TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ ET DE M. GUY HASCOËT, SECRÉTAIRE D'ETAT À L'ÉCONOMIE SOLIDAIRE
Réunie le jeudi 17 mai 2001, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi n ° 322 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a tout d'abord indiqué qu'elle présenterait les titres premier (indemnisation du chômage et mesures d'aide au retour à l'emploi) et II (fonds de réserve des retraites) du projet de loi, avant de céder la parole à M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire , pour présenter le titre III (ratification du code de la mutualité), qui relève directement de son domaine d'intervention.
Abordant le titre premier, elle a rappelé que les partenaires sociaux avaient conclu, le 19 octobre dernier, à la suite d'une longue négociation, une nouvelle convention relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage. Elle a également rappelé que depuis cette date, les partenaires sociaux avaient adopté une réforme des statuts de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) à laquelle ont adhéré l'ensemble des organisations représentatives, y compris celles non signataires de la convention, garantissant ainsi une gestion paritaire du nouveau régime d'assurance chômage. Elle s'est, à ce propos, réjouie de l'apaisement des tensions auxquelles avait donné lieu la négociation de la nouvelle convention.
Elle a alors insisté sur la part active qu'avait prise le Gouvernement dans cette négociation en manifestant son attachement à quatre objectifs : l'amélioration de l'indemnisation des chômeurs, le développement de l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi dans des conditions respectueuses des droits et obligations fixés par le code du travail, la baisse mesurée et progressive des cotisations pour garantir l'équilibre à moyen terme du régime d'assurance chômage et, enfin, la clarification des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC.
Elle a observé que la convention du 19 octobre 2000 correspondait à ces objectifs sans être en contradiction avec le code du travail et qu'elle avait en conséquence pu être agréée par le Gouvernement le 4 décembre 2000.
Elle a en effet estimé que cette convention comportait des progrès importants par rapport aux deux conventions antérieures non agréées des 29 juin et 23 septembre 2000. Elle a précisé que la signature du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE) était une formalité sans conséquence sur le versement des allocations. Elle a aussi indiqué que la baisse des cotisations, qui était initialement de 71,4 milliards de francs sur trois ans, avait été finalement ramenée à 28,4 milliards de francs, les autres baisses n'intervenant que si la situation financière du régime d'assurance chômage le permettait. Elle a enfin observé que toute prétention de contrôle et de sanction de l'obligation de recherche d'emploi par l'UNEDIC avait été abandonnée, le service public de l'emploi restant seul habilité à contrôler et à sanctionner les allocataires ne respectant pas les obligations fixées par le code du travail.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite souligné les apports de la nouvelle convention ayant justifié la décision d'agrément du Gouvernement.
Elle a ainsi observé qu'elle améliorait significativement l'indemnisation des demandeurs d'emploi, grâce notamment à la suppression de la dégressivité des allocations. Elle a estimé que 200.000 personnes supplémentaires pourront être ainsi indemnisées par le régime d'assurance chômage.
Elle a également constaté que l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi était renforcé, la nouvelle convention élargissant le bénéfice de cet accompagnement par des moyens supplémentaires apportés par le régime d'assurance chômage.
Elle a enfin précisé que le service public de l'emploi serait le seul responsable de l'accompagnement des chômeurs, quels que soient leur statut ou leurs modalités d'indemnisation, observant que cette disposition garantissait un traitement égalitaire de tous les demandeurs d'emploi. Elle a indiqué que les moyens de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) seraient en conséquence significativement renforcés au-delà des dispositions prévues par le contrat de progrès. Elle a ainsi affirmé qu'elle avait autorisé l'UNEDIC à financer 1.000 emplois nouveaux, afin de permettre à l'ANPE de remplir ses nouvelles missions dès le 1 er juillet prochain dans les meilleures conditions.
Revenant au projet de loi, elle a estimé que les cinq articles du titre premier permettaient de fournir une base législative à la convention, même si l'objet de ce titre n'était pas de l'approuver. Elle a néanmoins considéré que ces mesures favoriseraient le retour rapide des chômeurs vers l'emploi et auraient donc pour conséquence de renforcer la baisse du chômage engagée grâce à la politique économique menée par le Gouvernement.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite abordé le titre II, relatif au fonds de réserve des retraites.
