. Il importe aujourd'hui de ne pas différer davantage la mise en oeuvre de cet important chantier et de permettre un aboutissement rapide de la démarche novatrice du Gouvernement.
Après avoir rappelé brièvement les travaux du Sénat en première lecture, votre commission évoquera les modifications apportées par l'Assemblée nationale, avant de présenter la position de votre commission des Lois.
I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT : UNE DÉFINITION DES RÈGLES STATUTAIRES ADAPTÉE AU PROFIL DES JUGES DE PROXIMITÉ
Les travaux du Sénat en première lecture ont permis de rechercher une définition des règles relatives au statut des juges de proximité adaptées aux « capacités » susceptibles d'être attendues de la part de ces magistrats et à la nature particulière et originale de ces juridictions nouvelles.
En effet, votre rapporteur avait posé la question du profil de cette nouvelle catégorie de magistrat en faisant valoir que la capacité de remplir cette fonction nouvelle pouvait non seulement résulter d'une formation juridique stricto sensu mais également de l'expérience acquise par l'exercice prolongé de responsabilités.
Outre quelques modifications rédactionnelles , le Sénat a donc assoupli les modalités de recrutement des juges de proximité , tout en complétant les règles statutaires notamment en matière déontologique . Dans le souci pragmatique d'améliorer le fonctionnement de la justice, il a par ailleurs enrichi le texte de dispositions nouvelles relatives au statut des magistrats professionnels .
A. LA RECHERCHE DE CRITÈRES DE RECRUTEMENT PLUS CONFORMES À L'ESPRIT DE LA RÉFORME
Conformément aux orientations du rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, le Sénat a approuvé le principe selon lequel « il ne s'agira pas de juges de carrière, mais de personnes disposant d'une compétence ou d'une expérience professionnelle les qualifiant tout particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. »
Soucieux de recueillir des candidatures en nombre suffisant et de valoriser des qualités telles que l'expérience de la vie et le bon sens, votre rapporteur avait jugé opportun d'élargir le recrutement des juges de proximité 5 ( * ) . Lors des débats au Sénat, votre rapporteur avait affirmé sa conviction que « la capacité d'arbitrer les litiges de proximité peut résulter de l'expérience acquise tout autant que de la formation juridique » 6 ( * ) . Le Sénat a donc interprété la notion d'aptitude au sens large et a marqué le souci de ne pas évincer a priori des candidats susceptibles d'apporter une contribution précieuse à la justice de proximité.
Suivant la position de votre commission des Lois, le Sénat a adopté le dispositif initial relatif aux règles de recrutement des juges de proximité n°58-1270 du 22 décembre 1958 par l' article premier , tout en le complétant afin d' ouvrir plus largement l'accès aux fonctions de juge de proximité aux personnes ayant exercé pendant vingt-cinq ans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d' encadrement dans divers domaines (social, administratif, économique ou juridique) ; aux anciens fonctionnaires de catégorie A ; aux conciliateurs de justice et aux assesseurs des tribunaux pour enfants 7 ( * ) .
Soucieux de recruter des candidats déjà expérimentés et faisant preuve d'une certaine maturité, le Sénat a par ailleurs jugé préférable de reporter de trente à trente-cinq ans l'âge minimal d'accès aux fonctions de juge de proximité s'agissant des candidats justifiant à la fois d'une formation juridique au moins égale à quatre années et d'une expérience en la matière d'une durée équivalente 8 ( * ) .
* 1 Défini au chapitre V quater de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958.
* 2 Ayant créé un nouvel échelon judiciaire autonome, défini ses règles d'organisation et son champ de compétence - en matière civile, il s'agit des actions personnelles mobilières engagées par les personnes physiques jusqu'à la valeur de 1.500 euros, des procédures d'injonction de payer et de faire ; en matière pénale, le juge de proximité est compétent pour le jugement des contraventions de police dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat et pour les mesures de composition pénale que lui déléguera le président du tribunal de grande instance-.
* 3 Représentant 330 emplois « équivalents temps plein ».
* 4 Tendant à insérer dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 un chapitre V quinquies relatif « aux juges de proximité » (articles 41-17 à 41-23).
* 5 Le dispositif initial limitait l'accès aux fonctions de juge de proximité aux anciens magistrats des ordres judiciaire et administratif et aux personnes ayant une qualification juridique ainsi qu'un minimum d'expérience professionnelle dans ce domaine.
* 6 Journal officiel des débats du Sénat - Séance publique du 2 octobre 2002 - p. 2587.
* 7 Sous réserve d'avoir cinq ans d'ancienneté.
* 8 Visées au 2° du texte proposé pour l'article 41-17 par l'article premier.