2. Les conséquences à tirer des changements intervenus dans les organes dirigeants du groupe Canal+
Le CSA a examiné les conséquences des changements intervenus dans les organes dirigeants des deux sociétés.
A la suite de l'annonce, mardi 16 avril 2002, par Jean-Marie Messier, président-directeur général de la société Vivendi Universal, du remplacement de Pierre Lescure par Xavier Couture à la présidence du directoire du groupe Canal+, le CSA a annoncé le 17 avril dans un communiqué qu'il avait décidé d'auditionner Pierre Lescure, en tant que président du conseil d'administration de Canal+ SA et signataire de la convention de la chaîne Canal+, et Jean-Marie Messier pour s'assurer des engagements de la société :
" Le Conseil supérieur de l'audiovisuel tient en tout premier lieu à s'assurer que Canal+ SA respectera rigoureusement l'ensemble de ses obligations énumérées dans la convention liée à l'autorisation. Seront intégrées dans cette convention les obligations nouvelles relatives au cinéma et à l'audiovisuel résultant du décret du 28 décembre 2001 et des accords en cours de révision avec les professionnels du cinéma. Il veillera également au respect de l'indépendance éditoriale de la chaîne à l'égard de son principal actionnaire, telle que garantie par la charte mentionnée à l'article 5 de la convention signée avec le CSA."
Pierre Lescure, puis Jean-Marie Messier ont été reçus par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le jeudi 18 avril.
Les événements survenus ensuite avec le départ du directeur général, M. Denis Olivennes puis l'annonce par M. Jean-Marie Messier du départ de M. Pierre Lescure (signataire de la convention avec le CSA) étaient susceptibles de relever de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui dispose : "L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement."
Dans ce contexte, le lundi 22 avril, le président du CSA et Élisabeth Flüry-Hérard, présidente du groupe de travail Cinéma et télévision, ont reçu les représentants du personnel de Canal+ et des professionnels du cinéma, au sujet des engagements de la chaîne dans le domaine de la production cinématographique.
Dans sa séance plénière du 23 avril 2002, le CSA a adopté un texte relatif à des informations demandées au Président de Vivendi-Universal, VU, afin de s'assurer des intentions des dirigeants du groupe. Les questions posées ont eu trait, notamment, à la validité de la charte conclue en 2000 entre Canal+ et VU et à l'autonomie éditoriale de la chaîne, à l'intégration par Canal+ d'obligations nouvelles prévues par le décret du 28 décembre 2001, et notamment la clause de diversité, dans la convention conclue avec le CSA ainsi que l'annexion dans cette dernière des dispositions en date du 20 mai 2000 de l'accord interprofessionnel avec le cinéma.
Par ailleurs, ont été demandés un rapport d'information sur l'utilisation du fichier d'abonnés, actif de Canal+ SA, qui devrait être remis tous les quatre mois, et compte tenu des difficultés rencontrées par le groupe Canal+, les comptes semestriels consolidés de Groupe Canal+ et les comptes de Canal+ Distribution. Enfin, le CSA a demandé à VU de confirmer qu'aucune séparation de la distribution et de l'édition de la chaîne n'était envisagée.
a) Les assurances données par M. Jean-Marie Messier
En réponse, J.M. Messier a déclaré au CSA, par courrier du 13 mai 2002, que "l'intégrité de Canal+ est et sera respectée" dans les termes suivants :
"Le texte adopté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa séance plénière du 23 avril 2002, que vous m'avez fait parvenir, appelle de ma part les réponses ci-après. S'agissant d'engagements qui devront être pris par la chaîne, j'ai demandé à M. Xavier Couture et à M. Dominique Farrugia de cosigner la présente lettre :
1. J'ai tenu à réaffirmer devant vous l'engagement de Vivendi Universal de respecter l'identité et l'indépendance éditoriale de la chaîne Canal+ et je vous ai adressé à cette fin la charte signée par Xavier Couture et moi-même.
J'accepte votre proposition consistant, d'une part, à annexer la charte à la convention de la chaîne et, d'autre part, s'agissant plus spécifiquement de l'indépendance éditoriale, à compléter l'article 5 de cette convention par les principes suivants tirés de la charte :
" a) La rédaction [de la chaîne] se doit de fournir à ses téléspectateurs une information honnête, complète et vérifiée. Elle s'attache à traiter toute information à caractère économique, social ou financier ;
b) la rédaction est indépendante dans son fonctionnement de tout pouvoir ;
c) la rédaction se doit de défendre la liberté de l'information, du commentaire et de la critique ;
d) la rédaction se doit de refuser toute pression ou directive, d'où qu'elles viennent qui pourraient porter atteinte à son indépendance éditoriale ".
