Dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception
GIRAUD (Francis)
RAPPORT 253 (2000-2001) - Commission des Affaires sociales
Rapport au format Acrobat ( 32 Ko )
Document
mis en distribution le
9 avril 2001
N° 2973
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N° 253
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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée
nationale
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Annexe au
procès-verbal de la séance
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RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
PAR MME
MARTINE LIGNIÈRES-CASSOU, PAR M. FRANCIS GIRAUD,
Députée. Sénateur.
( 1) Cette commission est composée de : M. Jean Delaneau , sénateur, président ; M. Jean Le Garrec, député, vice-président ; M. Francis Giraud, sénateur, Mme Martine Lignières-Cassou, députée, rapporteurs.
Membres
titulaires :
MM. Charles Descours, Claude Huriet, Jean-Louis Lorrain,
Mme Claire-Lise Campion, M. Guy Fischer,
sénateurs ;
Mme Danielle Bousquet, M. Patrick Delnatte,
Mmes
Marie-Thérèse Boisseau, Muguette Jacquaint,
Marie-Hélène Aubert, députés.
Membres suppléants : MM. Jacques Bimbenet, Paul Blanc,
Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Roland Muzeau, Philippe Nogrix, Mmes Nelly
Olin, Odette Terrade, sénateurs ; M. Philippe Nauche,
Mme Hélène Mignon, M. Alfred Recours, Mmes Nicole
Catala, Françoise de Panafieu, MM. Jean-Pierre Foucher, Bernard Perrut,
députés.
Voir les
numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
Première lecture :
2605
,
2726
et T.A.
582
Deuxième lecture :
2966
Sénat
:
120
,
210
et T.A.
66
(2000-2001)
Vie, médecine et biologie |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la
Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi relatif à l'interruption
volontaire de grossesse et à la contraception s'est réunie le
mercredi 4 avril 2001 au Sénat.
La commission a d'abord procédé à la désignation de
son bureau qui a ainsi été constitué :
- M. Jean Delaneau, sénateur, président ;
- M. Jean Le Garrec, député, vice-président ;
- M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur pour le
Sénat ;
- Mme Martine Lignières-Cassou, députée, rapporteure
pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen
du texte.
M. Jean Delaneau, président,
a regretté la
déclaration d'urgence dont le Gouvernement, d'emblée, avait
assorti la discussion de ce projet de loi. Un tel sujet aurait
nécessité, à l'évidence, réflexion et
concertation entre les deux assemblées.
Il a considéré que le déroulement normal de la navette
parlementaire aurait peut-être pu permettre d'aboutir à des
dispositions communes sur certains points.
M. Jean Le Garrec, vice-président,
a estimé qu'une telle
hypothèse était pour le moins aléatoire, tant
apparaissaient fortes les divergences sur le fond.
M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat,
a
présenté les principales modifications apportées au projet
de loi par le Sénat en première lecture.
Il a indiqué que le Sénat avait fondé sa position sur le
constat d'un triple échec : le nombre d'IVG n'a pas
significativement diminué depuis 1975, notre pays ne s'est pas
doté d'une véritable politique d'information sur la
sexualité et la contraception, notre pays ne s'est pas davantage
donné les moyens d'appliquer correctement la loi Veil.
Fort de ce constat, le Sénat avait estimé que le projet de loi du
Gouvernement constituait une fuite en avant et que l'allongement du
délai légal ne constituait pas une réponse adaptée
à la situation des quelque 5.000 femmes qui, chaque année, sont
contraintes de se rendre à l'étranger pour obtenir une IVG dans
des pays où le terme légal est plus éloigné.
En effet, seule la moitié des femmes concernées, 2.000 à
3.000 selon les estimations les plus fiables, serait susceptible de
bénéficier de ces deux semaines supplémentaires. L'autre
moitié dépassait de toute façon le délai de douze
semaines de grossesse. Qu'adviendrait-il de ces femmes enceintes ? Le
projet de loi restait muet sur ce point.
Outre qu'il n'apportait aucune solution au problème
évoqué, l'allongement du délai comportait un certain
nombre de risques qui étaient loin d'être négligeables.
M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat,
a souligné
que l'intervention devenait plus difficile tant d'un point de vue technique que
psychologique entre la dixième et la douzième semaine de
grossesse. Deux semaines supplémentaires changeaient la nature de l'acte
médical : elles impliquaient un effort considérable de
formation et la mise en place de moyens techniques garantissant la
sécurité des interventions.
L'allongement du délai risquait en outre de dégrader encore le
fonctionnement quotidien du service public. Il était probable que
l'accès à l'IVG resterait toujours aussi difficile pour certaines
femmes et il était à craindre que ces difficultés soient
encore accrues.
En définitive, l'allongement du délai légal revenait
à déplacer les frontières de l'échec.
M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat,
a souligné
que, donnant la priorité à l'impératif de santé
publique, le Sénat avait donc fait le choix de s'opposer à
l'allongement du délai légal et de formuler parallèlement
un certain nombre de propositions de nature à apporter une solution
effective aux difficultés rencontrées.
Le Sénat avait tout d'abord souhaité que l'on se dote des moyens
d'appliquer correctement les lois existantes. Si ces moyens en personnels
formés et disponibles, en structures proches et accessibles, avaient pu
être dégagés ou pouvaient l'être aujourd'hui, le
projet de loi perdrait sa raison d'être dans ses dispositions
essentielles.
