IV. LE FINANCEMENT DE L'INTERCOMMUNALITÉ
A. LA RÉPARTITION DE LA DGF DES STRUCTURES INTERCOMMUNALES
Le
financement de l'intercommunalité devient depuis l'entrée en
vigueur de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale un sujet dont l'importance qu'il a pris dans les débats
parlementaires ou au comité des finances locales est sans rapport avec
la masse financière qu'il représente.
En 2001, le prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la
dotation globale de fonctionnement s'élevait à 17.708 millions
d'euros, dont seulement 1.503 millions d'euros ont servi à financer
les structures intercommunales, soit 8,5 % du total.
La DGF des structures intercommunales en 2001
B. LE FINANCEMENT DES COMMUNAUTÉS D'AGGLOMÉRATION EST MIS À LA CHARGE DE LA DCTP, DE LA DSU ET DE LA DSR
L'article 22 du présent projet de loi de finances
propose de
modifier le mode de financement des communautés d'agglomération
tel qu'il avait été défini par la loi n° 99-586 du 12
juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale.
Cette loi avait pris le parti d'éviter que le financement des
communautés d'agglomération ne se traduise par une augmentation
de la dotation d'intercommunalité susceptible de réduire les
sommes disponibles au titre de la dotation de solidarité urbaine et de
la dotation de solidarité rurale.
Par conséquent, en application de l'article L. 5211-28 du code
général des collectivités territoriales, les
communautés d'agglomération étaient financées
par :
- la DGF, à hauteur des sommes correspondant à la DGF
perçue par les structures intercommunales avant leur transformation en
communautés d'agglomération ;
- un prélèvement sur les recettes de l'Etat qui assure la prise
en charge du surcoût des communautés d'agglomération issues
de la transformation d'établissements publics de coopération
intercommunale existants et la totalité du coût des
communautés d'agglomération créés ex nihilo. Le
montant de ce prélèvement sur recettes s'établissait
initialement à 76,22 millions d'euros et a été
porté par la loi de finances pour 2001 à 182,94 millions
d'euros ;
- dans l'hypothèse où ces sommes seraient insuffisantes, le
complément est trouvé par prélèvement sur la DCTP.
En 2001, ce prélèvement s'élevait à 126 millions
d'euros.
La loi du 12 juillet 1999 avait limité la possibilité de recourir
à la DCTP aux années 2000 et 2001.
A compter de 2002, il convenait de trouver de nouvelles sources de financement.
Le système proposé par le gouvernement et adopté par
l'Assemblée nationale présente deux défauts
:
-
il maintient le prélèvement sur la DCTP
, en gelant
son montant à son niveau de 2001 ;
- il intègre dans la DGF des EPCI les sommes correspondant au
financement « hors DGF » des communautés
d'agglomération en 2001, sans prévoir les crédits
permettant de financer l'augmentation du coût des communautés
d'agglomération entre 2001 et 2002. Par conséquent, compte tenu
des mécanismes de répartition de la DGF,
ce coût sera
pris en charge par une réduction à due concurrence des sommes
disponibles au titre de la DSU et de la DSR
.
Le manque à gagner pour ces deux dotations devrait s'établir
à environ 150 millions d'euros (près d'un milliard de francs).
Le dispositif proposé cumule donc les défauts :
- il instaure ce que le législateur de 1999 avait souhaité
éviter : une pénalisation de la DSU et de la DSR par le
financement des communautés d'agglomération ;
- il revient sur le principe selon lequel la DCTP ne peut pas financer les
communautés d'agglomération au delà de 2001.
C. LES RÉFORMES NÉCESSAIRES
Depuis
l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale, l'intercommunalité a connu une
accélération de son développement.
Au 1
er
janvier 2001, 2.000 EPCI étaient constitués,
regroupant 23.485 communes et 40 millions d'habitants. Ces structures
intercommunales exercent des compétences de plus en plus lourdes.
L'émergence irrémédiable du fait intercommunal doit
conduire à revoir la place de la dotation d'intercommunalité au
sein des mécanismes de répartition de la DGF des communes,
sachant que le maintien d'un lien entre les DGF des communes et celle des
structures intercommunales est nécessaire, et par une modification des
critères de répartition de l'enveloppe.
