EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi d'une proposition de loi relative à l'autorité parentale, adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, le 11 décembre 2001.
Cette proposition de loi, tout en mettant davantage l'accent sur l'intérêt de l'enfant, prolonge l'évolution intervenue dans ces trente dernières années dans le sens à la fois d'une harmonisation des règles applicables en matière d'autorité parentale, quel que soit le statut des parents, et d'une meilleure coparentalité en cas de séparation.
Elle donne ainsi une nouvelle définition de l'autorité parentale prenant davantage en compte l'intérêt de l'enfant . Elle prévoit en outre expressément l'obligation pour les parents de contribuer financièrement à l'entretien et à l'éducation des enfants, le cas échéant après la majorité de l'enfant.
Elle harmonise les règles relatives à l'autorité parentale quel que soit le statut des parents : elle favorise ainsi la dévolution automatique de l'exercice en commun de cette autorité et elle met en place un droit commun de l'autorité parentale dans un chapitre spécifique du code civil regroupant les règles applicables à toutes les situations familiales.
Elle favorise l'exercice consensuel de la coparentalité en cas de séparation en donnant de nouveaux outils aux parents pour organiser librement les conséquences de leur séparation, pacifier les conflits et maintenir les relations de l'enfant avec ses deux parents.
C'est ainsi qu'elle permet aux parents de faire homologuer par le juge aux affaires familiales des conventions fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et qu'elle incite à recourir à la médiation familiale.
Elle reconnaît en outre expressément la résidence alternée comme un mode d'exercice de l'autorité parentale pouvant être soit choisi par les parents dans leur convention homologuée soit imposé par le juge. Elle prescrit en outre à un parent qui déménage d'en avertir préalablement l'autre parent.
Elle facilite les relations de l'enfant avec les tiers , notamment à travers une forme de délégation de l'autorité parentale permettant le partage de l'autorité parentale entre le délégant et le délégataire.
Elle harmonise enfin un certain nombre de dispositions applicables en matière de filiation légitime et de filiation naturelle.
En première lecture, le Sénat, sans modifier l'économie générale du texte, y avait apporté de nombreuses modifications et l'avait complété par des dispositions protectrices des mineurs, sans rapport direct avec l'autorité parentale. L'Assemblée nationale a repris une grande partie des apports du Sénat et a apporté au texte de nouveaux compléments.
I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : L'ACCEPTATION DES GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME SOUS RÉSERVE D'AMÉNAGEMENTS
En première lecture, le Sénat avait approuvé cette nouvelle étape législative vers l'exercice généralisé de l'autorité parentale commune et d'une meilleure coparentalité après la séparation. Tout en acceptant les grandes lignes du texte, il y avait cependant apporté des aménagements et il avait refusé d'adhérer à certains présupposés irréalistes qui lui semblaient refléter une vision quelque peu « angélique » des rapports humains.
Il avait notamment considéré qu'il ne fallait pas gommer les effets de la séparation et que l'autorité parentale ne pouvait pas être exclusivement définie à travers l'intérêt de l'enfant.
Il avait marqué une certaine prudence à l'égard de la résidence alternée en cas de désaccord des parents sur une telle organisation.
Il avait souhaité promouvoir à travers le mandat un mode souple de collaboration entre les parents et des tiers pour l'accomplissement d'actes usuels relatifs à la personne de l'enfant.
Il avait apporté plusieurs adaptations au régime de la contribution versée par un parent à l'autre pour l'entretien et l'éducation d'un enfant , notamment la possibilité de verser directement tout ou partie de la pension entre les mains de l'enfant majeur, et il avait subordonné la poursuite de l'obligation d'entretien et d'éducation d'un enfant majeur à la poursuite effective de ses études.
Il avait enfin complété le texte par de nouvelles dispositions, notamment sur la filiation, la répression du recours à la prostitution des mineurs et la protection des mineurs étrangers isolés.
A. MODIFICATIONS RELATIVES À L'AUTORITÉ PARENTALE
Sans remettre en question l'économie générale du texte, le Sénat y avait apporté de nombreuses modifications de fond et de forme.
A l'article premier, il avait donné une nouvelle rédaction des articles 286 et 256 du code civil pour deux raisons. En premier lieu, il avait jugé irréaliste de préciser comme le faisait l'article 286 du code civil que le divorce n'emportait par lui-même aucun effet sur les droits et les devoirs des parents à l'égard de leurs enfants. Il avait donc sur ce point adopté une rédaction plus neutre se rapprochant du texte actuel de l'article. En second lieu, le Sénat avait rétabli le lien entre la procédure de divorce et la détermination des modalités de l'exercice de l'autorité parentale en imposant, à l'article 286 du code civil, que ces modalités soient déterminées au moment du prononcé du divorce. Il avait apporté la même précision à l'article 256 s'agissant des mesures provisoires prises lors de l'audience de conciliation.
A l'article 2 relatif à la définition de l'autorité parentale , considérant qu'il ne convenait pas d'occulter le rôle fondateur des parents, il avait refusé que l'intérêt de l'enfant puisse en être considéré comme le fondement mais admis qu'il en était la finalité.
Estimant que la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants n'était pas subordonnée à l'exercice de l'autorité parentale mais au fait même d'être parent, il avait extrait la disposition relative à cette contribution de la section du code civil consacrée à l'exercice de l'autorité parentale dans laquelle l'avait inscrite l'Assemblée nationale ( art. 2 bis, art. 371-2 du code civil ).
S'agissant des enfants majeurs, il avait, au même article, subordonné la continuation de l'obligation d'entretien et d'éducation à la poursuite effective des études de l'enfant, estimant que l'obligation alimentaire prévue par l'article 207 du code civil devait prendre le relais de cette contribution.
