EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 23 octobre 2001, sous la
présidence de
M. Roland du Luart, vice-président, la commission a
procédé à
l'examen
des
crédits
du
budget de la
culture.
Avant de présenter ses principales observations qui portent
essentiellement sur l'évolution des emplois et l'importance des reports
de crédits,
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial,
a
procédé à un bref rappel des chiffres
caractéristiques du budget de la culture pour 2002.
Il a indiqué que, si la culture n'est pas, selon les termes mêmes
de la réponse ministérielle, placée parmi les
ministères prioritaires de 2002, son budget continue, avec un taux de
croissance de 2 % à périmètre constant, d'augmenter
plus vite que la moyenne des dépenses de l'État.
Il a souligné que ce budget, qui, avec 2,6 milliards d'euros,
atteint enfin l'objectif mythique du « 1 % » des
charges nettes de l'État, se caractérise par des priorités
de court terme, comme en témoigne l'évolution de la structure des
crédits : les dépenses ordinaires augmentent de presque
4 %, soit à un rythme encore supérieur à celui de
l'année précédente, tandis que les dépenses en
capital régressent de + 4,6 % en termes de crédits de
paiement et de 5,7 % en autorisations de programme.
En ce qui concerne l'évolution des emplois,
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial,
a souligné que le ministère
obtient, pour 2002, ses plus importantes créations d'emploi de la
législature : 346 emplois, selon le fascicule
budgétaire, assortis de 397 titularisations. Il a fait le point de
la politique de résorption de l'emploi précaire, signalant
l'apparition récurrente de nouveaux candidats à la titularisation
par suite de l'addition de mesures d'intégration toujours plus
généreuses. Au total, sur l'ensemble de la législature,
les créations d'emploi vont être substantielles depuis 1997, tant
pour les emplois « État » qui doivent passer de
14.671 à 15.650 en 2002, que pour les emplois « Etablissements
publics », dont le chiffre doit passer de 4.266 à 6.294,
niveau important qui s'explique par l'intégration des personnels de
l'archéologie préventive.
Toujours dans le domaine de l'emploi,
M. Yann Gaillard, rapporteur
spécial,
a évoqué les remous sociaux suscités
par l'application de la réduction du temps de travail. La durée
annuelle moyenne du travail au ministère de la culture est de
1.724 heures soit, 37,5 heures par semaine. On est donc au-dessus du
chiffre de 1.600 heures fixé par le décret du 25 août
2000 relatif à la fonction publique. Le rapporteur spécial a
précisé que les grèves actuelles, qui affectent de
nombreux musées et notamment le musée du Louvre, résultent
du fait que les personnels souhaitent conserver les avantages acquis
résultant de la semaine de vacances supplémentaire, dite
« Malraux » : cela reviendrait à porter
à environ 1.550 heures le régime normal de la durée
du travail sur un an, étant entendu que les personnels de surveillance
avaient déjà des horaires inférieurs à la moyenne,
compris entre 1.500 et 1.600 heures.
Passant à sa seconde observation relative à l'importance des
reliquats de crédits, qui se montent pour l'exercice en cours à
376 M€ soit 2,4 milliards de francs,
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial,
s'est inquiété de
procédures ou de procédés, qui lui sont apparus comme
autant de libertés inavouées avec l'autorisation parlementaire.
Il a indiqué que cette situation trouvait son origine à la fois
dans le souci de l'administration d'anticiper sur la mise en oeuvre de grandes
opérations et dans l'existence d'obstacles administratifs, qui rendaient
difficile la mise en oeuvre des dépenses d'investissement, notamment en
matière de patrimoine monumental.
Au sujet des grandes opérations, il a toutefois noté que la
situation devait s'améliorer dans la mesure où un bon nombre de
celles-ci allaient entrer dans leur phase opérationnelle, qu'il s'agisse
du regroupement des services centraux dans l'immeuble dit des « Bons
Enfants », de la remise en état du Grand-Palais ou de la
construction du musée des Arts premiers. Sur ce dernier point, il a
indiqué qu'une réflexion était en cours pour trouver une
utilisation à l'actuel Musée des arts africains et
océaniens de la porte Dorée à Paris, peut-être en
liaison avec le Muséum d'histoire naturelle.
