INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La convention relative à l'aide alimentaire constitue le second volet de l'accord international sur les céréales conclu en 1995.

Le premier volet est la convention sur le commerce des céréales. Relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne, celle-ci a pour objectif de favoriser la coopération internationale en matière de commerce des céréales.

La convention consacrée à l'aide alimentaire relève, quant à elle, de la compétence partagée entre l'Union européenne et ses Etats membres. Entrée en vigueur le 1 er juillet 1995, elle a été renégociée en 1997 afin de tenir compte des grands objectifs fixés par le Sommet mondial de l'alimentation de novembre 1996.

Parmi les lignes directrices du plan d'action adopté alors par les Chefs d'Etat et de gouvernement pour les dix années à venir, figuraient notamment l'accroissement durable de la production agricole, la contribution du commerce mondial au renforcement de la sécurité alimentaire, la prévention et la riposte aux situations d'urgence.

La nouvelle convention relative à l'aide alimentaire a été conclue à Londres le 13 avril 1999.

Néanmoins, cinq ans après le Sommet de Rome, la lutte contre la faim dans le monde marque le pas dans les pays en développement.

Votre rapporteur analysera les raisons de la récurrence du problème de la malnutrition avant d'évoquer les principales innovations introduites par la convention de Londres, et d'en présenter les implications pour le dispositif français d'aide alimentaire.

I. LA RÉDUCTION DE LA FAIM DANS LE MONDE : UN RALENTISSEMENT PRÉOCCUPANT

Selon les estimations de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le nombre de personnes sous-alimentées dans les pays en développement 1 ( * ) est passé, entre 1990 et 1999, de 816 millions à 777 millions, soit une réduction de 39 millions en dix ans.

Si cette évolution apparaît évidemment positive, elle reste cependant très insuffisante. Pour atteindre l'objectif de diminution de moitié du nombre de personnes souffrant de la faim dans les pays du Sud d'ici 2015, il faudrait en effet que la baisse moyenne par an s'élève non pas à 6 millions, comme c'est le cas aujourd'hui, mais à 22 millions.

En outre, la tendance générale à la baisse masque de fortes disparités d'un pays à l'autre. En effet, le nombre de personnes sous-alimentées a diminué -de 116 millions- entre 1990 et 1999, dans 32 pays seulement, alors qu'il a au contraire augmenté, sur la même période -de 77 millions- dans 48 pays.

Selon la FAO, la zone Asie-Pacifique qui concentre les deux tiers des personnes sous-alimentées de la planète demeure la plus touchée par la faim (204 millions en Inde, 164 millions en Chine, pour la période 1995-1997). Cependant, cette région qui représente 70 % de la population mondiale a connu une amélioration significative de sa situation alimentaire depuis 1980 en raison des progrès enregistrés dans les deux pays les plus peuplés, la Chine et l'Inde.

L' Asie a été particulièrement touchée dans les années récentes par les catastrophes climatiques. Depuis plusieurs années, l'Iran connaît l'une des sécheresses les plus graves de son histoire et figure désormais parmi les premiers importateurs de blé du monde. L'Inde n'a pas été épargnée par ce phénomène, avec la pire des sécheresses en un siècle dans l'Etat du Gujarat où plus de 18.000 villages ont subi une grave pénurie d'eau. Le même pays a d'ailleurs connu, sur d'autres parties de son territoire, des inondations qui ont dévasté notamment les Etats du Bengale occidental et d'Assam.

La Mongolie, à la suite de deux hivers consécutifs très rigoureux en 1999/2000 et 2000/2001 -avec des températures inférieures à 2001- a perdu 10 % du cheptel national, alors que le tiers de la population, principalement des pasteurs nomades, reste entièrement tributaire du bétail pour son mode de vie et son alimentation.

En Corée du Nord, les aléas climatiques ont encore aggravé les conséquences de l'impéritie du pouvoir et frappé une population déjà affaiblie par des années de pénurie alimentaire, d'électricité, de carburant de chauffage et la carence totale du système de soins. En dépit de l'opacité voulue par le régime, il est avéré que la famine y aurait fait plusieurs centaines de milliers de victimes.

Malgré l'aide internationale, la situation alimentaire de l'Afghanistan continue de susciter de vives inquiétudes. La crise actuelle a porté à leur paroxysme les effets combinés de plusieurs années de guerre civile et de sécheresse. La faim et les combats ont entraîné des mouvements de population des régions rurales vers les villes ou vers le Pakistan (où quelque 60.000 personnes seraient entrées clandestinement pendant la seule période comprise entre octobre et novembre 2001).

La Chine, avec une réduction de 76 millions du nombre de personnes sous-alimentées entre 1990 et 1999, enregistre un résultat très positif lié à une croissance économique comparable à celle qu'avait connue l'Asie du Sud-Est au cours des deux décennies précédentes.

