2. Des jugements rapides et peu réformés
a) La difficile évaluation de l'activité des tribunaux de commerce
Soulignons au préalable toute la difficulté d'évaluer l'activité des juridictions commerciales compte tenu de la faiblesse des bases statistiques de la Chancellerie . D'après les informations fournies à votre rapporteur, le suivi statistique des affaires nouvelles a été interrompu en 1992 pour des raisons budgétaires. Repris en 2001, il est apparu très incomplet pour l'année 2000. L'activité actuelle des juridictions commerciales ne peut donc être retracée qu'à travers les affaires terminées.
L'activité des juridictions commerciales est intrinsèquement liée à l'évolution de la conjoncture économique . D'après les statistiques de la Chancellerie fournies à votre rapporteur, les juridictions commerciales ont rendu en 2000 165. 558 jugements au fond en matière contentieuse 74 ( * ) au total , dont 155. 400 pour les tribunaux de commerce (+18,2 %) et 10. 159 pour les tribunaux de grande instance à compétence commerciale, qui représentent environ 6 % de l'activité des juridictions commerciales.
La mesure de l'activité des juridictions commerciales est un exercice difficile. En effet, la hausse spectaculaire de l'activité des tribunaux de commerce trouve son origine dans la multiplication des changements de juge-commissaire à la suite des nombreuses démissions collectives ayant eu lieu en 1999, changements enregistrés dans la masse des contentieux commerciaux, et sans rapport avec une augmentation réelle de l'activité. Cette augmentation artificielle de l'activité doit donc être relativisée et resituée dans un contexte caractérisé depuis 1995 par une baisse 75 ( * ) , résultant d'une amélioration de la conjoncture économique.
Enfin, le nombre de référés prononcés par les tribunaux de commerce s'élève à 27.948 (- 4,8 %), le nombre d'ordonnances rendues par le président et par le juge-commissaire se situant respectivement à 68.678 (- 3%) et à 436.450 (- 12%).
L'évolution des jugements d'ouverture de procédures collectives marque également une baisse du nombre de jugements d'ouverture de règlement judiciaire ou de liquidation immédiate avec 37.231 (- 10,9%), contre 4.568 pour les tribunaux de grande instance à compétence commerciale (soit 11 % de ces jugements d'ouverture). Cette tendance traduit l'amélioration de la conjoncture économique et contraste avec l'augmentation continue du nombre de procédures collectives ouvertes par les tribunaux de commerce jusqu'en 1997.
b) Une justice rapide
Les tribunaux de commerce ont pour principale qualité de rendre une justice adaptée aux exigences de rapidité de la vie des affaires, qui contraste de façon significative avec les délais de jugement excessifs caractérisant les juridictions civiles.
Votre commission, à l'occasion de l'examen des crédits de la justice, déplore , chaque année, les délais de jugement déraisonnables et l'accumulation des stocks d'affaires civiles . On ne peut donc que se réjouir que l'activité des tribunaux de commerce se caractérise par une durée moyenne de traitement des affaires en matière contentieuse (6 mois en 1999 76 ( * ) ) inférieure à celle des autres juridictions (7,1 mois dans les tribunaux de grande instance à compétence commerciale, 9,1 mois dans l'ensemble des tribunaux de grande instance, 10,3 mois dans les conseils de prud'hommes, 18,1 mois dans les cours d'appel en 1999) 77 ( * ) . Le délai moyen de traitement pour les procédures de référé s'élève à 1,2 mois (contre 1,9 mois dans les tribunaux de grande instance à compétence commerciale).
La durée des liquidations judiciaires immédiates s'élève à 1,7 mois pour les tribunaux de commerce contre 2,1 mois pour les tribunaux de grande instance à compétence commerciale. 12,4 mois en moyenne s'écoulent entre la saisine du tribunal de commerce et le jugement arrêtant un plan de redressement contre 12,2 mois pour les tribunaux de grande instance à compétence commerciale.