2. De la même manière, j'ai réitéré devant vous la volonté de Vivendi Universal de respecter tant dans leur contenu que dans leur durée, notamment en les annexant à la charte, les engagements interprofessionnels du 20 mai 2000 relatifs au cinéma.
Canal+ intégrera les obligations nouvelles prévues par le décret du 28 décembre 2001 dans la convention ; pour le surplus, l'annexion de l'accord cinéma à la charte qui sera elle-même annexée à la convention me paraît parfaitement correspondre à l'objectif de garantie juridique que vous poursuivez.
3. Vous m'indiquez qu'au titre des engagements pris par le président de Canal+, figure le refus de toute discrimination tarifaire entre les entreprises de production cinématographique considérées comme indépendantes et celles non considérées comme telles.
Cet engagement, qui figure dans une lettre du président de Canal+ aux organisations professionnelles du cinéma le 10 mai 1997, peut être annexé à la convention, comme vous le souhaitez. Il peut être étendu au refus de discrimination tarifaire relatif aux achats de films de catalogues par Canal+, entre les films détenus en catalogues par le groupe et les films détenus au sein de catalogues extérieurs au groupe.
Un tel engagement devrait d'ailleurs être pris par les autres diffuseurs à l'égard du Conseil supérieur de l'audiovisuel, cette question n'étant pas spécifique à Canal+.
4. Les engagements oraux de préachats donnés jusqu'à aujourd'hui par la chaîne seront suivis de contrats.
5. S'agissant de l'utilisation du fichier abonnés, Canal+ vous a adressé le 9 avril 2002, pour l'exercice 2001, le rapport sur l'exécution des obligations de la convention la liant au Conseil et vous a, dans ce cadre et conformément à l'article 3 de la convention, indiqué qu'il n'y a pas eu, pour cet exercice, d'utilisation de la base d'abonnés au service à des fins autres que la distribution du programme de la chaîne.
En outre, Canal+ vous a informé par courrier du 11 février 2002, de la mise en place d'une base de données clients commune à diverses filiales du groupe Vivendi Universal en France dont Canal+ Distribution.
Une note décrivant cette opération ainsi que les garanties offertes aux sociétés participantes accompagnait ce courrier.
Les collaborateurs de Canal+ et de Vivendi Universal sont bien entendu à la disposition du Conseil pour lui apporter tout complément d'information à ce sujet.
6. Canal+ communique déjà au CSA les comptes annuels de Canal+ SA, Groupe Canal+, Canal+ Distribution.
Pour répondre au souhait exprimé par le Conseil sur la présentation des comptes consolidés du groupe Canal+, le président du directoire du groupe Canal+ présentera au Conseil, chaque année, lors de l'examen du bilan annuel de la chaîne, les principales données retraçant les comptes consolidés du groupe.
7. Comme je vous l'ai indiqué lors de mon audition, la nouvelle stratégie envisagée pour rétablir la situation du groupe Canal+ sera présentée au Conseil par M. Xavier Couture dès qu'elle aura été arrêtée.
8. Enfin, je vous confirme expressément que l'intégrité de Canal+ est et sera respectée tout au long de la chaîne de valeurs, aucune séparation de la distribution et de l'édition de la chaîne n'étant envisagée ".
b) Les demandes complémentaires du CSA
Ayant pris acte de ces réponses, le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa séance plénière du 24 mai 2002 a considéré qu'elles suscitaient encore des interrogations du point de vue de l'application de l'article 42-3 de la loi de 1986 aux récentes modifications intervenues dans les organes dirigeants de Canal+ SA et du groupe Canal+. C'est pourquoi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a développé, dans son courrier du même jour à Vivendi Universal, les questions suivantes :
1 - En ce qui concerne l'annexion de la charte liant Vivendi Universal et Canal+ à la convention d'autorisation de la chaîne, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a bien pris note des engagements réitérés de Vivendi Universal à ce propos, qui seront formalisés dans l'avenant à cette convention en cours de négociation. Il observe cependant que le texte remis le 18 avril dernier n'est plus adapté, dans sa forme et son contenu, aux évolutions intervenues dans le groupe depuis sa rédaction d'origine de juillet 2000, et notamment au regard des dernières modifications des organes de direction de Canal + SA et du groupe Canal+ intervenues depuis la lettre du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 23 avril 2002. Afin que le Conseil supérieur de l'audiovisuel puisse apprécier la portée réelle de ce texte, il est nécessaire qu'une version actualisée dans sa rédaction et dans ses signataires lui soit rapidement soumise.