Elle a considéré que la création d'un établissement public autonome constituait une étape essentielle de la politique du Gouvernement pour assurer la pérennité des régimes de retraite par répartition. Elle a précisé que le fonds serait un « fonds de lissage », chargé de prendre en charge une partie du besoin de financement des régimes de retraite à partir de 2020.
Evoquant les projections présentées le 2 mai dernier au Conseil d'orientation des retraites (COR), elle a constaté qu'elles prévoyaient, par rapport aux premières prévisions de mars 2000, de moindres excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), mais une révision à la hausse des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Cette dernière évolution, qui prenait en compte la mise à contribution du FSV pour le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) s'expliquait en raison, d'une part, d'une amélioration plus rapide que prévue de la situation de l'emploi permettant une diminution du montant des cotisations de retraite des chômeurs prises en charge par le FSV et, d'autre part, d'une baisse du nombre des allocataires du minimum vieillesse du fait de l'amélioration du niveau moyen des pensions. La prise en charge progressive des avantages familiaux de retraite par la branche famille de la sécurité sociale, qui ne figurait pas dans la projection initiale, conduisait également à renforcer la capacité du financement du FSV.
Affirmant le caractère raisonnable des hypothèses économiques sur lesquelles étaient fondées les projections du Gouvernement, notamment la poursuite de la baisse du taux de chômage qui reviendrait à 4,5 % en 2010, et les hypothèses de rendement pour le placement des ressources du fonds, soit un taux de 4 %, elle a rappelé que le fonds de réserve était doté aujourd'hui de 38 milliards de francs, et qu'une part importante des licences UMTS lui sera affectée, permettant d'approcher le montant prévu de 50 milliards de francs à la fin 2001.
Elle a considéré que la transparence était le premier principe sur lequel reposera la gestion du fonds. L'existence d'un conseil de surveillance permettrait l'association des partenaires sociaux et des parlementaires à la définition des orientations, mais également au contrôle, du fonds de réserve. Elle a précisé, à cet égard, que le conseil serait consulté sur la nomination des membres du directoire.
Le deuxième principe sera la recherche de l'efficacité et de la sécurité du fonds. La ministre a estimé que le rôle de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui assurerait la gestion administrative, serait un élément de sécurité, le fonds de réserve n'ayant pas vocation à devenir un acteur spéculatif des marchés financiers.
Enfin, le fonds de réserve devra disposer d'une réelle indépendance. Il ne devra pas être soumis aux aléas politiques, aux contingences budgétaires ou aux intérêts des opérateurs sur les marchés financiers.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a précisé, à cet égard, que le projet de loi instaurait des dispositions très précises quant à la composition du directoire, dont les trois membres ne seront pas des représentants de l'administration, mais des professionnels à la compétence reconnue, et quant aux obligations qui leur sont imposées : déclarations des intérêts et fonctions qu'ils peuvent détenir et exercer dans toute personne morale, impossibilité de délibérer dans une affaire où ils ont un intérêt.
M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que la convention du 1 er janvier 2001 prévoyait un effort très significatif de près de 50 milliards de francs sur trois ans en faveur des demandeurs d'emploi relevant de l'assurance chômage. Il s'est alors interrogé sur les intentions du Gouvernement en faveur de l'amélioration de la situation des chômeurs ne relevant pas de l'assurance chômage, rappelant que ceux-ci constituaient 58 % du nombre total de chômeurs et relevaient directement de la compétence de l'Etat au titre de la solidarité nationale.
Il s'est également interrogé sur l'affectation des 15 milliards de francs que versera l'UNEDIC à l'Etat, versement autorisé en application de l'article 5 du projet de loi. A ce propos, il a rappelé que les partenaires sociaux signataires de la convention avaient exprimé le souhait que ces sommes soient affectées au financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité.
