II. ADAPTER LE DROIT DU TEMPS DE TRAVAIL PAR LE DIALOGUE SOCIAL
A. UNE NÉCESSAIRE ADAPTATION
1. Le difficile passage aux 35 heures
Depuis le 1 er janvier 2002, en application de la loi du 19 janvier 2000, la durée légale du travail effectif des salariés est désormais de 35 heures par semaine.
Pour autant, le passage effectif aux 35 heures est encore loin d'être réalisé, comme le montrent les suivis statistiques réalisés par l'ACOSS 5 ( * ) .
Ainsi, à la fin du mois de mars 2002, 197.737 entreprises employant près de 8,2 millions de salariés bénéficiaient d'allégements de cotisations sociales suite à la réduction de leur temps de travail, soit 12,8 % des entreprises du secteur privé.
Nombre d'entreprises et de salariés « aux 35 heures »
Période d'emploi |
|||||||||
Avril 2000 |
Juin 2000 |
Sept. 2000 |
Déc.2000 |
Mars 2001 |
Juin 2001 |
Sept. 2001 |
Déc. 2001 |
Mars 2002 |
|
Nombre d'entreprises |
29.107 |
36.542 |
43.447 |
50.762 |
70.960 |
79.325 |
87.621 |
111.005 |
197.737 |
Nombre d'établissements |
75.698 |
95.614 |
112.099 |
129.314 |
159.510 |
174.635 |
189.068 |
216.361 |
315.598 |
Effectif salarié total |
3.184.481 |
4.152.537 |
4.878.039 |
5.943.589 |
6.253.312 |
6.584.181 |
7.036.755 |
7.372.155 |
8.210.519 |
Effectif inscrit fin période |
nd |
3.636.751 |
4.718.364 |
5.569.234 |
6.048.595 |
6.439.508 |
6.893.399 |
7.224.502 |
8.074.541 |
Source : ACOSS
Ces données brutes masquent toutefois de fortes disparités selon la taille de l'entreprise, qui témoignent des difficultés rencontrées par les entreprises pour réduire le temps de travail.
A la fin du mois de mars 2002, 45 % des entreprises de plus de 20 salariés sont « aux 35 heures » contre 10,4 % des entreprises de 20 salariés et moins. La part des effectifs de ces entreprises atteint 60,3 % pour celles de plus de 20 salariés et 17,2 % pour les autres.
Part des entreprises et des salariés « aux 35 heures »
Période d'emploi |
||||||||||
Avril 2000 |
Juin 2000 |
Sept. 2000 |
Déc.
|
Mars 2001 |
Juin 2001 |
Sept. 2001 |
Déc. 2001 |
Mars 2002 |
||
Ensemble des entreprises |
Nombre d'entreprises |
1,9 % |
2,4 % |
2,8 % |
3,3 % |
4,6 % |
5,1 % |
5,6 % |
7,1 % |
12,8 % |
Effectif salarié total |
20,3 % |
25,4 % |
28,8 % |
34,2 % |
36,3 % |
38,6 % |
40,3 % |
42,6 % |
47,6 % |
|
Entreprises de plus de 20 salariés |
Nombre d'entreprises |
19,3 % |
22,8 % |
25,8 % |
29,0 % |
33,4 % |
35,8 % |
37,1 % |
39 ,4 % |
45,0 % |
Effectif salarié total |
28,4 % |
35,5 % |
40,0 % |
47,6 % |
49,5 % |
52,3 % |
54,2 % |
56,7 % |
60,3 % |
|
Entreprises de 20 salariés et moins |
Nombre d'entreprises |
0,7 % |
0,9 % |
1,2 % |
1,4 % |
2,5 % |
2,9 % |
3,3 % |
4,7 % |
10,4 % |
Effectif salarié total |
2,0 % |
2,3 % |
2,8 % |
3,2 % |
5,1 % |
5,9 % |
6,6 % |
9,1 % |
17,2 % |
Source : ACOSS
Ces difficultés de passage « aux 35 heures » dans le cadre des dispositifs législatifs mis en oeuvre ces dernières années n'infirment pas pour autant la tendance observée ces dernières années de baisse de la durée moyenne du travail. Ainsi, de janvier 1997 à juin 2002, la durée collective hebdomadaire affichée des salariés à temps complet de l'ensemble des entreprises de 10 salariés ou plus a diminué de trois heures pour s'établir à 35,7 heures.
