ANNEXE -
AUDITIONS DE LA COMMISSION
_____
Mme Michèle ALLIOT-MARIE
Ministre de la défense
Le mardi 22 octobre 2002
Mme Michèle Alliot-Marie
a tout d'abord
rappelé que le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 fixait
le cadre de la politique de défense pour les prochaines années,
dans la perspective de la réalisation du modèle d'armée
2015, défini par le Président de la République en 1996.
Elle a souligné l'effort de transformation considérable
effectué lors de la première période 1997-2002, avec la
professionnalisation des forces armées et la réduction de leurs
effectifs de près de 120 000 postes. Il s'agit là d'une
contribution sans précédent à la modernisation et à
la réforme de l'Etat.
La ministre de la défense a en revanche estimé que cette
première étape vers la réalisation du modèle avait
souffert d'une insuffisance en crédits d'équipements, puisque,
par rapport à l'enveloppe initialement prévue, leur
réduction avait représenté une annuité de
programmation. Cette situation a eu un impact négatif sur l'entretien et
la disponibilité des matériels.
Mme Michèle Alliot-Marie
a ensuite présenté
les trois priorités retenues par le projet de loi de programmation
militaire pour les années 2003-2008 :
- rétablir la disponibilité des équipements, dans le
prolongement du premier relèvement des crédits d'entretien
programmé des matériels réalisé, à hauteur
de 100 millions d'euros, par la loi de finances rectificative pour 2002
adoptée l'été dernier ;
- poursuivre la modernisation de nos forces, avec un accent tout particulier
sur l'effort de recherche et de développement, domaine dans lequel un
écart s'est malheureusement creusé avec le Royaume-Uni ;
- consolider la professionnalisation, par des mesures visant à garantir
l'attractivité des carrières militaires et à
fidéliser les personnels.
Elle a ensuite présenté les crédits d'équipement
prévus par ce projet de loi de programmation. L'annuité moyenne
des crédits d'équipement entre 2003 et 2008 sera portée
à 14,64 milliards d'euros en 2003, le total des crédits
d'équipement sur la période s'élevant à
88,87 milliards d'euros, soit une hausse de 5,5 milliards d'euros par
rapport au projet de loi de programmation militaire préparé par
le précédent gouvernement. Cet accroissement passera par deux
paliers importants, en 2003 puis en 2004.
Mme Michèle Alliot-Marie
a ensuite présenté
les crédits du ministère de la défense inscrits au projet
de loi de finances pour 2003, en rappelant « l'épreuve de
vérité » que constitue toujours le budget
réalisant « l'entrée » dans une nouvelle loi
de programmation.
Elle a estimé que ce projet de budget constituait, pour le
ministère de la défense, une triple rupture :
- il rompt avec la décroissance des crédits qui
caractérisait la période 1997-2002, puisqu'il augmentera de
7,5 % hors pensions, les moyens consacrés aux crédits
d'équipement augmentant, pour leur part, de 11,2 % par rapport
à 2002 ;
- il rompt avec la pratique antérieure consistant à imputer au
budget de la défense des dépenses sans lien avec les
armées, comme le financement du développement de la
Polynésie française ;
- enfin, il rompt avec une faiblesse de nos moyens incompatible avec les
engagements européens et internationaux de la France.
Le budget de la défense pour 2003 s'élève à 31,07
milliards d'euros, dont 13,64 milliards d'euros de crédits
d'équipements, 3,45 milliards d'euros pour le fonctionnement et 13,98
milliards d'euros pour les rémunérations et charges
sociales ; s'y ajoutent 8,89 milliards d'euros transférés
aux charges communes du budget de l'Etat pour les pensions. Ce budget permettra
de restaurer la capacité opérationnelle des armées. Ainsi,
l'entretien des matériels bénéficiera d'une enveloppe de
2,6 milliards d'euros, montant qui va au-delà de l'annuité
moyenne de 2,4 milliards d'euros prévue dans le projet de loi de
programmation militaire. Pour la première fois depuis 1997, la barre des
trois milliards d'euros d'autorisations de programme qui y sont
consacrés est franchie. Fortes de cet effort financier, les structures
d'entretien des matériels seront en mesure d'assurer un pilotage
renforcé de cet entretien.
Le renouvellement des matériels se traduira de manière
concrète. Le troisième avion de guet aérien Hawkeye sera
livré à la marine. L'armée de terre recevra 45 chars
Leclerc et ses deux premiers hélicoptères de combat Tigre. Le
parc de véhicules de la gendarmerie sera renouvelé à
hauteur de 3 000 véhicules et elle recevra
42 000 gilets pare-balles. L'armée de l'air recevra les
premiers lots de missiles de croisière Scalp et 962 millions
d'euros seront affectés au Rafale. La réalisation des
frégates anti-aériennes Horizon est dotée de
346 millions d'euros en vue d'une mise en service en 2006. Le
développement du missile M 51 bénéficiera de
561 millions d'euros. La construction des sous-marins nucléaires
lanceurs d'engins de nouvelle génération sera dotée de
302 millions d'euros. Sont également prévues, en 2003, la
commande de 59 Rafale et la rénovation de
55 AMX 10 RC et de 70 canons automoteurs pour
l'armée de terre.
Par-delà ces commandes, la préparation de l'avenir sera prise en
compte, grâce à un effort plus soutenu en matière de
recherche porté à 1,24 milliard d'euros, soit une hausse de
4,2 % par rapport à 2002.
Le fonds de consolidation de la professionnalisation sera créé en
2003 et sera doté, dès cette première année, de
11 millions d'euros consacrés aux recrutements dans des
spécialités critiques et de 8 millions d'euros
destinés à financer des mesures d'aide au logement des
personnels.
Des crédits supplémentaires de 36,8 millions d'euros ont
été affectés à l'instruction et à
l'entraînement des forces, les crédits dévolus à
l'activité des forces approchant le milliard d'euros.
Une mesure nouvelle de 40 millions d'euros soutiendra les actions
d'externalisation, qui permettent de recentrer les personnels militaires sur
leurs missions essentielles, même si elles ne se traduisent pas toujours
par des économies, notamment du fait de l'application de la TVA.
Les crédits consacrés à l'environnement professionnel
immédiat, comme au cadre de vie et de travail des militaires, font
l'objet d'un effort significatif. Il s'agit en particulier des dépenses
d'équipement individuel, d'infrastructure ou de munitions. Les
crédits qui y sont consacrés s'élèvent à
2,6 milliards d'euros, en hausse de 13 % par rapport à 2002.
Une enveloppe de 303 millions d'euros, soit 24 % d'augmentation par
rapport à la loi de finances pour 2002, permettra de résorber le
déficit chronique des loyers de gendarmerie ; elle s'ajoute aux
182 millions d'euros qui correspondent à la construction de
1 235 unités-logements.
Mme Michèle Alliot-Marie
a précisé à ce sujet qu'elle s'était
inquiétée de l'état des casernements de la gendarmerie,
certains logements n'offrant pas de conditions d'hébergement convenables
aux personnels et à leurs familles.
Les ajustements d'effectifs permettront d'améliorer les capacités
des armées à participer aux missions de sécurité
intérieure, ainsi qu'aux opérations extérieures. La
création de 1 200 postes et le dégel de 700 autres
au profit de la gendarmerie nationale permettront de se conformer, dès
2003, aux dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative
à la sécurité intérieure.
L'armée de terre bénéficiera, pour sa part, de la
création de 1 000 postes d'engagés. Ces effectifs
renforceront les unités d'infanterie et de renseignement, ainsi que les
unités spécialisées dans la protection contre la menace
nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.
Pour remédier à un sous-effectif chronique du service de
santé, 200 postes de militaires infirmiers et techniciens des
hôpitaux des armées seront créés et
20 élèves médecins supplémentaires seront
recrutés.
Un plan de reconnaissance professionnelle des personnels civils, centré
sur un renforcement de l'attractivité du ministère de la
défense, sera également mis en oeuvre grâce à un
abondement de 13,5 millions d'euros. Cet effort est à lui seul
supérieur au total des mesures prises en faveur du personnel civil dans
les budgets couvrant la période 1995-2001, qui ne représentait
que 11,2 millions d'euros.
De surcroît, des mesures d'action sociale en faveur des conditions de vie
du personnel civil et militaire seront engagées et financées
à hauteur de 4,4 millions d'euros, notamment pour la garde des
jeunes enfants.
Mme Michèle Alliot-Marie
a conclu en estimant que l'effort
considérable effectué en 2003 au profit du ministère de la
défense comportait en retour une exigence accrue de bonne gestion. Le
ministère poursuivra la modernisation de son mode de gestion. A titre
d'exemple, un système de dématérialisation des
procédures d'achat utilisant un portail Internet sera
opérationnel au début de l'année 2003 pour simplifier et
améliorer les relations avec les fournisseurs. Le contrôle de
gestion et l'amélioration des circuits administratifs seront
accentués. Le relèvement des crédits n'entraînera
aucun laxisme, bien au contraire, notamment quant aux exigences de prix, de
délais ou de maintien en condition des équipements attendues des
industriels.
Mme Michèle Alliot-Marie
a qualifié d'exceptionnel un
ministère où se rejoignent les plus hautes technologies de pointe
et une remarquable éthique de l'Etat. Elle s'est félicitée
du redressement de ses moyens dans un contexte international qui
démontre chaque jour que la sécurité n'est jamais acquise.
Puis un large débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis des crédits des forces
terrestres
, a salué l'effort considérable accompli par les
armées et qui a conduit à la réussite rapide de leur
professionnalisation. Abordant ensuite les priorités retenues par la
future loi de programmation militaire, il s'est félicité de
l'objectif d'une meilleure disponibilité des matériels,
conformément à une demande réitérée maintes
fois par la commission sénatoriale des affaires étrangères
et de la défense. Puis il a évoqué les conditions
d'exécution du budget en cours d'ici la fin 2002. Il s'est notamment
enquis des modalités de financement des OPEX, et a souhaité
s'assurer que le traditionnel collectif de fin d'année permettrait d'y
faire face. Il a par ailleurs relevé la différence
constatée en matière de financement des réserves
opérationnelles entre le projet de budget pour 2003 et la
première annuité de la future loi de programmation militaire
(LPM). Enfin, il a fait état des transferts financiers effectués
par le ministère de la défense au profit du BCRD (budget civil de
recherche et de développement), et a souhaité s'assurer qu'ils
seraient compensés par une ouverture équivalente de
crédits dans le collectif prévu pour la fin 2002.
M. Xavier de Villepin
s'est félicité des bonnes nouvelles
pour la défense française que venait d'annoncer le ministre. Il
s'est néanmoins inquiété de risques de gels et
d'annulations de crédits dans l'exécution des futurs budgets.
Evoquant le prochain sommet de l'OTAN à Prague, il a souhaité
connaître la position française vis-à-vis du projet
d'élargissement à de nouveaux pays et sur l'évolution des
missions de l'Organisation. Il a également déploré
l'immobilisme qui semblait affecter actuellement la construction de l'Europe de
la défense. Il s'est inquiété de l'évolution des
commandes allemandes pour le futur avion de transport militaire A 400-M, et
s'est enquis du projet de vente de chars Leclerc à l'Arabie saoudite. Il
s'est enfin interrogé sur l'éventuelle imputation sur le budget
de la défense d'une possible recapitalisation par l'Etat du GIAT.
M. Didier Boulaud
a évoqué le modèle d'armée
2015 établi en 1994 et a estimé qu'il aurait été
souhaitable de le réviser à la lumière des derniers
développements internationaux. Evoquant l'avenir des entreprises GIAT et
DCN, il s'est enquis de leur possible recomposition au plan européen. Il
a également souhaité connaître les modalités de
financement des OPEX en 2003. Abordant le projet de force de réaction
rapide élaboré par l'OTAN, il s'est enquis de la position de la
France à ce propos. Enfin, il s'est inquiété de possibles
gels de crédits qui pourraient affecter le budget militaire dès
le 1
er
janvier 2003 et a fait valoir la nécessité
que ce budget soit « sanctuarisé ».
M. Guy Penne
a estimé que seule une forte coopération
européenne permettrait de rivaliser avec la puissance américaine
en matière de défense. A ce propos, il s'est ému des
projets d'acquisition par divers pays européens du futur avion de combat
américain JSF. Enfin, il a fait valoir l'opportunité que
constituerait la possibilité d'assurer, dans certains cas,
l'hébergement de gendarmes dans des logements HLM, ce qui constituerait
une bonne alternative à l'exiguïté de certaines casernes de
gendarmerie.
M. André Boyer
s'est félicité du projet de budget
pour 2003 qui comporte de nombreux éléments positifs pour la
marine nationale. Il s'est interrogé, à propos de DCN, sur les
modalités de compensation envisagée au paiement, par la Marine,
de la TVA à laquelle cette entreprise est désormais soumise. Il a
souhaité par ailleurs obtenir des informations sur la coopération
entre les différentes marines européennes dans le cadre de
l'opération « Héraklès » dans
l'océan indien.
M. Jean-Pierre Masseret
a souligné l'opportunité que
présenterait l'élaboration d'un Livre blanc européen pour
relancer l'Europe de la défense, et prendre pleinement en compte la
menace terroriste. Il a fait valoir ses interrogations sur l'adaptation
à cette menace des programmes décrits dans la future LPM et s'est
enquis des évolutions engagées dans ce domaine par les industries
d'armement. Abordant la comparaison souhaitée entre les capacités
militaires respectives de la France et de la Grande-Bretagne, il a recueilli
l'appréciation du ministre sur le constat fréquemment
porté d'une armée britannique performante bien que disposant
d'effectifs militaires moindres.
M. Louis Moinard
a souligné la nécessité d'une
attractivité accrue du métier militaire par la poursuite du
dispositif d'aide à la reconversion. Il a cité en exemple le
Centre militaire de formation, qui dans son département, dispense de
tels enseignements à près de 500 militaires par an, et a
souhaité y accueillir prochainement le ministre.
Mme Hélène Luc
a souligné le rôle essentiel
des personnels militaires dans la définition d'une défense
efficace ce qui justifiait des mesures favorisant l'attractivité du
métier militaire, notamment en matière de
rémunération pour favoriser les recrutements. Elle a fait valoir
la nécessaire concertation européenne dans le contexte
international très incertain découlant des
événements intervenus depuis le 11 septembre 2001. Elle a
enfin relevé la nécessaire création d'un service
militaro-civil, qui permettrait notamment de faire face aux conséquences
de catastrophes naturelles, ainsi que d'engager des actions humanitaires.
M. Christian de La Malène
s'est enquis des résultats
obtenus lors du récent déplacement du ministre à
Washington, et a souhaité savoir si la participation de la France serait
éventuellement sollicitée en cas d'attaque contre l'Irak.
M. Emmanuel Hamel
s'est inquiété de la diminution de
l'esprit de défense dans la population française, parfois
relayée par des déclarations inopportunes de certains hommes
politiques.
M. Jean-Guy Branger
a insisté sur le caractère très
encourageant des chiffres du budget de la défense, et ceci dès
l'adoption du collectif de l'été 2002. Il s'est interrogé
sur les modalités qui pourraient être retenues pour soutenir GIAT
et s'est également enquis des perspectives d'exportations de chars
Leclerc en Arabie Saoudite.
Mme Paulette Brisepierre
a salué les résultats
exceptionnels obtenus par les soldats français engagés dans un
contexte très difficile en Côte d'Ivoire et a souhaité un
renforcement de nos forces prépositionnées en Afrique.
M. André Dulait, président,
a souhaité
connaître le contenu des alternatives à l'acquisition patrimoniale
en matière de matériels militaires prévues par le projet
de loi de programmation militaire. Il s'est déclaré
préoccupé par l'évolution de la politique
européenne de sécurité et de défense, du fait de
son manque de dynamisme. Il a conclu en interrogeant le ministre sur les
effectifs et la mission de nos forces engagées en interposition en
Côte d'Ivoire.
En réponse à cet ensemble de questions,
Mme Michèle
Alliot-Marie, ministre de la défense
, a apporté les
précisions suivantes :
- la pérennité des crédits budgétaires
affectés au ministère de la défense est garantie par
l'engagement conjoint du Président de la République et du Premier
ministre en faveur de l'effort de défense. Une réflexion est par
ailleurs en cours pour que les investissements militaires ne soient plus pris
en compte dans la définition des dépenses publiques qui sert de
référence aux critères du Pacte européen de
stabilité ;
- le financement des OPEX était, jusqu'à cette année,
effectué en collectif de fin d'année. Ce système
s'appliquera encore à la fin 2002, mais un accord de principe a
été passé avec le ministère des finances pour
modifier ce mode de financement qui n'est pas satisfaisant : il a
été désormais décidé qu'à compter de
2003 le ministère de la défense disposerait d'une provision
financière initiale pour ces OPEX, provisions qui seraient
régularisées en fin d'année ; une mission commune de
réflexion entre les deux ministères va être lancée
pour déterminer le montant adéquat de cette provision ;
- le collectif de fin 2002 attribuera effectivement au budget de la
défense une somme équivalente à celle versée par
celui-ci au titre du BCRD ;
- la constitution de réserves opérationnelles est essentielle
à la mise en oeuvre satisfaisante de la professionnalisation, mais les
effectifs actuellement constatés, notamment dans le corps des
sous-officiers et surtout parmi les militaires du rang, sont largement
inférieurs aux besoins. La mise en place d'une réserve
opérationnelle dépasse les seuls enjeux financiers. L'un des
problèmes tient à la réticence de nombreuses entreprises,
y compris celles qui travaillent dans le secteur de la défense, de
libérer les salariés pour les périodes nécessaires.
Il convient également d'assurer une reconnaissance financière
à l'activité de réservistes. Une réflexion interne
est en cours, au ministère de la défense, sur cette question
générale des réserves ;
- l'Europe de la défense bénéficie toujours des
décisions prises lors du sommet de Saint-Malo, et nos partenaires
européens ont conscience de l'intérêt d'une capacité
européenne autonome par rapport à l'OTAN. La démarche
collective qui, dans le cadre du programme ECAP, a consisté à
analyser nos insuffisances capacitaires pour les combler à terme,
constitue un progrès significatif. Il reste, pour plusieurs de nos
partenaires, à mettre en accord les intentions politiques et les efforts
financiers, ce que la Grande-Bretagne et la France ont décidé de
faire. Il reste à trouver une traduction concrète à ces
réflexions : ce pourrait être par la relève prochaine
de la force civile en Bosnie Herzegovine ou celle des forces de l'OTAN en
Macédoine, relève qui achoppe actuellement sur l'opposition de la
Turquie aux modalités de coopération entre l'OTAN et l'Union
européenne décidées à « Berlin
plus » ;
- il semble probable que l'OTAN s'ouvrira à de nouveaux partenaires lors
du prochain sommet de Prague, ce qui porterait à 25 le nombre des pays
membres. Dans le cadre de l'évolution de l'Alliance, la France a fait
des propositions pour rendre plus cohérente la nouvelle structure de
l'Organisation. Nous sommes favorables à la constitution, par l'OTAN,
d'une force d'intervention rapide, notamment pour des missions humanitaires ou
de prévention de crises. Des problèmes restent à
résoudre, comme la prise en compte du niveau politique dans le
commandement de cette force et sur sa zone d'intervention
géographique ;
- s'agissant de l'A 400M, les autorités allemandes ont
réaffirmé qu'en dépit de leurs difficultés
financières elles maintiendraient des commandes à un niveau
permettant la réalisation effective du programme ;
- les éventuelles recapitalisations de DCN et de GIAT ne seront, en
toute hypothèse, pas imputées sur le budget de la défense.
S'agissant de DCN, cette entreprise doit être considérée
comme viable dans un contexte concurrentiel, à condition que des efforts
soient consentis, notamment pour nouer des partenariats étrangers ;
- la situation de GIAT mérite que soit enfin posé un vrai
diagnostic sur les capacités industrielles de cette entreprise, ce qui
permettra de la recentrer sur ses pôles d'excellence, et d'offrir ainsi
des perspectives cohérentes pour les personnels qui sont actuellement
inquiets et démobilisés. Là aussi, des partenariats
européens seront nécessaires ;
- il est en effet surprenant que plusieurs pays européens,
engagés dans un processus de constitution d'une défense
européenne autonome, mobilisent de très importants financements
pour commander un avion de combat américain, le JSF, qui n'en est qu'au
stade du développement ; il faut souligner la très forte
pression financière et diplomatique exercée sur ce point par les
Etats-Unis dans le but d'obtenir à terme un monopole dans le domaine des
avions de combat. Dans la situation actuelle, les appareils européens
que sont le Rafale et l'Eurofighter seront présents sur le marché
dans les quinze prochaines années. Il conviendra d'organiser des
coopérations entre industriels européens pour préparer
leur future relève ;
- les logements HLM sont déjà ponctuellement utilisés dans
des zones périurbaines pour le logement de certains gendarmes. Mais le
poids des astreintes rend néanmoins indispensable un logement en
caserne, qui apporte par ailleurs des garanties en matière de
sécurité pour les familles ;
- dans le cadre de l'opération Héraklès, la
coopération entre marines européennes n'a cependant pas permis la
mise en place d'une force maritime européenne ad hoc que la France
appelait de ses voeux ;
- le modèle d'armée 2015 intègre la menace terroriste, du
fait des attaques de ce type dont la France avait déjà
été victime, particulièrement dans les années 1985
et 1986 ; il n'est donc pas obsolète sur ce point. Par ailleurs, la
LPM à venir intégrera de nouvelles données dans ce
domaine, et notamment la nécessité de prévenir cette
menace par le renforcement des capacités de projection ainsi que de
renseignement, tant humain que matériel, grâce aux drones et au
renseignement satellitaire ;
- si l'armée britannique compte moins d'effectifs que l'armée
française, c'est que la Grande-Bretagne ne dispose pas de corps
spécifique de gendarmerie et que l'externationalisation y a
été très développée, notamment pour le
service de santé ;
- la politique de formation des hommes et de préparation à leur
reconversion, conduite par les armées, donne des résultats
très positifs. D'une manière générale,
l'armée tient un rôle aussi prépondérant que
méconnu en matière de promotion sociale, et ceci à tous
les niveaux ;
- la qualité des matériels, le suivi de leur entretien, la
sûreté apportée par leur emploi contribuent
considérablement au moral des armées. La
rémunération des militaires est encadrée par les
contraintes générales de la fonction publique, ce qui limite les
possibilités d'offrir des soldes attractives pour certaines
spécialités au regard des rémunérations offertes
par le secteur privé. Il faut donc saluer le sens du service et de
l'engagement qui conduit malgré cela chaque année de nombreux
jeunes à intégrer l'armée ;
- la dissuasion reste la base de la protection. La détention,
récemment révélée, par la Corée du Nord,
d'armes nucléaires, démontre à cet égard la
permanence du risque ;
- les éventuelles initiatives vis-à-vis de l'Irak font
actuellement l'objet d'intenses tractations diplomatiques, dans le cadre
desquelles la France plaide pour un mécanisme en deux temps. L'objectif
commun reste l'élimination des armes irakiennes de destruction massive.