Il s'est enfin interrogé sur les conditions d'attribution parfois restrictives des mesures d'activation des dépenses du régime d'assurance chômage prévues à l'article premier du projet de loi. Il s'est demandé pourquoi le Gouvernement ne s'était pas simplement contenté de retranscrire la convention afin de laisser aux partenaires sociaux le soin de définir eux-mêmes, par accord, les conditions de versement de ces aides qu'ils financent pourtant intégralement.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que l'Etat avait anticipé la mise en oeuvre de la convention d'assurance chômage en mettant en place, ces dernières années, des services d'accompagnement personnalisé des chômeurs, qu'il s'agisse du programme « nouveaux départs » ou du programme « trajet d'accès à l'emploi » (TRACE). Elle a observé que ces programmes donnaient de très bons résultats, plus d'1,5 million de chômeurs étant entrés dans ces dispositifs en 2000. Elle a également précisé que le Gouvernement prévoyait une augmentation significative des moyens du service public de l'emploi. A cet égard, elle a notamment indiqué que l'ANPE bénéficierait l'an prochain de 1.500 emplois budgétaires supplémentaires et de plus de 200 millions de francs de crédits de prestations supplémentaires. Elle a, enfin, affirmé qu'elle espérait présenter, dans le courant du mois de juin, le nouveau programme de lutte contre les exclusions en précisant que ce programme viserait un public plus large et s'attacherait notamment à la situation des allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) demandeurs d'emploi. Elle a ainsi estimé que 300.000 d'entre eux pourraient bénéficier du futur programme contre seulement 100.000 aujourd'hui.
S'agissant des 15 milliards de francs que versera l'UNEDIC à l'Etat, elle a affirmé que le Gouvernement respecterait le souhait exprimé par les partenaires sociaux d'utiliser ces sommes en faveur de la politique de l'emploi. Elle a toutefois précisé que le Gouvernement se devait de respecter le principe de non-affectation des recettes pour le budget de l'Etat et n'envisageait pas, à ce titre, la création d'un fonds de concours.
Elle a reconnu que l'article premier du projet de loi prévoyait un plafonnement par décret des différentes aides financées par l'UNEDIC. Elle a indiqué que cette disposition était rendue nécessaire par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que les partenaires sociaux n'y étaient pas opposés.
M. Louis Souvet, rapporteur, s'est alors interrogé sur les moyens concrets d'assurer la transparence et le contrôle sur l'utilisation des sommes versées par l'UNEDIC en l'absence de création d'un fonds de concours.
Mme Elisabeth Guigou a observé que le Parlement pouvait bien évidemment recourir aux moyens de contrôle que lui accorde la Constitution.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a constaté qu'entre le discours du Premier ministre du 21 mars 2000 et les nouvelles projections présentées au COR le 2 mai 2001, les excédents attendus de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) et du FSV étaient passés de 400 à 650 milliards de francs. Il s'est interrogé sur les éléments nouveaux intervenus en un an susceptibles d'expliquer cette forte progression des excédents prévisionnels du FSV alors même que, pendant cette période, il avait été décidé une série de ponctions pour financer les trente-cinq heures et l'APA.
Mme Elisabeth Guigou a expliqué que, par définition, la modification des projections annoncées en mars 2000 ne serait pas la dernière et que le principal était que cette « révision » aille « dans le bon sens ». Elle a observé que le chiffre annoncé au COR était désormais de 1.180 milliards de francs, mais qu'elle préférait s'en tenir au chiffre de 1.000 milliards de francs. Elle a expliqué que les excédents du FSV étaient revus à la hausse, en raison des effets très positifs de la baisse plus rapide que prévue du taux de chômage, de la diminution du nombre de titulaires du minimum vieillesse et, dans une moindre mesure, de la prise en charge par la branche famille -en lieu et place du FSV- des avantages familiaux de retraite.
M. Alain Vasselle s'est alors interrogé sur la différence existant entre les hypothèses de mars 2000 et celles de mai 2001. S'agissant notamment de la nouvelle appréciation du rythme de diminution du chômage pour revenir à un taux de 4,5 % en 2010, il a considéré que les Français bénéficieraient d'une meilleure lisibilité si ces hypothèses étaient communiquées, en toute transparence, par le Gouvernement.
