V. DES ÉVALUATIONS DE RECETTES DICTÉES PAR LA NÉCESSITÉ DE « BOUCLER » LE BUDGET

Les prévisions de recettes du budget de l'Etat sont fondées sur deux éléments : d'une part la réévaluation des recettes de l'année en cours, d'autre part l'estimation de la dynamique des recettes pour l'année suivante, reposant sur les données macro-économiques et les mesures fiscales proposées par le gouvernement.

A. LES RECETTES SURÉVALUÉES DU BUDGET 2001 CONDUISENT À L'ANNONCE D'UNE MOINS-VALUE DE 3,85 MILLIARDS D'EUROS

1. L'impact du ralentissement économique dès avant le 11 septembre 2001

a) Des doutes dès la préparation de la loi de finances pour 2001

S'agissant du budget de l'année en cours, votre rapporteur général avait émis des réserves sur les évaluations de recettes lors de la préparation de la loi de finances pour 2001.

Le gouvernement avait construit son projet de loi de finances sur une hypothèse de croissance de 3,3 %. Dans son exposé attaché au programme pluriannuel des finances publiques, il indiquait que « pour 2001, les récentes enquêtes conjoncturelles laissent prévoir une croissance soutenue, supérieure ou égale à 3 % » .

Les recettes fiscales nettes avant modifications de périmètre et avant impact des allégements d'impôts étaient évaluées à 254,8 milliards d'euros (1.671,4 milliards de francs), soit une progression tendancielle de 5,4 % par rapport aux estimations révisées pour 2000.

Hors prise en compte des mesures fiscales, l'impôt sur le revenu progressait spontanément de 5,6 % pour atteindre 54,9 milliards d'euros (360 milliards de francs), le produit de l'impôt sur les sociétés augmentait de 16 % en raison de la croissance des bénéfices des sociétés et la TVA progressait de 5,2 %.

Votre rapporteur général avait alors estimé que par rapport à la progression constatée en 1998 (+ 2,5 %) et en 1999 (+ 7,8 %) pour les recettes fiscales nettes, le chiffre retenu pour 2001 semblait « relativement optimiste ». Il ajoutait : « de fortes incertitudes pèsent sur l'hypothèse de croissance retenue par le gouvernement pour 2001 (3,3 %) en raison des aléas de la conjoncture internationale. Evidemment, tout essoufflement de la croissance aurait un impact direct sur les rentrées fiscales en 2001 ». Les estimations apparaissaient en effet plus volontaristes que basées sur la réalité.

b) Des doutes confirmés par la conjoncture

Malheureusement les aléas de la conjoncture internationale se sont confirmés.

Dans un premier temps, le gouvernement a laissé entendre que la France serait miraculeusement épargnée par le ralentissement économique mondial. Distinguant d'une part « la vigueur de la demande intérieure » et d'autre part, « la dégradation de l'environnement international lié au ralentissement sensible de l'économie américaine » le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie parlait encore en mars 2001 « du cercle positif de la croissance française », pour ne pas parler « d'exception française » 29( * ) .

Il a fallu malheureusement déchanter sur « l'exception française » : la croissance du PIB n'a atteint que 0,4 % au premier trimestre et 0,3 % au second trimestre 2001, conduisant le gouvernement à réviser à 2,3 % la croissance pour l'année.

Cette révision très significative de la croissance (un point de PIB) se traduit directement sur les rentrées de recettes fiscales. Si les impôts directs sont relativement épargnés car dépendants pour l'essentiel des revenus et bénéfices de l'année n-1, les impôts indirects sont touchés de manière significative . Au 30 septembre 2001, les recettes de l'Etat progressent de 1,5 %, en dessous de la progression annuelle prévue par la loi de finances initiale (+ 3,7 %). La TVA recule de 0,3 % alors que la progression prévue en loi de finances initiale est de 4 %. De même, la TIPP recule de 6,5 % alors qu'elle devait progresser sur l'année de 4,3 %. Compte tenu des montants en jeu (108,9 milliards d'euros de TVA soit 714 milliards de francs attendus en loi de finances initiale, 25,3 milliards d'euros soit  milliards de francs pour la TIPP), on peut s'attendre à un « trou » important en fin d'année, sans doute de plusieurs dizaines de milliards de francs.

L'importance du ralentissement des recettes a d'ailleurs conduit le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à annoncer relativement tôt dans l'année une moins-value de 3,85 milliards d'euros soit 25 milliards de francs pour l'année 2001 .

En effet, dans un communiqué de presse publié le 19 juillet 2001, ces moins-values, représentant 2 % des recettes collectées par le budget de l'Etat ont été précisées : le ralentissement de l'activité économique expliquerait une moins-value de 10 milliards de francs sur l'impôt sur les sociétés et le mécanisme de TIPP stabilisatrice coûterait 10 milliards de francs de plus que prévu. L'évolution de la TVA n'est pas clairement expliquée : « la TVA " brute " progresse conformément aux prévisions, voire légèrement au-dessus, en raison de la bonne tenue de la demande des ménages, tandis que les remboursements de TVA aux entreprises apparaissent particulièrement dynamiques. Ceux-ci, fin juin, dépassent d'une dizaine de milliards la prévision. Cette progression résulte sans doute d'une accélération des rythmes de remboursements par les services du ministère. Ces deux évolutions contradictoires laissent persister une incertitude sur le montant total de la TVA en 2001 » .

2. Les révisions de recettes 2001 associées au projet de loi de finances pour 2002

Les révisions de recettes du projet de loi de finances pour 2002 correspondent aux déclarations du ministre de l'économie et des finances en juillet.

Les moins-values fiscales s'élèvent à 3,85 milliards d'euros (25 milliards de francs) dont 1,65 milliard d'euros sur l'IS, 2,13 milliards d'euros sur la TIPP et 3 milliards d'euros sur la TVA. Quelques plus-values notamment sur l'impôt sur le revenu (943 millions d'euros soit 6 milliards de francs), les autres impôts directs (790 millions d'euros soit 5,2 milliards de francs) et les produits d'enregistrement (1,14 milliard d'euros, soit 7,5 milliards de francs) réduisent les pertes fiscales.

S'agissant des recettes non fiscales , hors recettes d'ordre, les plus-values s'élèvent à 1,35 milliard d'euros (8,8 milliards de francs). Elles proviennent pour l'essentiel du versement de 1,07 milliard d'euros (7 milliards de francs) de l'UNEDIC, alors que le gouvernement avait promis qu'ils seraient « destinés à soutenir des actions de politique de l'emploi 30( * ) ».

Enfin, les prélèvements au profit de l'Union européenne et des collectivités locales sont revus à la baisse à hauteur de 0,5 milliard d'euros (3,3  milliards de francs).

Les révisions de recettes en 2001

 

En milliards d'euros

En milliards de francs

Recettes fiscales

- 3,85

- 25,2

Recettes non fiscales

+ 1,35

+ 8,8

Prélèvements

+ 0,5

+3,3

Total recettes nettes budget général
(hors recettes d'ordre)

- 2,0

13,1

Au total, les recettes nettes du budget général sont revues à la baisse de 2 milliards d'euros en 2001 soit 13 milliards de francs.

La révision à la baisse des rentrées fiscales devrait avoir un impact sur les perspectives de recettes de l'année 2002.

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