Il faut souligner à cet égard le rôle déterminant
des précédentes inspections menées dans ce pays, jusqu'en
1998, sous l'égide des Nations unies qui ont permis de
détruire plus d'armes que les opérations militaires menées
en 1991 pendant la guerre du Golfe. Cependant, aucune option n'est à
exclure, sachant néanmoins que la guerre reste la pire des
solutions ;
- la décision de construire un second porte-avions français
figure dans la LPM, mais les modalités de propulsion de ce
bâtiment ne sont pas encore définies et font l'objet de
réflexions qui déboucheront après le vote de la loi. La
construction pourrait commencer en 2005, éventuellement en
coopération avec les britanniques, ce qui permettrait d'en
réduire le coût ;
- un service civil succédant à la conscription reste souhaitable,
mais se pose le problème de son encadrement qui, pour des questions
d'effectifs, ne pourrait pas être assuré par des militaires ;
- il existe un large éventail d'analyses au sein de la classe politique
américaine vis-à-vis de l'Irak. Les capacités militaires
des Etats-Unis leur permettent d'agir seuls partout dans le monde et ils se
sentent directement responsables des répliques aux attaques terroristes
qu'ils ont subies en septembre 2001. Leur réflexion les conduit
cependant à préférer agir dans le cadre d'une
coalition ;
- un récent sondage a souligné que l'opinion publique
française approuve, à 67 %, l'augmentation des
crédits de la défense dont elle perçoit, de manière
aiguë, la nécessité à la lumière des multiples
attaques terroristes qui se succèdent sur la planète. Il n'en
demeure pas moins nécessaire de renforcer le lien entre l'armée
et la nation ;
- s'agissant des alternatives possibles à l'acquisition patrimoniale de
matériels, diverses solutions sont envisageables, dont le leasing ou la
location, notamment pour les appareils de transport de troupes ; ces
solutions devront être mises en oeuvre en cas de déficit futur de
capacités dans ce domaine ;
- la France a envoyé en Côte d'Ivoire une force d'interposition de
500 hommes, dont la totalité sera déployée au mois de
novembre, et qui sera remplacée, à terme, par les troupes de
certains pays africains comme le Sénégal, le Mali, le Togo ou le
Ghana. La France apportera un soutien à ces futures troupes africaines
dans le cadre du dispositif RECAMP (renforcement des capacités
africaines de maintien de la paix).
*
* *
M. Yves GLEIZES
Délégué général
pour l'armement
Le mercredi 16 octobre 2002
M. Yves
Gleizes
a tout d'abord évoqué les programmes nationaux ayant
franchi récemment des étapes majeures en 2002, estimant leur
déroulement satisfaisant : les programmes frégates
multimissions, systèmes de drones MALE (moyenne altitude longue
endurance) et MCMM (multi capteurs multimissions), ainsi que missile de
croisière naval ont été lancés, les essais de
qualification du missile de croisière SCALP-EG ont commencé, le
dernier Mirage 2000D a été livré et une commande de 20
Rafale a été passée.
Le délégué général pour l'armement s'est
déclaré plus réservé sur le bilan des programmes en
coopération, qui apparaît contrasté : l'avion de
transport A400M et le missile d'interception Meteor attendent une
décision de l'Allemagne, et l'Espagne n'a pas encore annoncé son
choix quant à son entrée dans le programme
d'hélicoptère Tigre. En revanche, les échanges de
capacités avec l'Allemagne et l'Italie en matière d'observation
spatiale ont progressé de façon plus satisfaisante et des
perspectives s'ouvrent pour une participation italienne au programme de
frégates multimissions.
Tirant le bilan de l'exécution budgétaire des crédits
confiés à la DGA sur le titre V, le délégué
général a insisté sur le niveau très
élevé de consommation des crédits sur lequel la DGA a
réalisé des efforts particuliers au moyen, notamment, de
commandes globales. S'agissant de cette procédure qui concerne notamment
le missile balistique M51, il a évoqué les conséquences
financières d'une éventuelle indisponibilité des
autorisations de programme et la nécessité de les intégrer
dans le collectif budgétaire de fin d'année.
Le délégué général a rappelé par
ailleurs les efforts entrepris depuis 1997 pour réduire les coûts
des programmes et le coût d'intervention de la DGA. Il a ainsi
indiqué que le coût des programmes sur la période de la
dernière programmation avait fait l'objet d'économies à
hauteur de 9,6 milliards d'euros et que le coût d'intervention de la DGA
avait été réduit de 30 %, par le biais notamment
d'importantes réductions d'effectifs. Bien que désormais
entrée dans une phase de stabilisation, la DGA poursuit ses efforts de
modernisation.
M. Yves Gleizes
a ensuite abordé le concours de la DGA aux
différentes priorités établies par le projet de loi de
programmation militaire 2003-2008. Il a rappelé que le
rétablissement de la disponibilité des matériels
dépendait des ressources budgétaires affectées, mais aussi
de l'organisation des structures concourant au soutien, ainsi que des modes de
contractualisation, qui doivent viser à procurer une plus grande
flexibilité. Il a appelé sur ce sujet à une meilleure
répartition des rôles entre les acteurs étatiques et les
industriels.
S'agissant des programmes d'armement, il a indiqué que les moyens
prévus par le projet de loi de programmation permettraient de
réaliser le modèle 2015, et que la DGA poursuivrait
l'amélioration des méthodes d'acquisition, pour réduire
les coûts et les délais des programmes en visant notamment
à approfondir la phase de levée de risques, pour introduire
davantage de concurrence au niveau des maîtres d'oeuvre ou des
équipementiers, tout en renforçant les capacités
d'acheteur du ministère de la défense et en approfondissant les
réflexions relatives à des modes de financements innovants.
Il a en outre précisé les priorités retenues pour les
études en amont, dont le projet de loi de programmation prévoit
de restaurer progressivement les crédits, à hauteur du niveau
britannique.
Evoquant la construction de l'Europe de l'armement, le
délégué général a décrit l'engagement
de la DGA dans la montée en puissance de l'OCCAR et le comblement des
lacunes mises en lumière par le catalogue des capacités.
Dressant le tableau des évolutions récentes intervenues dans le
domaine de l'industrie de l'armement, M. Yves Gleizes a affirmé son
optimisme quant au processus de transformation de DCN en entreprise nationale
en 2003. Il a indiqué que les perspectives de commandes ouvertes par la
loi de programmation permettraient d'assurer à DCN une transition vers
un statut de véritable société dans des conditions
satisfaisantes.
M. Yves Gleizes
a relevé que les perspectives industrielles de
GIAT Industries étaient moins favorables et qu'en dépit de
l'effort accompli au titre du dernier plan stratégique,
économique et social, cette société ne semblait pas en
mesure de parvenir à l'équilibre comme escompté.
SNPE, pour sa part, se trouve dans une situation difficile à la suite de
l'explosion de l'usine AZF voisine qui, en entraînant l'arrêt d'un
certain nombre d'activités, a fragilisé sa branche chimie fine.
Avec le projet de formation de la société Héraklès
conjointement avec SNECMA, le délégué
général indique toutefois que l'avenir de la branche
matériaux énergétiques paraît bien assuré.
M. Yves Gleizes
a précisé que l'industrie
française, après une baisse des prises de commandes en 2001, a
connu quelques succès notables à l'export en 2002, malgré
un contexte de forte concurrence américaine.
Revenant sur les crédits de la DGA pour 2003,
M. Yves Gleizes
a
insisté sur la phase de stabilisation que doit désormais entamer
la Délégation générale, parvenue à un seuil
limite pour la réalisation de ses missions.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Xavier de Villepin
a souhaité obtenir des précisions
sur la question de la défense antimissile d'un point de vue
américain et français ; il s'est interrogé sur les
évolutions techniques affectant les programmes nucléaires. Il a
évoqué les difficultés rencontrées par le programme
A 400 M et s'est inquiété des perspectives du Rafale à
l'export. Il a enfin souhaité connaître les conséquences
pour la Marine de l'évolution engagée par DCN.
M. Serge Vinçon
a évoqué la nécessité
d'assouplir les procédures s'agissant de la disponibilité
opérationnelle des équipements ; il a précisé
l'intérêt de financements innovants pour combler des
déficits capacitaires, notamment concernant
l'aéromobilité. Il s'est inquiété des
conséquences de l'érosion des crédits de recherche
constatée en exécution de la précédente loi de
programmation militaire.
M. Robert Del Picchia
est revenu sur les difficultés de l'A 400 M
et sur les conséquences de l'Europe de l'armement sur les industriels
nationaux.
M. Jean-Pierre Masseret
a demandé des précisions sur les
délais de paiement de la DGA, sur son rôle de conseil sur les
évolutions éventuelles à apporter aux postures
stratégiques retenues par le Modèle 2015, du fait de
l'évolution du contexte international, ainsi que sur les
difficultés rencontrées par l'Europe de l'armement.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a souhaité obtenir des
précisions sur le devenir du site toulousain de la SNPE.
Mme Hélène Luc
s'est interrogée sur la philosophie
qui guidait nos exportations d'armement ainsi que sur l'avenir de DCN et de
GIAT.
M. André Boyer
s'est interrogé sur l'avenir de DCN et des
centres d'essais. Il a souhaité connaître les possibilités
de coopération extérieure dans le domaine de l'armement.
Evoquant le programme A 400 M,
M. André Dulait, président,
a souhaité savoir quelles étaient les solutions alternatives en
cas de différé ou d'échec du programme.
M. Yves Gleizes
a apporté les éléments de
réponse suivants :
- sur le devenir du programme A400M, il a indiqué que le lancement de ce
programme emblématique pour l'Europe de la défense était
suspendu à la décision de l'Allemagne et a souligné les
conséquences qu'aurait une éventuelle réduction du nombre
d'appareils commandés par ce pays ;
- sur la problématique de l'antimissile, il a indiqué que l'ASTER
constituait la réponse française pour la protection de forces
déployées. Il a précisé que les capacités
françaises de protection des forces devaient être
renforcées, notamment sur les moyens d'alerte avancée, qui
pourraient faire appel pour la détection à des satellites. Il a
regretté qu'une position européenne peine à se
dégager sur ces questions ;
- sur le nucléaire, il a indiqué que l'effort portait sur le
renouvellement des composantes de la force de dissuasion avec les
entrées en services à venir des SNLE n
os
3 et 4 ainsi
que du missile M51 ;
- sur les possibilités d'exportation du Rafale, il a indiqué que
les perspectives actuelles à court terme nécessitaient, de la
part de l'industriel, de nouveaux déploiements relativement
coûteux dans l'hypothèse de marchés portant sur un nombre
d'avions limité, ce qui conduisait à s'interroger sur leur
financement ;
- s'agissant de la consommation des crédits, il a indiqué que la
DGA avait mis en place une série de procédures pour garantir leur
consommation effective, y compris dans l'hypothèse où des
programmes subiraient des retards importants ;
- revenant sur la question des exportations d'armement,
M. Yves Gleizes
a rappelé qu'il s'agissait de décisions de nature essentiellement
politique que la DGA avait pour mission d'accompagner sur le plan
technique ;
- les relations entre DCN et Thales, à l'exception du cadre de la
société Armaris dédiée aux exportations, ne sont
pas encore définies et le cadre législatif dans lequel s'effectue
la réforme de DCN exclut toute prise de participation dans
l'immédiat. Par ailleurs, le changement de statut conduira à
l'application de la TVA sur les prestations fournies par DCN. Cela
nécessitera de trouver une solution pour aboutir à une
neutralisation de ses effets sur les crédits d'équipement ;
- en dépit de perspectives offertes par un programme comme le VBCI, il
est clair que le plan de charge prévisionnel de GIAT Industries ne
suffira pas à garantir la stabilisation du format de l'entreprise.
*
* *
Général Bernard THORETTE
Chef d'Etat-Major de
l'Armée de terre
Le mercredi 16 octobre 2002
Le
général Bernard Thorette
a tout d'abord rappelé que
l'armée de terre constituait un outil polyvalent au service de la
politique de sécurité de la France, fournissant en permanence 80%
des forces françaises engagées en opérations et offrant un
éventail très large de capacités, allant du combat
classique contre des forces blindées aux missions de soutien de la paix
ou de secours aux populations. Il a affirmé que son objectif
était d'amener à maturité, afin d'en faire une
armée véritablement « professionnelle »,
cette armée de terre qui vient de mener à bien une exceptionnelle
réorganisation.
Le
général Bernard Thorette
a ensuite
présenté les orientations définies, pour l'armée de
terre, par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 et qui
permettent, selon lui, de la replacer correctement sur le chemin du
modèle d'armée 2015 en réalisant un effort
équilibré au profit des ressources humaines, de
l'équipement et de l'entraînement.
S'agissant des effectifs militaires, l'armée de terre transformera en
trois ans 3.000 postes de volontaires en 2.500 postes d'engagés. Elle
accroîtra ses capacités dans les domaines de l'infanterie et des
forces spéciales, du renseignement, de la défense biologique et
chimique. Le projet de loi prévoit en outre un rattrapage de 749 postes
de personnels civils entre 2002 et 2008, mais les décisions de
non-renouvellement des départs en retraite conduisent à
s'interroger sur la possibilité de respecter cet objectif.
Un fonds de consolidation de la professionnalisation, prévu par le
projet de loi, devra permettre la pérennisation de l'effort de
recrutement et la fidélisation des personnels, alors que la condition
militaire appellera un suivi régulier, après les mesures
importantes engagées cette année.
Une dotation supplémentaire au profit des réserves, qui n'a pas
été pour le moment répartie entre armées, doit
favoriser la montée en puissance de la réserve
opérationnelle, dont l'effectif global prévu est de 28.000 hommes.
En ce qui concerne les équipements, l'armée de terre
mènera de front un double effort financier d'acquisition de
matériels nouveaux et de maintien en service ou de rénovation de
matériels anciens.
Le
général Bernard Thorette
a précisé qu'une
priorité serait maintenue au profit des programmes d'information et de
commandement qui confèrent déjà à l'armée de
terre française, en Europe, une avance importante au service de sa
capacité de commandement, notamment pour des opérations
multinationales.
Il a également évoqué trois autres efforts
principaux :
- la modernisation des unités de contact, notamment l'infanterie,
grâce à la rénovation des véhicules de transport de
troupes (VAB et AMX 10 P) et des chars légers (AMX 10 RC) et aux
premières livraisons des équipements FELIN pour les fantassins
à pied et du véhicule blindé de combat d'infanterie
(VBCI) ;
- l'évolution de l'artillerie et des missiles, afin de passer de feux
massifs de saturation à des feux de précision à distance
accrue ;
- la restauration d'une meilleure cohérence des forces destinées
au combat blindé de haute intensité, grâce à
l'achèvement du programme Leclerc et aux programmes d'accompagnement
concernant le déminage et le franchissement d'obstacles, la protection,
la mobilité des moyens logistiques et le dépannage.
Le chef d'Etat-major de l'armée de terre a ajouté à ce
sujet, au vu d'engagements récents, que l'emploi de moyens de haute
intensité permettait le maintien des crises à un bas niveau
d'intensité.
Abordant la capacité aéromobile, qui représentait il y a
quelques années un pôle d'excellence pour l'armée de terre
française, il a confirmé qu'il n'avait pas été
possible d'avancer de plusieurs années les livraisons
d'hélicoptères de transport NH 90, et que la valorisation d'une
partie du parc actuel serait entreprise pour préserver des
capacités minimales d'engagement.
Le projet de loi de programmation prévoit un doublement des dotations
destinées à l'entretien des hélicoptères, et une
progression d'un tiers de celles consacrées aux autres matériels,
ce qui devrait garantir un retour durable à une meilleure
disponibilité. Il retient également des objectifs quantitatifs
d'entraînement comparables à ceux de nos alliés, à
savoir 100 jours d'activité par an pour les forces projetables et 180
heures de vol par an pour les pilotes d'hélicoptères. L'effort
portera également sur la qualité des entraînements,
à l'image de l'exercice très réussi effectué en
Ukraine, au printemps dernier, par la 2ème brigade blindée.
Concluant sa présentation du projet de loi de programmation, le
général Bernard Thorette
a souligné que sans
éliminer certaines difficultés dans les domaines de
l'aéromobilité, du combat d'infanterie débarqué et
de la logistique, il permettrait de faire face aux exigences
opérationnelles du court terme, à condition bien entendu que les
annuités budgétaires successives s'y conforment rigoureusement.
Présentant ensuite les crédits de l'armée de terre dans le
projet de loi de finances pour 2003, il a précisé que les
effectifs militaires diminueraient de 609 postes, principalement en raison de
la transformation de postes de volontaires en postes d'engagés. Il a
toutefois escompté une meilleure réalisation globale de ces
effectifs militaires grâce à cette conversion. Il a en revanche
observé que la suppression de 178 postes de personnels civils, alors que
les restrictions à l'embauche sont maintenues, constituait le seul point
du prochain budget en décalage avec le projet de loi de programmation
militaire. Le sous-effectif en personnels civils conduit à placer sur
les postes vacants des militaires qui manquent alors aux forces.
Les crédits de rémunérations et de charges sociales
permettront de financer le plan d'amélioration de la condition
militaire, à hauteur de 46 millions d'euros, et les mesures relatives au
temps d'activités et d'obligations professionnelles des militaires
(TAOPM) pour 69 millions d'euros. Le redressement des crédits de
fonctionnement se traduira par une dotation supplémentaire de 19
millions d'euros pour la sous-traitance et par la réalisation de
l'objectif de 100 jours d'activités pour les unités, alors que le
nombre d'heures de vol des pilotes d'hélicoptères passera de 150
en 2002 à 160 l'an prochain.
En ce qui concerne le titre V, les crédits de paiement atteindront
2.620 millions d'euros, une dotation complémentaire de 190,5
millions d'euros devant être mise en place, en fin d'année, dans
le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2002. Les
crédits d'entretien programmé des matériels progresseront
de 12% et les livraisons concerneront 45 chars et 6 dépanneurs
Leclerc, les deux premiers hélicoptères de combat Tigre,
88 véhicules blindés légers (VBL), 679 obus
antichars à effet dirigé (ACED), 666 postes de radio de
dernière génération (PR4G), la rénovation de 285
véhicules de l'avant blindés (VAB) et de 55 chars
légers AMX 10 RC, l'acquisition de 20.000 gilets pare-balles.
Les autorisations de programme s'élèveront pour leur part
à 3.471 millions d'euros, une dotation de 190,5 millions d'euros
étant ici encore attendue dans le cadre du prochain projet de loi de
finances rectificative. Seront commandés, 88 VBL, 1.200 postes
radio PR 4G, 66 stations de commandement pour la numérisation
des unités, 70 canons de 155 mm valorisés,
15 systèmes de défense sol-air valorisés,
55 AMX 10 RC rénovés, 40.000 tenues de protection
NBC (nucléaire, biologique, chimique) et 20.000 gilets pare-balles. En
outre, le niveau des autorisations de programme rendra possible une commande
globale de 20 lanceurs et 480 missiles à fibre optique.
Le chef d'Etat-major de l'armée de terre a porté une
appréciation positive sur les moyens prévus par le projet de loi
de finances pour 2003, tout en soulignant la nécessité d'obtenir
effectivement en loi de finances rectificative pour 2002 la dotation
complémentaire de 190,5 millions d'euros à laquelle il s'est
référé ainsi que la prise en compte d'insuffisances de
l'ordre de 200 millions d'euros apparues lors de la gestion de l'exercice 2002,
et ce afin d'éviter tout report de charge qui obèrerait
l'entrée dans la période de programmation 2003-2008.
Il a conclu en estimant que sans rattraper les retards pris sur certains
programmes, le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 redonnait les
moyens d'atteindre le modèle d'armée 2015. Il a insisté
sur la nécessité de garantir, sur toute la durée de la
loi, le respect de son exécution, en vue de disposer d'une armée
professionnelle correctement équipée et entraînée,
vivant en phase avec la société.
A la suite de cet exposé,
M. Serge Vinçon, rapporteur pour
avis des crédits de l'armée de terre,
a interrogé le
chef d'Etat-major de l'armée de terre sur le niveau des effectifs,
notamment en ce qui concerne les volontaires, les personnels civils et les
personnels en opérations extérieures, sur les catégories
de personnels les plus concernées par le fonds de consolidation de la
professionnalisation, sur la pertinence d'une structure interarmées de
maintenance pour les matériels terrestres, sur le programme de missile
à fibre optique et sur les conséquences de notre affaiblissement
capacitaire en matière aéromobile.
M. Xavier de Villepin
a demandé des précisions sur
l'exécution budgétaire 2002, sur l'état d'esprit des
personnels, sur la possibilité de confier à GIAT-Industries des
opérations de maintenance au profit de l'armée de terre et sur
l'engagement des forces terrestres en Côte d'Ivoire.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est interrogé sur l'actualité du
modèle d'armée 2015, établi à partir du Livre blanc
de 1994, alors que des évolutions géopolitiques significatives
sont intervenues depuis lors. Il a évoqué les difficultés
de mise en oeuvre de l'Europe de la défense. Il a interrogé le
chef d'Etat-major de l'armée de terre sur la proposition
américaine de création d'une force de réaction rapide au
sein de l'OTAN, sur le devenir du programme de missile antichars Trigan et sur
l'implication des forces terrestres dans les missions de sécurité
intérieure.
M. Didier Boulaud
a souhaité connaître le taux de
disponibilité technique opérationnelle du char Leclerc et s'est
interrogé sur la cible retenue par le projet de loi de programmation. Il
a demandé des précisions sur la mise en oeuvre du plan
d'amélioration de la condition militaire, sur l'action des forces
terrestres en Côte d'Ivoire et enfin sur le projet de centre
d'entraînement au combat en milieu urbain.
Mme Hélène Luc
a évoqué l'adaptation des
forces terrestres aux nouvelles formes de conflit, les capacités de
l'armée de terre dans le domaine du renseignement, la situation du
recrutement des engagés et les réflexions autour d'un service
à vocation civile. Elle a en outre déploré la diminution
du nombre de postes de personnels civils de l'armée de terre inscrite au
projet de loi de finances pour 2003.
M. Emmanuel Hamel
a souhaité connaître les raisons du choix
de l'Ukraine pour l'organisation d'un grand exercice d'unités
blindées. Il a demandé des précisions sur la crise de
trésorerie que connaîtraient certains services.
M. Robert Del Picchia
a souhaité savoir si, avec son effectif
actuel en opérations extérieures, l'armée de terre avait
atteint une limite maximale.
M. André Dulait, président
, s'est interrogé sur la
réalisation des objectifs fixés dans le domaine des effectifs de
la réserve opérationnelle.