Mme Elisabeth Guigou a répondu que ces données seraient adressées ultérieurement au rapporteur.
M. Jean Chérioux a demandé quelle était, dans les montants attendus en 2020, la part respective des produits financiers capitalisés et des abondements. Il a considéré qu'il était essentiel de s'entourer de règles de prudence et de gestion. Il a demandé quels étaient les instruments financiers que pourrait utiliser le fonds de réserve. Il a estimé que le rôle de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), chargée de la gestion administrative, serait de nature à rassurer les Français.
M. Charles Descours a rappelé que l'application de la loi portant création de la couverture maladie universelle (CMU) avait pour effet pervers, annoncé par le Sénat au moment du vote de la loi, d'écarter du bénéfice de la CMU les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse, situés juste au dessus du plafond de ressources. Il a indiqué que Mme Odette Grzegrzulka, députée et présidente du Conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire maladie, avait déposé un amendement, lors du débat sur le présent projet de loi à l'Assemblée nationale, qui permettait d'inclure les titulaires de l'AAH et du minimum vieillesse dans les bénéficiaires de la CMU, mais que cet amendement avait été retiré en séance. Il a demandé si le Gouvernement comptait changer d'avis lors de la discussion du projet de loi au Sénat.
M. Alain Vasselle, rapporteur, est revenu sur un propos tenu par la ministre lors de son exposé initial, selon lequel la majeure partie des licences UMTS serait versée au fonds de réserve. Il a demandé si la loi de finances pour 2001, qui prévoit une affectation prioritaire du produit de ces licences au désendettement budgétaire, serait revue en ce sens.
Mme Elisabeth Guigou a répondu que, seule, une telle modification pouvait permettre d'affecter au fonds de réserve une partie plus importante du produit de ces licences.
Répondant à M. Jean Chérioux, elle a souligné le rôle du conseil de surveillance, à la fois organe dirigeant et organe de contrôle. Elle a indiqué que le produit de la capitalisation attendue était de 330 milliards sur un montant total de 1.180 milliards de francs. Elle a expliqué que les instruments financiers auxquels le fonds de réserve aurait recours seraient ceux prévus au I de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier et que les entreprises d'investissement auxquelles serait confiée par appel d'offres la gestion financière du fonds seraient celles exerçant à titre principal le service visé au 4 de l'article L. 321-1 du code monétaire et financier. Elle a confirmé que la présence de la CDC représentait une garantie importante pour la sécurité du dispositif. En tant qu'opérateur connaissant bien les marchés financiers, la caisse devrait en outre permettre au fonds d'obtenir les meilleurs placements possibles dans le respect des règles posées.
Répondant à M. Charles Descours, elle a observé que la proposition généreuse qu'il évoquait avait un coût de l'ordre de 3,5 à 4 milliards de francs et que le Gouvernement, très respectueux de l'équilibre des finances publiques, hésitait à accroître une dépense. Elle a indiqué que le Gouvernement avait cependant décidé de reporter au 31 décembre 2001 la date de réexamen de la situation des anciens bénéficiaires de l'aide médicale gratuit dont les revenus sont inférieurs à 4.000 francs pour une personne seule. Elle a ajouté que ce report permettrait d'alléger les tâches des caisses primaires d'assurance maladie, déjà confrontées à des retards préoccupants dans la gestion des feuilles de soins. Ce délai supplémentaire serait en outre mis à profit pour réfléchir à deux mesures : d'une part, un système de lissage des effets de seuil, à travers une aide accordée aux personnes situées juste au-dessus du plafond de revenus, pour qu'elles puissent acquérir une couverture complémentaire et, d'autre part, une amélioration de la couverture des soins dentaires.
M. Jean Delaneau, président a constaté que le Gouvernement se dirigerait ainsi vers le système proposé par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (CMU).
