EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des finances a examiné le mardi 6 novembre 2001 les
crédits des comptes spéciaux du Trésor et articles 35
à 42, sur le rapport de M. Paul Loridant, rapporteur
spécial, dans le projet de loi de finances pour 2002.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a indiqué tout d'abord
que les comptes spéciaux du trésor apporteraient en 2002, comme
les années précédentes, une contribution très
positive au solde du budget général puisqu'ils
dégageraient un excédent de 1,9 milliard d'euros, en hausse de
592 millions d'euros par rapport à celui prévu en loi de finances
initiale pour 2001 qui s'élevait à 1,4 milliard d'euros. Il a
expliqué que l'augmentation de l'excédent prévisionnel des
comptes spéciaux du trésor serait due en quasi-totalité
aux comptes d'avances et aux comptes d'opérations monétaires.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a ensuite
présenté ses observations, en commençant par deux
remarques de portée générale. Il s'est ainsi
félicité des avancées que contient la loi organique du 1er
août 2001 relative aux lois de finances, relevant que s'agissant des
comptes spéciaux du trésor, elle en garantissait la
pérennité. Il a constaté qu'elle créait de droit
trois comptes particuliers qui seront autant d'instruments
privilégiés pour la gestion des participations financières
de l'Etat, de la dette, et des pensions et qu'elle modifiait, avec rigueur, le
régime des comptes spéciaux du trésor. Il a
souligné que ces modifications qu'il appelait depuis plusieurs
années de ses voeux permettaient d'interpréter la logique
d'affectation de manière stricte et renforçaient
l'étanchéité entre comptes d'affectation spéciale
et budget général. Il a noté par ailleurs qu'elles
organisaient une meilleure information des commissions des finances des deux
assemblées.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, s'est livré à
un court exercice de prospective, en posant la question de l'avenir des comptes
spéciaux et tout particulièrement des comptes d'affectation
spéciale. Il a présenté successivement deux
hypothèses, la première selon laquelle l'interprétation
stricte de la logique d'affectation, qui exige qu'un compte soit financé
grâce à des recettes par nature en relation directe avec les
dépenses concernées, pourrait conduire à la disparition
d'un certain nombre de comptes d'affectation spéciale, la seconde,
exactement contraire, selon laquelle la perspective de disparition des taxes
parafiscales amènerait, à la demande des milieux
socio-économiques concernés, à la création de
nouveaux comptes permettant de concilier la logique d'affectation avec
l'orthodoxie budgétaire. Il a indiqué qu'il penchait aujourd'hui
pour cette dernière hypothèse.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, dans une seconde remarque
générale, a déploré le manque de lisibilité
des documents budgétaires relatifs aux comptes spéciaux du
trésor, soulignant que les comptes d'affectation spéciale
constituaient une série « d'icebergs
budgétaires » dont la partie immergée, les reports de
crédits, n'apparaissait pas. Il a exprimé le souhait que les
reports de l'année n-1 à l'année n puissent faire l'objet
d'une évaluation en loi de finances.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a ensuite fait part de ses
observations sur les comptes spéciaux lui paraissant les plus
importants. Il a en premier lieu noté le mauvais départ du fonds
de provisionnement des charges de retraite et de désendettement de
l'État 902-33, jugeant son avenir plutôt limité. Il a
rappelé que ce compte spécial devait à l'origine financer
le désendettement de l'État et le Fonds de réserve des
retraites mais que le désendettement de l'État ne figurait plus
dans ses attributions. Il a relevé que s'agissant du Fonds de
réserve des retraites, les vicissitudes dans l'attribution des licences
Universal mobile telecommunication system (UMTS) avaient conduit à des
recettes moindres que prévu et à des dotations revues très
fortement à la baisse et qu'il en serait de même en 2002. Il a
indiqué en effet que le gouvernement venait de réduire le ticket
d'entrée des licences UMTS et que le fonds ne serait
crédité en 2002 que de 1,24 milliard d'euros, au titre des deux
licences UMTS qu'il restait à octroyer.