A la suite de ces interventions, le
général Bernard
Thorette
a apporté les précisions suivantes :
- les difficultés rencontrées pour le recrutement des volontaires
ont conduit l'armée de terre à proposer la transformation d'une
partie des postes correspondant en un nombre de postes d'engagés, certes
inférieur, mais plus faciles à pourvoir ;
- l'effectif en opérations extérieures s'élève pour
l'armée de terre à environ 16.000 hommes alors que sa
capacité de projection immédiate se situe entre 26.000 et 30.000
hommes, tout en maintenant des relèves ;
- les forces stationnées en permanence en Côte d'Ivoire, qui
s'élèvent à 550 hommes, ont été
renforcées, dans de brefs délais, avec des unités
provenant de nos forces prépositionnées en Afrique ; nos
effectifs se montent actuellement à 1.300 hommes, avec pour mission
essentielle la protection des ressortissants français ; la mise en
place du soutien logistique correspondant s'est effectuée dans
d'excellentes conditions ;
- la tension sur les effectifs, qui avait été vive il y a plus de
deux ans, s'est désormais atténuée ; le rythme des
missions de courte durée, qui avait atteint une mission par an, se situe
désormais autour d'une mission tous les dix-huit mois ;
- les effectifs engagés dans le cadre du plan Vigipirate
représentent actuellement environ 250 hommes, l'armée de terre
pouvant mobiliser 1.800 hommes sous préavis de 24 heures ;
- l'armée de terre a vocation à mettre ses compétences et
ses moyens à la disposition des populations, dès lors que des
catastrophes ou des sinistres appellent des actions d'urgence ; ces
opérations ne peuvent toutefois se prolonger dans la durée ;
- le plan d'amélioration de la condition militaire a été
bien reçu et sa mise en oeuvre s'effectue conformément aux
engagements pris, étant précisé que certaines mesures
seront mises en place jusqu'en 2005, voire au-delà ;
- les perspectives ouvertes pour les prochaines années contribuent
à renforcer la confiance dans une armée de terre dont
l'état d'esprit est aujourd'hui sain ; les préoccupations
relatives aux rémunérations apparaissent au demeurant moins
fortes que celles qui concernent les moyens d'exercice du métier
militaire, notamment la disponibilité des équipements ;
- le fonds de consolidation de la professionnalisation, dont la
répartition entre armée n'a pas encore été
opérée, servira prioritairement à des mesures de
recrutement et de fidélisation, telles que le relèvement des
primes d'engagement et de réengagement pour des
spécialités recherchées ; pour l'armée de terre,
les catégories les plus concernées seront les sous-officiers,
où l'on constate des départs vers le secteur civil, et les
spécialistes, en particulier les informaticiens, qu'il est difficile de
conserver dans les armées une fois formés ;
- la situation du recrutement des engagés est actuellement bonne,
puisque l'on compte une proportion moyenne de 1,3 candidat homme et
2 candidates femmes pour un poste offert ; par ailleurs, lors de
l'arrivée à échéance des premiers contrats, le taux
des réengagements a atteint 70%, ce qui peut être
considéré comme très satisfaisant ; toutefois, ces
résultats demeurent fragiles et il importe d'une part de limiter
à 15% le « taux d'attrition » des jeunes
engagés dans les 6 premiers mois de contrat, et d'autre part
d'obtenir également un bon niveau de reconduction de contrats lors de
l'échéance des réengagements, dans la perspective des
carrières de 11, 15 ou 22 ans prévues pour certains
engagés ;
- la réserve opérationnelle ne compte actuellement que 10.000
hommes, dont à peine plus de 2.000 militaires du rang, pour un objectif
de 28.000 hommes en 2008 ; un plan d'action pour les réserves est
donc indispensable, afin notamment d'encourager l'engagement dans la
réserve de militaires du rang, très difficile aujourd'hui en
raison du type d'emplois occupés dans la vie civile par les personnes
potentiellement concernées ; ce plan pourrait comporter un
relèvement de la rémunération journalière et le
développement de campagnes d'information ;
- les réservistes sont considérés comme des professionnels
à part entière, même s'ils servent à temps
partiel ; à titre d'illustration, la mission assurée
à Sangatte par l'armée de terre est effectuée par une
section de réservistes, dans des conditions analogues à ce que
réaliserait une unité professionnelle ;
- au total, le niveau d'effectifs constitue pour l'armée de terre une
préoccupation constante et un élément dimensionnant ;
en effet, sa mission est d'occuper ou de contrôler le terrain, et elle
exige toujours en dernier ressort un volume adéquat de
personnels présents dans la durée, au milieu des populations
et des factions ;
- l'exercice 2002 ne s'est traduit par aucune annulation de crédits, ni
par des gels de crédits ;
- en ce qui concerne la maintenance des matériels terrestres des
armées, qui sont concentrés dans l'armée de terre, la
situation ne se présente pas dans les mêmes termes que pour les
matériels aériens, répartis entre les trois
armées ; aussi, la création d'une structure
interarmées mérite-t-elle d'être étudiée de
manière approfondie, à l'égard des bénéfices
qu'elle pourrait apporter en termes d'efficacité et de coûts ;
- l'armée de terre dispose, avec la direction centrale du
matériel, d'une organisation en charge de la maintenance ;
l'éventualité de déléguer certaines de ses
tâches à un industriel, en l'occurrence GIAT-Industries, fait
l'objet d'études et de discussions ; elle ne concernerait que
certains aspects de la maintenance, à savoir le soutien industriel
proprement dit ;
- la disponibilité technique opérationnelle du char Leclerc s'est
redressée et avoisine 65% ; elle est de 90% pour les Leclerc
projetés au Kosovo ; quant à la cible prévue par le
projet de loi de programmation, elle n'a pas varié et
s'élève à 406 chars, ce qui permettra de disposer de 320
chars en ligne, soit 4 groupements d'escadrons de 80 chars ; le
restant sera utilisé pour la formation et l'instruction, étant
rappelé que les premiers exemplaires de série ont dû
être retirés du service ;
- compte tenu des contraintes financières, la rénovation d'une
partie des hélicoptères Puma et Cougar est la seule alternative
au maintien de l'échéance de 2011 pour l'arrivée des
premiers NH 90 ;
- les autorisations de programme nécessaires à la commande du
missile à fibre optique sont prévues par le projet de loi de
finances pour 2003, mais il reste à s'assurer de la maturité
technologique de ce programme qui doit être confié à
l'OCCAR ;
- les capacités de renseignement de l'armée de terre s'articulent
autour d'unités de recherche humaine, par exemple au sein du
13
ème
régiment de dragons parachutistes ou du 1er
régiment parachutiste d'infanterie de marine, de moyens d'imagerie, avec
les drones et le système héliporté Horizon, et de moyens
de renseignement électromagnétique ;
- l'Ukraine offrait des terrains d'entraînement adaptés à
l'engagement de l'ensemble des moyens d'une brigade blindée pour des
exercices au cours desquels a été vérifiée
l'aptitude du char Leclerc à tirer en roulant ;
- le projet de réalisation au camp de Sissonne d'un centre
d'entraînement en zone urbaine (CENZUB) est confirmé et devrait
aboutir d'ici 2006-2007 ;
- le modèle d'armée 2015 tirait en grande partie les
conséquences d'un changement de contexte géostratégique
qui se vérifie aujourd'hui, les réformes intervenues en France
ayant devancées celles en cours aux Etats-Unis, dont l'armée de
terre vient seulement d'engager une transformation destinée à
privilégier la projection et à abandonner ses lourdes divisions
blindées et mécanisées ; ainsi, ce modèle 2015
demeure cohérent et pertinent. Il sera de surcroît ajusté
aux enseignements des dernières crises, par le renforcement des
capacités de l'infanterie débarquée et des forces
spéciales et par la prise en compte du risque NBC (nucléaire,
biologique, chimique) ;
- la proposition américaine de force de réaction rapide au sein
de l'OTAN va dans le sens des évolutions entreprises en France ;
- il est à souhaiter, pour l'avenir de l'Europe de la défense,
que l'effort représenté par le projet de loi de programmation
militaire 2003-2008 provoque un effet d'entraînement sur nos partenaires,
en particulier pour l'Allemagne, qui a réduit très sensiblement
son budget de défense.
*
* *
Général Richard WOLSZTYNSKI
Chef d'Etat-major de
l'Armée de l'Air
Le Jeudi 17 octobre 2002
Le chef
d'Etat-major s'est tout d'abord exprimé sur le projet de loi de
programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Il a fait
valoir que ce projet de loi visait trois objectifs principaux : la
restauration de la disponibilité des matériels, la modernisation
des équipements et la consolidation de la professionnalisation des
personnels. Ces orientations trouvent une traduction concrète dans le
projet de loi, dont les masses financières permettront d'optimiser les
conditions de travail du personnel, d'améliorer la capacité
opérationnelle de l'armée de l'air, tant du point de vue du
combat que du transport, grâce à la mise en fabrication du Rafale
et, du moins l'a-t-il espéré, de l'A-400M.
Ces améliorations porteront d'abord sur le domaine du renseignement, qui
nécessite l'emploi complémentaire d'avions, de drones et de
satellites. S'agissant des avions, 15 nacelles de reconnaissance de nouvelle
génération seront livrées, à partir de 2006, pour
équiper les Mirage 2000 puis les Rafale F3. La mise en service
opérationnelle de drones MALE (moyenne altitude longue endurance),
à partir de 2004, complétera utilement les outils de
reconnaissance. Enfin, les 2 satellites Hélios s'insèreront dans
cet ensemble.
Un autre élément-clé de l'action spécifique
à l'armée de l'air consiste dans la capacité de projection
de forces ; dans ce domaine, les perspectives sont
contrastées : en effet, les Transall commenceront à
être retirés du service à compter de 2005, et leur
capacité sera partiellement compensée par l'acquisition de deux
Casa 235, et de deux Airbus d'occasion A 340. A ce sujet, le chef
d'Etat-major a souligné que l'affrètement pouvait utilement
compléter, de façon ponctuelle, des capacités de transport
dont l'essentiel devait rester indépendantes pour préserver une
capacité permanente et instantanée de projection.
Le
général Richard Wolsztynski
s'est
inquiété du retard pris par la possible construction de l'A-400M
dont les trois premières unités ne seraient au mieux
livrées à la France qu'à partir de 2009. Il a donc
souligné l'impérieuse nécessité que ce programme
soit lancé dans les plus brefs délais.
Abordant ensuite la capacité de projection de feu, le chef d'Etat-major
s'est félicité qu'elle puisse, grâce au projet de loi de
programmation militaire, gagner en puissance, cohérence et
flexibilité, grâce à la prochaine arrivée du Rafale,
appareil caractérisé par sa polyvalence et son potentiel
d'évolution et d'interopérabilité. En effet, deux
commandes globales sont prévues, portant respectivement sur
46 appareils en 2003, et 48 en 2006. S'agissant des livraisons effectives,
ce sont 57 Rafale dont l'armée de l'air sera progressivement
dotée entre 2004 et 2008, et qui constitueront deux escadrons sur la
base de Saint-Dizier. Pour l'année 2003, les améliorations
consisteront en l'arrivée de nouveaux armements à guidage de
précision au profit des Mirage 2000-D, en la livraison de 100 missiles
Apache d'ici la fin 2002, et de 450 missiles Scalp, à compter de 2003.
Le
général Richard Wolsztynski
a souligné que ces
missiles conféreront à la France une capacité de frappe
unique en Europe.
Abordant ensuite l'état des personnels de l'armée de l'air, le
chef d'Etat-major a estimé que les équipements qu'il venait de
présenter ne valaient que par les hommes qui les emploient. Le projet de
loi de programmation garantira à ces personnels la qualité et la
régularité des entraînements souhaitables.
S'agissant de la disponibilité des appareils, il s'est
inquiété du vieillissement de la flotte qui conduit à un
fort coût de sa maintenance, comme pour le Mirage IV qui a
été inclus dans l'opération Héraklès avec de
bons résultats. Le
général Richard Wolsztynski
a
mis en valeur les bons résultats obtenus par la structure
interarmées de maintenance des matériels aéronautiques de
défense (SIMMAD), créée voici deux ans. En effet, dans un
délai aussi bref, cette structure a obtenu une amélioration de
dix points de la disponibilité des appareils. La poursuite de ces bons
résultats sera naturellement conditionnée à l'obtention
des crédits nécessaires.
Concluant son bilan des apports du projet de loi de programmation militaire, le
chef d'Etat-major a souligné qu'il s'agissait pour l'armée de
l'air d'une loi de fabrication, dont le respect, année après
année, permettra d'atteindre le modèle d'armée
défini pour 2015, à condition bien sûr que les plans de
fabrication des deux grands programmes que constituent le Rafale et l'A-400 M
soient respectés.
Abordant ensuite le contenu du projet de loi de finances pour 2003, le
général Richard Wolsztynski
s'est félicité
qu'il soit en conformité avec les dispositions du projet de loi de
programmation militaire. Le projet de budget confortera la dynamique de la
récente loi de finances rectificative, comme en témoigne
l'augmentation des crédits de paiement des titres III et V de 10 % par
rapport à la loi de finances initiale de 2002.
S'agissant spécifiquement du titre III, le chef d'Etat-major a
souligné qu'il permettrait d'atteindre le format prévu pour 2015
d'environ 70.000 personnels militaires et civils. Les crédits de
rémunérations et de charges sociales augmenteront de 3,4 %,
ce qui ne pénalisera pas le fonctionnement courant. Celui-ci
connaît en effet une augmentation de 6,8 % permettant de poursuivre
les actions menées pour améliorer la qualité de
l'entraînement.
Pour le titre V, le
général Richard Wolsztynski
a mis
l'accent sur la restauration de la disponibilité ainsi permise, avec
notamment 1 milliard d'euros d'autorisations de programme et 900 millions
d'euros de crédits de paiement consacrés en 2003 à
l'entretien programmé des matériels. Les crédits du titre
V permettront également la modernisation des équipements
déjà évoqués, avec le programme d'accompagnement de
l'arrivée des Rafale sur la base de Saint-Dizier.
Enfin, les capacités de frappe en profondeur seront
améliorées, avec la livraison, en 2003, de 41 missiles Apache, de
60 missiles Scalp, avec la commande de 430 missiles Mica air-air, et le
développement des standards opérationnels F2 et F3 du Rafale. Les
capacités de projection seront améliorées par la livraison
de 3 avions cargo Casa 235 qui s'ajouteront aux 2 déjà
livrés cette année permettant de ralentir le vieillissement des
Transvall.
En concluant, le chef d'Etat-major a mis en évidence que les moyens
financiers promis à l'armée de l'air étaient de nature
à restaurer pleinement la confiance de ses personnels.
Puis un large débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis
du projet de budget de
l'armée de l'air
, a souhaité obtenir des précisions
sur les leçons opérationnelles tirées par le chef
d'Etat-major de la présence française à Manas, dans le
cadre de l'opération « Liberté immuable ». Il
a déploré les tergiversations allemandes sur les commandes
éventuelles de l'avion A-400M et a souhaité être
éclairé sur les potentialités de commercialisation de ce
futur appareil s'il finissait par se réaliser. Il a également
interrogé le chef d'Etat-major sur les perspectives d'emploi des
drones ; il s'est enfin félicité du bon moral des personnels
de l'armée de l'air qu'il a pu constater lors de déplacements
récents sur diverses bases aériennes.
M. Xavier de Villepin
s'est ému des indications provenant
d'Allemagne, selon lesquelles ce pays limiterait ses acquisitions à 40
A-400M. Il a souhaité savoir quelle solution alternative pourrait
être mise en oeuvre si cette hypothèse malencontreuse se
confirmait. S'agissant des avions de combat, il s'est interrogé sur les
meilleurs marchés potentiels d'exportation du Rafale à l'heure
des commandes croissantes passées par plusieurs pays européens du
futur avion américain JSF.
M. Serge Vinçon
a salué le remarquable travail accompli en
Afghanistan par les Mirage IV en matière de renseignement
photographique. Il s'est enquis de l'utilisation des deux Airbus d'occasion que
l'armée de l'air projette d'acquérir. Il s'est
inquiété des difficultés de construction de l'Europe de la
défense. Il s'est interrogé sur l'éventuelle parité
que la France pourrait réaliser avec la Grande-Bretagne en particulier,
en matière de missiles de croisière.
M. Didier Boulaud
a appuyé les propos du général
sur les coûts croissants imposés par le maintien en condition
opérationnelle d'appareils vieillissants. Il a souhaité que le
général dresse un premier bilan de la participation de
l'armée de l'air française aux opérations en Afghanistan.
Il s'est également interrogé sur les missions qu'il serait
concevable de confier aux drones, ainsi que sur les perspectives du programme
JSF et de l'éventuelle concurrence de ce futur appareil avec le Rafale.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est enquis des spécialités pour
lesquelles l'armée de l'air rencontrait des difficultés de
recrutement ou de fidélisation.
M. Hubert Durand-Chastel
s'est félicité que, face à
une flotte aérienne américaine considérable, la France
puisse se présenter comme un partenaire de poids tant dans le domaine
civil que militaire.
M. Robert Del Picchia
a souhaité connaître les alternatives
possibles au programme A-400 M, si ce dernier ne parvenait pas à se
réaliser. Evoquant le vieillissement de la flotte des Transall, il s'est
inquiété de leur coût de maintenance. Enfin, il s'est
interrogé sur des possibles utilisations des drones en matière de
surveillance des sites urbains.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
s'est également émue d'un
éventuel échec du programme A-400M et a souhaité savoir
comment serait comblé le déficit capacitaire ainsi
créé entre 2006 et 2009 en matière de transports
stratégiques.
Mme Hélène Luc
a évoqué la participation
française aux opérations en Afghanistan et a souhaité
être éclairée sur sa nature, ses réussites et les
leçons qu'en a tirées l'armée de l'air. Elle s'est
également interrogée sur l'apport de cette armée en
matière de lutte contre le terrorisme et a souhaité recueillir le
sentiment du général sur l'opportunité de construire un
deuxième porte-avions français.
M. André Boyer
s'est interrogé sur les prestations
d'entreprises portugaises pour le nouveau marché de maintenance du C-130.
Enfin, le
président André Dulait
a interrogé le
général sur l'évolution du projet européen de
navigation par satellite Galiléo, et sur les solutions alternatives
envisageables en cas d'échec du programme A-400M.
Le chef d'Etat-major a apporté en réponse les précisions
suivantes :
- les opérations en Afghanistan ont souligné que la
capacité de projection d'une base aérienne constituait le socle
de la réactivité de l'armée de l'air. La force de la
France est de pouvoir projeter cette structure qui constitue le lien essentiel
entre le soutien et les aéronefs. C'est sur ce modèle qu'a
été édifiée la base de Manas, modèle qui
s'est révélé tout à fait adapté, alors
même que les personnels militaires de neuf pays différents s'y
côtoyaient ;
- le deuxième enseignement fort de ces opérations est que la
gestion de crise requiert une autonomie dans la projection de force,
particulièrement pour une opération qui s'est
déroulée à 6.000 km de la France. Cette constatation
conduit à considérer l'apport de l'affrètement comme un
appoint, utilisable pour un flux logistique, mais ne pouvant assumer de
façon réactive la capacité de projection ;
- la nécessité d'une projection de feu qui soit continue dans le
temps et dans l'espace a constitué le troisième enseignement de
cette opération. En effet, l'utilisation des Mirage 2000 D,
adaptés à des missions tout temps et de jour comme de nuit, a
permis le maintien d'une pression constante sur l'adversaire ;
- quatrième élément : cette mission a souligné
l'importance du renseignement et particulièrement la
nécessité impérative de posséder des images des
objectifs assignés par la coalition à notre pays, notamment pour
prévenir tout « dommage collatéral ». A cet
égard, les deux satellites européens Hélios ont
apporté la continuité requise dans la prise d'images. Le
général Richard Wolsztynski
a souligné, sur ce
point, la complémentarité entre les satellites de veille
stratégique, en permettant la constitution d'une banque de
données, les drones, opérationnels pour une durée
supérieure aux capacités humaines et qui fournissent
également des images, enfin les avions, dont l'atout majeur est
constitué par une présence humaine à leur bord qui permet
de rectifier ou, si besoin est, d'annuler la mission jusqu'au dernier
moment ;
- plus généralement, Hélios II permettra l'utilisation de
l'infrarouge qui permet une veille satellitaire plus fine ; il devra
être complété ultérieurement par des satellites
apportant une imagerie radar ;
- s'agissant du système de navigation Galiléo, le chef
d'état-major de l'armée de l'air a souligné qu'il
était principalement destiné à l'aviation civile ;
ses utilisations militaires sont naturellement envisagées ;
- l'utilisation urbaine des drones, déjà opérationnelle
aux Etats-Unis, permet la fourniture continue d'images qui peut être
utile en matière de sécurité ;
- l'arrivée du Rafale sur la base de Saint-Dizier, où il
remplacera à terme le Jaguar, requiert une mobilisation du personnel et
une adaptation des infrastructures. Il est de fait que, en raison du poids de
l'histoire, la majeure partie des bases aériennes françaises est
concentrée dans le Nord-Est du pays. Cette concentration pourrait
être progressivement modifiée. Ainsi, les deux autres bases de
stationnement du Rafale seront choisies dans une autre partie du
territoire ;
- une nouvelle prolongation des Transvall s'avérerait
problématique et coûteuse ; si le programme A-400M se traduit
par un échec, la France se tournerait vers des achats de
matériels de capacités comparables ;
- l'A-400M pourrait disposer d'un fort potentiel d'exportation, en Europe,
voire ailleurs dans le monde, en raison de ses qualités ;
- l'acquisition de deux Airbus A 340 vise à suppléer, en
matière de capacité stratégique, l'obsolescence
constatée des DC 8 ;
- le chef d'Etat-major a également situé les capacités
d'exportation du Rafale prioritairement en Europe. Il a souligné que,
sur l'ensemble de ce continent, volaient actuellement pas moins de 12 types
différents d'avions de combat ; il était donc raisonnable
d'en prévoir la réduction progressive à 4. Il ne faut
cependant pas sous-estimer les capacités d'attraction que constituent
les aéronefs vendus d'occasion par les Etats-Unis, notamment les F16 et
les C 130 ;
- la meilleure disponibilité de l'ensemble des matériels
aéronautiques, comme le succès de l'armée de l'air en Asie
centrale, contribuent à relever le moral des personnels ;
- l'acquisition des missiles Scalp et Apache permettra à la France de
participer à une première frappe en zone hostile. Elle entre
ainsi dans un cercle très restreint des pays possédant cette
capacité ;
- les drones étaient à l'origine destinés à tester
les défenses ennemies, sans coût humain et avec des
équipements financièrement peu exigeants ; certaines
évolutions proposées par les industriels sont certes attractives
mais peuvent s'avérer coûteuses pour l'utilisateur ;
- le recrutement des personnels de l'armée de l'air s'effectue dans de
bonnes conditions. Une campagne ciblée de promotion va néanmoins
être lancée pour certaines spécialités comme les
électroniciens, les mécaniciens et les informaticiens, ou encore
les fusiliers commandos de l'Air. Il faut également souligner que la
région parisienne n'est guère attractive, ce qui conduira
à n'y maintenir que le personnel strictement nécessaire ;
- le marché remporté, après appel d'offres, par une
entreprise portugaise pour la maintenance de 14 avions C 130, suscitera sans
doute quelques difficultés de transition, limitées dans le temps.
De façon plus générale, l'Europe de la défense ne
pourra se construire qu'avec des échanges industriels de ce type ;
- le porte-avions représente une capacité importante : ainsi
la présence du Charles-de-Gaulle au large de l'Afghanistan, lors de
l'opération Héraklès, a démontré que ce type
de bâtiment apportait un appui indispensable à des frappes en zone
éloignée du territoire national, où la mise à
disposition de bases aériennes dans un Etat souverain peut demander du
temps.
*
* *
Amiral Jean-Louis BATTET
Chef d'état-major de la Marine
Le jeudi 24 octobre 2002
L'
amiral Jean-Louis Battet
s'est félicité
de
l'évolution notable de la prise en compte des problèmes de
défense dans les deux textes et a souligné l'espoir qu'ils
suscitaient dans les forces : l'amélioration de la
disponibilité et le renouvellement des matériels sont des
composantes essentielles de la motivation des militaires.
Il a tout d'abord dressé un bref bilan de la loi de programmation
militaire, qui vient de s'achever. Il a estimé que la
professionnalisation avait pu être menée à bien, mais selon
des adaptations nécessaires dans les organisations, la Marine ayant fait
le choix original d'un remplacement significatif des appelés par des
personnels civils.
Sur la durée de la programmation, le niveau des crédits de
fonctionnement, bien que globalement satisfaisant, a affecté le
fonctionnement courant.
A la suite des différents aménagements apportés à
la loi de programmation, les dépenses en capital ont été
revues à la baisse à hauteur de 3 milliards d'euros, soit
l'équivalent d'une annuité de programmation. Le Chef
d'état-major de la Marine a précisé que ces
aménagements avaient conduit à un désarmement
anticipé du porte-avions Foch, mais surtout à une rupture
capacitaire au sein de la flotte de surface avec le retrait du service, sans
remplacement immédiat, de la frégate Suffren. Il a indiqué
que le désarmement du Duquesne, un temps envisagé, ne serait pas
effectif avant l'admission au service des frégates Horizon, en 2006 et
2008.
Il a également évoqué le retard des programmes de l'avion
de combat Rafale et des frégates Horizon, ainsi que le décalage
subi par le 4
e
sous-marin lanceur d'engins de nouvelle
génération.
S'agissant de la loi de programmation 2003-2008, le Chef d'état-major a
indiqué qu'elle reprenait les hypothèses financières ayant
présidé à la définition du modèle 2015,
fondées sur des calculs de coûts de possession des
équipements. Le modèle 2015, tourné vers l'action
extérieure des armées, se trouve confirmé : la
commande d'un second porte-avions est annoncée sans préjudice du
renouvellement de la flotte de surface, l'emport de missiles de
croisière est prévu à terme sur tous les porteurs de la
Marine, la dissuasion est confirmée et les moyens de renseignement sont
renforcés. Un gros effort a également été fait sur
la protection des approches maritimes.