M. Charles Descours a objecté que cette date du 31 décembre 2001 paraissait irréaliste, compte tenu des échéances électorales. Il a indiqué que M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS, avait souligné, lors de la réunion du Conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire maladie, qu'un autre système aurait pour effet de démobiliser le personnel des caisses. Il a précisé que Mme Odette Grzegrzulka évoquait un chiffre de 1,5 milliard de francs, et non de 3,5 milliards de francs. Il a annoncé qu'il déposerait un amendement au projet de loi, permettant une « sortie en sifflet », ce qui constituerait une solution pérenne et préférable à un nouveau report.
Mme Elisabeth Guigou , précisant que la question du chiffrage faisait l'objet d'un désaccord entre Mme Odette Grzegrzulka et elle-même, s'est déclarée prête à étudier cette proposition comme elle le faisait de toute proposition formulée par les parlementaires.
M. Claude Domeizel a indiqué que l'existence du fonds de réserve était déjà en soi « une bonne chose », mais qu'il serait souhaitable de lui assurer des recettes pérennes afin de s'assurer d'un montant de 1.000 milliards de francs en 2020. Il s'est interrogé sur la composition du directoire et sur les moyens de garantir que les fonds ne seraient pas utilisés avant 2020.
M. Jean Chérioux a rappelé à cet égard que la caisse d'amortissement en 1926 avait présenté le caractère d'une loi constitutionnelle.
Mme Elisabeth Guigou a précisé que le directoire serait composé de trois membres, dont le directeur général de la CDC et que l'absence d'utilisation des fonds avant 2020 était garantie par la loi.
M. Alain Vasselle a demandé si les filiales de la CDC pourraient participer aux appels d'offres prévus pour la gestion financière, compte tenu de son rôle dans la gestion administrative et du rôle éminent de son directeur général comme président du directoire.
Mme Elisabeth Guigou a répondu par l'affirmative, en expliquant que dans ce cas, le directeur général s'abstiendrait de participer à la délibération. Elle a précisé que le dispositif réglementaire pourrait prévoir des précautions supplémentaires telles qu'une première sélection effectuée par un expert indépendant. Elle a ajouté qu'aucun organisme ne se verrait attribuer plus d'un certain pourcentage des mandats de gestion. Elle a indiqué que la CDC disposait d'une expression pour rendre compte de l'étanchéité entre ses différentes activités : « la muraille de Chine ».
M. Jean Delaneau, président, avant de donner la parole à M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, pour la présentation du titre III, a rappelé que le Gouvernement avait bénéficié du soutien de la commission des affaires sociales lors du débat du projet de loi d'habilitation, contre l'assurance d'un véritable débat lors de la ratification. Il a fait part de sa déception devant le « petit article » du titre III « au si grand contenu ».
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, a indiqué que le « long parcours » de la réforme du code de la mutualité s'appuyait sur le rapport de M. Michel Rocard de mai 1999, montrant la possibilité de transposer aux mutuelles les directives communautaires de 1992 et ayant défini la notion de « mutuelles soeurs ». Il a expliqué qu'un premier projet de code avait été présenté au conseil supérieur de la mutualité le 20 mai 2000, mais que le processus avait fait l'objet d'une accélération, en raison d'une menace de condamnation de la France par les instances communautaires, et que le choix avait été fait de greffer cette réforme sur un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires. En application de la loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001, le Gouvernement a édicté une ordonnance le 19 avril 2001, qui nécessite désormais une quarantaine de décrets d'application.