Il a noté en deuxième lieu que le compte d'affectation des
produits de privatisation 902-24 offrait des perspectives incertaines. Il a
d'abord montré que ce compte connaissait sur moyenne période une
diminution du volume de ses opérations, le produit des privatisations
étant passé de 9 milliards d'euros en 1997 à 1,7 milliard
d'euros en 2000. Il a déclaré que les résultats du compte
avaient été particulièrement défavorables en 2000
où le produit des privatisations avait été moindre que
prévu. Il a expliqué cette diminution des recettes de
privatisation par la réduction du périmètre des
entreprises publiques d'une part, et d'autre part par la conjoncture
défavorable des marchés financiers qui pouvait conduire, soit
à une cession à moindre prix des entreprises publiques, soit
à un report de leur mise sur le marché. Il a indiqué que
si cette dernière hypothèse était sans doute
préférable pour optimiser la gestion patrimoniale de l'Etat, elle
ne résolvait pas le problème de financement du secteur public qui
affiche des besoins de financement toujours aussi importants.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a alors montré le
paradoxe engendré par une situation où les entreprises figurant
sur la liste de privatisation ne bénéficient pas des financements
qu'elles pourraient trouver sur les marchés d'actions et où les
autres ne peuvent bénéficier de dotations en capital à la
hauteur de leurs besoins en raison de la raréfaction des recettes de
privatisation. En ce qui concerne ces recettes, pour 2002, il a
précisé que les prévisions du gouvernement lui
paraissaient optimistes, avant la discussion à l'Assemblée
nationale, avec une prévision de recettes de 3,9 milliards d'euros,
dans un contexte où la privatisation de la SNECMA avait
été reportée, mais que la donne avait quelque peu
changé et qu'il lui paraissait aujourd'hui impossible de prévoir
les recettes de privatisation. Il a relevé que le gouvernement attendait
1,5 milliard d'euros de la privatisation soudaine d'Autoroutes du Sud de la
France, sans qu'il soit possible de vérifier le réalisme de ce
chiffre. Il a surtout insisté sur l'ouverture du capital de Renault en
2002, annoncée dans le cadre de l'entrée de Nissan dans Renault,
dont il a indiqué ne pas connaître le montant exact, tout en
pressentant qu'il était de nature à bouleverser toutes les
prévisions actuelles.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a en troisième lieu
présenté les prévisions pour 2002 du compte
d'émissions des monnaies métalliques 906-04, géré
par la direction du trésor, qui retrace les opérations auxquelles
donnent lieu l'émission et le retrait des monnaies métalliques.
Il a révélé que le compte d'opérations
métalliques faisait état, en prévision, d'un
bénéfice exceptionnel, expliquant que la Banque de France allait
émettre massivement des euros et qu'elle estimait dans le même
temps qu'un grand nombre de francs ne seraient pas retournés : il y
aurait donc une forte évaporation des pièces en francs.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a souligné que l'Etat
bénéficierait donc en 2002, avec les seules pièces, d'un
excédent de 533 millions d'euros (3,5 milliards de francs)
grâce au passage à l'euro. Il a constaté qu'un
bénéfice analogue serait réalisé sur les billets
puisque la Banque de France devrait reverser en 2002 à l'Etat, sur la
ligne 805 « recettes accidentelles à différents
titres », 240 millions d'euros (1,5 milliard de francs) de recettes
exceptionnelles liées au retrait des billets en francs. Il a
constaté qu'au moment où l'Etat abandonnait son droit
régalien le plus ancien, celui de battre monnaie, et sa
souveraineté monétaire, il réalisait un
bénéfice exceptionnel de 773 millions d'euros (5 milliards de
francs). Il a admis que si l'Etat pratiquait une comptabilité en
coûts complets, il faudrait sans doute déduire de ce
bénéfice de 2002 les coûts de fabrication des pièces
payées sur 1998, 1999, 2000 et 2001 et qu'il serait également
possible de rapprocher ce bénéfice des coûts
supportés par l'Etat par ailleurs, comme les coûts de
communication du ministère de l'économie et des finances. Il a
néanmoins conclu sur ce point en indiquant que l'Etat était le
seul agent économique qui, à côté des
inévitables coûts d'adaptation au changement de monnaie,
bénéficierait de tels profits sur l'euro.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a, pour terminer, mis
l'accent sur le compte d'avances 903-54 qui retrace les acomptes qui sont
versés aux collectivités locales sur le montant de leurs
impôts directs. Il a souligné que si les spécialistes de
finances publiques locales expliquaient encore récemment que le compte
subissait un effet de profil et un effet de solde qui conduisaient à
constater des déficits non seulement en cours d'année, mais aussi
en fin d'exercice, il n'en était plus de même aujourd'hui. Il a
précisé que l'effet de profil s'était estompé en
raison des progrès dus à la mensualisation du paiement de
l'impôt et surtout que le déficit de fin d'année avait
laissé place depuis 1996 à des excédents croissants. Il a
indiqué que l'excédent du compte pour 2002
s'élèverait ainsi à 900 millions d'euros et le compte
d'avances, qui avait pu fonctionner au détriment de l'État,
opérait aujourd'hui à son profit. Il a cependant expliqué
que dans la mesure où l'État n'avait jamais souhaité
« apurer » les déficits du compte, il subsistait un
« culot » qui était en 2000 de -15 milliards
d'euros. Il a mis ces montants en parallèle avec le niveau des
dépôts obligatoires de trésorerie des collectivités
locales, sans cesse croissants, qui atteignaient en 2000 21 milliards d'euros.