L'
amiral Jean-Louis Battet
a exposé, à cet égard,
les moyens mis en oeuvre par la Marine : il a indiqué que ce
mouvement était antérieur aux attentats du 11 septembre 2001 et
avait été notamment motivé par l'échouage, sur les
côtes françaises, du cargo East Sea, avec des clandestins à
bord.
Un renouvellement de doctrine a néanmoins été
opéré à la suite des attentats, sous la forme d'un concept
de « sauvegarde maritime », mis en oeuvre depuis la haute
mer -où la marine nationale est seule présente- ainsi que dans
les approches maritimes, en collaboration avec les autres administrations
intéressées. Dans ce cadre, une frégate est maintenue en
permanence en Méditerranée orientale, ainsi que dans les
Antilles, pour la lutte contre le narco-trafic.
La mise en place d'une chaîne continue de sémaphores armés,
équipés en radars et en dispositifs d'échanges de
données, en coopération avec le ministère des transports,
s'inscrit dans la même perspective de surveillance des approches.
Le ministère des transports crée un dispositif de surveillance
pour les navires qui acceptent de s'équiper de balises. Ce dispositif
pourrait intéresser d'autres nations européennes. Pour
compléter ses équipements, la Marine a un projet de construction
de 22 patrouilleurs destinés à la gendarmerie maritime et va
compléter sa flotte d'avions de surveillance.
L'
amiral Jean-Louis Battet
a ensuite abordé la réforme de
DCN, soutenue par la Marine. Si elle est sur le point d'aboutir, certaines
incertitudes ne sont pas encore levées : paiement de la TVA, remise
à niveau des installations transférées, capitalisation et
sureffectifs.
Evoquant le projet de loi de finances pour 2003, le Chef d'état-major de
la Marine a constaté que les crédits étaient conformes
à la première annuité de programmation, avec une hausse de
9 %. Ils devraient permettre d'entamer le redressement de la
disponibilité des matériels et la restauration de ses
capacités.
Le titre III est correctement doté en fonctionnement puisqu'il poursuit
la remontée des normes d'activité des bâtiments à
100 jours de mer et dispose de crédits d'externalisation qui
permettront, à la Marine, d'utiliser pleinement ses personnels sur le
coeur de métier.
S'agissant des effectifs, l'
amiral Jean-Louis Battet
a
précisé que la Marine connaissait un sous-effectif structurel de
l'ordre de 2 %, qui avait permis le maintien dans l'enveloppe indemnitaire mais
qu'il convenait désormais de résorber.
La Marine ne connaît pas de difficulté de recrutement mais peine
à conserver ses personnels dans certaines
spécialités : les atomiciens, les informaticiens, les
plongeurs-démineurs ou encore les infirmiers connaissent des
déficits qui peuvent atteindre 30 %.
A cet égard, la consolidation de la professionnalisation, prévue
en loi de programmation, devrait contribuer à la fidélisation de
ces personnels.
Sur le titre V, qui connaît une hausse globale de 11 %, le Chef
d'état-major a relevé un effort important sur les programmes, qui
permettra leur évolution dans de bonnes conditions.
S'agissant de l'entretien programmé des matériels, il a
précisé que la hausse de 0,45 % n'était qu'apparente
et résultait de modifications de périmètre liées au
changement de statut de DCN. A périmètre constant, la hausse est
de 11 % et l'augmentation des autorisations de programme anticipe sur un
redressement notable des crédits.
Deux postes ne sont pas couverts par le projet de loi de finances initiale et
devront être budgétés en loi de finances
rectificative : les crédits de paiement correspondant aux frais de
TVA et les autorisations de programme nécessaires à la commande
du Rafale, à hauteur de 848 M€.
En conclusion, l'
amiral Jean-Louis Battet
a rappelé que les
marins affichaient une certaine sérénité devant la
restauration des crédits.
Un débat a suivi l'exposé du Chef d'état-major.
M. André Boyer
a souhaité savoir si les conditions
optimales étaient désormais réunies en termes
d'organisation et de moyens pour l'entretien des matériels. Il a
souhaité connaître le calendrier du remplacement du bâtiment
atelier Jules Verne, absent de la loi de programmation. Il s'est
interrogé sur la relance de la coopération européenne et a
souhaité savoir si la Marine avait recours à la formation
continue pour pallier son déficit dans certaines
spécialités.
M. Xavier de Villepin
a évoqué l'avenir du bâtiment
école Jeanne d'Arc. Il a souhaité des précisions sur la
réponse de la Marine aux problèmes de terrorisme et de
narco-trafic et sur les conséquences du changement de statut de DCN.
M. Serge Vinçon
a souhaité connaître
l'échéance de l'effectivité de la remise à niveau
des équipements. Il a évoqué l'armement en missiles de
croisière des frégates multimissions et a également
souhaité obtenir des précisions quant au paiement de la TVA par
la Marine, après la réforme de DCN.
M. Jean-Yves Autexier
s'est interrogé sur la place, selon lui
excessive, conférée aux opérations extérieures dans
le modèle 2015 et sur la nécessité de le revoir pour une
meilleure prise en compte de la menace terroriste.
M. Christian de La Malène
a souhaité recueillir des
précisions sur la définition et le calendrier du second
porte-avions.
M. André Dulait, président
, s'est interrogé sur les
possibilités de coopération avec l'Espagne pour la protection des
approches maritimes. Revenant sur la question des personnels, il a
évoqué la place du personnel civil et les perspectives de la
réserve opérationnelle dans la Marine.
Le Chef d'état-major de la marine a apporté aux commissaires les
précisions suivantes :
- la situation actuelle de l'entretien des matériels n'est pas
satisfaisante, mais elle est en voie de redressement. L'année 2002 a
été une mauvaise année pour la consommation de rechanges
-principalement due à une forte consommation pendant l'opération
Héraklès- tandis que la fonction « achat »
souffrait d'un déficit en personnel. Le code des marchés publics
constitue une difficulté supplémentaire. Les rechanges sont la
clé de la disponibilité des matériels. La reprise de la
gestion des rechanges s'achève mais ne sera véritablement
optimale qu'avec l'arrivée de systèmes de gestion
informatisés des pièces, prévue pour la fin 2003 ;
- le bâtiment atelier Jules Verne a été une des clés
de l'opération Héraclès. Son remplacement n'est pas
actuellement une priorité, le retrait du service actif étant
prévu en 2012 ;
- la coopération européenne en matière de défense
progresse lentement. Toutefois, le premier déploiement
opérationnel d'Euromarfor est prévu en Méditerranée
orientale pour la lutte antiterroriste. Il pourrait être
complété par une relève des Allemands dans la Corne de
l'Afrique. L'amiral Jean-Louis Battet s'est déclaré favorable
à l'élargissement d'Euromarfor à d'autres marines
européennes ;
- l'accélération des recrutements d'officiers par l'utilisation
de contrats courts, ainsi que l'augmentation du nombre des engagés de
longue durée constituent des premières réponses au
déficit, mais le remplacement de personnels formés ne peut
être immédiat ;
- la prolongation de la Jeanne d'Arc fait l'objet d'études, compte tenu
de son âge. L'alternative serait dans l'utilisation d'autres
frégates ou dans une coopération européenne avec
l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui pourraient être
intéressés par ce type de formation ;
- s'agissant de la lutte contre le terrorisme, le risque en escale,
traité comme un risque militaire, conduit à réduire le
nombre des escales et à renforcer la protection des bâtiments. Des
dispositifs ont été mis en oeuvre pour le renforcement de la
sécurité dans le port de Toulon, en particulier autour du
porte-avions Charles de Gaulle ;
- DCN, devenue société de droit privé, n'appelle pas le
même type de relations et il est acquis que le paiement de la TVA ne sera
pas prélevé sur le budget de la défense. L'Etat devra
être représenté au conseil d'administration pour exercer sa
fonction de surveillance ;
- le modèle 2015 ne devrait pas subir de notable remise en cause, mais
plutôt des aménagements et des dispositions
complémentaires, relatives à la protection des approches et du
trafic maritime ;
- la propulsion du 2
e
porte-avions fait actuellement l'objet de
débats. Trois études sont en cours sur les différentes
hypothèses : un porte-avions à propulsion nucléaire,
sistership du Charles de Gaulle ou à propulsion classique avec les
Britanniques ou sur une base nationale. Une décision doit intervenir en
juin 2003. Le calendrier prévu est une admission au service actif en
2013/2014.
*
* *
Général Henri BENTEGEAT
Chef d'état-major des
Armées
Le jeudi 31 octobre 2002
Le
général Henri Bentegeat
a tout d'abord rappelé que le
gouvernement avait décidé d'accomplir un effort significatif en
matière de défense à travers le projet de loi de
programmation militaire pour les années 2003-2008, afin de faire face
à un environnement de sécurité complexe et tendu,
marqué par la multiplication des attentats terroristes, la menace d'un
conflit en Irak, la persistance de crises en Afghanistan et en Afrique et un
engagement important de nos forces dans les Balkans. Dans ce contexte, le
projet de loi de programmation va permettre le retour au niveau financier
prévu pour atteindre le modèle d'armée 2015. Celui-ci,
défini en 1996, reste la référence indispensable des
armées pour mener à bien les programmes d'équipement dont
la durée de vie excède une quinzaine d'années.
Ce modèle a toutefois été amendé pour tenir compte
des enseignements des conflits récents et des besoins spécifiques
de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, les forces spéciales vont voir
leurs moyens de transmission et de transport renforcés grâce,
notamment, à l'acquisition de dix hélicoptères Cougar MK
2. Un effort particulier sera entrepris en matière de protection contre
les menaces nucléaires bactériologiques et chimiques (NBC),
l'objectif étant d'assurer la protection, en 2008, d'une force de 15.000
hommes et de dix sites particuliers.
En matière de sécurité intérieure, la loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure (LOPSI) a dégagé un milliard d'euros de
crédits d'équipement supplémentaires et créé
7.000 postes au profit de la gendarmerie. Enfin, les capacités de
renseignements satellitaires et électromagnétiques seront
renforcés, tandis que l'armée de l'air et la marine seront
dotées du missile de croisière Scalp, qui pourra être aussi
bien tiré à partir d'avions Rafale qu'à partir de
plates-formes navales, dans une version adaptée.
Le projet de loi de programmation militaire a pour objectif principal de
rétablir la capacité de la France à exercer ses
responsabilités en Europe et dans le monde en tant que membre permanent
du Conseil de sécurité de l'ONU. Trois priorités ont donc
été dégagées par le Chef de l'Etat.
La première, a indiqué le chef d'état-major des
armées, est la restauration de la disponibilité des
équipements afin de rétablir la crédibilité des
forces et le moral des armées. La réalisation de cet objectif
nécessite l'accroissement des crédits d'entretien
programmé des matériels (EPM), qui passeront d'une moyenne
annuelle de 2,16 milliards d'euros sur les cinq dernières années
à 2,4 milliards d'euros entre 2003 et 2008. Une réforme des
procédures et des structures d'entretien, à travers une plus
grande interarmisation et une plus grande synergie entre les industriels et les
armées, est également nécessaire.
La seconde priorité est la modernisation des systèmes d'armes
contribuant aux quatre fonctions stratégiques que sont la dissuasion, la
prévention, la projection-action et la protection. En matière de
dissuasion, le projet de loi de programmation permet la construction des deux
derniers sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle
génération (SNLE-NG), la poursuite du programme de missiles M51,
dont l'entrée en service est prévue en 2010, du programme de
missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et du
programme de simulation dont le
général Henri Bentegeat
a
souligné l'importance. En matière de prévention, le chef
d'état-major des armées a indiqué qu'un effort serait fait
pour le renseignement à travers des programmes nationaux de satellites
(Hélios II) et de coopération avec l'Allemagne et l'Italie, la
construction d'un nouveau bâtiment d'écoute et la livraison
à l'armée de l'air de nouvelles nacelles de reconnaissance. Pour
la fonction de projection-action, les principaux programmes sont la
construction d'un second porte-avions, la livraison de deux bâtiments de
projection et de commandement (BPC), la commande d'avions A400M, la
rénovation des ravitailleurs en vol et d'une partie du parc des Cougar
et Puma, la commande et la livraison d'hélicoptères NH 90 pour la
marine. Les capacités de frappe dans la profondeur seront
améliorées grâce à la livraison à
l'armée de l'air du premier escadron de Rafale en 2006 et du programme
visant à doter les forces françaises de moyens de frappe de
précision tout temps, de jour comme de nuit (Armement Air-Sol
Modulaire). Des moyens nouveaux seront également mis en oeuvre dans le
domaine du commandement et des communications, afin que la France puisse
remplir son rôle de nation-cadre d'une force européenne ou
multinationale. Des moyens nouveaux de détection des frappes biologiques
et chimiques, une capacité anti-missile de théâtre et la
livraison du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI)
à l'armée de terre viendront améliorer la protection des
forces. Enfin, la loi de programmation pour les années 2003-2008 verra
le redressement des crédits d'études amont.
La loi de programmation militaire permettra en outre de consolider la
professionnalisation. Elle effectue un ajustement des effectifs des
armées. 7.000 postes de militaires sont créés dans la
gendarmerie, 2.500 postes d'engagés contre la suppression de postes de
volontaires dans l'armée de terre et 570 (220 médecins et 350
infirmiers) au profit du service de santé des armées. La
réserve se voit dotée d'importants moyens nouveaux avec
86 millions d'euros, l'objectif étant un effectif de 82.000
réservistes en 2008. Un fonds de consolidation de la
professionnalisation sera mis en place afin de renforcer l'attractivité,
par rapport au secteur civil, de certaines spécialités, et de
fidéliser les personnels engagés. Enfin, la loi de programmation
intègre des objectifs d'entraînement des forces alignés sur
les pratiques des armées étrangères les plus modernes.
Le
général Henri Bentegeat
a estimé que le projet
de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 marquait un
effort sensible de la nation en faveur des armées, consolidant la
position de la France. Ce projet de loi, même s'il est très
favorable, ne permettra pas toutefois de rattraper tous les retards, notamment
en matière de projection aérienne et maritime.
Evoquant les crédits de la défense inscrits au projet de loi de
finances pour 2003, le
général Henri Bentegeat
a
constaté leur stricte conformité à la première
annuité de la programmation. Il a estimé cette conformité
indispensable au rétablissement de la confiance au sein des
armées. Le malaise récemment constaté trouvait en effet
pour partie son origine dans une perte de confiance devant le
« décrochage » budgétaire qui a notamment
induit un effondrement de la disponibilité des matériels.
Le chef d'état-major des armées a relevé les augmentations
du titre III à hauteur de 4,7 % et du titre V, de 10,6 %, en
précisant que le niveau atteint était celui de la
précédente programmation, une fois intégrée la
revue des programmes. La loi de finances pour 2003 constitue une
première étape qui devra être confirmée.
Il a estimé que les dotations du titre III étaient
satisfaisantes. Le taux de renouvellement des engagements est actuellement de
75 %, ce taux étant fonction de la conjoncture et de
l'efficacité de la reconversion. La part des rémunérations
et charges sociales est stabilisée à 80 % du titre III, les
20 % restants étant consacrés à l'activité des
armées, avec un objectif de 100 jours de sortie pour la marine et
l'armée de terre. Le
général Bentegeat
a
également souligné l'effort sur les crédits
d'externalisation qui atteindront 40 millions d'euros en 2003.
Le titre V donne la priorité à la restauration de la
disponibilité des équipements, avec un objectif de
75 % ; il permet également des commandes importantes,
notamment l'achat d'avions Rafale et du missile MICA, ainsi que le
développement du missile M 51.
Le chef d'état-major des armées a indiqué par ailleurs que
36.700 hommes étaient déployés hors de la France
métropolitaine, dont 15.500 dans les DOM-TOM, 5.900
prépositionnés en Afrique et 14.000 en opérations
extérieures dont 8.400 dans les Balkans. Pour 2003, le coût
prévisionnel des opérations extérieures s'élevait
à 670 millions d'euros. Sur les dix dernières années, ce
montant s'établit en moyenne annuelle à 620 millions d'euros.
Evoquant la Côte d'Ivoire, le
général Henri Bentegeat
a qualifié la situation de préoccupante. L'issue des
négociations, qui se tiennent à Lomé, est incertaine. Le
rôle provisoire assigné aux forces françaises est la
surveillance du cessez-le-feu conclu entre les deux parties. Une relève
par la CEDEAO ne paraît pas imminente compte tenu des modalités de
mise en place de la force. Dans l'hypothèse d'une relance des combats,
la mission des forces françaises serait recentrée sur la stricte
protection de nos ressortissants.
En République centrafricaine, les forces loyalistes ont repris le
contrôle de la plus grande partie de la capitale, mais le recours
à des éléments venus du Congo pose d'ores et
déjà des difficultés, et des pillages ont
été constatés. La France pourrait faire intervenir des
forces prépositionnées au Gabon, dans le cas où une menace
pèserait sur nos compatriotes.
En conclusion, le
général Henri Bentegeat
a rappelé
qu'avec le projet de loi de programmation militaire, un effort très
important avait été consenti par la nation au profit des
armées. La réalisation du modèle 2015 dépendra de
l'exécution fidèle des engagements pris ; en contrepartie,
les armées devront faire preuve d'un effort accru de rigueur dans la
gestion des crédits. L'ensemble permettra de disposer de forces
modernes, efficaces et respectées à l'extérieur.
A la suite de l'exposé du chef d'état-major des armées, un
débat s'est engagé avec les membres de la commission.
M. Serge Vinçon
a demandé des précisions sur la
capacité actuelle de la France à assumer le rôle de
nation-cadre pour des opérations multinationales. Il s'est
interrogé sur la mise en oeuvre de la politique européenne de
sécurité et de défense, et en particulier la
possibilité, pour l'Union européenne, de prendre la relève
de l'OTAN en Macédoine. Il a souligné la nécessité
de mieux mettre en valeur les résultats d'ores et déjà
obtenus par le programme de simulation nucléaire. Il a souhaité
savoir si la coopération européenne en matière spatiale
allait se concrétiser, et si elle pourrait porter sur des domaines
nouveaux, tels que l'alerte avancée en vue de la détection des
tirs de missiles balistiques. Enfin, il a fait part des incertitudes actuelles
sur la création d'une structure interarmées de maintenance pour
les matériels terrestres.
M. Xavier de Villepin
a souhaité recueillir le sentiment du chef
d'état-major des armées sur l'évolution de la politique
européenne de sécurité et de défense, qui semble
connaître un certain essoufflement. Il s'est interrogé sur la
concurrence éventuelle entre la force de réaction rapide de
l'Union européenne et celle que les Etats-Unis proposent de créer
dans le cadre de l'Alliance atlantique. S'agissant des opérations
extérieures, il a demandé si elles continueraient à
être financées par prélèvement sur le budget courant
de la défense. Il a évoqué les dernières
évolutions du dossier de l'avion de transport A 400 M. Enfin, il a
demandé si les troupes françaises en Côte d'Ivoire
verraient leurs effectifs diminuer dans l'hypothèse d'une intervention
de forces des pays de la Communauté économique des Etats
d'Afrique occidentale (CEDEAO).
M. Guy Penne
a observé la relative lenteur avec laquelle semble
se préparer une éventuelle relève par la CEDEAO en
Côte d'Ivoire. Il a souligné la situation délicate dans
laquelle se trouvait la France, compte tenu de l'évolution de la
situation sur le terrain. Plus généralement, et notamment au vu
des événements en République centrafricaine, il a
souligné les difficultés à garantir la
sécurité de nos ressortissants en Afrique tout en veillant
à ne pas opter pour le soutien des régimes en place.
M. Robert Del Picchia
a demandé des précisions sur la
prise en charge des coûts de personnel et d'équipement de la force
de la CEDEAO en Côte d'Ivoire. Il a par ailleurs souhaité savoir
si nos services de renseignement ne disposaient pas d'informations laissant
présager le soulèvement d'une partie de l'armée
ivoirienne. Enfin, il s'est interrogé sur la présence
d'éléments libyens en République centrafricaine.
M. Philippe François
a interrogé le chef
d'état-major des armées sur les perspectives de rénovation
du missile Exocet. Il lui a par ailleurs demandé son sentiment sur le
passage des forces de gendarmerie sous la tutelle du ministère de
l'intérieur.
À la suite de ces interventions, le
général Henri
Bentégeat
,
chef d'état-major des armées
, a
apporté les précisions suivantes :
- nos forces prépositionnées en Côte d'Ivoire, qui sont
constituées par les 450 hommes du 43e Bataillon d'infanterie de Marine,
ont été renforcées, à la suite de la crise
actuelle, et atteignent désormais 1.600 hommes ; ce niveau
d'engagement a vocation à diminuer dès que la situation le
permettra ;
- en Côte d'Ivoire comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, nos
services de renseignement recueillent régulièrement des
informations sur des projets de coup d'Etat, sans pour autant que l'on puisse
anticiper avec certitude la probabilité de réalisation et son
échéance éventuelle ; en l'occurrence, le fait que le
soulèvement armé provienne d'une partie de l'armée
ivoirienne et que l'on ne dispose d'aucune certitude sur une éventuelle
intervention étrangère, ne permettait pas de mettre en oeuvre les
accords de défense et d'agir contre les mutins ;
- la France, dans le cadre du dispositif de renforcement de capacités
africaines de maintien de la paix (RECAMP), s'est déclarée
disposée à prendre en charge les frais de personnels et
l'équipement d'un bataillon au profit de la force de la CEDEAO en
Côte d'Ivoire ;
- entre 200 et 300 militaires libyens sont présents en République
centrafricaine, mais seront prochainement retirés, un accord ayant
été obtenu pour l'envoi d'une force de la Communauté
économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC)
dirigée par le Gabon ;
- les difficultés de la mise en oeuvre pratique de la politique
européenne de sécurité et de défense et le
rapprochement entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont contribué
à un réel sentiment d'essoufflement de l'esprit de
Saint-Malo ; pour autant, il ne faut pas négliger les
progrès accomplis, en particulier la création des institutions et
des procédures permettant à l'Union européenne de
décider d'une opération et d'en assurer le contrôle
politique ; par ailleurs, en dépit de certaines lacunes, la
constitution d'une capacité européenne d'action militaire est en
cours, avec pour objectif d'être opérationnelle en 2003 ;
- la création, au ministère de la défense, d'un centre de
planification et de conduite d'opérations (CPCO) traduit la
volonté de la France de pouvoir assumer le rôle de nation-cadre
pour des opérations multinationales ; ce centre permettra d'assurer
le commandement stratégique d'opération pour une force du niveau
brigade en 2003, du niveau division en 2005 et du niveau corps d'armée
en 2007 ; il s'agira d'un poste de commandement
« multinationalisable », capable d'accueillir
jusqu'à 400 officiers français et européens ; son
équipement reposera sur des systèmes d'information et de
commandement permettant de diriger une opération multinationale depuis
Paris, conformément aux engagements pris pour la constitution des
capacités européennes ;
- le projet de force de réaction rapide de l'OTAN, qui pourrait ne se
limiter qu'à des unités européennes, ne doit pas
handicaper la mise en place de la force de réaction
européenne ; les deux forces ne sont pas concurrentes, car elles
reposent sur un même réservoir d'unités ; nous
veillerons à la compatibilité des deux démarches ;
- il n'est pas prévu d'acquérir d'ici 2008 une capacité
spatiale d'alerte, mais le projet de loi de programmation prévoit le
financement d'études-amont dans le cadre du programme de défense
antimissiles de théâtre ; il serait nécessaire de
développer cette capacité en coopération
européenne, en se rapprochant notamment des allemands et des
italiens ;
- l'opportunité de la création d'une structure interarmées
de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) fait actuellement
l'objet d'une étude d'évaluation ;
- depuis 10 ans, le poids financier des opérations extérieures
représente environ 620 millions d'euros par an, principalement
financés en loi de finances rectificative par prélèvement
sur les crédits d'équipement de la défense ; un
groupe de travail commun au contrôle général des
armées et à l'inspection générale des finances doit
remettre l'an prochain ses conclusions en vue d'améliorer le mode de
financement des opérations extérieures, par exemple par un
meilleur provisionnement en loi de finances initiale ; d'autres
améliorations pourraient être permises dans le cadre de la mise en
oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ;
- l'équilibre économique du programme d'avion de transport
A400 M exigerait une commande minimale de 60 appareils par
l'Allemagne ; toutefois, ce seuil ne tient pas compte de commandes
nouvelles provenant de pays qui ne sont pas actuellement partie au
programme ; l'Italie n'exclut pas de se rallier au programme à
partir de 2006 et des pays non-européens, comme le Canada, marquent leur
intérêt pour cet avion ; il est donc possible de rester
raisonnablement optimiste, pour autant que le Royaume-Uni accepte d'attendre la
décision définitive de l'Allemagne sur ce dossier ;
- le projet de loi de programmation permet la rénovation des trois
composantes de la famille Exocet : air-air, sol-mer et mer-mer. Pour cette
dernière version (MM40), des négociations sont en cours avec
l'industriel pour un éventuel changement de mode de propulsion, qui en
augmenterait la portée ;
- le passage de la gendarmerie sous l'autorité du ministère de
l'intérieur, pour les missions de sécurité
intérieure, répondait à une nécessité et
s'effectue dans des conditions satisfaisantes ; il reste à observer
comment évoluera la question du statut militaire de la
gendarmerie ; il n'y a pas en cette matière de voie moyenne, qui
consisterait à conserver certains aspects du statut militaire et
à en écarter d'autres ; le statut militaire, fondé
sur les exigences de discipline et de disponibilité, forme un tout
indissociable qu'il faut préserver.