M. Guy Hascoët a estimé que les mutuelles disposaient désormais d'un cadre juridique, nécessaire à leur existence.
M. André Jourdain, rapporteur, a rappelé les engagements pris, lors du débat d'habilitation, tant par M. Jean-Jack Queyranne, ministre chargé des relations avec le Parlement, que par M. Guy Hascoët lui-même, sur la venue d'un projet de loi de ratification permettant un véritable débat parlementaire. Il s'est étonné que ces engagements se soient traduits par un bref article de ratification, renvoyant à 233 articles du code de la mutualité et à plusieurs articles modifiant le code des assurances et le code de la sécurité sociale. Il s'est interrogé sur la notion « d'activités accessoires », dont la définition est renvoyée au décret, que peuvent conserver les mutuelles assurantielles. Il a demandé si ces projets de décrets avaient été déjà rédigés et s'ils avaient été transmis à la Commission européenne. Il a demandé si la notion de « transferts financiers » autorisés d'une mutuelle du livre II (mutuelle assurantielle) à une mutuelle du livre III (organismes pratiquant la prévention, l'aide sociale et la gestion des réalisations sanitaires et sociales) avait été approuvée par les instances communautaires. Il s'est interrogé sur l'épisode de la « non-consultation facultative » des membres du Conseil supérieur de la mutualité.
M. Guy Hascoët a expliqué que le choix avait été fait de recourir à un article de ratification dans le projet de loi DDOSEC, en raison de l'attente d'inscription, à l'ordre du jour des assemblées, de quarante-six projets de loi. Il a reconnu qu'un « choix plus généreux » aurait pu être fait.
Il a indiqué que la notion d'activités accessoires avait été au coeur du dispositif proposé par M. Michel Rocard et qu'elle avait été négociée avec M. Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence. Il a ajouté que, d'une manière générale, toutes les mesures de précaution avaient été prises en amont, par une négociation avec la Commission.
Il a reconnu que l'épisode de la consultation « informelle » des membres sortants du Conseil supérieur de la mutualité était « peu glorieux » et était dû à un « incident administratif », lié à l'absence de prise en compte d'un courrier de la Direction de la sécurité sociale, envoyé lors du changement ministériel d'octobre 2000. Il a expliqué que les leçons en avaient été tirées, puisque les lettres procédant au renouvellement des membres du Conseil supérieur de la mutualité avaient été envoyées le plus tôt possible après la parution au Journal officiel de l'ordonnance portant refonte du code de la mutualité.
Il a précisé que les décrets étaient en cours de rédaction et qu'ils devraient traduire très pragmatiquement le dispositif législatif retenu. Il a précisé que le décret relatif au registre des mutuelles, permettant de leur délivrer un nouvel agrément, était prioritaire.
M. Jean Delaneau, président, s'est interrogé sur le décret en Conseil d'Etat prévu pour fixer la composition du Conseil supérieur de la mutualité.
M. Guy Hascoët a répondu que ce décret n'était pas finalisé, et qu'il faudrait attendre un certain temps, compte tenu du fait que certains membres du Conseil supérieur de la mutualité sont élus, pour que le conseil puisse se réunir.
Puis M. Jean Delaneau, président , a interrogé M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé de l'économie solidaire, sur l'article 21 du projet de loi, relatif aux sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC). Ayant rappelé que cet article, résultant d'un amendement déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale lors de la discussion générale, ajoute, d'une part, 12 nouveaux articles à la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération (qui en compte actuellement 45) et modifie, d'autre part, le code du commerce, M. Jean Delaneau, président, a attiré l'attention du secrétaire d'Etat à l'économie solidaire sur le fait que son objet même aurait nécessité l'intervention d'autres commissions permanentes du Sénat, avant de lui demander les raisons d'une telle précipitation.
En réponse, M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé de l'économie solidaire , a indiqué que le nouveau statut des sociétés coopératives d'intérêt collectif défini par l'article 21 visait à combler une lacune dans le droit français. Il définit ainsi une nouvelle structure juridique devant permettre, dans le cadre d'une démarche partenariale associant l'ensemble des acteurs concernés (usagers, salariés, bénévoles, collectivités locales...), et dans le respect des valeurs démocratiques qui fondent le mouvement coopératif, le développement de services d'intérêt collectif qui, telles l'aide à domicile ou les crèches parentales, ne satisfont pas immédiatement aux impératifs de solvabilité ou de rentabilité qui autoriseraient leur prise en charge par le secteur marchand. M. Guy Hascoët a précisé que ce projet était, d'une part, le fruit d'une réflexion préparatoire approfondie et avait été, d'autre part, finalisé au regard des résultats des quinze expérimentations conduites depuis un an par la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale. Il a ajouté que le Conseil national de la vie associative et le Conseil supérieur de la coopération, consultés, lui avait donné un avis favorable. Evoquant ensuite la procédure choisie par le Gouvernement pour soumettre le nouveau statut des sociétés coopératives d'intérêt collectif à l'examen du Parlement, M. Guy Hascoët a convenu qu'il aurait été préférable que cet important dispositif fasse l'objet d'un projet de loi particulier, mais a souligné que l'encombrement actuel du calendrier parlementaire en aurait retardé à l'excès son adoption, au regard de l'urgence des besoins exprimés par les acteurs de terrain et, notamment, du mouvement coopératif.