Aux I et II de l'article 3 relatifs aux relations de l'enfant avec sa parenté et les tiers , le Sénat a affirmé le droit pour l'enfant d'entretenir des relations avec ses ascendants , dont font partie les grands parents, plutôt que de prévoir, comme l'avait fait l'Assemblée nationale, un droit pour l'enfant d'entretenir des relations avec les membres de ses « lignées » et de garder des dispositions spécifiques s'agissant des grands-parents.
Il avait supprimé le III du même article 3 prévoyant la création d'un diplôme d'État de médiateur .
Considérant qu'il ne convenait pas de remettre en cause à l'occasion de ce texte tout le droit de l'autorité parentale en matière d'adoption, le Sénat avait refusé d'assimiler l'adoption simple à une déclaration judiciaire de filiation permettant l'exercice conjoint de l'autorité parentale par les parents sur déclaration conjointe devant le greffier ou par décision du juge. Il avait cependant permis l'exercice conjoint de l'autorité parentale par un adoptant simple de l'enfant du conjoint et par ce conjoint, sur déclaration devant le greffier (II et II bis de l'article 4) .
Souhaitant valider juridiquement des pratiques courantes de collaboration souple avec des tiers, le Sénat avait autorisé un parent titulaire de l'exercice de l'autorité parentale à donner mandat à un tiers pour l'accomplissement de certains actes usuels relatifs à la personne de l'enfant ( art. 4, III bis, art. 372-3 du code civil ).
A l'initiative de M. Philippe Darniche et plusieurs de ses collègues, le Sénat avait inclus dans les missions du juge aux affaires familiales celle de prononcer l'interdiction de sortie du territoire si l'intérêt de l'enfant et sa sécurité le commandaient ( art. 4, IV, art. 373-2-6 du code civil ).
Il avait restreint les hypothèses de privation automatique de l'exercice de l'autorité parentale mentionnées à l'article 373 du code civil au seul cas où le père ou la mère serait hors d'état de manifester sa volonté ( art. 4, III ter ).
Estimant qu'elle était dénuée de tout effet pratique, et qu'il n'était pas utile de prévoir une nouvelle procédure, le Sénat avait supprimé la disposition selon laquelle le parent qui ne respecte pas les devoirs s'attachant à l'autorité parentale peut se voir rappeler à ses obligations par le juge. (art. 4, IV, art. 373-2-8 du code civil ) .
Le Sénat avait regroupé les dispositions relatives aux modalités d'hébergement de l'enfant dans un même article du code civil, que ces modalités soient déterminées par convention ou décidées par le juge ( art. 4, IV, art. 373-2-9 du code civil).
S'agissant de la résidence alternée , compte tenu des contraintes spécifiques d'organisation de ce mode d'hébergement exigeant une collaboration permanente entre les parents, il avait prévu, au même article, qu'en l'absence d'accord des deux parents, une telle mesure ne puisse intervenir qu'à titre provisoire , la décision ne pouvant être confirmée à titre définitif qu'après évaluation de sa mise en oeuvre.
Le Sénat avait supprimé la limitation du recours à la médiation en cas de violences familiales , estimant qu'une médiation pouvait être utile également dans cette hypothèse (art. 4, IV, 373-2-10) .
Concernant les critères susceptibles de fonder la décision du juge aux affaires familiales, le Sénat avait remplacé celui de l'âge de l'enfant, complété par la mention de la possibilité pour le juge de recourir à un pédopsychiatre lorsque l'enfant ne serait pas en mesure d'exprimer ses sentiments, par celui du résultat des expertises éventuellement effectuées ( art 4, IV, art. 373-2-11 du code civil ).
Le Sénat avait supprimé le V de l'article 4 qui permettait au juge, après une décision définitive , d'ordonner une enquête de suivi pour évaluer les conséquences sur le développement de l'enfant du mode de garde retenu.
Au II de l'article 5 , à l'article 373-2 du code civil , il avait imposé que le déménagement de l'un des parents soit signifié à l'autre en temps utile .
Il avait apporté plusieurs modification aux dispositions relatives à la pension alimentaire versée par un parent à l'autre au titre d'un enfant, en prévoyant, au III de l'article 5 :
- la possibilité que la pension prenne la forme d'une prise en charge directe de frais exposés pour l'enfant ( art. 373-2-2 du code civil ) ;
- la dissociation du régime du paiement de la pension alimentaire en capital du régime applicable en matière de prestation compensatoire, notamment l'impossibilité de prévoir l'abandon de biens en propriété ( art. 373-2-3 du code civil) ;
- la possibilité de versement direct de la pension en tout ou partie entre les mains de l'enfant majeur ( art. 372-2-5 du code civil ).
A l'article 6 , le Sénat avait imposé que les deux parents soient appelés à l'instance avant toute décision en matière de délégation de l'autorité parentale .
Au II de l'article 8 , procédant à des coordinations, le Sénat avait enfin refusé d'utiliser l'expression les « enfants par le sang », estimant qu'elle ne présentait aucun caractère juridique.
Sur la forme , le Sénat avait profondément restructuré le texte , pour plusieurs raisons. En premier lieu, il avait regroupé dans une section spécifique du code civil l'ensemble des dispositions relatives à l'intervention du juge aux affaires familiales. En second lieu, il avait évité de donner une nouvelle numérotation à des articles actuels du code civil ne changeant ni de place ni de contenu. Enfin, accessoirement, il avait rendu la proposition de loi plus lisible en y faisant apparaître le texte intégral de plusieurs articles plutôt que de les modifier à plusieurs reprises.