C'est en Afrique subsaharienne que la proportion de la population touchée par la malnutrition apparaît la plus importante. Elle représenterait en Afrique centrale, orientale et australe 44 % de la population totale. La sécheresse a plus particulièrement frappé la partie orientale du continent et notamment l'Ethiopie et le Kenya (1999-2000), tandis que des inondations catastrophiques ruinaient au Mozambique les modestes progrès économiques enregistrés depuis la fin de la guerre civile de 1992. De même, en 2000, deux cyclones d'une rare violence se sont abattus sur Madagascar, entraînant la destruction de 200.000 hectares de superficies cultivées et des pertes considérables, non seulement pour les cultures vivrières, mais aussi pour les cultures d'exportation de premier plan telles que le café, la vanille ou le clou de girofle.

Les calamités naturelles n'ont qu'une part de responsabilité dans la situation alimentaire critique de nombreux pays. Les conflits et les guerres civiles, maux récurrents de l'Afrique, ont un poids déterminant dans la dégradation des conditions de vie. Ainsi, au Sierra Léone, plus d'un million de personnes déplacées dans les secteurs contrôlés par les rebelles demeuraient, à la fin de l'année 2000, inaccessibles à toute aide humanitaire. Les déplacements de population en Angola après 25 ans de guerre civile (2,7 millions de personnes) et au Congo (16 millions de personnes) sont à l'origine de l'augmentation de la malnutrition et des maladies. La République démocratique du Congo est le pays qui a d'ailleurs connu la dégradation la plus significative de sa situation alimentaire au cours des dix dernières années, avec une augmentation de 35 % à 64 % du nombre de personnes sous-alimentées au sein de la population totale.

La paix revenue, les stigmates de la guerre perdurent, en raison notamment des mines enterrées pendant la guerre. Ainsi, en Erythrée, une grande part des réfugiés (1,5 million) qui ont fuit les meilleures terres pour l'Ethiopie voisine, hésite à réintégrer leur foyer du fait des mines.

L'Amérique latine , dont la situation alimentaire s'est améliorée au cours des dernières décennies, a connu cependant, récemment, des crises graves liées aux désordres naturels. L'Est du Salvador, le Nord du Nicaragua, le Sud du Honduras et le Sud-Est du Guatemala sont actuellement frappés par une sécheresse sévère qui a réduit de moitié les récoltes de maïs et de haricots rouges -deux produits qui constituent la base de l'alimentation de ces régions rurales. Au Salvador, les conséquences de la sécheresse se cumulent aux destructions provoquées par les deux tremblements de terre de janvier et de février 2001 qui ont particulièrement affecté les petits exploitants de café ; la suspension de la récolte a privé de ressources les ouvriers agricoles journaliers. Selon les estimations du programme alimentaire mondial, plus de 700 000 personnes seraient menacées de famine en Amérique centrale.

Ce rapide tableau permet de montrer que les racines de l'insécurité alimentaire sont profondes et nombreuses. Les chocs climatiques apparaissent à l'origine de crises très aiguës, mais il mettent aussi en évidence la vulnérabilité des économies encore très dépendantes de la production agricole, frappée la première par les inondations ou les sécheresses. L'instabilité politique et les conflits armés présentent des conséquences aussi graves que les calamités naturelles. Les premières victimes de la malnutrition se comptent au sein des personnes déplacées et, d'abord, de la population enfantine.

La sous-alimentation a pour arrière-plan l'insuffisance de la croissance économique au regard de l'augmentation de la population. Symptôme le plus évident de la grande pauvreté, elle met en cause l'ensemble des facteurs du sous-développement.

Par ailleurs, il faut désormais prendre en compte l'impact de la progression dramatique du sida sur l'évolution de la situation alimentaire de plusieurs pays. Près de 36 millions d'habitants de la planète sont infectés par le virus du sida et 95 % d'entre eux vivent dans les pays en développement. L'Afrique subsaharienne est plus particulièrement touchée, avec plus de 25 millions de personnes atteintes par la maladie (à titre d'exemple, au Botswana, le taux d'infection de la population est passé de 1 % à 35 % entre 1984 et 2000). Or, l'épidémie pèse principalement sur la force de travail. D'après la FAO, dans les 25 pays d'Afrique les plus affectés, 7 millions de travailleurs agricoles sont morts du sida depuis 1985. La force de travail pourrait subir un déclin de 10 à 25 % dans les dix pays les plus menacés. L'agriculture commerciale apparaît aussi touchée que les petites exploitations de subsistance. En outre, le poids croissant des dépenses de santé peut contribuer à la réduction des investissements productifs dans le domaine agricole avec, pour conséquence, une chute de la production alimentaire.

* 1 Le nombre total des personnes sous-alimentées s'élève en 1997-1999 à 815 millions de personnes dont 777 millions dans les pays en développement, 27 millions dans les pays en transition, 11 millions dans les pays industrialisés.

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