c) La fiabilité des partenaires de la filière
Compte tenu de la sensibilité du dossier, un comportement déviant, un acte frauduleux peut faire effondrer la filière. Ce risque pose le problème de la fiabilité de tous les partenaires. Il faut bien évidemment que les gestionnaires des stations analysent les produits, que les services d'analyse soient parfaitement fiables, que les agriculteurs respectent les règles d'épandage sur des sols « actifs » (le colmatage des sols modifie sensiblement le transfert des métaux lourds vers les sols et les plantes, par exemple), et ne soient pas tentés ou séduits par des propositions de primes financières pour faciliter tel ou tel épandage hors norme... Le mercantilisme prend parfois le pas sur le respect des règles d'hygiène.
Or, dans la mesure où les boues de station d'épuration proviennent des eaux résiduaires urbaines, elles sont très vulnérables aux pollutions accidentelles ou frauduleuses. On sait bien que toutes les crises sanitaires partent de comportements déviants, certes limités, localisés, mais qui deviennent emblématiques et affectent la totalité d'une profession (tel est le cas de la crise de l'ESB car les farines contaminées ont bien été vendues par des exportateurs britanniques et achetés par des importateurs français...).
d) La fiabilité des contrôles
L'autre condition de la maîtrise des risques ees l'effectivité et l'efficacité des contrôles. Dans un passé récent, les épandages ont pu se dérouler sans entrave et à grande échelle parce qu'ils n'étaient pas contrôlés.
L'épandage de fientes de poulets est une bonne illustration de ce phénomène. Jusqu'en 1995, il existait un flux d'échanges très important de déchets entre la France et le Benelux portant sur les fientes de poulets, exportés par les éleveurs de volaille du Benelux et importés en France. La DRIRE de Picardie estime l'épandage à 84.000 tonnes de fientes, pour le seul département de la Somme, une masse considérable, quinze fois supérieure aux rejets d'une industrie agro-alimentaire normale. Une pratique courante jusqu'à ce qu'en 1995, à l'occasion d'une nouvelle demande d'épandage, les services constatent que les fientes de poulets -sans risque de métaux lourds- étaient mélangées à des boues industrielles... La demande avait alors été rejetée. Une nouvelle demande a été formulée en 2000. L'accord est subordonné à la preuve de l'innocuité des effluents par une analyse de qualité.
La confiance que les pouvoirs publics doivent mettre dans les différents partenaires de la filière doit être accompagnée de contrôles.
On peut définir des normes pour tous les polluants. Encore faut-il veiller à leur aspect. Il suffit de songer aux PCBs dans les huiles pour lesquelles il y avait bien une législation mais dont personne ne surveillait l'application... Le contrôle d'ailleurs ne doit pas se limiter aux concentrations mais il doit s'étendre aux quantités appliquées et à la fréquence des applications, ce qui rend les mesures de contrôle encore plus difficiles pour ne pas dire aléatoires. Cela suppose un effort partagé.
Il ne faut cependant pas nier qu'il s'agit de contraintes supplémentaires pour tous et que des retards ne sont pas à exclure. L'arrêté du 2 février 1998 avait prévu une « remise à zéro » des plans d'épandage industriels, au 1 er janvier 2002. Cette échéance ne sera pas tenue.
L'utilisation de boues de stations d'épuration des eaux résiduaires urbaines n'est pas a priori incompatible avec une agriculture durable. Mais un tel choix suppose de mettre en place un système de contrôle infaillible.
Les crises récentes montrent qu'aucun contrôle n'est infaillible.