III. L'ARMÉE FRANÇAISE ET LA FORCE D'ACTION RAPIDE EUROPÉENNE
Lors du sommet européen à Helsinki de décembre 1999, les chefs d'États et de Gouvernements ont exprimé la volonté de doter l'Union européenne à partir de 2003 d'une force d'intervention de l'ordre de cinquante à soixante mille hommes, déployable en 60 jours pour au moins un an, afin d'être en mesure d'effectuer les missions de gestion de crises dites de «Petersberg» (aide humanitaire, évacuation de ressortissants, maintien de la paix et rétablissement de la paix). Il faut rappeler que pour déployer 60 000 hommes dans les différentes situations envisagées, il faut disposer non seulement de matériel mais aussi d'un réservoir de forces de plus de 100 000 hommes et d'environ 400 avions et 100 bâtiments.
Pour être en mesure de tenir cet engagement appelé « objectif global d'Helsinki », les États membres ont décidé de « déterminer rapidement des objectifs collectifs de capacité » afin de doter ces forces des moyens de commandement et de contrôle, de renseignement, de transport stratégique, d'appui au combat et des éléments aériens et navals nécessaires, ainsi que du soutien logistique approprié.
1. Les moyens susceptibles d'être fournis à compter de 2003 par les armées françaises
La contribution de la France est particulièrement significative puisqu'elle représente environ 20 % de l'effort global. Elle peut être détaillée ainsi:
VOLUME GLOBAL DE L'ENGAGEMENT |
Contribution terrestre - 12.000 hommes au maximum (réservoir de 20.000 militaires). Moyens aériens - 75 avions de combat, - 22 avions embarqués du groupe aéronaval, - un groupe de transport aérien. Moyens navals - 12 bâtiments dont le PA Charles de Gaulle. Commandement - états-majors de niveau stratégique, opératif et tactique, moyens projetables de communication (par satellite). |
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CAPACITÉS CLÉS |
Renseignement - capacité d'imagerie satellitaire (station de théâtre Hélios), - moyens de reconnaissance et de surveillance du champ de bataille (Mirage IV, système héliporté Horizon). |
Cette participation est insuffisante au regard des objectifs fixés. Il convient alors, dans un processus coordonné avec les autres partenaires de rechercher des voies d'amélioration.
2. Le processus de renforcement des capacités européennes.
Lors du Conseil européen de Nice, les 7 et 8 décembre 2000, il a été pris acte des engagements capacitaires concrets et les domaines sur lesquels les États devront axer leurs efforts ont été identifiés.
Il est apparu en effet que certaines capacités avaient besoin d'être améliorées sur le plan qualitatif et quantitatif. Cette volonté de renforcer les capacités en termes de disponibilité, de déploiement, d'aptitude à durer et d'interopérabilité des forces est en relation avec les choix politiques de modernisation des systèmes de défense qui prévalent dans la plupart des pays de l'Union.
Lors d'une nouvelle conférence de capacité, le 19 novembre 2001, les ministres ont identifié les initiatives complémentaires qu'ils pourront mettre en oeuvre sur une base nationale ou en coopération avec des partenaires pour répondre aux besoins. Pour coordonner les efforts des différentes pays, des groupes d'action d'amélioration de capacités ont été créés.
a) Les axes d'efforts selon la France
Pour la France les axes d'efforts portent sur les capacités suivantes :
(1) Appréciation de situation et aide à la décision
La maîtrise de l'information est une dimension déterminante pour prendre l'ascendant sur l'adversaire et assurer le succès des opérations. L'ambition de la France suppose la détention de capacités de reconnaissance et de surveillance permettant un suivi et une appréciation de la situation opérationnelle, notamment au moyen de drones.
En outre , la place de nation-cadre que la France entend pouvoir assumer , exige de sa part la détention et la maîtrise d'outils de simulation et d'aide à la décision stratégique, à la planification et à la conduite des opérations. Le renseignement doit être disponible dans des délais de plus en plus brefs, compatibles avec le processus de décision politico-militaire.
Ayant consenti d'importants efforts financiers pour acquérir des capacités d'observation satellitaire depuis plusieurs années, la France possède aujourd'hui une certaine autonomie stratégique en matière de renseignement et l'effort doit à présent porter sur la capacité tout temps.
Celle-ci pourrait être acquise en combinant la programmation des satellites radars de partenaires européens tels l'Italie et l'Allemagne avec nos moyens optiques nationaux. L'architecture du segment sol devrait permettre à chacun des partenaires d'avoir accès aux capacités d'observation mutualisées.