Pour expliquer cette inflexion, M. Paul Loridant, rapporteur
spécial, a formulé deux hypothèses : la
première consistant à prendre en compte une amélioration
du taux de recouvrement des impôts directs locaux, due à la hausse
des dégrèvements, à une plus grande efficacité du
service public de l'impôt et surtout au nouveau mode de calcul de ce taux
de recouvrement, évalué non plus de manière forfaitaire
mais chiffré sur des bases réelles, la seconde mettant en avant
la baisse des émissions d'impôts par les collectivités
locales pour expliquer de manière transitoire l'amélioration du
solde du compte d'avances.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a conclu sa
présentation en indiquant à la commission qu'il souhaitait
à l'issue de la discussion budgétaire entamer un travail
approfondi sur ce compte d'avances, de même qu'un contrôle sur
pièces et sur place de la régie industrielle des
établissements pénitentiaires.
Un large débat s'est alors engagé.
M. François Trucy a exprimé son inquiétude sur l'avenir de
l'établissement public des Haras Nationaux dont les dotations seraient
transférées à partir de 2002 du compte d'affectation
spéciale 902-19 « Fonds national des courses et de
l'élevage » au budget du ministère de l'agriculture.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a indiqué en
réponse que les crédits avaient été
transférés au franc le franc du compte spécial au budget
général en prévision mais qu'il conviendrait de s'assurer
qu'il en serait de même en exécution.
En réponse à M. Yves Fréville, M. Paul Loridant,
rapporteur spécial, a précisé que le fonds de
provisionnement des charges de retraite et de désendettement de
l'État 902-33 n'avait pas, contrairement aux prévisions,
abondé la Caisse de la dette publique en 2001. Il a souligné
partager l'analyse de M. Yves Fréville sur les causes de
l'amélioration du fonctionnement du compte d'avances des
collectivités locales, ajoutant néanmoins parmi ces causes la
diminution récente des impôts locaux.
En réponse à M. Roland du Luart, il a expliqué les
modalités de constitution du « culot » du compte
d'avances aux collectivités locales. Il a souligné, concernant le
Fonds de réserve des retraites, que deux comptes spéciaux, les
902-24 et 902-33, l'abonderaient en 2002, la privatisation partielle
d'Autoroutes du Sud de la France compensant les pertes liées à la
renégociation des licences UMTS.
En réponse à M. Michel Sergent, il a souligné que la loi
organique relative aux lois de finances avait conforté l'existence des
comptes spéciaux du trésor, du moins de certains d'entre eux,
mettant en avant l'importance des comptes chargés de la gestion de la
dette, des retraites et des participations de l'Etat.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur
général, il a relevé le caractère exceptionnel du
bénéfice constaté sur le compte d'émission des
monnaies métalliques 906-04, l'attribuant aux estimations de la Banque
de France qui prévoit que toutes les pièces en francs ne
reviendront pas dans les caisses de la Banque, le taux de retour variant selon
la valeur faciale des pièces en question.
Sur l'avis de M. Paul Loridant, rapporteur spécial, la commission a
ensuite décidé de proposer au Sénat d'adopter les
crédits des comptes spéciaux du trésor ainsi que les
articles 35 à 42 dans la rédaction qui résultera des votes
du Sénat en première partie.