*
* *
M. François HEISBOURG
Directeur de la Fondation pour la
recherche stratégique
Le mercredi 6 novembre 2002
M.
François Heisbourg
a tout d'abord exprimé sa satisfaction sur
le contexte renouvelé dans lequel s'inscrit son intervention sur le
projet de loi de programmation militaire. Il a estimé que, sur le plan
stratégique, l'innovation apportée par la loi de programmation
militaire était plus importante qu'il n'y paraissait.
Reprenant les différentes fonctions stratégiques
énumérées par la loi de programmation, dissuasion,
prévention, projection et protection, il a considéré que
le contenu du volet « prévention » constituait un
apport substantiel. Bien que différente du concept américain qui
inclut notamment l'idée de frappes préventives, la conception
française de la prévention résulte directement des
événements du 11 septembre. Cette fonction
stratégique spécifique, qui comprend le développement de
capacités de veille et d'alerte précoce, ainsi que de
renseignement a été identifiée comme une réponse
à la menace émanant de groupes non-étatiques. Elle
constitue une actualisation du Livre blanc de 1994, qui évoquait le
terrorisme sans y apporter le même type de réponse.
La nouvelle loi de programmation militaire résulte tant des
événements du 11 septembre que du constat d'un
décalage croissant entre les efforts de défense français
d'une part, et britanniques d'autre part : 37 milliards d'euros ont
été consacrés à la défense par le
Royaume-Uni contre 25,5, hors gendarmerie, par la France sur la dernière
période de programmation.
La réforme des armées, combinée à la multiplication
des opérations extérieures avec un budget inchangé, a
conduit à la dégradation de la disponibilité des
matériels. La loi de programmation militaire, donnant une
priorité claire au maintien en condition opérationnelle des
forces, apporte des réponses satisfaisantes à une question
urgente. Le niveau des crédits consacrés au titre V, de l'ordre
de 15 milliards d'euros par an, constitue également un motif de
satisfaction.
Certaines interrogations subsistent cependant. L'exécution
budgétaire et la nécessité de réaliser des
dépenses en temps et en heure sont une première source
d'incertitude.
M. François Heisbourg
a estimé qu'en
l'absence de refonte du Livre blanc de 1994, la loi de programmation ne posait
pas suffisamment la question de l'arbitrage entre les différents types
d'opérations que la France peut mener. Prenant l'exemple de
l'Afghanistan, il a indiqué que, seule, la France menait à la
fois des opérations militaires, de maintien de la paix dans le cadre de
l'ISAF et de formation de la nouvelle armée. De ce point de vue, les
Britanniques établissent une hiérarchie plus nette dans leurs
priorités. Il a considéré que ce choix devait être
mis en rapport avec la logique de fonctionnement d'une armée
professionnelle. Si elle fait l'objet de sollicitations trop nombreuses, des
tensions sur le recrutement risquent d'être observées à
terme.
La loi de programmation militaire n'aborde pas non plus la question de la
convergence entre sécurité extérieure et
sécurité intérieure. La mise en place de conseils de
sécurité intérieure, au même niveau que les conseils
de défense, constitue un début de mise en cohérence.
M. François Heisbourg
a conclu sur la question de
l'européanisation de notre défense dans un contexte de retrait
britannique et de restriction budgétaire en Allemagne.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Xavier de Villepin
a souhaité savoir si le niveau de l'effort
français en matière de recherche et développement ainsi
que dans le domaine de l'espace était suffisant, alors que l'on observe
une augmentation très forte de la dépense américaine dans
ces domaines. Il a par ailleurs souhaité connaître l'opinion de M.
François Heisbourg sur les évolutions de l'OTAN et de la
défense européenne.
M. Hubert Durand-Chastel
s'est interrogé sur l'impact
économique, notamment en termes d'emploi, de la recherche en
matière de défense. Il a considéré que cet impact
pouvait constituer une incitation pour certains pays neutres à investir
davantage dans le secteur militaire.
M. Serge Vinçon
a sollicité l'opinion de M.
François Heisbourg sur l'évolution attendue de l'attitude des
Etas-Unis par rapport à l'OTAN. S'agissant des efforts comparés
de défense, il s'est interrogé sur la sortie des crédits
correspondants des critères du pacte de stabilité. Il a enfin
souhaité des éléments de précision sur le
rôle de la dissuasion nucléaire dans le contexte
stratégique actuel.
M. Jean-Pierre Masseret
a souhaité connaître les moyens de
réponse dont dispose notre pays face aux menaces bactériologiques
et chimiques. Il s'est interrogé sur les rôles respectifs de la
défense européenne et de l'OTAN, dans un contexte où le
champ d'intervention de cette dernière pourrait être
élargi.
M. Christian de La Malène,
partageant l'opinion de
M.
François Heisbourg
selon laquelle la France ne peut
prétendre assigner un champ trop vaste aux missions de ses forces
armées, lui a demandé si, de son point de vue, le projet de loi
de programmation militaire opérait, à ce sujet, des choix
suffisamment clairs. Il s'est notamment interrogé sur la
fréquence et l'importance des opérations extérieures
auxquelles la France prenait part, et sur les retombées de nos efforts
en faveur du développement de capacités militaires
européennes de gestion de crise, compte tenu des difficultés de
la politique européenne de sécurité et de défense.
Mme Hélène Luc
a demandé des précisions sur
le rôle futur de l'OTAN et sur la place que lui réserveraient les
Etats-Unis. Elle s'est inquiétée de la relative faiblesse des
crédits consacrés au renseignement. Elle a souligné la
nécessité, pour la France, de s'engager davantage dans la
reconstruction de l'Afghanistan, en particulier en matière
d'équipements scolaires et sanitaires.
M. Robert Del Picchia
a évoqué les incertitudes pesant sur
l'étendue exacte des missions dites « de
Petersberg » que devrait assumer l'Union européenne. Il a
souligné que
certains de nos partenaires ne souhaitaient pas
aller au-delà de missions de maintien de la paix et n'envisageaient pas
de missions de rétablissement de la paix. Il a par ailleurs
interrogé M. François Heisbourg sur les perspectives
d'intervention militaire américaine en Irak.
Mme Josette Durrieu
a évoqué l'évolution du dossier
de l'avion de transport A 400 M et la situation en Macédoine à
l'approche de la fin de la mission de l'OTAN.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a souhaité des précisions
sur la nature du parti qualifié d'islamiste modéré qui
vient de remporter les élections turques. Elle s'est demandé dans
quelle mesure l'adhésion de la Turquie à l'Union
européenne pouvait constituer un moyen de rapprocher les civilisations
et les cultures.
M. Pierre Biarnès,
évoquant l'Irak, a
déploré que la communauté internationale ne soit pas
suffisamment déterminée à faire appliquer les
résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies au
Proche-Orient. Il a souligné qu'Israël possédait des armes
de destruction massive, notamment nucléaires.
M. André Dulait, président,
a souhaité
connaître l'opinion de M. François Heisbourg sur
l'efficacité de l'organisation de nos services de renseignement. Il a
par ailleurs demandé comment la Convention sur l'avenir de l'Europe
prendrait en compte les questions de défense. Il s'est enfin
interrogé sur l'adaptation de notre politique nucléaire militaire
au nouveau contexte international.
En réponse à ces différentes interventions,
M.
François Heisbourg
a apporté les précisions
suivantes :
- la recherche et le développement constituent les domaines qui ont
été les plus affectés, ces dernières années,
par la réduction du budget de défense français, alors
qu'ils ont au contraire été constamment préservés
aux Etats-Unis, quel que soit le contexte budgétaire ; l'effort
consacré par la France en la matière ne représente plus
qu'environ la moitié du niveau atteint au début des années
1990 ; par ailleurs, la délégation générale
pour l'armement a renoncé, à partir de 1997, à conduire
elle-même des recherches-amont ;
- à la différence des dernières décennies, c'est
désormais en grande partie la recherche civile qui
« tire » la recherche militaire, car les cycles
technologiques sont beaucoup plus courts que les cycles d'acquisition des
armements ; il est donc nécessaire de réduire la
durée de ces cycles d'acquisition d'équipements militaires afin
de bénéficier davantage des retombées de la recherche
civile ;
- le renforcement des programmes spatiaux militaires est, pour la France, une
nécessité ; il est heureux à cet égard que le
projet de loi de programmation militaire, même s'il demeure discret sur
le sujet, prévoie des études sur la mise au point de
systèmes d'alerte satellitaires, indispensables à la
détection et à la localisation des tirs de missiles
balistiques ;
- les Etats-Unis continuent à accorder une grande importance politique
à l'OTAN, mais considèrent qu'avec la disparition de la menace
soviétique, son intérêt militaire s'est
considérablement réduit ; de fait, 92% de la structure des
forces américaines n'est pas rattachée pour emploi à
l'OTAN et fonctionne selon des procédures et des standards
différents de ceux de l'Alliance atlantique, ce qui crée des
difficultés pour nos forces lorsqu'elles sont appelées, comme en
Afghanistan, à opérer avec des unités ne relevant pas du
commandement américain en Europe ; cette évolution laisse
présager un déclin de l'OTAN en tant qu'organisation de
défense collective ;
- la proposition américaine de force de réaction rapide au sein
de l'OTAN, davantage soutenue par la Maison Blanche que par le Pentagone,
présente un intérêt militaire réduit ; son
effectif sera minime, sa capacité à être très
rapidement engagée est incertaine, notamment dans une Alliance
élargie ; elle permettra cependant de promouvoir
l'interopérabilité entre les différentes armées y
prenant part ;
- la force européenne de réaction rapide, telle qu'elle a
été définie à Helsinki par le Conseil
européen, ne paraît pas en mesure de pouvoir mener des actions de
projection de vive force ; insuffisamment ambitieux, si l'on
considère que l'Europe doit pouvoir conduire des opérations de
guerre loin de ses frontières, le projet est en revanche
sur-dimensionné s'il ne s'agit que de mener des opérations de
maintien de la paix comme celles actuellement en cours en
Bosnie-Herzégovine ;
- l'institut d'étude et de sécurité de l'Union
européenne travaille actuellement à la rédaction d'un
livre européen sur la défense ; la question se pose, dans ce
cadre, de savoir si l'Europe de la défense doit se limiter aux missions
de Petersberg ;
- la Convention sur l'avenir de l'Europe aura également à
s'intéresser aux développements de la politique européenne
de sécurité et de défense ; on peut par exemple se
demander si, comme la Constitution française, la future Constitution
européenne comportera une disposition relative à
l'intégrité territoriale de l'Union européenne ;
- la France est aujourd'hui mieux préparée à la lutte
contre le risque chimique qu'à celle contre le risque biologique ;
une implication plus forte des institutions européennes est
nécessaire dans ce domaine ; il est également indispensable
de procéder à des exercices sur le terrain, comme l'exercice
Eurotox récemment organisé à Canjuers, mais
également à des exercices de gestion de crise par
l'échelon politique, comme l'on fait les Etats-Unis au printemps 2001 en
testant les lacunes de leur appareil de décision face à la
propagation du virus de la variole ;
- la part de la dissuasion nucléaire représente actuellement
environ 20% des crédits d'équipement de la défense, ce qui
est supérieur à ce que l'on constate aux Etats-Unis ou au
Royaume-Uni ; il n'est donc pas illégitime de se demander s'il
serait possible, tout en préservant la dissuasion, ce qui demeure
indispensable, de réduire l'effort financier qui lui est
consacré ; on peut
regretter qu'un débat plus
ouvert ne se soit pas produit sur la nécessité de construire un
4e sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle
génération, ou d'engager le programme de missile air-sol moyenne
portée amélioré (ASMP/A) ;
- il est en revanche important d'envisager, pour la crédibilité
même de notre dissuasion, une capacité de détection et
d'alerte ; la prolifération des missiles balistiques et des armes
de destruction massive rend indispensable la capacité de
détection et d'identification d'un éventuel agresseur ; un
tel système, d'un coût évalué entre 400 et 500
millions d'euros, est à la portée du budget de défense
français ;
- s'agissant de l'avion de transport A 400 M, il aurait été
préférable que l'Allemagne indique clairement, dès le
départ, le nombre d'appareils qui lui étaient réellement
nécessaires ;
- le parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan,
qui vient de remporter les élections législatives en Turquie,
représente effectivement une ligne modérée et ne saurait
en aucun cas être mis sur le même plan que le FIS
algérien ; certains ont pu, à juste titre, parler d'une
version musulmane de la démocratie chrétienne, telle que nous la
connaissons en Europe ;
- les Européens ont fait preuve d'une grande inconséquence dans
leur attitude vis-à-vis de la Turquie depuis plusieurs
années ; cette dernière peut à bon droit
évoquer les engagements clairs, énoncés notamment lors du
Conseil européen d'Helsinki en 1999, sur sa vocation à
intégrer l'Union européenne ; il est regrettable de
constater sur ce point un profond décalage entre les déclarations
officielles de l'Union européenne et le sentiment réel des
différentes capitales ;
- la diplomatie française aura montré, dans la gestion du dossier
irakien aux Nations unies, de grandes qualités d'efficacité et de
professionnalisme ; si un compromis était trouvé autour
d'une résolution acceptable par la France, cette dernière
serait bien entendu liée par ce compromis et devrait en
conséquence participer à une éventuelle opération
militaire en cas de non-respect par l'Irak de ses obligations ; une
participation française devrait en revanche être exclue si une
action américaine intervenait en dehors des résolutions du
Conseil de sécurité ;
- les attentats dont la France a été victime au cours des vingt
dernières années l'ont incitée à mettre en place
une bonne coordination des services de renseignement ; celle-ci peut
être aujourd'hui jugée efficace ;
- Israël a commencé à développer un programme
nucléaire, bien avant la conclusion du traité de
non-prolifération (TNP) ; cet Etat n'a d'ailleurs pas signé
ce traité et n'est donc pas en contradiction avec ses engagements
internationaux, contrairement à l'Irak et à la Corée du
Nord ; en ce qui concerne les résolutions du Conseil de
sécurité sur le Proche-Orient, elles s'adressent à la
partie israélienne comme à la partie palestinienne et ne sont pas
fondées, à la différence des résolutions concernant
l'Irak, sur le chapitre VII de la Charte des Nations unies relatif aux menaces
contre la paix et au recours éventuel à la force par l'ONU.
Enfin, répondant à une question de M. Xavier de Villepin,
M. François Heisbourg
a évoqué les conditions
dans lesquelles a été révélée l'existence
d'un programme nucléaire nord-coréen. Il a souligné que la
situation ainsi créée ne pouvait être comparée
à celle de l'Irak, car il ne s'agissait pas de l'acquisition potentielle
de la capacité nucléaire, mais de sa possession, ce qui, entre
autres raisons, excluait toute option militaire. Il a reconnu la relative
modération des réactions internationales, en particulier aux
Etats-Unis et au Japon, ce dernier pays étant soumis à d'intenses
pressions de Pyongyang pour normaliser, dans un sens très favorable
à la Corée du Nord, les relations bilatérales. Il a
jugé que la révélation du programme nucléaire
nord-coréen ne rendait que plus inquiétants les soupçons
de transferts de technologies vers des pays proliférants, comme l'Iran
ou la Libye.
*
* *
M. Denis RANQUE
Président-directeur général
de Thales
Le jeudi 7 novembre 2002
M. Denis
Ranque a tout d'abord présenté les trois métiers
principaux de la société Thales : les systèmes
électroniques de défense, qui concourent à 50 % du
chiffre d'affaires global, les systèmes aéronautiques, tant
civils que militaires, et enfin les technologies de l'information et les
services dans le secteur des transactions, de la sécurité et du
positionnement.
Puis M. Denis Ranque a présenté l'évolution récente
de sa société, dont 50 % des effectifs sont aujourd'hui
basés à l'étranger, pour répondre aux
impératifs d'une stratégie dite
« multidomestique », qui vise à répondre
à un double défi : d'une part, la mondialisation du
marché et d'autre part, la nécessité de maintenir des
protections nationales dans des domaines aussi sensibles, liées à
la sécurité, la souveraineté ou le contrôle des
exportations.
Cette stratégie multidomestique donne de bons résultats. La
société Thales est aujourd'hui le premier fournisseur de la
Délégation générale pour l'armement en France, le
deuxième fournisseur en Grande-Bretagne, et elle est également
présente dans de nombreux autres pays, dont l'Australie et la
Corée du sud. Ce succès est largement dû à la
stratégie de Thales, qui vise à impliquer les économies
des différents pays partenaires dans les retombées
économiques des dépenses d'armement. Prenant l'exemple de
l'Australie, M. Denis Ranque a souligné que le partenariat avec
Thales avait permis à ce pays le développement, sur son sol, de
plusieurs industries qui exportent dans la zone Pacifique. Ce concept
multidomestique innovant a permis une croissance de l'activité de la
société, notamment en matière de défense et ceci
dès 1997, alors que les crédits militaires français
étaient en réduction. Au total, le marché français
représente aujourd'hui 15 % des ventes en matière militaire,
et les activités ont été développées dans
plusieurs autres pays européens.
Puis
M. Denis Ranque
a mis en exergue les domaines dans lesquels sa
société exerçait une prééminence sur le plan
mondial, immédiatement derrière certaines sociétés
américaines. Ces domaines sont les systèmes navals et
aéronautiques, l'optronique, ainsi que les systèmes de
communication - commandement et de défense aérienne.
Abordant ensuite le contenu de la loi de programmation militaire 2003-2008,
M. Denis Ranque
a salué la rupture qu'elle opérait
avec la période antérieure. Cette rupture est d'autant plus
opportune que l'après guerre froide a été marquée
par une décroissance générale des budgets militaires,
alors même que les incertitudes internationales réclamaient de
nouvelles modalités d'emploi des forces. Il a ainsi repris la
comparaison entre les dépenses consacrées à la
défense par les quinze pays membres de l'Union européenne qui, au
total, n'avoisinent que la moitié des dépenses consacrées
par les Etats-Unis à leur équipement militaire, l'effort
européen de recherche et développement ne dépassant pas le
quart de l'effort consenti en la matière outre-atlantique. La
deuxième dérive que la loi de programmation militaire vise
à interrompre tient à la disponibilité
opérationnelle des équipements des forces armées qui,
faute de crédits dans la période antérieure, a chu de
façon considérable aboutissant à l'immobilisation d'un
nombre croissant de matériels. Enfin, a-t-il estimé, cette loi de
programmation permettra à la France de restaurer une
prééminence en Europe qui lui était contestée par
la Grande-Bretagne, pays qui a su maintenir de façon constante son
effort de défense.
Au total,
M. Denis Ranque
a jugé que cette loi de programmation
était une bonne initiative tant pour les industries de la défense
que pour les citoyens. Il a cependant assorti ses propos optimistes d'une
restriction portant sur la nécessité que cette loi, à la
différence des précédentes lois de programmation
militaire, soit effectivement et pleinement appliquée. Dans le cas
contraire, le phénomène de sous-équipement persisterait
avec, comme conséquence négative, un renchérissement des
différents programmes d'armement, comme cela a été
malheureusement le cas notamment pour le Rafale. En effet, les amputations
budgétaires successives qui ont affecté ce programme ont conduit
à majorer considérablement son coût de
développement, ainsi qu'à affecter ses possibilités
d'exportation. Si cet exemple démontre les nombreuses
conséquences perverses des annulations budgétaires successives,
M. Denis Ranque
a souligné qu'en contrepartie de cet effort
financier important consenti par la nation, les forces armées devaient
s'engager résolument à accroître leur efficacité
financière, en se dégageant du poids de certains services qui
sont délégables et en rendant plus réactifs les
mécanismes de décision. Si d'importants progrès ont
été accomplis tant par les industriels que par la
Délégation générale pour l'armement s'agissant des
équipements neufs, des progrès similaires restent à faire
dans le domaine de la maintenance. A cet égard,
M. Denis Ranque
a
évoqué
les exemples britanniques ou norvégiens,
dont les procédures permettent de reverser, au budget de la
défense, toute somme économisée grâce à des
efforts de productivité ou de rationalisation du processus de
décisions. Il a fait valoir que les efforts considérables
accomplis récemment par les forces armées dans le cadre de leur
professionnalisation démontraient leur capacité à se
moderniser.
Abordant ensuite les conséquences industrielles des crédits
inscrits dans la loi de programmation militaire, il a salué la
priorité accordée au secteur naval. Rappelant que le
marché français, en ce domaine, est dominé par le
rôle de la Direction des constructions navales (DCN), il a mis en
évidence que celle-ci pouvait s'appuyer sur un marché dynamique.
De surcroît, ce domaine est au coeur des opérations de projection,
qui constituent l'axe des opérations militaires modernes.
M. Denis
Ranque
a rappelé que Thales avait créé avec DCN une
société commune, dénommée Armaris. Cette
communauté de projet doit accentuer la nécessité d'une
bonne maîtrise des coûts par la DCN, dont le nouveau statut
constitue un pas nécessaire mais non suffisant pour une réforme
globale. Dans le domaine aéronautique, qui constitue un domaine
d'excellence de l'Europe, où la dualité civile et militaire est
totale,
M. Denis Ranque
a ensuite relevé que les deux grands
groupes européens que constituent Thales et EADS seraient de plus en
plus confrontés à l'ambition américaine de dominer le
secteur. Le succès en Europe du JSF en est un exemple inquiétant,
a-t-il déploré. En dehors du marché britannique, qui s'est
tourné vers cet avion pour répondre à un besoin
spécifique, d'autres pays européens, tels la Norvège, les
Pays-Bas ou l'Italie, se sont agrégés au programme en l'absence
de réel besoin et sans réelles perspectives de participation
industrielle et de transfert technologique.
Enfin,
M. Denis Ranque
a évoqué l'évolution des
systèmes de communication et de décision (C3R), qui avaient
permis, en dix ans, de réduire de deux jours à quelques minutes
la « boucle »
renseignement-détection-commandement-exécution-contrôle.
