Rapport n° 142 (2001-2002) de M. André ROUVIÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 décembre 2001

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N° 142

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d' exécution de la peine (ensemble un échange de lettres),

Par M. André ROUVIÈRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 431 (2000-2001)

Traités et conventions .

Mesdames, Messieurs,

La convention sur le transfèrement des personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine entre la France et Cuba, signée à Paris le 21 janvier 2000, reprend pour l'essentiel les dispositions de la convention du Conseil de l'Europe, relative au transfèrement des personnes condamnées signée à Strasbourg le 21 mars 1983. Elle s'en distingue toutefois par la volonté des autorités cubaines d'en limiter le champ d'application, par un échange de lettres, aux demandes concernant les ressortissants cubains, résidant sur le territoire de l'Etat cubain de manière permanente et excluant de ce fait les exilés de nationalité cubaine. Cette restriction ne s'applique évidemment pas aux ressortissants de nationalité française.

Cette convention a pour but de « faciliter la réinsertion sociale des condamnés en leur permettant de purger leur peine dans les pays dont ils sont ressortissants ». La convention du Conseil de l'Europe va d'ailleurs jusqu'à considérer que l'objectif de réinsertion exige « que les étrangers qui sont privés de leur liberté à la suite d'une infraction pénale aient la possibilité de subir leur condamnation dans leur milieu social d'origine ». Cette convention vient, en outre, compléter le dispositif de coopération, notamment judiciaire, entre les deux pays 1 ( * ) .

Au-delà de cet objectif de politique pénale, la croissance du nombre des touristes français et l'accroissement du trafic de drogue font craindre que n'augmente le risque que des Français fassent l'objet d'une condamnation et d'un emprisonnement par la justice cubaine.

I. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION

La convention fixe les conditions requises pour le transfèrement des personnes et les motifs possibles de refus. Elle sera applicable à l'exécution de toutes les condamnations prononcées quelles que soient leurs dates, avant ou après sont entrée en vigueur (article 17).

A. LES CONDITIONS REQUISES

La France et la république de Cuba « s'engagent à coopérer le plus largement possible en matière de transfèrement des personnes condamnées à des peines privatives de liberté » (article 2), en raison d'une infraction pénale, dans le territoire de l'Etat dont elles sont ressortissantes.

Les deux Etats s'engagent d'ailleurs à informer les personnes condamnées pouvant être concernées des dispositions de cette convention (article 5).

La demande de transfèrement peut être exprimée :

- soit par la personne condamnée auprès de « l'Etat de condamnation », c'est à dire de l'Etat où a été condamnée la personne qui peut être transférée, ou auprès de « l'Etat d'exécution », c'est à dire l'Etat vers lequel le condamné peut être transféré ;

- soit par les Etats concernés : Etat d'exécution ou Etat de condamnation.

Sept conditions sont posées par l'article 4 pour que le transfèrement soit accordé :

- les actes ayant donnés lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au regard de la législation de l'Etat d'exécution, même si la qualification de l'infraction n'est pas la même, en application du principe de double incrimination ;

- l'infraction ne doit pas être de nature strictement militaire ;

- le condamné doit être ressortissant de l'Etat d'exécution ;

- le jugement doit être définitif ;

- le condamné doit y consentir. Le consentement de la personne condamnée est entouré dans la présente convention de précautions semblables à celles de la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983, où il est précisé que le consentement doit se faire volontairement et en étant pleinement conscient des conséquences qui en découlent. L'Etat d'exécution doit, en outre, avoir la possibilité de vérifier la qualité du consentement par l'intermédiaire d'un consul (article 7 de la convention du 21 mars 1983, article 6 de la présente) ;

- la durée restante de la condamnation requise est de six mois minimum à la date de réception de la demande, sauf raison exceptionnelle ;

- l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution doivent exprimer un accord explicite.

B. LES MOTIFS DE REFUS DE TRANSFÈREMENT

La convention ne prévoit pas de motifs de refus du transfèrement autres que la possibilité de subordonner son consentement au fait que le condamné ait satisfait à toutes ses obligations en matière de responsabilité civile (article 5).

Elle ne fait pas mention des motifs habituels relatifs à la souveraineté, à la sécurité ou au maintien de l'ordre public dans l'Etat d'exécution.

II. LA PROCÉDURE DE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES

La procédure de transfèrement s'effectue par la voie diplomatique, entre « autorités compétentes », c'est à dire les ministères de la justice. C'est une procédure écrite (article 3).

Dans le cadre de la procédure de transfèrement, la convention édicte tout d'abord une série d'obligations d'information (article 7) au profit des Etats. L'Etat concerné devra fournir toutes les informations utiles relatives à la personne du condamné, les faits ayant entraîné la condamnation, la condamnation elle-même et les dispositions pénales en vigueur. La convention fixe les pièces qui devront être fournies par l'Etat d'exécution, sur la demande de l'Etat de condamnation, ou par l'Etat de condamnation à l'Etat d'exécution. Ces pièces peuvent également être demandées pour préparer une demande ou prendre une décision de refus ou d'acceptation.

L'Etat d'exécution devra ainsi confirmer, par un document ou une déclaration, que le condamné est bien un de ses ressortissants, que les actes commis sont constitutifs d'une infraction pénale dans cet Etat et fournir toutes les informations nécessaires concernant sa détention et la peine (copie du jugement définitif, dispositions légales applicables, durée de la condamnation déjà accomplie, le consentement du condamné, le dossier médical).

