D. AUDITION DE M. DENIS GAUTIER-SAUVAGNAC, VICE-PRÉSIDENT, DE M. DOMINIQUE TELLIER, DIRECTEUR DES RELATIONS DU TRAVAIL ET DE M. JEAN-PIERRE PHILIBERT, DIRECTEUR DES RELATIONS AVEC LES POUVOIRS PUBLICS, DU MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF)

La commission a procédé à l'audition de M. Denis Gautier-Sauvagnac, vice-président, M. Dominique Tellier, directeur des relations du travail, et M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

Après avoir exprimé le souhait que l'examen du projet de loi par le Sénat soit l'occasion d'un débat riche et constructif, M. Denis Gautier-Sauvagnac est revenu sur le bilan des lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000.

Estimant que ces deux lois relevaient de la « tragi-comédie », il a considéré qu'elles avaient commis l'erreur de laisser croire qu'il était possible tout à la fois de travailler moins, de gagner autant et de créer des emplois.

Il a indiqué qu'elles avaient eu de graves conséquences : l'augmentation du coût du travail pour les entreprises sans augmentation parallèle des salaires, la dévalorisation du travail et l'incitation pour les entreprises à fonctionner parfois aux limites de la légalité.

Il a également observé que ces lois n'avaient pas permis de créer des emplois, les statistiques internationales montrant que la France n'avait pas créé davantage d'emplois dans le secteur marchand que ses partenaires européens en 2000 et 2001.

Il a toutefois souligné que ces lois avaient néanmoins eu un impact positif facilitant la vie des entreprises : elles ont en effet introduit plus de flexibilité, notamment en matière d'annualisation du temps de travail et de possibilité pour les cadres de bénéficier du forfait en jours.

S'agissant de la nouvelle réduction unique de cotisations sociales, il s'est félicité de la déconnexion effectuée entre l'allégement de charges et l'horaire de travail. Il a observé que la France était jusqu'à présent le seul pays au monde à effectuer une telle connexion, même si, par le passé, des déconnexions avaient pu se produire, notamment lorsqu'il s'est agi d'encourager le temps partiel.

S'agissant de l'harmonisation des salaires minima, il a considéré que personne n'avait jamais imaginé que l'alignement puisse être autre chose qu'une convergence par le haut. Il a toutefois insisté sur la proposition du MEDEF de réaliser l'alignement en cinq ans afin de lisser l'augmentation des coûts salariaux, estimant que l'augmentation probable de 17 % du SMIC sur trois ans prévue par le projet de loi serait difficilement soutenable par les entreprises.

Abordant le titre II du projet de loi, M. Denis Gautier-Sauvagnac a considéré que ces dispositions constituaient certes des assouplissements des 35 heures, mais n'étaient qu'un simple aménagement de la loi du 19 janvier 2000. Il a ainsi observé que la durée légale du travail restait fixée à 35 heures et que l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires instituée par le décret annoncé par le ministre se traduirait seulement par une augmentation de 38 heures 15 à 39 heures 30 de la durée hebdomadaire du travail, dans le cas d'une consommation totale du contingent.

Soulignant à nouveau que le projet de loi ne constituait qu'un premier pas dans la voie d'un meilleur aménagement du temps de travail, il a néanmoins insisté sur le fait que le texte renforçait significativement les possibilités de négociation pour les partenaires sociaux.

Il a néanmoins regretté que le projet de loi n'aborde pas certains points importants, pour lesquels les lois précédentes se sont révélées une source importante de contentieux.

Il a d'abord indiqué que, si le projet de loi simplifiait le régime applicable aux cadres au forfait en jours, il apparaissait souhaitable qu'un accord de branche ou d'entreprise puisse être à même de déterminer à lui seul les catégories de cadres relevant de ce régime.

Il a ensuite observé que le régime actuel du temps de travail applicable aux salariés itinérants non-cadres était actuellement ingérable pour les entreprises. S'appuyant sur l'exemple des monteurs sur chantiers, des visiteurs médicaux et des mainteneurs d'ascenseurs, il a souhaité que la loi puisse leur permettre de bénéficier de conventions de forfait annuel en jours.

Il a également regretté que le projet de loi ne simplifie pas le régime applicable au temps de formation professionnelle. A cet égard, il a souligné que la distinction posée par la loi entre formation d'adaptation de l'emploi, devant être réalisée en totalité pendant le temps de travail, et formation de développement des compétences, pouvant être en partie effectuée hors temps de travail, était, en pratique, très délicate à établir.

Il a enfin déploré que le projet de loi n'aborde pas la question du temps partiel. Observant qu'il existait aujourd'hui quatre régimes différents de temps partiel, il a considéré que la législation actuelle était particulièrement complexe alors même que l'expérience montrait que le temps partiel était créateur d'emplois. Il a alors souhaité que la loi laisse plus de place à la négociation collective, notamment en matière d'heures complémentaires. A cet égard, il a observé que le temps partiel était souvent subi et que les salariés voulaient généralement travailler davantage.

Abordant la question de la sécurisation, M. Denis Gautier-Sauvagnac a rappelé l'importance des dispositions introduites à l'article 13. Indiquant que la loi du 19 janvier 2000 n'avait pas respecté les accords précédemment conclus, il a considéré qu'il était nécessaire de sécuriser les accords signés par les partenaires sociaux et naturellement conformes aux dispositions de la présente loi. Il a indiqué que de nombreuses branches professionnelles avaient été « piégées » par la seconde loi « Aubry » et avaient en conséquence anticipé un contingent de 130 heures dans leurs accords. Il a alors estimé qu'il serait difficile de renégocier ces accords et a exprimé le souci de sécuriser le nouveau contingent légal de 180 heures, en souhaitant que les contingents négociés sous l'empire des précédentes lois soient réputés nuls.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur un éventuel accord général des partenaires sociaux sur le projet de loi, au-delà des critiques qu'ils ont pu formuler et que le ministre a jugé convenues.

M. Guy Fischer a souligné les contradictions du discours du MEDEF qui, d'un côté, met en avant les conséquences graves des lois « Aubry » mais, de l'autre, se félicite de la flexibilité qu'elles ont apportée. Il s'est également demandé s'il était aujourd'hui possible d'aller plus loin en matière d'allégement de charges sans pour autant avoir des garanties en matière de création d'emploi.

En réponse aux intervenants, M. Denis Gautier-Sauvagnac a rappelé la position du MEDEF sur le projet de loi. Il a indiqué que sa critique était totale pour l'harmonisation des SMIC qui aura des conséquences dramatiques en matière d'emploi. Il a, à ce propos, souligné que le mécanisme d'allégement de charges ne compenserait pas la hausse des coûts salariaux puisqu'il s'agissait d'un simple redéploiement. Observant qu'à partir d'un seuil salarial de 1,35 ou 1,4 fois le SMIC l'entreprise était perdante, il en a conclu que le nouveau mécanisme serait principalement défavorable pour les entreprises à forte valeur ajoutée.

En revanche, il a réaffirmé son appréciation positive sur le volet du projet de loi concernant les assouplissements des 35 heures, même s'il a insisté sur la nécessité d'aller plus loin.

S'agissant des lois « Aubry », il a confirmé que leur impact avait été négatif même si le « manteau de la croissance » avait pu masquer, pour un temps, leur coût. Il a relevé que seuls le régime du forfait en jours et la possibilité d'annualisation du temps de travail avaient constitué des points positifs.

S'agissant des contreparties en emploi du dispositif proposé, il a estimé que l'emploi ne pouvait pas se décréter et que c'était le travail qui créait de l'emploi.

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