Cette évolution majeure du circuit de décision conduit à
un véritable bouleversement des méthodes, et
M. Denis
Ranque
s'est félicité que la loi de programmation militaire
contienne des dispositions -notamment un programme de commandement et de
planification interarmées, visant à permettre à la France
d'être une « nation cadre », et une phase nouvelle du
programme Syracuse- en ce domaine.
A la suite de l'exposé de M. Denis Ranque, un débat s'est
engagé avec les commissaires.
M. Serge Vinçon
a souhaité savoir quelles pouvaient
être la participation de Thales et la place de la France dans les futurs
programmes de lutte anti-missiles, il s'est interrogé sur la
coopération qui pourrait s'instaurer avec les Britanniques pour la
construction du second porte-avions. Il a enfin fait part de sa
préoccupation à propos de l'avenir des industries
européennes d'avions de combat confrontées au programme
américain JSF.
M. Xavier de Villepin
a demandé comment Thales pouvait
développer ses parts de marché aux Etats-Unis. Il a en outre
souligné l'importance pour les Européens de participer aux
programmes anti-missiles et de renforcer leur effort en matière de
recherche et développement face aux Etats-Unis. A cet égard, il a
souhaité savoir quelles étaient les parts respectives des
industriels et de l'Etat. Abordant l'évolution du statut de DCN, il a
estimé que la transformation en société nationale ne
pouvait être qu'une étape. Enfin, il s'est interrogé sur
l'avenir du dispositif français d'aide aux exportations d'armements
à l'étranger.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est interrogé sur les solutions
politiques et industrielles qui pourraient permettre à l'Europe de
mettre en place une alternative au JSF. Il a par ailleurs souhaité des
précisions sur l'évolution possible de l'actionnariat de Thales.
M. Didier Boulaud,
notant la part importante des composants
américains dans les avions Airbus, s'est demandé comment
accroître les parts de marché des industriels européens
chez les constructeurs américains.
M. Denis Ranque
a alors apporté les précisions
suivantes :
- le marché des composants aéronautiques fait l'objet de mises en
concurrence où Thales est confronté à des
compétiteurs américains forts d'une longue expérience. Il
est donc normal, compte tenu de la durée des programmes, qu'ils
disposent d'une part importante du marché ;
- les Etats-Unis vont effectivement poursuivre leur programme anti-missiles et
il sera très difficile aux industriels européens d'y participer
tant que l'Europe elle-même n'aura pas de programme propre. Cependant,
même s'il n'est pas dans l'ambition de l'Europe de se doter d'un bouclier
comparable à ce que préparent les Etats-Unis, le besoin des
Européens est réel pour protéger leurs forces
déployées face à des missiles tactiques. Le projet de loi
de programmation militaire prévoit d'ailleurs d'étendre la
portée de détection des radars associés au système
anti-missile de théâtre SAMP-T. Il sera nécessaire de
réfléchir ultérieurement à l'évolution du
missile lui-même ;
- les Britanniques poursuivent leur projet de construction de deux grands
porte-avions. Thales est en compétition sur ce programme avec
BAe-Systems. La phase d'étude financée par le gouvernement
britannique s'achève fin novembre, le premier contractant devant
être choisi au mois de février ou de mars. La mise en chantier du
second porte-avions français n'interviendra que dans deux ans mais son
entrée en service est prévue pour la même période
que les porte-avions britanniques. La solution d'un porte-avions construit en
coopération avec les Britanniques sera vraisemblablement la moins
coûteuse, même si des adaptations pourraient être
nécessaires, les besoins n'étant pas strictement identiques.
Trouver une base commune est envisageable puisque les Britanniques, tout en
choisissant un porte-avions sans catapulte, ont préservé la
possibilité d'installer ultérieurement un tel
système ;
- seule une partie du pacte d'actionnaires liant Dassault et Alcatel se
dénoue en 2003, le pacte d'actionnaires lui-même, conclu pour huit
ans, s'achèvera en 2006. L'actionnariat de Thales est entré dans
une phase d'évolution en raison de la diminution de la part dans le
capital d'Alcatel et de l'Etat. Les actionnaires actuels ont soutenu la
stratégie et la transformation de la société et il est
souhaitable que Thales puisse compter sur le même soutien à
l'avenir. La présence de l'Etat dans le capital semble moins
justifiée que par le passé en raison de l'évolution du
marché mondial. Elle apparaît aujourd'hui comme une
singularité et parfois comme un handicap, notamment lorsqu'il s'agit de
prendre des participations dans le capital de sociétés
étrangères. Une évolution de la part de l'Etat ne
conduirait pas à un risque de perte de contrôle, l'actionnaire
public représentant 15 % du chiffre d'affaires de Thales et
15 % supplémentaires par le biais des autorisations d'exportation.
L'Etat conserve, en outre, à travers sa « golden
share » (action spécifique), la possibilité de
contrôler l'évolution du capital. Par ailleurs, s'il a
été utile, en 1998, d'adosser Thales à un partenaire
privé, il ne serait pas souhaitable que l'actionnaire de
référence futur de la société soit un groupe qui
aurait des intérêts concurrents ou divergents ;
- la présence sur le marché américain est indispensable
pour tous les grands groupes français ou européens, même si
elle est plus difficile dans le domaine de la défense. Pour parvenir
à cet objectif, Thales pourra s'appuyer sur la dualité civile et
militaire de ses activités. Il s'agit du défi majeur de la
décennie à venir, comme l'européanisation a
été l'enjeu des années passées ;
- d'un point de vue quantitatif, la relance de la recherche
développement par le projet de loi de programmation militaire est
très positive. D'un point de vue qualitatif, il serait souhaitable de
développer la construction de démonstrateurs technologiques ;
- il sera nécessaire, après la transformation de DCN en
société nationale, de passer rapidement à une autre
étape ;
- le dispositif commercial à l'exportation est en évolution. Les
sociétés commerciales intermédiaires vont
vraisemblablement se transformer en partenaires des grands industriels. L'Etat,
notamment à travers le réseau diplomatique, fait un effort accru
pour soutenir les exportations ;
- pour une alternative au programme JSF, il est nécessaire de
développer l'effort national pour soutenir l'exportation du Rafale,
appareil extrêmement compétitif techniquement et
économiquement. Cela passe par une mobilisation du pouvoir
exécutif et par un financement, en coopération avec les
industriels, d'une version export. Il est par ailleurs nécessaire, au
niveau européen, de préparer l'avenir à travers,
notamment, la conception de systèmes d'avions de combat non
pilotés.
*
* *
M. Jean-Claude MALLET
Secrétaire général de
la défense nationale
Le mardi 12 novembre 2002
M.
Jean-Claude Mallet
a tout d'abord décrit, d'une part, le contexte
stratégique général où s'étaient inscrits
les travaux d'élaboration de la loi de programmation militaire
2003-2008, et d'autre part, la traduction de ce contexte dans les orientations
de la loi de programmation.
Le secrétaire général de la défense nationale a
souligné que le contexte stratégique général
était marqué par un net accroissement des menaces contre la paix,
par contraste avec les espoirs développés au début de la
décennie antérieure. Ces menaces se concrétisaient dans
une multiplication des crises internationales, sollicitant toujours davantage
nos moyens de défense.
M. Jean-Claude Mallet
a alors énuméré les
éléments lui paraissant sous-tendre cette multiplication des
crises : le terrorisme international, tout d'abord, passé d'un
ancrage fortement local, qui demeure souvent, à une logique
transnationale de filières et de réseaux, à la faveur de
crises en Algérie, en Afghanistan, en Tchétchénie ou dans
les Balkans. Le réseau Al Qaïda a été le premier
à exploiter cette nouvelle donne et les dimensions technologiques et
sociales de la mondialisation, à partir de l'Afghanistan, mais aussi
dans d'autres points du globe, menaçant non seulement les Etats-Unis,
mais aussi les intérêts et les territoires européens et
nationaux ;
-
l'absence de règlement de crises persistantes, ensuite,
contribuait à cette évolution comme celles du Proche et du
Moyen-Orient, ou encore du Cachemire.
Un troisième
élément pesait sur la stabilité internationale : la
difficulté à maîtriser la prolifération des armes de
destruction massive, qu'elles soient nucléaires, biologiques, chimiques
ou radiologiques. A cette prolifération s'ajoute la dissémination
des savoir-faire, notamment à travers internet, qui augmente
dangereusement les capacités de conception, de fabrication, mais
également d'emploi de ces armes. Un quatrième
élément négatif est lié aux espoirs
déçus de réduction des inégalités entre pays
riches et pauvres, ces derniers se trouvant aspirés dans une spirale
régressive, alors que la croissance n'a profité qu'à un
nombre restreint d'Etats.
M. Jean-Claude Mallet
a par ailleurs constaté que les
organisations internationales, qui devraient pouvoir réguler ces
facteurs de tension, ont vu leur légitimité mise en doute par
certains. Dans les années 1990, la multiplication des opérations
de maintien de la paix a mis en lumière les pesanteurs
décisionnelles de l'ONU au plan militaire. L'organisation, en
particulier le Conseil de sécurité, est par ailleurs jugée
insuffisamment représentative -en termes d'équité- par les
uns, ou trop contraignante pour d'autres. Des interrogations sur l'avenir et
sur les limites du rôle de l'Organisation du traité de
l'Atlantique Nord se sont développées, y compris aux Etats-Unis.
Le futur élargissement à sept nouveaux membres, ainsi que la mise
en place du Conseil de coopération avec la Russie ou les nouvelles
missions dans le domaine du maintien de la paix contribuent à modifier
sa vocation originelle. L'Union européenne également, du fait
notamment de son prochain élargissement, en 2004, à 10 nouveaux
membres, s'interroge sur ses capacités à répondre aux
nouveaux défis internationaux, mais aussi sur l'efficacité de ses
mécanismes de décision, voire sur son identité même,
à travers le débat sur ses institutions et ses limites
géographiques.
Face à ces facteurs d'incertitude, le secrétaire
général de la défense nationale a observé, sur la
scène internationale, un regain d'une forme de « demande
d'Etat ». La France s'est toujours fondée sur
l'autorité et la légitimité du cadre étatique. Elle
vient de décider particulièrement le redressement de ses
capacités en matière de défense et de
sécurité. Elle associe à cette approche une vision
équilibrée, multilatérale, de l'organisation
internationale et ne cesse de promouvoir, comme elle l'a prouvé dans la
crise irakienne, un renforcement des systèmes de régulation
internationale. Dans cette organisation équilibrée du monde, elle
souhaite que se développe un pôle européen à part
entière.
M. Jean-Claude Mallet
a cependant relevé certains facteurs
d'optimisme, comme la stabilisation intervenue dans la région des
Balkans, ou encore l'éloignement du risque de crise majeure, au
printemps dernier, entre l'Inde et le Pakistan, grâce aux efforts
diplomatiques, notamment, de la France. Il a également relevé que
le monde musulman ne s'était pas soulevé contre la civilisation
occidentale comme l'y appelaient les dirigeants Taliban et le réseau Al
Qaïda, et ceci même dans les pays les plus exposés comme le
Pakistan.
Abordant ensuite les conséquences de cette analyse stratégique
sur l'élaboration de la loi de programmation militaire 2003-2008,
M.
Jean-Claude Mallet
a considéré que la première d'entre
elle consistait dans la réaffirmation de la capacité d'autonomie
stratégique de la France, avec, notamment, un net renforcement des
moyens alloués au renseignement, au commandement et au contrôle de
l'emploi des forces. La dissuasion demeure également centrale comme
facteur de cette autonomie et reste ancrée au coeur de notre politique
de défense, justifiant la modernisation des composantes et
l'adéquation du concept aux menaces nouvelles. Le développement
des capacités de projection ensuite est pris en compte dans le projet,
avec notamment les programmes de deuxième porte-avions, de missile de
croisière naval et le renforcement des forces spéciales.
L'impératif de la protection est souligné, notamment par le
développement de la défense anti-missile balistique tactique pour
la protection des forces déployées, ou encore celui des moyens de
prévention contre une attaque chimique ou biologique. La loi de
programmation s'inscrit aussi dans l'ambition européenne de la
défense, notamment en matière d'harmonisation des
équipements et de développement de structures de commandement
ouvertes à nos partenaires. Enfin, elle tend à ancrer la
professionnalisation dans le temps et dans l'espace, notamment par
l'amélioration de la disponibilité des équipements,
l'accroissement des capacités d'entraînement ou la
nécessaire valorisation des réserves.
Un débat s'est ensuite instauré entre les commissaires.
M. Serge Vinçon
a demandé des précisions sur
l'évolution du dispositif de protection contre les risques
nucléaire, biologique et chimique et sur les responsabilités
respectives du ministère de la défense et des ministères
civils en la matière. Il a souhaité connaître ce que
recouvrait le concept de « dissuasion adaptée »,
évoqué à la suite du discours prononcé le
8 juin 2001 par le Président de la République. Il a
observé que le rapport annexé au projet de loi de programmation
militaire évoquait la possibilité d'actions préemptives et
s'est interrogé sur la portée stratégique de cette notion.
M. Didier Boulaud
, soulignant la nouveauté du rôle que sont
appelées à jouer l'Union européenne et l'OTAN, compte tenu
des processus d'élargissement en cours, s'est demandé si des
organisations comme l'UEO ou l'OSCE conservaient aujourd'hui encore leur
justification. Il a par ailleurs relevé la proportion relativement
modique de militaires français au sein des Casques bleus de l'ONU et a
demandé au secrétaire général de la défense
nationale s'il estimait souhaitable de renforcer l'engagement de la France dans
les opérations de maintien de la paix conduites par celle-ci.
Mme Hélène Luc
s'est interrogée sur
l'évolution des missions dévolues à l'OTAN dans le nouveau
contexte international. Observant que l'effort financier consacré
à la dissuasion nucléaire représentait près de
20 % des crédits d'équipement du ministère de la
défense, elle s'est demandé si un tel niveau de ressources
était toujours justifié.
M. Christian de La Malène
a souligné les moyens
supplémentaires dégagés par le projet de loi de
programmation militaire 2003-2008 pour les actions de sécurité
intérieure ou en faveur du renforcement des capacités de
commandement et de renseignement. Tout en se félicitant de cet effort,
il s'est demandé si le projet de loi s'était suffisamment
attaché à opérer des arbitrages entre les
différentes priorités, compte tenu des moyens
nécessairement limités que la France pouvait mettre au service de
ses ambitions.
M. André Dulait, président
, a interrogé M.
Jean-Claude Mallet sur la mise en place de la réserve au sein des
armées. Il lui a également demandé des précisions
sur le rôle moteur que la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne pouvaient
jouer dans la politique européenne de sécurité et de
défense et sur les incidences de l'éventuelle création
d'une force de réaction rapide au sein de l'OTAN.
M. Jean-Claude Mallet, secrétaire général de la
défense nationale
, a alors apporté les précisions
suivantes :
- la fin de l'usage systématique du droit de veto depuis le début
des années 1990 a incontestablement rétabli le rôle du
Conseil de sécurité des Nations unies, même si certains
Etats, par leur politique, tendent à remettre en cause le rôle
clé, à nos yeux, des organisations multilatérales ;
- si elle fournit aujourd'hui peut-être moins de Casques bleus à
proprement parler qu'au milieu des années 1990, la France n'a pas pour
autant réduit ses engagements en faveur des opérations de
maintien de la paix ; cela est notamment le cas dans les Balkans,
où nos forces sont engagées au titre de l'OTAN, ou encore en
Afghanistan, dans le cadre d'un ensemble multinational, mais toujours avec un
mandat relevant du Conseil de sécurité de l'ONU et de ses
résolutions ;
- la politique européenne de sécurité et de défense
(PESD) doit nécessairement concilier la préservation du consensus
entre les Quinze, demain les vingt-cinq, et les objectifs des pays disposant
des capacités militaires les plus importantes, au premier rang desquels
figurent le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie ; de fait, ces
pays sont appelés à jouer ensemble un rôle moteur dans la
défense européenne ;
- au cours des dernières années, de multiples facteurs ont
joué dans le sens d'une profonde évolution de l'OTAN :
l'intégration de pays d'Europe centrale, l'établissement de
nouvelles relations avec la Russie, la transformation de l'organisation et des
structures de l'Alliance, la redéfinition de ses missions ; la
France conserve, au sein de l'organisation, sa position particulière,
fondée en particulier sur le principe du contrôle, par nos
autorités politiques, des décisions d'affectation et d'emploi des
forces françaises ;
- la force européenne d'action rapide, définie à Helsinki
en 1999, et le projet de force de réaction rapide en cours de discussion
au sein de l'OTAN procèdent d'approches complémentaires, car il
s'agit des mêmes ressources ; il n'y a donc pas de concurrence mais
plutôt, potentiellement, si l'OTAN développe sa démarche,
une complémentarité entre ces deux initiatives ;
- dans son discours du 8 juin 2001, le Président de la
République a clairement affirmé que notre dissuasion
s'exerçait aussi à l'égard de puissances régionales
disposant d'armes de destruction massive, qui s'exposeraient à des
dommages inacceptables si elles venaient à menacer directement nos
intérêts vitaux, en particulier notre territoire. Cette prise de
position vise ainsi à dissuader d'éventuels adversaires d'exercer
un chantage à l'encontre de notre pays ; l'effort financier
consacré à notre dissuasion nucléaire, au demeurant
très inférieur à ce qu'il était au début de
la décennie 1990 où il s'élevait à 30 % du titre V,
vise à permettre la modernisation de nos forces nucléaires, afin
de préserver leur crédibilité et de les adapter à
cette mission ;
- la protection contre les risques nucléaire, biologique et chimique
implique, outre la défense, de nombreux ministères civils, en
particulier les ministères de l'intérieur, des transports ou de
la santé. Le secrétariat général de la
défense nationale a notamment pour mission d'assurer une bonne
coordination interministérielle de ces efforts, en vue de renforcer les
différents moyens de protection et de relever le niveau de notre
sécurité contre ce type de risques ;
- telle que définie dans le rapport annexé au projet de loi de
programmation, la notion d'action préemptive est rigoureusement
encadrée ; elle ne se conçoit qu'en cas de
matérialisation d'une menace avérée et dans le respect de
la légalité internationale et du rôle du conseil de
sécurité des Nations unies ;
- les moyens supplémentaires dégagés par le projet de loi
de programmation militaire ont été prioritairement
affectés aux capacités de renseignement et de commandement, aux
capacités de projection et aux forces spéciales ;
- le projet de loi prévoit une dotation financière
destinée à favoriser la montée en puissance de la
réserve et il définit un certain nombre d'indicateurs
d'activité et d'entraînement ; plus globalement, la
réserve constitue une composante à part entière de
l'armée professionnelle ; elle contribue à la
réalisation des objectifs en termes de capacité militaire et
représente un volet important du lien armée-nation.
*
* *
M. Philippe CAMUS
Président exécutif d'EADS
Le mercredi 13 novembre 2002
M.
Philippe Camus
a tout d'abord rappelé que la société
EADS, créée en juillet 2000, résulte de la fusion de trois
sociétés : la française Aérospatiale-Matra,
l'allemande DASA, l'espagnole CASA. EADS est aujourd'hui le numéro deux
mondial de l'aéronautique et de la défense, avec un chiffre
d'affaires de 30 milliards d'euros, après l'Américain Boeing,
avec un chiffre d'affaires de 54 milliards d'euros. Dans certains domaines,
comme celui des avions commerciaux, EADS fait jeu égal avec son
concurrent.
Avec Eurocopter, EADS est numéro un mondial sur le marché des
hélicoptères. Elle Le groupe occupe également une place
prépondérante sur le marché des lanceurs commerciaux, des
missiles tactiques et des satellites. Elle réalise 80 % de son
activité dans le domaine civil et 20 % dans le secteur de la
défense.
M. Philippe Camus
a indiqué que la hausse des budgets de
défense, consécutive aux événements du 11 septembre
2001, avait des conséquences structurantes pour l'industrie de
défense. Le risque que fait peser la hausse des budgets de
défense américains pèse sur l'ensemble de l'industrie
aéronautique et spatiale :. Fface à ce risque, il faut une
politique européenne de défense qui puisse être une base
suffisante, à la fois en termes de budget et d'organisation, pour
permettre un meilleur équilibre de compétitivité.
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003
à 2008 marque une inflexion positive. La France cesse d'accumuler un
retard qui lui faisait prendre, à terme, le risque d'une perte de sa
base industrielle. En outre, les assurances données quant à la
bonne exécution des engagements fournissent l'engagement solennel
exprimé, selon lequel la loi de programmation militaire devrait
être exécutée en l'état, fournit une plus grande
visibilité pour l'industrie. Dans ce cadre, la loi de finances pour 2003
s'inscrit en conformité avec la loi de programmation dont elle constitue
la première annuité.
M. Philippe Camus
a cependant émis deux réserves
principales quant au contenu de la loi :
- en matière de recherche et développement, l'effort
budgétaire consenti, 800 millions d'euros par an, soit une hausse
de 16 %, ne permet cependant pas de revenir au niveau souhaitable qui se
situerait à hauteur d'un milliard d'euros par an ;
- il aurait été en outre nécessaire d'intégrer une
plus forte coordination européenne dans les programmes
d'équipements.
S'agissant des programmes,
M. Philippe Camus
a formulé deux
observations. Le besoin de systèmes intégrés de
reconnaissance, commandement-action, est avéré, comme l'illustre
l'exemple récent de l'utilisation, par les Américains, de drones
armés. L'établissement d'un circuit court entre l'observation, la
décision de commandement et l'action nécessite notamment la mise
en oeuvre de satellites et de drones éventuellement armés. Or,
l'effort consenti sur les programmes de drones dans la loi de programmation
apparaît à la fois insuffisant et tardif.
En matière de frappe dans la profondeur,
M. Philippe Camus
a fait
observer que les calendriers des programmes de frégates multimissions et
du missile de croisière naval n'étaient pas concordants. Un
effort budgétaire supplémentaire de l'ordre de 200 millions
d'euros serait nécessaire pour permettrait l'équipement,
dès 2008, des frégates multimissions en missiles Scalp naval.
Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.
M. Serge Vinçon
a souhaité savoir si une
coopération européenne était envisageable sur le programme
du missile de croisière navalisé. Il a souhaité
connaître l'état d'avancement des discussions avec l'Espagne au
sujet de l'hélicoptère Tigre. Evoquant la compétition
entre le Rafale et l'Eurofighter, alors que des pays européens
participent au développement du F-35 (JSF), il a souhaité savoir
quelle pourrait être la solution européenne pour une meilleure
coopération en matière d'armement et a voulu connaître
l'appréciation du président exécutif d'EADS sur le bilan
de l'OCCAR.
M. Xavier de Villepin
a souhaité connaître l'état
des relations avec l'Allemagne alors que l'effort de défense de ce pays
reste faible. Il a souhaité savoir dans quelle mesure l'absence de
position forte d'EADS aux Etats-Unis constituait un handicap industriel. Il
s'est interrogé sur les possibilités de faire progresser l'Europe
de la défense.
M. Jean-Pierre Masseret
s'est interrogé sur l'opportunité
de communautariser les politiques européennes de recherche et
développement. Il a sollicité l'opinion de M. Philippe Camus sur
la création d'une agence européenne de l'armement. Evoquant
l'échéance programmée du pacte d'actionnaires d'EADS, il a
souhaité connaître les perspectives d'évolution de la
société. Il a enfin interrogé le président d'EADS
sur le décalage, souvent évoqué, entre la livraison des
premières frégates multimissions en 2008 et l'arrivée du
missile de croisière en 2011.
M. Didier Boulaud
s'est interrogé sur les moyens de progresser
dans la pénétration du marché américain. Il a
notamment souhaité connaître les chances d'EADS d'emporter des
parts du marché dans le cadre du programme américain de
défense anti-missile.
