B. QUELS MOYENS POUR LES ÉLEVEURS ?
1. Une crise aux effets sans précédent
Depuis
plus d'un an maintenant, les éleveurs de la filière bovine sont
confrontés à une crise sans précédent,
conséquence de la crise de l'ESB qui a touché de plein fouet le
cheptel bovin français.
Si des mesures efficaces en faveur de la sécurité sanitaire et
alimentaire, notamment la décision d'interdire totalement l'usage des
farines animales dans l'alimentation animale et la mise en place d'un
système d'épidémio-surveillance efficace, ont
été prises par le gouvernement, il n'en reste pas moins que les
éleveurs dans leur grande majorité restent confrontés
à de graves difficultés financières.
La chute des cours (25 à 30 % depuis un an) couplée à la
fermeture des débouchés pour les animaux ont
entraîné des pertes de revenu très importantes dans les
exploitations. Aujourd'hui ce sont les éleveurs de race à viande
qui sont les plus pénalisés avec une chute des prix proche de 30
% sur les broutards par exemple. Les vaches de race allaitante sont elles aussi
désormais concernées par la chute des cours de la viande. Les
éleveurs sont confrontés à de graves difficultés de
trésorerie et on estime à une sur quatre en moyenne le nombre
d'exploitations menacée de faillite dans le secteur allaitant. Une
étude de l'Institut de la recherche agronomique évalue à
59.000 le nombre des exploitations directement menacées.
En dépit de la mise en place de mesures de dégagement du
marché, la filière bovine reste durablement engorgée. Un
excédent estimé à 800.000 tonnes subsiste à
l'échelle européenne. En outre, si le niveau de consommation est
remonté depuis l'automne dernier, il reste inférieur de 8 %
à ce qu'il était avant la crise.
Votre rapporteur spécial estime aujourd'hui que la priorité du
gouvernement devrait résider, d'une part, dans des actions de relance de
la consommation et de communication à l'égard des consommateurs,
d'autre part, dans des aides directes aux éleveurs.
2. L'échec des mesures communautaires
Le
Conseil agriculture du 4 décembre 2000 avait pris des décisions
visant à rétablir l'équilibre du marché :
- mesure de retrait (dite achat-destruction) des bovins de plus de trente mois
présenté à l'abattage et n'ayant pas fait l'objet d'un
test ESB. 500.000 tonnes de viande bovine devaient à l'origine
être détruites dans le cadre de ce programme ;
- mise en oeuvre du régime d'intervention publique sur le marché
de la viande bovine, qui oblige la Commission a procédé à
des achats lorsque les prix du marché tombent en dessous d'un certain
niveau de prix.
Un nouveau régime de retrait à caractère obligatoire, dit
régime de « retrait spécial » a
été instauré en mars 2001, en vue remplacer le
régime facultatif d'achat-destruction. Il concerne les bovins on
éligibles à l'intervention, âgés de plus de trente
mois et ayant donné un résultat négatif au test de l'ESB.
Il laisse le choix aux États de procéder au stockage des
carcasses retirées plutôt qu'à leur destruction.
Lors du Conseil agricole du 20 juin 2001, les ministres européens de
l'agriculture ont adopté la réforme de l'organisation commune de
marché de viande bovine. Cette réforme a relevé de 350.000
à 500.000 tonnes le plafond de l'intervention publique, pour
l'année 2001, afin de permettre un dégagement plus efficace du
marché dans un contexte marqué par l'importance de
l'excédent de production. Ce plafond est ainsi relevé, et
maintenu à 350.000 tonnes pour le premier semestre 2002, avant la
suppression de l'intervention. En contrepartie, les Etats membres ont dû
accepter des mesures tendant à restreindre certaines aides, en vue
d'encourager la maîtrise de la production.
3. Les insuffisances des mesures nationales
Le 21
novembre 2000, le gouvernement avait mis en place un premier plan en faveur de
la filière bovine. Doté d'une enveloppe de 3,2 milliards de
francs (490 millions d'euros), ce plan prévoyait le versement d'environ
1,6 milliard de francs aux éleveurs sous la forme de reports de
cotisations sociales et d'allègements de charges.
En raison de l'échec des Etats membres de l'Union européenne
à se mettre d'accord sur l'attribution d'aides communautaires directes
aux éleveurs, le gouvernement a mis en place un second plan de soutien
aux éleveurs le 28 février 2001 avec 1,2 milliard de francs
destinés au versement :
- d'aides ciblées, plafonnées et décentralisées (1
milliard de francs) ;
- d'aides à la filière « veaux de boucherie »
(100 millions de francs) ;
- du complément national de la prime au maintien du troupeau de vaches
allaitantes (100 millions de francs).
Ces mesures n'ont pas satisfait les éleveurs bovins confrontés
à des pertes très significatives de revenu du fait de la crise et
de la baisse de la consommation de viande. En outre, leur versement a souvent
tardé à se mettre en place confrontant les éleveurs
à de graves difficultés de trésorerie.
Enfin, en octobre 2001, le ministre de l'agriculture, Jean Glavany, a
présenté son plan de soutien aux éleveurs touchés
par la crise comportant 23 mesures, en raison notamment du constat
d'échec des mesures communautaires mises en place (programme de retrait
pour destruction et programme d'achat spécial). Les principales mesures
annoncées ont été :
- des mesures de gestion du marché : notamment une optimisation des
outils communautaires de gestion, la poursuite et l'adaptation du programme de
l'achat spécial, prise en charge de la totalité du coût des
tests effectués sur les bovins de plus trente mois et destinés
à l'achat spécial, la régulation de la production de
viande bovine par la maîtrise de la filière veau,
dégagement des broutards lourds nés en 2000, ou encore la relance
des marchés d'exportation ;
- une politique des prix et de la consommation : réflexion quant
à la possibilité d'instaurer un prix minimum pour la viande
bovine, des mesures concernant la traçabilité et
l'étiquetage, l'extension de l'accord interprofessionnel sur la
cotisation et l'élaboration d'un plan de communication dans le but de
rassurer le consommateur ;
- des mesures relatives à la situation financière des
éleveurs : engagement du ministère de respecter l'objectif
de paiement de la PMTVA, octroi d'un acompte de 80 % de la PSBM et de la prime
d'abattage.
Beaucoup de mesures sont encore à l'état de projet et les mesures
concernant la situation financière des éleveurs apparaissent
insignifiantes. S'agissant par exemple des difficultés des
éleveurs en termes de revenu et de trésorerie, le ministre a
annoncé qu'un «
travail d'évaluation est en cours
pour mesurer et identifier au mieux les difficultés réelles et
les catégories d'éleveurs les plus touchés
»
dont les résultats ne devraient être connus qu'en toute fin
d'année. Votre rapporteur spécial considère qu'il est
aujourd'hui plus qu'urgent que ce travail d'évaluation aboutisse
rapidement.
Au-delà des mesures, certes indispensables, de dégagement des
marchés et de soutien à la consommation, un plan d'accompagnement
des éleveurs doit être mis en place d'urgence, qui pourrait
prendre la forme d'une aide directe complémentaire versée
à la vache allaitante. Le plan annoncé par le ministre ne
contient pas de mesures de sauvetage efficaces et immédiates pour les
éleveurs. Des aides directes prenant en compte la réalité
de la situation des éleveurs sont nécessaires ainsi que des
remises d'annuité pour les emprunts.