(2) Modernisation des moyens d'action dans la profondeur
Au niveau européen, l'effort portera principalement sur l'amélioration de la capacité de suppression des défenses surfaces-air (SEAD) qui passe par l'acquisition de deux composantes complémentaires : le brouillage offensif et un armement anti-radar. La priorité nationale est mise sur l'acquisition d'une composante de brouillage offensif qui fait totalement défaut en Europe aujourd'hui, certains de nos partenaires détiennent des missiles anti-radar.
(3) Protection des forces déployées sur les théâtres extérieurs
Pour répondre à ses ambitions au sein d'une coalition européenne, la France doit être en mesure d'inscrire l'efficacité opérationnelle de ses forces dans la durée. Cela passe par le développement de sa capacité à sauvegarder ses unités grâce à un haut niveau de protection face notamment aux menaces NBC.
Il s'agit de doter les forces terrestres d'un engin de combat d'infanterie renforçant la protection et la puissance de feu des combattants. La mise en service du VBCI répondra à cet objectif. Il convient également d'étudier la possibilité de doter nos forces, compte tenu de l'émergence de nouvelles menaces balistiques, d'une capacité de défense contre les missiles de théâtre.
La Recherche et le Sauvetage au Combat (RESCO) est une capacité mise en relief par les crises et opérations récentes. La France a commencé à se doter d'une composante bâtie à partir d'hélicoptères Super Puma, dans l'attente d'un appareil complètement adapté à cette mission. La mise en service des premiers appareils Cougar RESCO à partir de 2003 marquera le début d'une amélioration capacitaire significative qui répondra à ce besoin national et européen.
(4) Réduction du déficit capacitaire pour la projection et la mobilité des forces
Des mesures de coordination d'emploi des moyens en cours et une amélioration de leur disponibilité technique permettront d'attendre le renouvellement des avions de transport et des hélicoptères, qui donneront à la France les capacités attendues au plan européen.
b) La détermination des capacités lacunaires au niveau européen
Depuis lors, on s'est efforcé d'analyser les écarts entre besoins et contributions, pour en déduire 54 lacunes capacitaires . Si les unes peuvent être qualifiées de « virtuelles », en ce sens que les moyens dont disposent les États européens sont globalement suffisants moyennant un rééquilibrage, d'autres, au nombre de 40, sont réelles.
(1) Le plan d'action approuvé au sommet de Laeken
Ces lacunes, qui ont fait l'objet d'un plan d'action européen sur les capacités (European Capability Action Plan ou ECAP) , approuvé par les Quinze au sommet européen de Laeken de décembre 2001, concernent principalement les domaines suivants :
- capacités de combat, en particulier dans les domaines de la protection des forces projetées contre les menaces balistiques et NBC, et de la protection des avions contre les défenses sol-air adverses ;
- capacités logistiques des bataillons de transport ;
- capacités nécessaires à la projection des forces, en particulier les avions de transport et de ravitaillement en vol, les hélicoptères de transport et les capacités de transport stratégique maritime ;
- capacités contribuant à l'autonomie d'appréciation de situation de l'Union européenne, parmi lesquelles on soulignera l'importance de l'observation spatiale, de la surveillance aérienne de théâtre et les systèmes de drones tactiques autonomes et endurants ;
- capacités de communication, étroitement liées aux capacités de commandement de niveaux stratégique et tactique d'une opération.
(2) Les groupes de travail
Le plan repose sur la création de groupes de travail (ECAP panels), à l'initiative d'un ou de plusieurs États, dont l'un en assure le pilotage.
Ces groupes, à partir des travaux d'analyse précédemment réalisés et des projets annoncés par les divers États membres, tentent d'identifier des synergies et de promouvoir des solutions optimales, tout en respectant la liberté de décision de chaque État membre.
Le lancement du plan ECAP peut être considéré comme un succès puisque 18 ECAP panels sont désormais activés.
La France participe à tous les groupes et en pilote quatre (relatifs aux frappes de précision, à la suppression des défenses anti-aériennes, aux drones et à l'observation stratégique).
Il est néanmoins encore trop tôt pour préjuger des résultats escomptés et trois groupes seulement seront en mesure de fournir des conclusions d'ici fin 2002 (recherche et sauvetage au combat, hélicoptères de combat et de transport et ravitaillement en vol).