b) Quelle est la pertinence de l'argument financier ?
La pose de composites est-elle plus rémunératrice pour le praticien que celle d'amalgames ?
Trois éléments entrent en ligne de compte : le prix de revient du matériau, le temps de la pose et la tarification au patient.
- Le prix de revient
Il n'y a pratiquement pas de différence entre le prix d'achat de l'amalgame et du composite. Les prix catalogue semblent pourtant indiquer le contraire. Une capsule prédosée d'amalgame non gamma 2 (achetée par lot de 50 capsules de 1, 2, 3 doses) revient entre 7 et 12 F selon la dose. Une seringue de composite (achetée par lot de 4 à 10 seringues) revient à 10, 11 F pour 0,25 g auquel il faut ajouter le prix du flacon d'adhésif (1,70 F par dose), soit 12, 14 F. A priori, on constate donc une différence de 2 à 5 F, négligeable à l'unité, mais qui peut être importante sur l'année.
Cette différence en défaveur du composite est cependant compensée par le fait que la seringue permet un dosage beaucoup plus fin puisque le praticien n'éjecte que la dose dont il a besoin et peut réutiliser le complément pour une autre obturation. A l'inverse, pour éviter d'être à court pendant l'intervention, le praticien va avoir tendance à utiliser deux capsules d'amalgame au lieu d'une ou une capsule de plusieurs doses, ce qui va majorer le coût final, d'autant plus que le produit non utilisé est perdu.
Les prix unitaires ne sont donc pas complètement comparables mais ne révèlent pas de différence significative.
- Le temps de pose
Il est difficile de comparer le temps de pose entre les deux techniques car il y a deux temps différents : le temps officiel, tel qu'il est enseigné à la Faculté et le temps réel du praticien, tel qu'il est pratiqué en officine. L'intervention se décompose en quatre temps : la préparation de la cavité, la préparation du matériau, la pose proprement dite, et l'affinage et le suivi.
Les temps peuvent être comparés comme suit :
- préparation de la cavité |
A > C |
- préparation du matériau |
A > C |
- pose |
A < C |
- suivi (polissage) |
A > C |
A = temps pour l'amalgame C = temps pour composite
Les temps de pose se décomposent différemment. Pour le composite, les deux premières étapes sont réduites puisqu'il n'y a pas de travail de « contre dépouille » ni de préparation du matériau, « tout » prêt dans une seringue. La dernière étape sur le suivi est propre à l'amalgame et consiste dans le polissage de l'amalgame. Il n'y a évidemment pas d'équivalent pour le composite. En revanche, le temps de pose est normalement beaucoup plus lent. La pose de l'amalgame suppose un tassement par fouloir. L'opération est assez rapide. La polymérisation de la résine suppose un éclairage de vingt secondes à une, voire deux minutes. Le temps est encore plus long lorsque la polymérisation est réalisée par couches successives dans le cas d'obturations profondes. En réalité, il faut reconnaître que rares sont les praticiens qui respectent parfaitement les règles de l'art et suivent consciencieusement toutes ces étapes. On sait en particulier que pour les composites, il n'est pas rare que la durée d'exposition à la lumière soit plus réduite que celle que prévoit la notice de pose. Quant à l'amalgame, son polissage, qui est normalement réalisé dans une séance ultérieure, est très souvent omis (dans près de neuf cas sur dix). Cette caractéristique a été établie par l'étude de Tübingen et est confirmée par de nombreux praticiens.
Les praticiens considèrent que, compte tenu de l'absence de polissage, le temps de pose des composites est légèrement plus long que celui des amalgames.
- Les honoraires
Le choix des matériaux (amalgame ou composite) est normalement sans incidence sur le montant des honoraires et des remboursements. Les dispositions en matière de tarification sont rappelées dans l'encadré ci-après :
Tarifs et remboursements des obturations La tarification de la sécurité sociale repose sur une nomenclature qui associe une « lettre clef » (qui définit le type de soins) et un « coefficient » (en rapport avec l'importance du soin). Une obturation de carie peut être réalisée par un dentiste (lettre clef SC), ou un médecin stomatologiste (lettre clef SPM) ; le coefficient dépend du nombre de faces de la dent traitée : 6, 9 ou 15 pour une, deux ou trois faces. On applique ces coefficients au tarif de base (15,50 F au 1 er janvier 2001), pour obtenir le prix d'une intervention, soit 93 F (SC 6 ou SPM 6), 139,50 F, 232,50 F. Il n'y a pas -il n'y a plus- de différence entre une intervention pratiquée par un dentiste et par un médecin stomatologiste. Ce prix est appliqué chez les praticiens non conventionnés, dans les hôpitaux et dispensaires. Nota : Deux étapes importantes ne font pas partie des actes de la nomenclature de la sécurité sociale. Elles ne sont donc ni remboursées, ni, en principe, tarifées au patient. Il s'agit d'une part de la dépose d'un amalgame ancien (les honoraires incluent la dépose de l'ancienne obturation dans la pose de la nouvelle) et d'autre part du polissage. Le remboursement est de 50%, 70 % ou 100 % du tarif, selon le statut du patient (les artisans et commerçants sont à 50%, la majorité des assurés sociaux sont à 70%, et certains assurés bénéficient de 100%). La tarification et le remboursement sont identiques pour une obturation par amalgame ou par composite. Le choix du matériau est donc sans incidence sur le tarif. Il a souvent été affirmé que la pose des composites étant plus longue que celle de l'amalgame, ce dernier était plus volontiers choisi par le praticien. Cette stricte égalité est cependant contournée dans les faits par la technique du dépassement tarifaire . Tout praticien, même conventionné, peut sortir de la nomenclature de la sécurité sociale et obtenir un dépassement de prix soit par entente directe avec le patient (ED) soit pour raison particulière ou en pratiquant des actes hors nomenclature (HN) Le dépassement n'est pratiquement pas possible pour la pose d'amalgames, aucune raison particulière ne pouvant être invoquée. La pose de composite offre en revanche une opportunité au dentiste ou au médecin soignant. Le moyen le plus simple est de recourir à un tiers en faisant fabriquer une prothèse aux formes de l'obturation (en céramique ou en composite) par un prothésiste extérieur. La prothèse facturée 300 ou 400 F est ensuite collée à la cavité dentaire par le chirurgien-dentiste. Le recours à un tiers et la multiplication des séances (puisque le composite n'est pas posé en une seule fois, mais suppose deux ou trois séances) permettent de sortir de la convention et de facturer l'obturation entre 1.400 et 1.800 F. Ce tarif doit être comparé au tarif de base entre 93 F (pour une face) et 232,50 F (pour trois faces). Au total, le recours à un tiers permet alors d'opérer un dépassement tarifaire. Lorsque le dépassement est possible, il y a un incontestable intérêt financier pour le praticien à poser des composites. En résumé, Amalgame ou composite : prix et remboursement égaux préférence aux amalgames. Amalgame et composite : possibilités de dépassement différentes préférence aux composites |
Tant pour le patient que pour le praticien, le composite présente des avantages significatifs. Pourtant, le composite n'est pas exempt d'inconvénients majeurs.