Le poids croissant de la dotation d'intercommunalité au sein de la
dotation d'aménagement de la DGF conduit à la multiplication des
financements « hors DGF », tantôt au
bénéfice des structures intercommunales, tantôt au
bénéfice des dotations de solidarité (dotation de
solidarité urbaine et dotation de solidarité rurale), afin
d'éviter que le financement de l'intercommunalité ne soit
réalisé au détriment des dotations de solidarité
versées aux communes.
Cependant, avec le développement durable de l'intercommunalité,
cette politique de « rustines » ne sera pas soutenable
longtemps, d'autant plus que ses inconvénients sont réels. Les
communes doivent en effet attendre, chaque année, les débats au
Parlement, pour savoir si les différents abondements seront reconduits,
ce qui nuit à la prévisibilité de l'évolution de
leurs recettes.
Les structures intercommunales exercent des compétences que les communes
n'exercent plus. Pourtant, la DGF des communes n'est aucunement affectée
par la modification du partage des compétences entre elles et leurs
établissements publics de coopération.
Il serait judicieux que
le lien entre la DGF des communes et la dotation d'intercommunalité
repose sur un jeu de « vases-communiquants » entre la
dotation forfaitaire et la dotation d'intercommunalité plutôt que,
comme c'est le cas actuellement, sur un lien entre les structures
intercommunales et les dotations de solidarité.
Les modalités de répartition de la DGF des EPCI,
conçues au début des années 90 pour encourager le
développement de l'intercommunalité, ne sont plus adaptées
à un paysage intercommunal stabilisé ou en voie de l'être.
Ces modalités reposent sur l'émulation entre les EPCI. Le
mécanisme du coefficient d'intégration fiscale (CIF) oblige les
EPCI à toujours s'intégrer davantage, sous peine de voir leurs
attributions individuelles de DGF diminuer.
Une répartition basée sur la comparaison entre le degré
d'intégration des EPCI appartenant à une même
catégorie conduit à une
forte volatilité du montant des
attributions individuelles de DGF
, qui interdit aux EPCI d'avoir une
visibilité convenable de l'évolution de celle-ci. Cette situation
devient particulièrement préjudiciable lorsque des EPCI exercent
des compétences lourdes.
A l'initiative du Sénat, les communautés urbaines, la
catégorie la plus intégrée, ont obtenu la mise en place
d'un régime qui leur garantit la stabilité de l'évolution
de leurs recettes. Il convient de réfléchir aux conditions dans
lesquelles une plus grande stabilité pourrait être procurée
aux autres catégories de structures intercommunales à
fiscalité propre.
Cette réflexion est d'autant plus urgente que
la modification de la
définition du CIF
à laquelle a procédé, en
excluant de celui-ci les dépenses de transfert à concurrence de
10 % par an pendant dix ans, la loi du 12 juillet 1999
vient encore
renforcer l'influence perturbatrice de ce critère de
répartition.
Elle se traduit également par une charge de travail considérable
pour les services de l'Etat puisque les transferts à exclure du CIF ne
sont pas identifiés dans la comptabilité M14, ce qui les oblige
à examiner dans le détail, et au cas par cas, les comptes des
EPCI.
La DGF des structures intercommunales est, contrairement à la DGF
des communes, conçue pour être extrêmement
péréquatrice puisque 85 % de son montant est réparti
en tenant compte, outre la population et le CIF, du potentiel fiscal.
Cet indicateur, qui reflète les écart en matière des bases
d'impositions aux quatre impôts directs locaux, est largement
faussé du fait de l'obsolescence des bases.
De plus, les écarts constatés ont été
profondément bouleversés par la suppression progressive de la
part de l'assiette de la taxe professionnelle reposant sur les salaires. Cet
inconvénient a été corrigé en introduisant dans le
calcul du potentiel fiscal la compensation versée en contrepartie de la
suppression de la part « salaires ».
Toutefois, la correction s'est révélée imparfaite puisque
la compensation reçue par une collectivité dépend de ses
bases mis aussi de son taux. Le potentiel fiscal tend désormais à
mesurer moins la richesse en bases que les écarts de recettes fiscales,
donnant ainsi une prime aux taux élevés.
Etrangement, l'Assemblée nationale et le gouvernement ont choisi de
corriger cette difficulté, à l'article 73 de la loi de finances
pour 2001, pour les seules communautés de communes à
fiscalité additionnelle.
Une définition du potentiel fiscal communes à toutes les
collectivités locales ou, au moins, à toutes les
catégories d'établissements publics de coopération
intercommunale serait préférable.