Mais, ce qui lui est apparu plus critiquable dans le budget de la culture pour
2002, c'est la façon peu orthodoxe, dont le ministère a
procédé pour éviter l'augmentation des reports de
crédits, même si les redéploiements opérés se
sont traduits par des augmentations de moyens appréciables dans certains
domaines comme le spectacle vivant. A cet égard, il a reconnu que
l'année 2002 devrait être la meilleure de la législature,
puisque les dotations du titre IV étaient en augmentation de 5,7 %
par rapport à 2001 et que cela permettrait une remise à niveau
des moyens d'un certain nombre d'institutions dont les contraintes
budgétaires avaient rogné la marge de manoeuvre.
Toutefois, ces points positifs lui ont paru plus que compensés par la
méthode utilisée, qu'il analyse comme une nouvelle forme de
régulation budgétaire venant se superposer à celle des
contrats de gestion, déjà éminemment critiquable.
Il a rappelé que l'action du ministère de la culture
était, depuis 1999, enserrée dans le cadre de contrats de
gestion, qui, comme l'avait fait remarquer à plusieurs reprises la Cour
des comptes, avaient tendance à rendre artificielle la définition
des prévisions budgétaires et dénaturaient le sens du vote
parlementaire.
La novation introduite dans le budget pour 2002 consiste dans la
possibilité obtenue par le ministère de la culture de
redéployer près de 380 MF de crédits de paiements non
mobilisés pour permettre « de financer la progression des
dépenses de personnel, le fonctionnement et les dépenses
d'investissements ». Le rapporteur spécial a indiqué
que ces crédits avaient été prélevés sur les
chapitres 56-20 « Patrimoine monumental » à raison
de 238,8 MF et sur le chapitre 66-91 « Autres
équipements » pour un montant de 140 MF, sans pour autant
qu'ils soient devenus sans objet.
Bien que conscient du caractère anormal de l'accumulation des
crédits de paiement inutilisés pour des raisons techniques
- plus perceptibles encore, lorsqu'il s'agit de dépenser des
crédits supplémentaires tels ceux accordés par la loi de
finances rectificative de juillet 2000 à la suite de la tempête de
décembre 1999 -
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial,
a vivement critiqué le procédé consistant à
redéployer des « crédits de paiement - services
votés », au motif que la clef de consommation actuelle
permettant de convertir des autorisations de programme en crédits de
paiement est inadaptée.
En définitive, il a signalé que, derrière le masque de la
rationalité et de la mobilisation de tous les moyens disponibles, on
avait procédé à des redéploiements occultes au
détriment des dépenses d'investissement, réservant ainsi
l' « argent frais » aux titres III et IV, au
mépris des principes fondateurs de notre constitution financière.
Au cours du débat qui a suivi, au cours duquel sont notamment intervenus
MM. François Trucy
,
Jean-Philippe Lachenaud, et Alain
Lambert, président
, le rapporteur spécial a
précisé les points suivants.
Il a en premier lieu fait savoir, au sujet de l'objectif du
« 1 % », qu'il fallait juger de l'action de
l'État au regard des chiffres des lois de règlement et
qu'à cet égard il pouvait déjà indiquer que si
entre 1997 et 2000, les dépenses ordinaires s'étaient accrues de
1 milliard de francs, les dépenses en capital, de leur
côté, avaient régressé de 500 MF, marquant le
peu de cas fait par le Gouvernement des dépenses d'investissement et,
notamment, du patrimoine monumental, dont l'état de conservation est
pourtant alarmant.
Il a également évoqué la situation de la Réunion
des musées nationaux (RMN) au sujet de laquelle il a
précisé qu'elle devait évoluer dans un contexte moins
favorable qu'il y a quelques années, ce qui expliquait la lenteur de son
redressement. Elle doit faire face en effet à une multiplication de
l'offre d'exposition à Paris, tandis qu'elle pâtit indirectement
de la création des grands musées, qui, surtout lorsqu'ils ont un
statut d'établissement public, ont tendance à mener une politique
autonome de nature à empêcher la RMN d'organiser au Grand-Palais
les expositions susceptibles d'attirer le plus large public.
A l'issue de ce débat, la commission,
a décidé,
sur
proposition de
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial,
de
demander au Sénat de rejeter les crédits de la culture.