EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi d'un projet de loi relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et des pupilles de l'État, adopté par l'Assemblée nationale le 31 mai 2001.
Adopté à l'unanimité, sur le rapport de Mme Véronique Neiertz, il tend à faciliter l'accès à la connaissance des origines.
Notre droit connaît un certain nombre de procédures préservant le secret des origines de l'enfant. Parmi celles-ci, l'accouchement sous X a focalisé le plus de passions.
A l'heure actuelle moins de 600 enfants par an naissent sous X alors qu'on en comptait une moyenne de 10 000 par an dans les soixante dix années précédentes.
Environ 400 000 personnes seraient ainsi susceptibles d'être concernées par la recherche de leurs origines.
Le projet de loi essaie de trouver un difficile équilibre entre le droit des enfants de connaître leurs origines et celui de la mère d'accoucher en sécurité et de voir respecter sa vie privée.
Il a pris le parti de maintenir l'accouchement sous X, tout en mettant en place un dispositif destiné à favoriser la réversibilité du secret.
La discussion s'ouvre au Sénat alors que la Cour européenne des droits de l'homme est appelée, à travers l'affaire Odièvre, à se prononcer sur la conformité de la procédure française d'accouchement sous X avec la convention européenne des droits de l'homme.
Votre commission a souhaité recueillir sur ce projet de loi l'avis de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. 1 ( * )
I. L'ÉMERGENCE D'UNE REVENDICATION SUR LE DROIT A LA CONNAISSANCE DES ORIGINES
A. NOTRE DROIT CONNAÎT DIVERSES PROCÉDURES MÉNAGEANT LE SECRET DES ORIGINES
Plusieurs possibilités permettent dans notre droit de préserver le secret de l'identité des parents.
1. L'accouchement sous X
L'accouchement secret et l'abandon anonyme des enfants est une tradition ancienne en France.
Dès le XVI ème siècle, il était possible d'échapper à la déclaration obligatoire des naissances instituée par Henri II en 1556 pour lutter contre les infanticides, en accouchant de manière anonyme à l'Hôtel-Dieu. Au XVIII ème siècle, des « tours » furent placés aux portes de certains hospices pour recueillir les nouveaux nés.
C'est le décret loi du 2 septembre 1941 organisant la gratuité des frais d'hébergement des femmes accouchant anonymement qui constitue le fondement actuel de l'accouchement sous X.
L'article L. 222-6 actuel du code de l'action sociale et des familles prévoit la prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance des frais d'accouchement des femmes qui ont demandé, lors de leur admission dans un établissement public ou privé conventionné, à ce que « le secret de leur identité soit préservé ». Aucune pièce d'identité n'est exigée.
La loi du 5 juillet 1996 sur l'adoption, dite loi Matteï, a prévu un accompagnement psychologique des femmes.
L'accouchement sous X fait l'objet depuis la loi du 8 janvier 1993 de l'article 341-1 du code civil : « Lors de l'accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé ». Est ainsi reconnu un droit au secret indépendant du type d'établissement dans lequel l'accouchement se produit.
L'article 341 du code civil interdit la recherche en maternité dans le cas d'accouchement sous X. La mère est donc protégée contre toute action.
* 1 Voir rapport de M. Robert Del Picchia, n° 65, 2000-2001.