V. LES MÉTAUX LOURDS ET LES DÉCHETS
A. LES DÉCHETS DE MÉTAUX LOURDS
1. La diminution de la ressource
L'usage des métaux lourds dans l'industrie et dans les produits de consommation a considérablement diminué. Pratiquement tous les secteurs sont concernés et les dernières utilisations « qui résistent » sont des applications pour lesquelles soit il n'a pas été trouvé de substitut technique (cas des batteries automobiles au plomb, par exemple, utilisation de cadmium dans les piles et accumulateurs, utilisation de mercure dans les instruments de mesure, dans les tubes fluorescents...), soit la nécessité de remplacer le métal en question reste controversée (amalgames).
De très nombreux exemples illustrent ce mouvement (bannissement du mercure dans les thermomètres et les piles par exemple...). Deux secteurs sont particulièrement intéressants :
- l'un est historique, mais se traduit encore aujourd'hui par des difficultés pour traiter les déchets : les métaux lourds dans la peinture,
- l'autre est une évolution qui n'est encore qu'annoncée, mais qui aura des conséquences majeures pour les collectivités locales : les métaux lourds dans le traitement des bois.
a) Le plomb dans les peintures
Les métaux lourds, au premier rang desquels le plomb, ont été utilisés de façon massive dans les peintures jusque dans les années 60. Ils répondaient à toutes les caractéristiques recherchées : la décoration (seul but de la peinture jusqu'au 19 ème siècle), en offrant des couleurs vives et stables, et la protection, d'abord des bois et boiseries, puis des constructions en acier.
Deux applications ont été déterminantes :
- la peinture dans les habitations . Les métaux lourds ont d'abord été utilisés à des fins uniquement décoratives. Les utilisations sont nombreuses et anciennes : « le jaune de Naples », qui est un antimoniate de plomb, « l'orange de cadmium », le « vermillon de mercure », les dérivés de cuivre qui donnent des pigments verts... La principale utilisation concerne la céruse, c'est-à-dire le carbonate de plomb qui mêlait des caractéristiques esthétiques (en donnant un blanc très pur) et protectrices (en protégeant les bois contre les insectes et les intempéries). La dangerosité de cette peinture, entraînant le saturnisme (voir IIème partie du rapport) a d'abord été mise en évidence pour les peintres, mais la « bataille » entre « cérusiers » et « anticérusiers », promoteurs des peintures à l'oxyde de zinc, a duré plus d'un siècle. Les prohibitions ont d'abord été limitées aux bâtiments publics (1860), aux ouvriers peintres (1909), mais la céruse restait utilisée dans les bâtiments privés et par les artisans, jusqu'à l'interdiction totale, en France, en 1948.
- la peinture utilisée en protection . La peinture est aussi utilisée à des fins de protection. Avec deux applications principales : le minium de plomb a été utilisé sur les bateaux, à la fois pour assurer une protection anticorrosion, et pour prévenir la fixation des algues et coquillages. Le minium a été remplacé par des dérivés d'arsenic, de mercure, de cuivre et d'étain, progressivement abandonnés. L'interdiction de mercure et d'arsenic date des années 60, l'interdiction des dérivés d'étain a d'abord concerné les bateaux de plaisance, à partir des années 80. L'Organisation Maritime Consultative Intergouvernementale (OMCI) a prévu une interdiction totale pour les navires en haute mer en 2003.
L'autre application concerne les ouvrages d'art métallique. L'explosion des ouvrages d'art métallique, au début du siècle a entraîné des utilisations massives de peintures au plomb. Le fer se corrode très facilement. Les ouvrages en fer et les portes métalliques ont été couverts de peintures au plomb (silicochromate de plomb pour la Tour Eiffel qui ne doit son maintien qu'aux peintures au plomb...).
La plupart des peintures au plomb sont désormais soit interdites (céruse), soit étroitement réglementées. Les règles de mise sur le marché, d'étiquetage, d'emballage, sont précisées par des directives européennes.
Les peintures qui contiennent plus de 0,5 % de plomb ne peuvent être vendues au public et sont normalement réservées aux professionnels (40 ( * )). Les mesures de prévention, d'information, ne sont en aucun cas des garanties absolues. L'information existe sur les pots de peinture. Les fiches de sécurité par exemple doivent accompagner les préparations destinées aux professionnels. Sont-elles lues, conservées, exploitées ? Il y a de fortes présomptions pour que cela ne soit pas toujours le cas.
* (40) Directive 76/769/CEE du 27 juillet 1996 relative à la mise sur le marché de certaines substances.
Directive 88/379/CEE du 7 juin 1988, modifiée par la Directive 1999/45 du 31 mai 1999 relative à la classification et l'emballage des préparations dangereuses.