Il convient en outre de relever l'efficacité de la justice rendue par les tribunaux de commerce ainsi que la productivité des magistrats consulaires qui ont absorbé une augmentation de 100 % du nombre de procédures collectives entre 1985 et 1990, sans accuser le moindre retard dans les délais de traitement. Quelle juridiction aurait pu en faire autant ?
c) Une justice faiblement réformée
Le faible taux d'appel - 13,3 % - (20.268 appels interjetés en 1999 et 2000 contre les décisions au fond prononcées en 1999)- doit être souligné par rapport aux autres juridictions, qui accusent un taux parfois très supérieur (15,6 % pour les tribunaux de grande instance, 57,4 % pour les conseils de prud'hommes). Ce taux d'appel recouvre une réalité très contrastée puisqu'il s'établit à 16,5 % pour les affaires contentieuses et à 4,5 % s'agissant des ouvertures de redressement et de liquidation judiciaires.
Votre commission des lois n'entend pas nier la spécificité du taux d'appel en matière commerciale par rapport aux taux d'appel en d'autres matières. En effet, l'appel en matière commerciale est généralement moins fréquent. D'une part, il revêt un intérêt très relatif compte tenu de la nature même des affaires réglées : un créancier mécontent n'a pas intérêt à interjeter appel dans le cas d'une créance d'un faible montant, un recours laissant peu d'espoir après le prononcé de la liquidation. D'autre part, les possibilités de recours en appel sont elles-mêmes très strictement encadrées.
Toutefois, votre commission des Lois tient à souligner que dans des domaines équivalents le taux d'appel des décisions rendues par les tribunaux de commerce est plus faible que le taux d'appel des décisions rendues par les tribunaux de grande instance à compétence commerciale. En matière de demandes relatives aux entreprises en difficulté par exemple, les tribunaux de commerce affichent un taux d'appel de 4,3 % largement inférieur au taux d'appel des tribunaux de grande instance à compétence commerciale (14,2 %).
Votre commission des Lois tient à cet égard à relever l'insuffisance des statistiques sur les taux d'appel, la Chancellerie n'ayant pu fournir de réponses précises aux questions de votre rapporteur qui a été conduit à se reporter aux informations publiées dans l'annuaire statistique de la justice (1995-1999) 78 ( * ) .
S'agissant du taux d'infirmation 79 ( * ) les données sont rares et anciennes . On peut néanmoins citer une étude du ministère de la justice de 1997 qui fait ressortir un taux de 2,8 % 80 ( * ) (5480 arrêts infirmatifs sur 196.601 jugements et ordonnances de référé susceptibles d'appel). Aucune information équivalente n'a été publiée par la Chancellerie concernant les décisions des tribunaux de grande instance à compétence commerciale. Toutefois, une étude de la Chancellerie effectuée en 1995 et portant sur le droit des affaires et le droit des contrats fait ressortir un taux d'infirmation des jugements rendus par les tribunaux de commerce inférieur (3,75 %) au taux d'infirmation constaté pour les tribunaux de grande instance (5,86 %).
L'ensemble de ces statistiques, même s'il convient de les interpréter avec prudence, témoigne de l'absence de dysfonctionnements majeurs voire d'une certaine confiance dans la justice rendue par les juges consulaires, qui contrairement à d'autres juridictions rendent un grand nombre de décisions avec célérité, sans toutefois donner lieu à une trop grande contestation .
* 74 Les affaires contentieuses ne comprennent pas les affaires de redressement et de liquidation judiciaires. (Source Chancellerie).
* 75 - 4,5 % en 1998 et - 1,6 % en 1999.
* 76 La durée moyenne de traitement des affaires pour l'année 2000 s'établit à 5 mois mais ne paraît pas significative compte tenu du nombre de procédures particulièrement courtes de « changement de juge-commissaire ».
* 77 Notons que seuls les tribunaux d'instance affichent une durée moyenne de traitement des affaires inférieure (5,2 mois en 1999).
* 78 Editions 2001.
* 79 Il s'agit du nombre d'infirmations rapporté au nombre total de jugements et d'ordonnances de référé rendus en première instance et susceptibles d'appel.
* 80 Source : livre blanc de la conférence générale des tribunaux de commerce - 2000 - p.17.