Mme Josette Durrieu
a souhaité connaître les programmes en
coopération qui pourraient émerger à moyen terme en
Europe. Elle s'est interrogée sur l'opportunité d'une Agence
européenne de l'armement pour dépasser les difficultés
actuelles. Elle a souhaité connaître l'état d'avancement
des appels d'offres sur l'avion ravitailleur A 330. S'agissant d'Ariane, elle a
interrogé M. Philippe Camus sur les principales difficultés
rencontrées.
M. Robert Del Picchia
a également interrogé le
président exécutif d'EADS sur la compétitivité
d'Ariane face à la NASA ses concurrents. Il a voulu connaître les
conséquences industrielles d'une révision de l'objectif
d'acquisition des avions A-400 M par l'Allemagne. Il a souhaité des
précisions sur l'opportunité d'emploi de drones armés.
M. André Dulait, président
, évoquant les
difficultés de pénétration du marché
américain, s'est interrogé sur l'état de la
coopération avec la société Northrop Grumann.
S'agissant du missile de croisière naval,
M. Philippe Camus
a
indiqué que les Britanniques avaient fait antérieurement le choix
du missile américain Tomahawk pour ses sous-marins. L'Italie, qui
utilise le missile de croisière Scalp, pourrait être
intéressée par sa version navalisée. L'équipement
des frégates multimissions en capacitétir à distance
serait d'attaque à terre est complémentaire des besoins de lutte
anti-sous-marine qui sera la capacité prioritaire des premiers
bâtiments pour leur permettre de remplir pleinement leur rôle
multimissions. Dans l'hypothèse d'une participation italienne au
programme, les calendriers missiles-frégates pourraient s'harmoniser.
Evoquant les programmes d'hélicoptères, il a indiqué que
le programme d'hélicoptère de transport NH 90 était bien
lancé. L'hélicoptère de combat franco-allemand Tigre a
remporté un succès en Australie et se trouve en
compétition avec l'Américain Apache sur le marché
espagnol. La convergence des spécifications demandées pourrait
permettre d'élargir effectivement le programme à l'Espagne.
Evoquant les perspectives européennes,
M. Philippe Camus
a
souligné que, contrairement à une idée répandue,
les opinions publiques sont assez favorables à un effort de
défense accru et tout particulièrement à la constitution
d'une capacité européenne de défense autonome. La solution
réside dans le montage de programmes européens pour une
dépense moins importante. A cet égard, un seul avion de combat,
au niveau européen, permettrait de faire face de façon plus
efficace à la menace d'un monopole américain dans ce domaine. Le
risque est sérieux car il s'agit d'un domaine-clé en
matière de technologie.
Il n'existe pas, pour l'heure, d'institution européenne dans le domaine
de l'armement. L'OCCAR est un organisme qui gère des contrats, mais ne
définit pas de politique d'achat.
M. Philippe Camus
s'est fait l'écho des attentes des industriels,
demandeurs d'une meilleure organisation de leurs clients, qui pourrait
résulter des travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Il a
indiqué qu'il avait formulé des propositions pour la mise en
place d'une agence de défense européenne intégrée,
dédiée au et de financement en amont des recherches, à
l'instar de celle qui existe aux Etats-Unis -la DARPA- et dont l'action est
comparable à celle initiée par l'Agence spatiale
européenne., afin Sa mission : de favoriser l'émergence de
programmes de recherche en coopération dans les domaines de la
défense et de la sécurité.
M. Philippe Camus
a indiqué que l'Allemagne dépensait, par
rapport à ses partenaires, une part moindre de sa richesse nationale
pour la défense. Il a indiqué qu'à court terme deux
programmes étaient au coeur des difficultés financières
allemandes : le Meteor, tout d'abord, missile air-air de combat qui
devrait équiper tant le Rafale que l'Eurofighter, conférant ainsi
une véritable supériorité technologique aux
Européens et l'A-400 M ensuite. Le contrat a été
signé en décembre 2001 pour un nombre total de 193 appareils. Il
est nécessaire qu'une décision intervienne rapidement au risque
de voir d'autres partenaires se retirer du programme pour ne pas remettre en
cause l'équilibre du programme..
S'agissant de la pénétration du marché américain,
M. Philippe Camus
a estimé qu'une coopération
équilibrée ne pouvait être envisagée que sur la base
de positions industrielles solides en Europe. Trois options sont ouvertes pour
pénétrer ce marché : l'achat de
sociétés américaines, qui se heurte à des
barrières technologiques administratives difficilement
surmontables ;, l'accord avec une société américaine
sur des activités communes, qu'EADS pratique avec Northrop Grumann pour
les drones de reconnaissance à haute altitude, et avec Boeing sur le
système anti-missiles américain. La troisième solution est
la compétitivité des produits : c'est ainsi qu'EADS avait
vient de remporteré le marché de la modernisation des
garde-côtes américains qui porte sur des avions de patrouille
maritime, des hélicoptères Dauphin et des radars.
Au sujet de l'avion ravitailleur A330,
M. Philippe Camus
a
précisé que le Royaume-Uni avait développé les
initiatives publiques/privées pour le financement de certains
équipements : l'industriel ou une société ad hoc,
tout en restant propriétaire des équipements, est prestataire de
service auprès des autorités militaires, formule utilisable pour
les avions ravitailleurs et les satellites de communication. La France se situe
encore en retrait par rapport à ces modes de financement qui pourraient,
notamment, être utilisés dans le domaine satellitaire.
Le programme A-400 M prévoit, en cas d'exportation, le paiement de
redevances aux pays initiateurs.
M. Philippe Camus
a précisé qu'Arianespace avait
bénéficié du pari américain sur la navette
spatiale. Cependant, les lanceurs Atlas et Delta, qui ont fait l'objet de
programmes de modernisation, offrent désormais de bonnes performances
économiques. Un programme de modernisation d'Ariane a été
décidé par les Européens en novembre 2001 pour restaurer
sa compétitivité. Un problème de surcapacité
demeure néanmoins sur les lanceurs dans un marché qui,
n'étant pas en expansion, pose des problèmes de viabilité
commerciale. L'Europe doit, à cet égard, faire un choix financier
pour conserver une capacité autonome d'accès à l'espace.
Sur les drones,
M. Philippe Camus
a indiqué que les actions
reconnaissance, surveillance et frappe, supposaient une surveillance depuis le
sol dans une chaîne de commandement raccourcie mais qui préserve
la marge d'action de l'autorité opérationnelle.
Evoquant le pacte d'actionnaires d'EADS,
M. Philippe Camus
a
précisé que l'accord n'arrivait pas à
échéance en juin 2003, mais que tombait à cette date
l'interdiction, pour les parties prenantes, de vendre leurs actions. Il a
indiqué que des droits de préemption et d'autres
mécanismes permettaient en tout état de cause de garantir un
équilibre. Il a ajouté que la société EADS
n'était pas parvenue au maximum de sa valorisation et que la structure
actuelle de son capital et l'organisation qui en résultait
étaient nécessaires à l'accès aux différents
marchés européens. Il a souligné que le mois de juillet
2003 ne verrait probablement pas une mise sur le marché massive
d'actions EADS Rappelant les déclarations faites par les actionnaires de
référence, notamment Lagardère et Daimler-Chrysler, il a
indiqué qu'il ne s'attendait pas à une modification de
l'actionnariat à l'échéance de juin 2003, ni d'ailleurs
à court/moyen terme.
S'agissant de la part détenue par l'Etat, l'actionnariat n'est pas
l'unique moyen pour ce dernier de contrôle des sociétés du
secteur de l'armement. Prenant l'exemple des Etats-Unis, il a indiqué
que la législation l'administrationaméricaine pouvait ainsi
permet à l'administration de s'opposer à toute prise de
participation non américaine, même minoritaire, dans une
entreprise du secteur de la haute technologie. Une clause similaire pourrait
être utilement transposée au niveau européen.
*
* *
M. Luc VIGNERON
Président directeur général
de GIAT-Industries
Le jeudi 14 novembre 2002
M. Luc
Vigneron
a tout d'abord souligné le caractère structurant,
pour GIAT-Industries, des lois de programmation militaire, en raison du poids
des commandes de l'armée de terre dans son chiffre d'affaires. En effet,
la part de ce dernier, réalisée à l'exportation, a
diminué, revenant d'environ 20 %, entre 1990 et 1995, à 12 %
en 2001. En revanche, les commandes de l'armée française ont
représenté un chiffre d'affaires annuel moyen de
600 millions d'euros entre 1998 et 2002, dont 350 millions d'euros
pour le seul programme du char Leclerc.
Le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 confirme plusieurs
orientations : l'achèvement du programme Leclerc (livraison de 117
chars et de 15 dépanneurs), le lancement du programme VBCI
(véhicule blindé de combat d'infanterie), 272 livraisons
étant prévues d'ici 2008 sur une cible totale de 700
véhicules dont 550 de combat et 150 de commandement, la
rénovation des AMX 10 RC (180 livraisons) et des automoteurs
d'artillerie AUF-1 et AUF-2 (174 livraisons), enfin la livraison de 3.300 obus
à effet dirigé (ACED). Le projet de loi de programmation
prévoit également des crédits en hausse pour le maintien
en condition opérationnelle des matériels. Au total, le projet de
programmation devrait conduire à la stabilisation du chiffre d'affaires
de GIAT-Industries au niveau de la précédente loi, mais hors
programme Leclerc.
M. Luc Vigneron
a ensuite présenté l'évolution
globale du marché de l'armement terrestre, qui s'était
effondré depuis 1989. Seuls aujourd'hui le Royaume-Uni et les Etats-Unis
accroissent leurs dépenses dans ce domaine. L'armée
américaine a ainsi entrepris une refonte et une modernisation
complète de son organisation et de ses armements pour les adapter
à des interventions sur des théâtres extérieurs.
L'Allemagne a débuté la réorganisation de son armée
de terre, ce qui ne devrait pas la conduire à augmenter ses
dépenses d'équipement terrestre dans les prochaines
années. En Europe, le programme de modernisation des blindés de
l'armée de terre belge présente une opportunité à
l'export pour GIAT-Industries à travers le VBCI. Hors d'Europe, les pays
pouvant faire appel à GIAT-Industries sont ceux qui ne disposent pas
d'industrie nationale dans l'armement terrestre. L'Arabie saoudite reste une
opportunité potentielle importante, la date de la conclusion des
négociations restant cependant incertaine.
En raison de l'évolution du marché, le paysage industriel s'est
considérablement modifié depuis le début des années
1990. En effet, si l'on dénombrait à l'époque une
cinquantaine de sociétés d'armement terrestre dans les pays
occidentaux, il n'en reste guère que 20 aujourd'hui, en raison des
nombreux regroupements intervenus. GIAT-Industries, qui était
numéro 2 mondial en 1997, est à présent numéro 5,
avec 800 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le numéro 1 mondial est
le groupe américain General Dynamics, dont l'activité dans
l'armement terrestre représente 2,6 milliards d'euros ; vient
ensuite le groupe allemand Rheinmetall, avec 1,6 milliard d'euros, ensuite
le groupe américain United Defense (1,5 milliard d'euros), puis le
groupe américain Alliant (860 millions d'euros), le groupe allemand
Krauss Mafei (600 millions d'euros) et le groupe britannique Alvis-Vickers
(500 millions d'euros) occupant les sixième et septième
rangs. En France, GIAT-Industries devance largement les autres industriels
intervenant dans le secteur, TDA, filiale du groupe Thalès,
réalisant environ 80 millions d'euros, Panhard, filiale du groupe
Peugeot, 60 millions d'euros, et Renault Trucks, filiale du groupe Volvo,
réalisant 50 millions d'euros dans ses activités militaires.
M. Luc Vigneron
a en outre indiqué que les groupes
américains cherchaient à acquérir des entreprises en
Europe et à renforcer leur position de généralistes de
l'armement terrestre. GIAT-Industries reste pour l'instant à
l'écart de ces regroupements mais préserve une offre commerciale
globale. Il a par ailleurs insisté sur le fait que les principaux
concurrents de GIAT-Industries étaient bénéficiaires et
réalisaient des résultats comparables à ceux des
sociétés spécialisées dans l'aéronautique de
défense.
Abordant ensuite l'évolution de GIAT-Industries,
M. Luc Vigneron
a rappelé que le troisième plan social prenait fin en 2002. Au
total, entre 1990 et 2002, les effectifs seront passés de 15.000 environ
à 6.500. La baisse des effectifs s'est accompagnée d'une
restructuration industrielle organisée par le « projet de
refondation » décidé en 1998. Il a conduit à la
fermeture ou à l'externalisation de 4 sites industriels sur les 14 que
comptait GIAT en 1998, et à une évolution forte des
méthodes de travail, permettant notamment à GIAT d'être le
second groupe de défense en France à obtenir la norme de
qualité ISO 9001-2000 et de réduire en 4 ans le cycle de
fabrication du char Leclerc de 17 à 9 mois. Ces efforts n'ont
pourtant pas permis à GIAT-Industries de retrouver une situation
bénéficiaire, le contrat envisagé avec l'Arabie saoudite
étant toujours en attente.
M. Luc Vigneron
a enfin indiqué
que l'achèvement du programme Leclerc plaçait l'entreprise dans
une situation difficile, et qu'une réflexion était en cours pour
y faire face.
Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.
M. Serge Vinçon
s'est enquis de l'évolution du programme
VBCI, de l'état du partenariat dans ce domaine avec RVI (Renault
Véhicules Industriels), des perspectives de ce programme à
l'exportation ainsi que celles du secteur munitions de la
société, et enfin de l'appréciation de M. Luc Vigneron sur
la mise en place d'une structure de maintenance interarmée.
M. Didier Boulaud
s'est interrogé sur une future restructuration
de l'armement terrestre à l'échelle européenne, et a
souhaité recueillir le sentiment de M. Luc Vigneron sur ce point. Il
s'est enquis de la charge de travail que pourrait espérer
GIAT-Industries de la fabrication du VBCI. A cet égard, il a
demandé des précisions sur l'évolution des
spécifications du VBCI souhaité par les armées. Enfin, il
s'est interrogé sur l'avenir de la société Satory Military
Vehicle, spécialement créée pour commercialiser ce produit
à l'exportation.
M. Xavier de Villepin
a reconnu que GIAT-Industries traversait une
situation difficile et rendu hommage à l'action conduite dans ces
conditions par l'actuelle équipe dirigeante, estimant nécessaire
que la France continue de disposer d'un pôle industriel d'armements
terrestres. Il a interrogé M. Luc Vigneron sur la
nécessité d'une éventuelle nouvelle recapitalisation,
ainsi que sur l'existence d'une perspective européenne en matière
d'industrie d'armements terrestres en contrepoint des ambitions
américaines dans ce domaine.
Mme Maryse Bergé-Lavigne
a rappelé que le centre de
Toulouse avait, en 1992, abandonné la construction de munitions au
profit de celle des circuits électroniques, ce qui s'était
accompagné d'une forte réduction du personnel. Elle a
souligné qu'aujourd'hui 60 % de l'électronique du char
Leclerc provenait de ce centre, et s'est demandé si le maintien en
condition opérationnelle (MCO) du parc de ces chars Leclerc,
estimé à environ 800 unités, pourrait constituer une
perspective d'avenir pour l'emploi local. Elle a exprimé la crainte que,
dans le cas contraire, les éléments les plus compétents de
ce centre n'envisagent de le quitter.
M. Robert Del Picchia
a souhaité connaître le montant
optimal de la future recapitalisation que l'Etat devrait effectuer, une
nouvelle fois, au profit de GIAT-Industries. Il a souligné qu'une future
coopération européenne en matière d'armement terrestre
devrait s'effectuer dès le stade de la recherche, pour être en
mesure d'appuyer réellement les futures coopérations.
En réponse,
M. Luc Vigneron
a apporté les
précisions suivantes :
- le contrat notifié par la Délégation
générale de l'armement pour la production de 700 VBCI est le
premier qui délègue entièrement à GIAT la
maîtrise d'oeuvre industrielle de ce produit. Lors de la
présentation, début 2002, des premières maquettes
ergonomiques à l'état-major de l'armée de terre, celui-ci
a souhaité que les dimensions du véhicule soient revues pour
tenir compte notamment du programme Félin qui dote chaque combattant
d'équipements volumineux. L'armée de terre a également
souhaité que la tourelle du char soit entièrement
repensée. Des rectifications sont en cours de réalisation pour
satisfaire aux demandes ainsi exprimées, mais elles impliqueront une
croissance unitaire des coûts du matériel, ainsi qu'un
décalage dans la livraison des premiers matériels qui sera
différée de 2006 à 2007 ;
- le partenariat avec Renault Trucks, société à laquelle
sont confiés 30 % de la réalisation du VBCI relevant de la
composante « mobilité » se déroule sans
difficulté ;
- les possibilités d'exportation en Europe du VBCI sont orientées
actuellement vers la Belgique, dans une version dotée d'un armement plus
conséquent. Ce véhicule a été conçu en
fonction des besoins spécifiques de l'armée de terre
française portant sur la protection de ses personnels, ainsi que la
numérisation du matériel.
En réponse à
MM. André Dulait, président
, et
Didier Boulaud
,
M. Luc Vigneron
a précisé que
l'évolution de la taille du véhicule n'affecterait pas sa
compatibilité avec la capacité d'emport de l'A400M :
- on estime à environ un millier d'heures par véhicule
l'activité industrielle directe qui découlera de la construction
du VBCI, ce chiffre modique étant environ dix fois inférieur au
nombre d'heures requises pour la construction du char Leclerc ;
- le canon d'artillerie Caesar a été conçu par
GIAT-Industries. Ce canon est placé sur un camion, ce qui lui permettra
de se substituer, à terme, aux engins blindés tractés, et
lui conférera une très grande mobilité, lui permettant de
faire face aux radars de contrebatterie. Ce matériel innovant et
relativement peu coûteux bénéficie d'une bonne
aérotransportabilité par des avions d'envergure restreinte comme
le C-130. Il bénéficie, d'ores et déjà, de
commandes fermes de l'armée française et des discussions sont en
cours avec la Malaisie et l'Australie. Une démonstration
effectuée aux Etats-Unis a par ailleurs donné des
résultats très positifs ;
- la mise en place d'une structure interarmée de maintenance des
matériels terrestres (SIMMT) s'inscrit dans une réflexion de
l'état-major tendant à recentrer ses activités sur la
maintenance opérationnelle. Le débat est en cours sur le
périmètre optimal de la future SIMMT. A l'heure actuelle,
GIAT-Industries est chargée, dans le domaine de la maintenance, de la
fourniture des rechanges et des ravitaillements, et serait prête à
élargir son intervention à la maîtrise d'oeuvre
industrielle des opérations de rénovation et de
modernisation ;
- la situation du site de Toulouse est difficile, car son activité
dépend à 90 % de la construction du char Leclerc. La charge
de maintenance des équipements électroniques de ce
matériel est un créneau possible d'activité à
terme, mais le risque existe, là comme ailleurs, d'un départ des
savoir-faire, ce qui justifie la démarche entreprise, d'ailleurs, dans
l'ensemble de la société, pour y maintenir les jeunes
cadres ;
- le marché des munitions s'est effondré durant la
décennie qui vient de s'écouler, et les normes de standardisation
OTAN progressent, notamment pour celles de petit et de moyen calibre. Cette
standardisation est souhaitable pour renforcer l'interopérabilité
de ces matériels, mais elle amène à se heurter à la
concurrence de fournisseurs américains. Le même mouvement ne
tardera pas à toucher les munitions de gros calibre, que seules des
commandes publiques pluriannuelles pourront protéger ;
- d'ores et déjà, la Grande-Bretagne et l'Allemagne encouragent
le regroupement de leurs industries nationales d'armement terrestre, mais le
souhait d'un regroupement européen ne s'exprime pour l'instant qu'au
niveau des industriels. Les opérateurs américains, convaincus de
l'importance de l'armement terrestre, procèdent à des
acquisitions en Europe. Il importe que la France donne à son industrie
d'armement terrestre les moyens de renforcer son attractivité à
l'égard des autres industriels européens, qui sont pour la
plupart des sociétés privées ;
- la dernière recapitalisation a été notifiée par
l'Etat en 2001, à hauteur de 591 millions d'euros, dont la
moitié a été libérée à la fin de
l'année 2001, l'autre devant l'être au début de
l'année 2003. Cet apport financier a permis d'apurer le passé,
mais un nouveau besoin se fera sentir dès la fin de l'année en
cours ; il incombera aux pouvoirs publics d'apprécier les besoins
futurs de l'entreprise le moment venu.
M. Serge Vinçon
a alors souligné la situation moralement
difficile des personnels de GIAT, confrontés à la perspective de
plans sociaux. Il a souhaité que le pays donne à GIAT les moyens
d'apurer le passé afin de repartir sur des bases saines.
M. Xavier de Villepin
a alors estimé essentiel que le personnel
soit informé en toute transparence des contraintes actuelles. Il a
souligné combien la France avait un besoin impérieux d'une
industrie spécifique d'armement terrestre, en rappelant que 75 %
des matériels de l'armée de terre provenaient actuellement de
GIAT.
M. André Dulait, président,
a salué l'action
considérable déjà accomplie par M. Luc Vigneron pour
le redressement de GIAT-Industries, et a également fait valoir que la
France ne saurait se passer d'un constructeur national performant d'armements
terrestres.
M. Luc Vigneron
a fait observer que l'Armée de terre aurait
à l'avenir la charge d'améliorer et d'entretenir son parc actuel
d'équipements, ne devant plus à brève
échéance espérer beaucoup de matériels totalement
neufs. Dans ce contexte, le maintien d'un pôle industriel national
d'armement terrestre est en effet essentiel.
*
* *
M. Jean-Marie POIMBOEUF
Directeur de DCN
Le mercredi 27 novembre 2002
M.
Jean-Marie Poimboeuf
a tout d'abord rappelé que DCN avait pour
mission le développement, la construction et l'entretien des navires
armés, ce qui suppose non seulement des capacités d'architecte
naval mais aussi la maîtrise de l'architecture des systèmes de
combat. Au niveau européen, le seul autre industriel capable de
maîtriser l'ensemble de ces compétences est le britannique BAE
Systems.
Le niveau actuel d'activité de DCN est encourageant : les
troisième et quatrième sous-marins nucléaires lanceurs
d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) seront livrés
respectivement en 2004 et en 2010, chacun d'entre eux représentant un
montant de 1,5 milliard d'euros ; les programmes de frégate
Horizon, de bâtiments de projection et de commandement, ainsi que le
programme de torpille légère MU 90 se poursuivent dans des
conditions satisfaisantes. Outre les programmes, l'entretien représente
30 % de l'activité de DCN et l'exportation, 25 %. L'activité
à l'exportation a récemment porté sur des frégates
pour l'Arabie saoudite et Singapour et des sous-marins conventionnels pour le
Pakistan, le Chili et la Malaisie. Les carnets de commandes de DCN
représentent aujourd'hui 5 années de chiffre d'affaires,
soit 7,5 milliards d'euros.
Evoquant les perspectives offertes par la loi de programmation militaire,
M. Jean-Marie Poimboeuf
a considéré que le texte
contribuait à conforter l'activité de DCN sur quatre dossiers
importants :
- le programme de frégates multimissions, lancé en
coopération avec l'Italie, prévoit la commande par la France de
8 bâtiments sur la durée de la programmation. Pour ce
programme, l'objectif de DCN est de maintenir, sur le contrat de
réalisation 27 bâtiments, une part correspondant aux
17 frégates françaises, soit 6 milliards d'euros ;
- le programme de construction de 6 sous-marins nucléaires
d'attaque de type Barracuda devrait représenter 6 milliards
d'euros. Par rapport à l'ancienne génération de
sous-marins dont le déplacement était de 2.500 tonnes, les
sous-marins Barracuda auront un déplacement de 4.000 tonnes et
représentent pour DCN un chantier important. Le contrat de
développement et de réalisation devrait intervenir en 2004 ;
- l'organisation industrielle relative au second porte-avions n'est pas encore
déterminée. Trois études ont été
lancées qui prévoient la possibilité d'une
coopération avec le Royaume-Uni, un programme français pour un
porte-avions à propulsion classique, et la construction d'un
porte-avions à propulsion nucléaire proche du Charles-de-Gaulle,
hypothèse dans laquelle DCN serait appelée à jouer un
rôle majeur. En tout état de cause, la construction de ce type de
navires suppose à la fois la maîtrise de l'architecture navale et
de l'architecture des systèmes de combat, que DCN est seule à
posséder en France ;
- l'entretien de la flotte représente une dépense annuelle de
500 millions d'euros par an. La loi de programmation prévoit
3 milliards d'euros sur la période 2003-2008, ce qui
représente pour DCN des perspectives non négligeables.