Si la demande et les pièces à l'appui doivent faire l'objet d'une traduction dans la langue de la partie requise, elle n'est pas nécessaire pour la réponse et les pièces qui y sont jointes (article 16).

Selon l'article 15, les frais sont à la charge de l'Etat d'exécution, à l'exception de ceux engagés sur le territoire de l'Etat de condamnation. L'Etat d'exécution peut demander le paiement, en tout ou partie, des frais de transfèrement à la personne condamnée.

III. LES MODALITÉS D'EXÉCUTION DE LA PEINE

L'exécution de la peine se poursuit dans l'Etat d'exécution conformément à son ordre juridique. Cet Etat reste néanmoins lié par la nature juridique, par exemple une peine d'emprisonnement, et par la durée de la condamnation décidée dans l'Etat de condamnation (articles 8 et 9). La conversion systématique de la condamnation est donc exclue, conformément à la position prise par la France dans le cadre de la convention européenne du 21 mars 1983.

La convention fixe deux limites : la sanction ne peut être aggravée et ne peut excéder le maximum prévu par la loi de l'Etat d'exécution (article 9.2).

La règle « non bis in idem », rappelée par l'article 8.3 de la convention, s'applique. Un condamné ne peut être poursuivi une deuxième fois pour les mêmes faits dans l'Etat d'exécution. De même, il devra être mis fin à l'exécution dès que l'Etat qui en est chargé aura été informé par l'Etat de condamnation d'une décision qui aurait pour effet d'enlever son caractère exécutoire à la condamnation (article 12).

Par ailleurs, chacune des parties peut accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine. Si la décision est de caractère individuel, elle doit faire l'objet d'une consultation entre les deux parties (article 11).

Selon l'article 13, l'Etat d'exécution doit informer l'Etat de condamnation lorsqu'il estime achevée l'exécution de la condamnation, lorsque le condamné s'évade ou lorsque l'Etat de condamnation lui demande un rapport spécial.

Enfin, la convention prévoit que la France et Cuba faciliteront les opérations de transit de personnes condamnées dans le cadre de conventions de transfèrement conclues avec les tiers (article 14). Cette faculté reste subordonnée à un accord entre les parties.

CONCLUSION

La présente convention relative au transfèrement des personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine vient compléter un ensemble déjà important de conventions et d'accords de coopération conclus avec Cuba. Elle vient conforter notre coopération judiciaire après la ratification de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à Paris le 22 septembre 1998 et dans l'attente de l'éventuel approfondissement du traité d'extradition de 1925 souhaité par le gouvernement cubain.

Un Français pourrait être transféré en France avant même l'entrée en vigueur de la convention. Quatre Cubains sont détenus en France.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 13 décembre 2001.

Répondant à M. André Dulait qui l'interrogeait sur l'application de la convention aux double-nationaux franco-cubains, M. André Rouvière a indiqué que tous les ressortissants français en bénéficieraient, qu'ils aient ou non une double nationalité.

La commission a alors adopté le projet de loi .

La commission a alors adopté le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine (ensemble un échange de lettres), signée à Paris le 21 janvier 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 3 ( * )

- Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :

Préoccupée par le caractère de plus en plus transnational de la criminalité, la France a souhaité disposer progressivement d'instruments de coopération judiciaire avec la plupart des pays non-parties aux Conventions ad hoc du Conseil de l'Europe, les Caraïbes constituant à cet égard l'une de ses priorités. L'extension notable du trafic de stupéfiants dans cette région, le développement du tourisme des Français dans cette zone et la proximité des départements d'Outre-mer militaient en faveur de la conclusion de ces accords.

Acquise à ces vues, la République de Cuba a marqué sa volonté de renforcer le dispositif conventionnel existant, mis en place par la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée le 22 septembre 1998. La Convention sur le transfèrement des condamnés vise à combler une situation de vide juridique dans un domaine touchant à la politique pénale des deux pays.

- Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi : sans objet.

* d'intérêt général : la Convention permettra aux personnes condamnées à la détention ou à des mesures privatives de liberté en France ou à Cuba, de purger leur peine dans le pays dont elles sont ressortissantes et de favoriser leur réinsertion sociale et culturelle aussi bien que, le cas échéant, leur rapprochement familial. Compte tenu de l'augmentation des flux de circulation des Français vers les Caraïbes, avec une préférence toujours plus marquée pour Cuba, ainsi que du risque corrélatif de les voir exposés à des poursuites et condamnations pénales, cet instrument est appelé rapidement à trouver sa pleine application même s'il ne concerne à ce jour qu'un nombre encore restreint de condamnés (deux détenus français à Cuba et trois Cubains détenus en France). L'ouverture de Cuba aux entreprises étrangères et aux touristes a entraîné une hausse constante de la communauté française au cours des 5 dernières années (+ 82 %), avec des pointes importantes en 1999 (+ 28 %) et 2000 (+ 15 %). Dans le même temps, le nombre de Français résidant augmentait de 15 % en 2000 après une hausse de 28 % en 1999.

* financière : difficiles à apprécier.

* de simplification des formalités administratives : la convention rendra plus simple, plus rapide et plus souple la procédure du transfèrement des personnes condamnées dans l'un ou l'autre des Etats, en excluant le recours à la réciprocité.

* de complexité de l'ordonnancement juridique : idem que supra.

* 1 Cf. rapport de M.André Rouvière n°230, 2000-2001, de la commission des affaires étrangères et de la défense sur la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et Cuba

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 431 (2000-2001).

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des Parlementaires.

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