3. Interrogations pour l'avenir
Compte tenu des teneurs exigées et des qualités obtenues, le risque sanitaire lié à l'épandage des boues est apparemment très faible et maîtrisable. Néanmoins, un certain nombre d'interrogations demeurent qui peuvent schématiquement être réparties en cinq volets :
- le contexte politique,
- les aspects économiques et financiers,
- la fiabilité de la filière,
- la fiabilité des contrôles,
- les questions scientifiques.
a) Le contexte politique
La situation est relativement simple : le contexte politique est évidemment peu favorable à un débat technique sur les boues.
Au milieu des années 90, deux préoccupations motivaient les groupes agro-alimentaires. D'une part, le contexte culturel et l'inquiétude diffuse et l'opinion sur le risque environnemental, d'autre part, l'argument du marché (certains marchés d'exportation pouvant être perdus faute de contrôle suffisant). Ces deux arguments demeurent, mais le poids relatif de chacun a changé. Selon l'étude de synthèse réalisé par les agences de l'eau en 1999, « les années 90 ont été marquées par une série de crises sanitaires et environnementales sans rapport direct avec l'élimination des boues, mais dont la médiatisation a engendré le développement d'un risque environnemental généralisé ».
Les crises évoquées alors étaient celles de l'ESB (1996), de la dioxine (1998), des OGM (1998-1999). Deux autres crises majeures se sont ajoutées au tournant du siècle : la seconde crise de l'ESB (2000), l'épidémie de fièvre aphteuse (2001)...
Une accumulation spectaculaire, peu favorable aux initiatives sur l'épandage des boues de stations d'épuration.
b) Les aspects économiques et financiers
Les rejets de déchets organiques ne se limitent pas aux seules boues de stations d'épuration. Les déchets organiques ont trois origines : l'agriculture, l'industrie agro-alimentaire, l'industrie, les collectivités et les ménages. Les résidus organiques de l'agriculture sont très supérieurs aux deux autres. La législation oblige également à l'élaboration d'un plan d'épandage de matières qui, jusqu'à présent, échappaient largement à tout contrôle. C'est notamment le cas des matières de vidange (résidus de systèmes d'assainissement autonome). Les graisses organiques d'origine alimentaire (huiles de cuisson, matières grasses diluées...) ont également été peu considérées. Elles perturbent pourtant beaucoup l'épuration des eaux.
Au total, bien que l'étendue des surfaces d'épandage ne soit pas en cause et n'est pas aujourd'hui, une vraie contrainte, il existe ce qu'on pourrait appeler une « compétition entre effluents organiques ».
L'épandage agricole étant encore la solution économiquement plus intéressante, cette compétition a lieu pour savoir « qui occupera le terrain » au sens propre comme au sens figuré. Il est tout à fait normal que l'agriculteur, sollicité pour accueillir ces effluents ait un ordre de préférence, une hiérarchie qui consiste vraisemblablement à privilégier ses propres effluents (déjections agricoles et rejets des industries agro-alimentaires) au détriment de rejets de stations.
- L'aspect financier doit aussi être considéré. Quelles que soient les contraintes d'études, de recherche, de contrôle..., l'épandage des boues restera une solution infiniment moins coûteuse que toutes les autres solutions : incinération, séchage ou mise en décharge. Une restriction apportée à l'épandage entraînerait une augmentation des coûts de traitement très importante. Cette question n'est toujours à peine qu'abordée. Des études plus approfondies paraissent nécessaires.
Un autre volet de l'aspect financier consiste à comparer les moyens considérables mis en oeuvre pour éviter les diverses pollutions - par le bannissement d'un nombre croissant d'applications, le durcissement de normes...) et dans le même temps l'épandage de boues enrichies par ces mêmes substances...