M. Jean-Marie Poimboeuf
a indiqué que les perspectives de prises
de commandes, exportation incluse, s'élevaient à 9 milliards
d'euros sur la période de la loi de programmation. A l'exportation, les
prospects principaux de DCN sont l'Inde pour 6 sous-marins de type
Scorpène, avec transfert de technologie, et le Portugal pour
3 sous-marins. DCN explore d'autres pistes, Singapour et l'Arabie saoudite
pour les sous-marins et certains pays du Moyen-Orient pour des bâtiments
de surface.
Ces perspectives offrent à tous les établissements de DCN la
garantie d'un niveau d'activité satisfaisant.
Dans ce contexte,
M. Jean-Marie Poimboeuf
a évoqué
l'évolution engagée le 6 juillet 2001, de transformation de
DCN en société nationale. Selon le schéma d'organisation
retenu pour la nouvelle société, le capital sera détenu
à 100 % par l'Etat, les personnels sous statut d'ouvrier d'Etat
étant mis à la disposition en contrepartie du remboursement de
leur rémunération, les personnels recrutés après le
changement de statut ainsi que les cadres étant placés sous
contrat de droit privé. Un contrat d'entreprise définira les
mesures d'accompagnement par l'Etat de la nouvelle société,
notamment les perspectives d'activité, ainsi que les engagements de
l'entreprise en termes de gains de productivité et d'efficacité.
M. Jean-Marie Poimboeuf
a souligné combien ces transformations
supposaient une évolution culturelle forte. Il a estimé que les
activités d'entretien de la flotte exigeaient une
réactivité incompatible avec l'actuel statut de DCN, et qu'il
fallait permettre à cette dernière de participer aux
évolutions en cours dans l'industrie navale militaire européenne.
M. Jean-Marie Poimboeuf
a rappelé que le paysage industriel
de la construction navale avait subi un mouvement de concentration et
d'alliances. Il a cité l'exemple de HDW, qui après avoir
racheté un chantier suédois et un chantier grec, a noué
des alliances avec l'industriel italien Fincantieri, avant d'être
racheté, à son tour, par un fonds de pension américain. La
France ne peut ignorer ces repositionnements.
Parmi les chantiers engagés,
M. Jean-Marie Poimboeuf
a mis
l'accent sur le partage des immobilisations, sur les négociations
sociales et sur la gestion économique et financière. Le plan
à moyen terme vise à un retour à l'équilibre en
2005 et à un résultat net supérieur à 6 % en
2008, l'entreprise prenant à son compte les investissements
nécessaires à la transition, qui portent notamment sur
l'adaptation des infrastructures, le déploiement d'un nouveau
système d'information interne à l'entreprise et l'accompagnement
du passage à une culture industrielle.
Si les réformes ont notablement progressé, des points
déterminants pour le calendrier du changement de statut restent à
trancher : le montant de la capitalisation de la nouvelle
société, ainsi que l'année de référence en
matière comptable qui sera retenue par les commissaires aux apports. Sur
ce dernier point, l'attente des comptes 2002 pourrait entraîner un
léger décalage de l'entrée en vigueur du nouveau statut.
A la suite de cet exposé,
M. Serge Vinçon
a
interrogé M. Jean-Marie Poimboeuf sur le montant de la capitalisation
nécessaire à la future société DCN et sur la
destination du crédit de 20 millions d'euros prévu dans le
projet de loi de finances rectificative pour 2002, déposé le
20 novembre dernier. Il a également demandé des
précisions sur le coût des différentes solutions à
l'étude pour la réalisation du deuxième porte-avions.
M. Maurice Blin
a souligné le contraste entre l'excellence
technologique reconnue de DCN et les faiblesses qui lui sont souvent
imputées du fait de la structure de son personnel ou de ses
difficultés à dégager des bénéfices sur les
contrats à l'exportation. Il s'est interrogé sur les perspectives
ouvertes par la coopération plus étroite engagée avec
Thalès, au travers de la société Armaris.
M. Xavier de Villepin
s'est inquiété de la lenteur avec
laquelle évoluait le statut de DCN, alors que la concurrence dans le
domaine de la construction navale militaire s'avère de plus en plus
vive. Evoquant le précédent de GIAT Industries, et en
dépit des différences très sensibles entre les deux
situations, il s'est demandé si la transformation de DCN en
société suffirait à garantir sa
compétitivité.
Soulignant le temps écoulé depuis le lancement du programme
Charles-de-Gaulle,
M. Robert Del Picchia
a demandé si la solution
consistant à en construire un deuxième exemplaire permettrait
réellement d'obtenir un coût inférieur. Il a
également souhaité savoir si un partage de la charge de travail
entre DCN et les Chantiers de l'Atlantique, ces derniers réalisant la
coque du porte-avions, était envisageable sur la construction de ce
bâtiment. Enfin, il a demandé des précisions sur la
poursuite de la construction d'un sous-marin pour le Pakistan à la suite
de l'attentat de Karachi survenu en mai dernier.
M. André Ferrand
s'est félicité des perspectives
intéressantes offertes par le marché de la construction navale
militaire en Amérique du Sud et, particulièrement, au
Brésil. Il a évoqué la politique commerciale de DCN sur ce
continent, en liaison avec Thalès, ainsi que la
compétitivité des produits qu'elle propose, notamment par rapport
aux frégates de type Floréal construites par les Chantiers de
l'Atlantique.
Mme Hélène Luc
a regretté que le personnel de DCN
n'ait pas été suffisamment associé à la
préparation et à la mise en oeuvre de la transformation de
l'entreprise.
M. Philippe François
a souhaité connaître le chiffre
d'affaires de DCN, ainsi que les marges réalisées, tant pour les
activités réalisées au profit de la marine qu'en
matière d'exportation.
M. André Dulait, président,
s'est demandé si la
problématique de la réalisation du deuxième porte-avions
ne serait pas affectée par le renforcement très important des
normes de sûreté relatives aux chaufferies nucléaires et
par les contraintes internationales qui s'imposent à un bâtiment
à propulsion nucléaire. Il a souhaité des
précisions sur les conditions de la coopération avec l'entreprise
espagnole Izar dans les négociations avec l'Inde pour
l'éventuelle conclusion d'un contrat portant sur des sous-marins
Scorpène.
A la suite de ces interventions,
M. Jean-Marie Poimboeuf, directeur de
DCN
, a apporté les précisions suivantes :
- les études commandées par DCN à des consultants
extérieurs, s'appuyant sur des comparaisons avec des activités
industrielles de même nature, ont conclu à un besoin de
capitalisation initiale de la future société représentant
le tiers du chiffre d'affaires, soit un montant de l'ordre de 540 millions
d'euros ;
- du fait de son statut administratif, DCN a longtemps fonctionné sans
recours à des relations contractuelles avec son client national,
à savoir la marine, ce qui ne permettait aucune appréciation du
résultat économique de ces activités ; les
procédures contractuelles internes, qui ont été
introduites depuis peu, permettent désormais d'évaluer la marge
brute de DCN à 14,5 % sur cette partie de son activité ;
- en ce qui concerne l'exportation, l'analyse effectuée par la Cour des
comptes sur les années 1990-2002, fait apparaître un
bénéfice global, sur cette période, d'environ
150 millions d'euros ; la marge brute de DCN sur les contrats
à l'exportation s'élève donc à 10 % et elle
avoisine 13 % si l'on intègre les produits financiers de
trésorerie qu'elle obtient sur ces contrats grâce à sa
filiale Sofrantem ;
- le crédit de 20 millions d'euros prévu par le projet de
loi de finances rectificative pour 2002 représente le budget de
fonctionnement de DCN Développement, structure de préfiguration
de la future société mise en place depuis mars dernier ;
cette dotation recouvre en particulier le soutien apporté à DCN
pour toutes les actions liées à sa transformation en
société, par exemple le recours à des consultants
extérieurs, y compris au profit des partenaires sociaux de
l'entreprise ;
- indépendamment des réponses qui seront apportées
l'été prochain par les trois études en cours sur la
réalisation du deuxième porte-avions, on peut d'ores et
déjà indiquer que certaines obsolescences intervenues depuis le
lancement du programme Charles-de-Gaulle devront être comblées, y
compris dans l'hypothèse de la réalisation d'un exemplaire
identique, étant précisé que le développement
représentait de 30 à 35 % du coût total de ce
programme ;
- les contraintes tenant au renforcement de la sûreté des
chaufferies nucléaires ont déjà été
largement prises en compte dans le cadre des programmes de construction des
sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle
génération et des futurs sous-marins nucléaires d'attaque
Barracuda ;
- la question des industriels appelés à participer à la
réalisation du deuxième porte-avions importe moins que celle du
choix du maître d'oeuvre qui aura la responsabilité de superviser
l'intégration des différents systèmes de combat au sein du
bâtiment ; DCN reste en France la seule entreprise disposant de ce
type de compétences, même si nombre d'autres groupes industriels
ont la capacité de prendre en charge tel ou tel aspect du
programme ;
- les principales faiblesses de DCN tiennent aux contraintes administratives
extrêmement pesantes qui lui sont imposées, du fait de son statut,
dans le domaine des achats et des ressources humaines ; il est à
cet égard frappant de constater que ces faiblesses disparaissent dans le
cadre des activités à l'exportation que DCN réalise par
l'intermédiaire des sociétés DCN International et DCN
Logistique, qui peuvent s'affranchir de ces contraintes administratives ;
la satisfaction témoignée par la marine américaine
à la suite des opérations d'entretien et de réparation de
l'un de ses bâtiments, confiées à DCN et effectuées
à Toulon, contraste de ce point de vue avec les critiques
fréquemment émises sur les conditions d'entretien des
bâtiments de la marine française ; de fait, DCN, comme toute
autre administration, obéit à des règles très
contraignantes de passation des marchés qui imposent de longs
délais et lui ôtent la réactivité que l'on serait en
droit d'attendre d'un industriel ;
- la coopération entre DCN et Thalès est ancienne, notamment dans
le cadre des contrats à l'exportation ; la création de la
société Armaris, qui institutionnalise cette coopération,
doit ouvrir la voie à un rapprochement beaucoup plus étroit entre
les deux sociétés ;
- la transformation de DCN en société constitue moins un
aboutissement qu'un point de départ devant permettre la conclusion
d'alliances industrielles en France et en Europe ;
- l'Amérique du Sud offre effectivement d'intéressantes
perspectives à l'exportation pour les constructions navales
militaires ; la collaboration avec Thalès en matière
commerciale dans cette région du monde est tout à fait
satisfaisante ;
- le coût des frégates de type Floréal construites par les
Chantiers de l'Atlantique ne peut être comparé à celui
d'une frégate de type La Fayette construite par DCN, car il s'agit de
bâtiments très différents, les premiers étant
beaucoup moins armés et moins complexes que les seconds ; les
excellentes capacités industrielles des Chantiers de l'Atlantique sur
certains créneaux ne doivent pas masquer la spécificité du
métier d'intégrateur de systèmes de combat navals qui
constitue le point fort de DCN ;
- il a été décidé de poursuivre la
coopération avec le Pakistan sur le programme de construction de
sous-marins classiques ; une étude approfondie a été
menée sur les conditions préalables nécessaires au retour
à Karachi d'une équipe d'assistance de la DCN ;
- les personnels de la DCN qui seront au nombre de 13.600 agents en 2003 ont
été largement impliqués dans la campagne d'information sur
les raisons et les modalités de la transformation du statut de
l'entreprise ; si ce changement continue à susciter des craintes,
l'idée d'évolution nécessaire est aujourd'hui assez
largement prise en compte par les personnels ; un décret intervenu
en avril 2002 a très précisément défini les
conséquences de la transformation en société pour chaque
catégorie de personnel ; un espace d'information a
été créé dans chaque site de la DCN, afin de
fournir une réponse individuelle à toutes les questions que se
posent les salariés ;
- la coopération avec Izar pour la préparation d'un
éventuel contrat avec l'Inde sur les sous-marins Scorpène
s'effectue dans de bonnes conditions.
*
* *
M. Charles EDELSTENNE
Président-directeur
général de Dassault-Aviation
Le mercredi 27 novembre 2002
M.
Charles Edelstenne
s'est tout d'abord félicité que le projet
de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008
n'entraîne pas un nouvel étalement ou une nouvelle
réduction des objectifs du programme Rafale. En effet, depuis son
lancement, les étalements successifs ont conduit à plus de
9 ans de retard par rapport au calendrier initial. Le retour à des
niveaux de crédits permettant de réaliser dans les délais
prévus ce programme est donc satisfaisant.
Cependant, plus généralement, l'effort annoncé en
matière de recherche, dans le projet de loi, ne permettra pas
d'atteindre un niveau suffisant de crédits, l'objectif se situant
à moins de 4,5 % des crédits du titre V, et non de 6 %,
comme par le passé.
M. Charles Edelstenne
a souligné en
contrepoint que les Etats-Unis avaient une volonté beaucoup plus forte
de renforcer leur capacité technologique et consacraient pour la
recherche militaire des sommes équivalentes à la totalité
du budget de défense français.
Il a ensuite estimé que l'effort programmé en matière de
maintien en condition opérationnelle était nécessaire et
qu'il aurait des effets très positifs en matière de coût et
de disponibilité, dans la mesure où il conduirait à une
planification.
Enfin, abordant la question des drones, il a indiqué que la
société Dassault-Aviation avait développé sur ses
fonds propres deux démonstrateurs technologiques, intégrant des
technologies de pointe et ayant une très faible signature radar.
Dassault-Aviation sera ainsi à même de répondre à
l'appel d'offres de la défense sur les drones multicharges multimissions
(MCMM).
A la suite de l'exposé de M. Charles Edelstenne, un débat s'est
engagé avec les commissaires.
M. Serge Vinçon
a souhaité connaître
l'appréciation que portait la société Dassault, en tant
qu'industriel, sur le fonctionnement de la SIMMAD (structure
intégrée de maintien en condition opérationnelle des
matériels aéronautiques de la défense). Il s'est en outre
interrogé sur les possibilités de développement en
matière de drones de combat et d'un futur avion de combat
européen, compte tenu de la participation d'un certain nombre de pays
européens au programme américain d'avion F.35.
M. Maurice Blin
,
rapporteur pour avis de la commission des finances
du projet de loi de programmation militaire
, s'est demandé si les
efforts faits en matière de recherche militaire continueraient, comme
par le passé, à avoir des retombées dans le domaine civil.
M. Xavier de Villepin
a souhaité des précisions sur les
difficultés techniques du programme Eurofighter et sur les
possibilités d'exporter le Rafale. Il s'est en outre interrogé
sur l'organisation et l'efficacité des services de soutien aux
exportations d'armement à l'étranger. Il a enfin souhaité
savoir quelles étaient les perspectives techniques et industrielles pour
la réalisation de la prochaine génération d'avions de
combat.
M. Jean-Pierre Masseret
a souhaité savoir si les insuffisances
constatées dans les crédits de recherches militaires
étaient propres à la France ou existaient également dans
les autres pays européens. Il s'est également interrogé
sur l'opportunité de créer un pôle de recherches
européen en matière militaire.
Abordant les relations existantes entre les industriels et la
Délégation générale à l'armement, il a
interrogé M. Charles Edelstenne sur leur nature et sur leur
évolution souhaitable. Puis il a fait valoir qu'en matière de
politique européenne de sécurité commune
« PESC », nos partenaires n'étaient pas toujours
aussi déterminés que la France.
M. Christian de La Malène
a souhaité recueillir la
position de principe de M. Charles Edelstenne sur l'opportunité de
la construction d'un futur avion de combat qui succéderait à
terme au Rafale.
Mme Josette Durrieu
, relevant la récente proposition
franco-allemande en faveur d'une coopération accrue en matière
d'Europe de l'armement, s'est interrogée sur la contribution que l'OCCAR
(Organisme conjoint de coopération en matière d'armement) pouvait
apporter en la matière dans l'attente d'une future agence
européenne de l'armement.
Mme Hélène Luc
s'est interrogée sur les secteurs de
la défense les plus affectés par l'insuffisance des
crédits de recherches.
Elle a demandé à
M. Charles Edelstenne
d'établir un
bilan du programme Rafale. Evoquant le rôle déterminant
occupé par les activités de renseignement dans le contexte
international actuel, elle s'est interrogée sur les apports de la future
loi de programmation militaire sur ce point. Enfin, elle a fait état de
ses interrogations sur la compatibilité entre le rôle croissant de
l'OTAN et le maintien de l'autonomie de défense européenne et
nationale.
M. Jean-Guy Branger
a regretté le retard intervenu dans le
calendrier du Rafale et s'est interrogé sur son impact négatif
sur la commercialisation de l'appareil.
En réponse à ces questions
M. Charles Edelstenne
a
apporté les précisions suivantes :
- l'action de la SIMMAD est incontestablement positive, car cette structure
offre une meilleure visibilité pour l'industrie et permet donc de
« lisser » la charge de travail liée à la
maintenance des matériels aéronautiques.
Dans ce contexte,
M. Charles Edelstenne
a marqué sa
préférence pour une globalisation des charges d'entretien des
équipements du maître d'oeuvre plutôt qu'à une
répartition par fournisseur ;
- en matière de drones, la France possède actuellement des
matériels voués à la reconnaissance et à
l'observation. La loi de programmation militaire prévoit des drones de
petite taille à faible autonomie, qui évolueront
ultérieurement vers les drones MALE (moyenne altitude longue
endurance) ou HALE (haute altitude longue endurance). Les Etats-Unis ont
commencé à travailler sur des avions de combat non
pilotés, mais dont le coût pour certains est supérieur
à celui d'avions de combat. La rationalité économique et
opérationnelle devrait conduire à privilégier des drones
de combat aptes à effectuer des missions à risque, mais moins
coûteux que des avions pilotés ;
- le programme Rafale a été lancé en 1985, avec des
perspectives de première livraison en 1998, ultérieurement
avancées à 1996 grâce à une participation des
industriels au développement à hauteur de 25 %. Au total,
les industriels auront participé à 25 % de
l'intégralité du développement du Rafale, alors que les
premières livraisons de cet avion ont été
différées de 1996 à 2005 du fait des carences
budgétaires de l'Etat. Outre ces implications financières, ce
retard a coïncidé avec l'émergence d'une forte concurrence
sur le marché des avions de combat : F 16 Block 60, F 18,
enfin l'Eurofighter (dont la commercialisation est cependant ralentie par des
difficultés techniques de mise au point) auxquels s'ajoute
désormais le projet américain d'avion F 35-JSF (joint strike
fighter). La réalisation de ce projet a été
accélérée par la décision d'augmenter
considérablement le budget militaire américain, après le
11 septembre 2001. Ainsi, les Etats-Unis ont alors proposé le JSF
à différents pays européens. Cinq d'entre eux, dont la
Grande-Bretagne et l'Italie, qui participent déjà à
l'Eurofighter, ont accepté de financer le développement du
F 35. Les investissements de ces cinq pays représentent plus de 5
millions d'US dollars, c'est-à-dire 80 % du coût de
développement du Rafale ;
- le coût budgétaire de l'Eurofighter est 25 %
supérieur à celui du Rafale, démontrant, dans le cas
d'espèce, qu'un programme en coopération en matière
d'équipement militaire n'est pas nécessairement synonyme
d'économies, contrairement à ce qui se passe dans le domaine de
l'aéronautique civile. C'est toute une philosophie de la pratique de
coopération européenne en matière d'avions de combat qu'il
convient de revoir, domaine dans lequel la France détient un
« leadership » évident.
M. Xavier de Villepin
a souhaité avoir confirmation que le prix
de vente à l'exportation d'un Eurofighter était supérieur
à celui du Rafale, ce qui constituerait un avantage comparatif pour ce
dernier.
M. Christian de la Malène
a souhaité connaître la
position respective de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas en matière
d'avions de combat.
M. Charles Edelstenne
a apporté les compléments
d'information suivants :
- le prix de vente d'un Eurofighter est plus élevé que celui du
Rafale, et le coût budgétaire total du programme Eurofighter
-développement-fabrication, commercialisation- s'avère
supérieur d'un quart à celui du Rafale ;
- l'industrie française s'est engagée à maintenir les prix
de vente du Rafale jusqu'au 294
e
avion ;
- le coût total du programme Rafale est resté dans son budget
initial, malgré un dépassement sur les coûts de
développement dû à son étalement, ce surcoût
ayant été compensé par des baisses sur les prix de
série ;
- les premières livraisons du F-35 sont attendues au plus tôt pour
2013. Cette date peut sembler éloignée, mais elle n'en
« gèle » pas moins déjà le
marché, particulièrement celui des pays européens
engagés dans le développement de cet avion ;
- les Etats-Unis ont modifié leur politique commerciale de
matériels militaires en suprimant la possibilité d'offsets, sauf
si une participation financière du client dans le développement
de l'appareil était acceptée. Au surplus, ces participations
industrielles sont soumises à des conditions de
compétitivité ;
- l'armée de l'air britannique possède actuellement des avions
Tornado en fin de vie, et s'est engagée dans l'acquisition de 230
Eurofighter. Lorsqu'est apparu le projet F-35, ce pays a également
opté pour l'achat de 150 appareils. Si ces deux projets étaient
réalisés, la capacité britannique en avions de combat
croîtrait d'un pourcentage sensible ;
- à l'heure actuelle, la France est le seul pays européen qui
dispose des capacités nécessaires pour construire des avions de
combat. L'industrie des avions de combat utilise ou génère
environ 70 % des technologies de pointe ;
- les technologies militaires développées autour des avions de
combat ont des retombées positives dans le domaine de
l'aéronautique civile ;
- le calendrier de construction de la prochaine génération
d'avion militaire ne peut être établi aujourd'hui. En effet, le
marché va être nourri jusqu'environ 2040-2050 par l'arrivée
des Rafale, de l'Eurofighter puis du JSF à partir de 2015, appareils
dont la durée de vie est d'au moins 30 ans. Il est donc
nécessaire dans cet intervalle de maintenir les compétences
techniques requises, en recourant par exemple à la recherche
appliquée aux avions de combat non pilotés ;
- la question du maintien des compétences est essentielle. Elle
déterminera la place de la France en matière de maintien des
technologies de pointe et sa place sur la scène internationale ;
- les sommes affectées dans notre pays à la recherche militaire
aéronautique sont faibles, même dans le cadre de la prochaine loi
de programmation, qui permettra seulement une remise à niveau. Ainsi,
Dassault a reçu ces dernières années, à ce titre,
une moyenne annuelle de 150 millions de francs, soit environ 50 voire 100 fois
moins que les sociétés américaines concurrentes. Au sein
de l'ensemble européen, la Grande-Bretagne est le seul pays qui ait
maintenu un haut niveau d'investissement en matière de recherche et
d'équipement militaires ;
- les incertitudes qui affectent le plus la visibilité industrielle
découlent des restrictions budgétaires successives ;
- les actions développées en matière de renseignement ont
peu d'impact sur les activités de Dassault. La construction de drones,
utilisés comme avions de reconnaissance, contribuerait au renforcement
de cette activité.