Durée hebdomadaire du travail des
salariés à temps complet
selon la taille de
l'entreprise
Durée en fin de trimestre
|
Variation au 31/06/2002 (en %) |
||||||
2 ème trim. 2001 |
3 ème trim. 2001 |
4 ème trim. 2001 |
1 er trim. 2002 |
2 ème trim. 2002 |
sur 3 mois |
sur 12 mois |
|
Toutes tailles confondues |
36,15 |
36,10 |
36,05 |
35,76 |
35,69 |
- 0,2 |
- 1,3 |
10 à 19 salariés |
38,62 |
38,56 |
38,41 |
37,31 |
37,16 |
- 0,4 |
- 3,9 |
20 à 49 salariés |
36,99 |
36,94 |
36,83 |
36,32 |
36,23 |
- 0,3 |
- 2,1 |
50 à 99 salariés |
36,25 |
36,13 |
36,13 |
35,90 |
35,82 |
- 0,2 |
- 1,2 |
100 à 249 salariés |
35,91 |
35,87 |
35,88 |
35,68 |
35,61 |
- 0,2 |
- 0,8 |
250 à 499 salariés |
35,59 |
35,54 |
35,52 |
35,41 |
35,33 |
- 0,2 |
- 0,8 |
500 salariés ou plus |
35,32 |
35,26 |
35,22 |
35,17 |
35,15 |
- 0,1 |
- 0,5 |
Source : Enquête trimestrielle sur l'activité et les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre (ACEMO), DARES.
2. Des implications lourdes de conséquences
Ces difficultés soulignent avec force les limites de la démarche de réduction autoritaire du temps de travail que votre commission n'a eu de cesse de dénoncer.
Au vu des premiers enseignements de l'expérience, les deux limites principales au processus de réduction du temps de travail apparaissent désormais clairement.
D'une part, en limitant la durée du travail dans un contexte où persistent de fortes difficultés de recrutement (en dépit de la hausse constatée du chômage depuis un an et demi) et où elles risquent encore de s'accentuer compte tenu des évolutions prévisibles de la population active, la réduction du temps de travail constitue une lourde contrainte pour les capacités de production de nos entreprises . Ces contraintes sont encore renforcées par le rationnement des heures supplémentaires introduit par la loi du 19 janvier 2000.
Ainsi, et alors même que la France était, dès 1998, le pays de l'OCDE dans lequel la durée du travail était la plus faible, cette tendance apparaît aujourd'hui comme un frein substantiel à la poursuite ou au redémarrage de l'activité.
Durée du travail dans quelques pays de l'OCDE en 1998
Etats-Unis |
Japon |
France |
Allemagne |
Italie |
Espagne |
Pays-Bas |
Royaume-Uni |
|
Durée hebdomadaire habituelle |
42,3 |
48,6 |
39,7 |
40,1 |
38,5 |
40,7 |
39,0 |
44,0 |
Durée hebdomadaire conventionnelle moyenne |
- |
40-44 |
39,0 |
38,0 |
37,5 |
38,8 |
38,5 |
38,0 |
Jours fériés moyens |
7,6 jours |
15 jours |
9,1 jours |
10,6 jours |
8,6 jours |
11,2 jours |
6 jours |
8 jours |
Durée annuelle habituelle |
2.068 |
2.194 |
1.770 |
1.773 |
1.763 |
1.915 |
1.799 |
2.006 |
Source : OFCE, Observations et diagnostics économiques n° 82, juillet 2002
D'autre part, les conditions actuelles imposées pour la réduction du temps de travail apparaissent largement insoutenables pour les petites entreprises.
En effet, et comme le relève avec raison le rapport précité du Commissariat général au Plan, « les outils classiques d'organisation du temps de travail sont mal ou totalement inadaptés » aux petites entreprises.
Dès lors, au regard de ce constat, il importait, sans remettre en cause le principe même de l'abaissement de la durée légale du travail, d'en revoir les conditions de mise en oeuvre.
* 5 Ce suivi concerne les entreprises du secteur privé (hors agriculture) qui ont pu bénéficier d'un dispositif d'allégement de cotisations sociales patronales suite à la réduction du temps de travail (dispositifs de Robien, Aubry I et Aubry II).