2. Le présent projet de loi de finances constitue une première étape de la « décristallisation »
Dans son arrêt du 30 novembre 2001 « Ministère de la défense c/ M. Diop - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie c/ M. Diop », le Conseil d'Etat a considéré que l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, disposant que les ressortissants des pays qui y sont mentionnés reçoivent désormais, à la place de leur pension, une indemnité non revalorisable dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite, créait une différence de traitement entre les retraités en fonction de leur nationalité.
En outre, dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a également considéré que les pensions de retraite constituent, pour les agents publics, une rémunération différée destinée à leur assurer des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité de leurs fonctions passées et que la différence de situation existant entre d'anciens agents publics de la France, selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions de retraite, une différence de traitement.
Le présent projet de loi de finances tire les conséquences juridiques de cet arrêt en inscrivant 72,5 millions d'euros de moyens nouveaux aux chapitres 46-20 et 46-21 afin d'engager le processus de décristallisation :
- au chapitre 46-20, inscription de 58,25 millions d'euros au titre de la provision relative au financement de la décristallisation des pensions militaires d'invalidité et d'ayants-cause ;
- au chapitre 46-21, l'inscription de 14,25 millions d'euros au titre de la provision relative au financement de la décristallisation de la retraite du combattant.
Votre rapporteur spécial estime toutefois qu'il serait plus juste de concentrer l'intégralité des crédits destinés à la décristallisation sur la retraite du combattant, conformément d'ailleurs aux dispositions de sa proposition de loi relative à la décristallisation de la retraite du combattant des anciens combattants de l'ex-Union française, déposée au Sénat le 7 novembre 2000.
Votre rapporteur spécial souhaite également rappeler que ces crédits supplémentaires ne couvrent que très partiellement les besoins issus d'une décristallisation totale qui s'élèveraient, d'après les estimations du ministère de la défense, à près de 1,52 milliard d'euros pour les arriérés et à plus de 450 millions d'euros par an pour les revalorisations de pensions et de la retraite du combattant.
À cet égard, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a indiqué que la somme de 72,5 millions d'euros constituait une provision calculée avant que ne soient arrêtées les modalités définitives de la décristallisation.
Néanmoins, dans le contexte budgétaire actuel, votre rapporteur spécial estime que les crédits inscrits au présent projet de loi de finances constitue un pas décisif vers la décristallisation.
En outre, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a annoncé que « le Parlement sera saisi dans les prochains mois en vue de l'adoption d'un dispositif législatif qui traduise cette volonté de reconnaissance des sacrifices consentis par les anciens combattants d'outre-mer, sans méconnaître toutefois la réalité économique et sociale des pays concernés ». Il a précisé que le critère de parité des pouvoirs d'achat ne pouvait être le seul élément pris en compte car il conduirait à désavantager certains pays dont le pouvoir d'achat s'est effondré depuis l'indépendance. Par ailleurs, le règlement de la question de la décristallisation impose, en amont, de définir le montant des arriérés pris en compte et, en aval, de définir les règles d'adaptation aux variations à venir des pouvoirs d'achat ainsi que de considérer la question des ayants-cause.
Nombre de pensions et de retraites du combattant servies
|
Pensions militaires d'invalidité (ayants droit et ayants cause) |
Retraite du combattant |
Pensions militaires de retraite (ayants droit et ayants cause) |
Algérie |
11.502 |
14.243 |
9.292 |
Maroc |
8.066 |
17.152 |
17.778 |
Tunisie |
3.700 |
4.477 |
1.763 |
Mauritanie |
75 |
153 |
308 |
Sénégal |
796 |
2.061 |
1.873 |
Côte d'Ivoire |
408 |
608 |
1.998 |
Bénin |
233 |
363 |
568 |
Guinée |
511 |
473 |
3.078 |
Burkina Faso |
781 |
1.744 |
5.056 |
Niger |
157 |
528 |
1.201 |
Mali |
533 |
1.453 |
2.080 |
Togo |
18 |
7 |
167 |
Congo |
58 |
225 |
398 |
Gabon |
18 |
56 |
150 |
République centrafricaine |
96 |
372 |
790 |
Tchad |
347 |
686 |
3.983 |
Cameroun |
67 |
273 |
239 |
Madagascar |
258 |
261 |
1.582 |
Comores |
175 |
||
Djibouti |
192 |
140 |
932 |
Vietnam |
164 |
638 |
144 |
Cambodge |
4 |
1 |
29 |
Laos |
2 |
57 |
4 |
Divers Etranger |
445 |
2.689 |
|
Métropole* |
1.474 |
||
Total |
29.905 |
48.660 |
53.588 |
* Ressortissants des pays soumis à la cristallisation résidant en France. Nombre de bénéficiaires (allocations en paiement au 31 décembre 2000) Vietnam, Laos et Cambodge (derniers chiffres connus en 1998).