M. Jean Delaneau, président , a alors estimé que l'importance et l'intérêt du sujet évoqué rendaient d'autant plus regrettables les conditions et la brièveté des délais dans lesquels le Sénat devait se prononcer.
M. Alain Vasselle , tout en s'associant aux observations de M. le président Delaneau sur la procédure, s'est plus particulièrement interrogé sur les risques que pouvait présenter le nouveau dispositif pour la cohérence même du mouvement coopératif, en l'ouvrant à des tiers non sociétaires. Il s'est également inquiété des effets pervers qui pourraient résulter de la création de cette nouvelle forme de sociétés coopératives, notamment au regard des activités du secteur marchand et, plus particulièrement, de l'artisanat.
En réponse, M. Guy Hascoët , secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé de l'économie solidaire , a indiqué que, d'une part, les SCIC demeureraient soumises aux procédures d'agrément en vigueur et que, d'autre part, la composition et la répartition des votes entre les différents collèges au sein de leur assemblée générale, tout en favorisant l'ouverture nécessaire à l'engagement d'une véritable démarche partenariale, garantissaient la pérennité des valeurs démocratiques fondant le mouvement coopératif. Il a par ailleurs estimé que, compte tenu de l'essor prévisible des services de proximité au cours des prochaines années, le secteur concurrentiel ne pourra pas satisfaire, à lui seul, toutes les demandes exprimées en ce domaine. Les sociétés coopératives d'intérêt collectif seront donc un instrument supplémentaire mis à la libre disposition des acteurs concernés, et destiné à favoriser leur coopération.
M. André Jourdain s'est, quant à lui, félicité des nouvelles perspectives ouvertes par les SCIC, tout en regrettant qu'un projet de cette importance ne puisse faire l'objet d'une réflexion et d'une concertation plus approfondies. Il a également souhaité savoir dans quelle mesure cette nouvelle structure coopérative serait susceptible de résoudre certaines difficultés de fonctionnement actuellement rencontrées par les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) et les Groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ).
M. Guy Hascoët lui a alors répondu que l'on pouvait effectivement envisager que les sociétés coopératives d'intérêt collectif permettent d'apporter des réponses adaptées sur ces points particuliers.
M. Alain Vasselle, rappelant les problèmes déjà rencontrés en ce domaine par les associations, a exprimé sa préoccupation concernant le niveau de qualification et de formation des personnes employées dans le cadre de ces nouvelles sociétés coopératives, notamment en ce qui concerne celles qui se consacreront à la garde d'enfants.
M. Guy Hascoët lui a précisé que les SCIC seront soumises aux mêmes procédures d'autorisation et d'agrément préalables que les autres sociétés coopératives, avant de souligner que l'originalité de leur démarche partenariale devrait justement favoriser le développement des crèches parentales. Il a par ailleurs estimé que le problème de la formation et de la qualification des intervenants dans le secteur associatif et coopératif était général et ne pouvait donc être résolu dans le seul cadre des sociétés coopératives d'intérêt collectif. Répondant enfin à M. Philippe Nogrix , qui s'interrogeait, notamment, sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à privilégier la démarche coopérative plutôt que le secteur associatif, M. Guy Hascoët a indiqué que la société coopérative est le support juridique le plus susceptible d'autoriser l'engagement de démarches partenariales.