2 - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel constate à cet égard que la récente nomination du nouveau président de Canal+ SA n'est pas conforme à votre lettre du 16 avril 2002 ni à la version de la charte datée du 18 avril 2002, qui affirment toutes deux explicitement l'unicité de la présidence du groupe Canal+ et de Canal+ SA. Il rappelle que l'unicité de la direction des sociétés issues de l'ancienne société Canal+ titulaire de l'autorisation avant 2000 prévalait lors de l'agrément donné par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la fusion Canal+/Vivendi/Seagram. Compte tenu de cet élément nouveau dans la composition des organes de direction, le Conseil supérieur de l'audiovisuel souhaite que lui soit précisé l'interlocuteur qui, au sein du groupe Canal+ ou de Canal+ SA, sera le garant du respect de l'ensemble des engagements du groupe Canal+ à son égard. Par ailleurs, et après la nomination d'un nouveau vice-président du conseil de surveillance du groupe Canal+ annoncée récemment par la presse, le Conseil supérieur de l'audiovisuel souhaite connaître l'étendue de la délégation de pouvoirs qui lui aurait été consentie. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'interroge également sur l'interprétation de la charte, qui précise que le vice-président est " choisi parmi des personnalités indépendantes, représentatives des milieux de la création ". Plus généralement, il demande que lui soient communiquées toutes les informations utiles sur la composition et le fonctionnement des organes sociaux des sociétés Groupe Canal+, Canal+ SA et Canal+ Distribution.
3 - En ce qui concerne les accords interprofessionnels du 20 mai 2000 relatifs au cinéma, et plutôt que de prévoir un mécanisme d'annexes en cascade, le Conseil supérieur de l'audiovisuel considère qu'il convient d'annexer directement ces accords à la convention conclue avec le CSA, et ce, pour la durée pour laquelle ils ont été conclus.
4 - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a bien pris note de votre position favorable quant à l'engagement de non-discrimination tarifaire qui sera joint en annexe à la convention. Vous soulignez cependant qu'un tel engagement devra s'appliquer aux autres diffuseurs. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel rappelle que cet engagement n'est que la traduction des dispositions de l'article L. 442.6 du Code du commerce.
5 - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également pris note de votre lettre en date du 9 avril 2002, qui précise qu'il n'y a pas eu, pour cet exercice, d'utilisation de la base d'abonnés à des fins autres que la distribution du programme de la chaîne. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel vous rappelle à ce propos les dispositions de l'article 3 bis de la convention de Canal+ SA, selon lesquelles " la société transmet également au CSA, tous les quatre mois, un rapport d'information sur l'utilisation de la base d'abonnés au service, dans le secteur de la communication audiovisuelle au sens de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986, à des fins autres que la distribution du programme de Canal+. La société fournira en outre à ce sujet toute information complémentaire demandée par le Conseil ".
6 - Enfin, le Conseil supérieur de l'audiovisuel confirme sa demande de communication des comptes consolidés du groupe Canal+, dont l'établissement est prévu par la charte, dès lors qu'ils lui apparaissent toujours nécessaires pour porter une appréciation sur les changements des organes de direction du groupe et de Canal+ SA que vous avez vous-même justifiés par les pertes du groupe et de certaines de ses filiales."
Par courrier du 7 juin 2002, J.M. Messier et E. Licoys ont confirmé certains engagements, notamment l'annexion des accords interprofessionnels du 20 mai 2000 à la convention de Canal+ conclue avec le CSA. Toutefois, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a souhaité que lui soient présentés les comptes consolidés de Groupe Canal+ et fournis des compléments d'information, en particulier sur la détermination des signataires de la convention, l'actualisation de la charte entre VU et Groupe Canal+ et les engagements en matière de non-discrimination tarifaire. Il a donc décidé d'auditionner, le 2 juillet 2002, MM. Eric Licoys, directeur général et administrateur de Vivendi Universal, vice-président du conseil de surveillance de Groupe Canal+, Xavier Couture, président du directoire de la société Groupe Canal+ et vice-président du conseil d'administration de la société Canal+ et Dominique Farrugia, président-directeur général de la société Canal+.
Compte tenu de la situation financière particulièrement préoccupante de la société Vivendi-Universal et de la cession inévitable de certains de ses actifs liés au groupe Canal+, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a entendu son nouveau président directeur général Jean-René Fourtou, le 23 juillet 2002.