De même était-il également de la responsabilité du
Gouvernement de définir une politique ambitieuse d'éducation
responsable à la sexualité et d'information sur la contraception,
qui mobilise autant le corps enseignant que le corps médical et ouvre le
dialogue au sein des familles.
M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat,
a indiqué que
cette position de principe avait conduit le Sénat à
insérer dans le texte un article additionnel 1er A qui prévoyait
que la réduction du nombre des IVG était une priorité de
santé publique et que le Gouvernement mettrait en oeuvre, à cette
fin, les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable
politique d'éducation à la sexualité et d'information sur
la contraception.
Tout en proposant de maintenir, dans les articles 1er, 2 et 5, le délai
légal de l'IVG à dix semaines de grossesse, le Sénat avait
souhaité apporter une réponse à la détresse des
femmes qui dépassent le délai légal en permettant la prise
en charge des situations les plus douloureuses dans le cadre de l'interruption
médicale de grossesse.
Ainsi, à l'article 8, le Sénat avait précisé, dans
les conditions d'accès à l'interruption médicale de
grossesse, que la référence à la santé de la femme
incluait sa santé psychique. Cet ajout permettrait la prise en charge
des situations les plus douloureuses, qui constituent souvent l'essentiel des
cas de dépassement de délais.
A l'article 3 bis, le Sénat avait rétabli le contenu du
dossier-guide, tel qu'il était prévu par la loi Veil.
Contrairement à ce que semblait croire la majorité de
l'Assemblée nationale, ces éléments n'avaient pas pour
vocation de dissuader la femme de recourir à l'IVG mais simplement de
s'assurer qu'elle prenait sa décision en toute connaissance de cause et
en disposant de l'information la plus complète possible.
Pour les mêmes raisons, le Sénat avait souhaité maintenir,
à l'article 4, le caractère obligatoire de l'entretien
social préalable à l'IVG, supprimé par l'Assemblée
nationale. Rendre cet entretien facultatif aboutirait à ce qu'un bon
nombre de femmes n'en bénéficient pas, surtout celles pour
lesquelles il pourrait être le plus utile.
S'agissant de la difficile question de l'accès des mineures à
l'IVG, prévu par l'article 6 du projet de loi, le Sénat avait
souhaité que cette possibilité soit entourée de garanties.
Il n'était pas envisageable, en effet, que la mineure puisse être
livrée à elle-même ou qu'elle soit, comme le proposait le
projet de loi, simplement " accompagnée " par une personne de
son choix qui pourrait être n'importe qui.
Le Sénat avait par conséquent souhaité que cette personne
ne se limite pas à accompagner cette mineure, concept qui n'a aucune
signification juridique, mais l'assiste, par référence aux
dispositions du code civil qui prévoient, dans certaines situations,
l'assistance d'un mineur par une personne adulte.
En outre, le Sénat avait prévu que cet adulte
référent serait soit un membre majeur de la famille de la
mineure, soit une personne qualifiée, c'est-à-dire
compétente et formée à ce type de mission
(conseillère conjugale, assistante sociale, psychologue...).
Aux articles 11 et 11 bis, s'interrogeant sur la finalité du tour de
passe-passe consistant à transférer certaines dispositions du
code pénal vers le code de la santé publique, le Sénat
avait rétabli dans le code pénal les dispositions qui y
figuraient.
A l'article 12, il avait adopté une nouvelle rédaction de
l'article L. 2221-1 du code de la santé publique afin de
protéger la femme enceinte contre toute forme de pression
destinée à la contraindre à une interruption de grossesse.
A l'article 16 bis, le Sénat avait porté de trois à cinq
le nombre minimum des séances annuelles d'éducation à la
sexualité et d'information sur la contraception dans les collèges
et lycées, et étendu ces séances aux écoles
primaires. Il avait prévu que des réunions associant les parents
d'élèves seraient organisées pour définir des
actions menées conjointement. Il avait également
créé un Conseil supérieur de l'éducation sexuelle
destiné à remplacer le Conseil supérieur de l'information
sexuelle, aujourd'hui en coma dépassé.
M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat,
a indiqué que
le Sénat avait également introduit, à l'initiative du
groupe communiste, républicain et citoyen, un article additionnel 16 ter
prévoyant qu'une information et une éducation à la
sexualité seraient dispensées dans toutes les structures
accueillant des personnes handicapées.
A l'article 17, le Sénat avait réaffirmé la
nécessité d'un suivi médical de la contraception
hormonale. L'obligation de prescription permettait un bilan et un suivi
médical de la femme et un dépistage précoce de certaines
pathologies. Le dialogue entre le médecin et la femme était
indispensable pour assurer une bonne compréhension et un bon usage d'une
contraception efficace ; il assurait en outre le choix d'une contraception
adaptée à la situation de chaque femme.
Le Sénat avait également souhaité encadrer la pratique de
la stérilisation à visée contraceptive afin de
protéger la santé des personnes et d'éviter que des
excès ne puissent être commis.
A l'article 19, il n'avait autorisé la stérilisation à
visée contraceptive que dans trois cas : si la personne est
âgée de trente-cinq ans au moins, ou à un âge tel que
le produit de cet âge par le nombre d'enfants mis au monde donne un
résultat supérieur à 100, ou lorsqu'il existe une
contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception
ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre
efficacement. La personne devait en outre être informée du
caractère généralement définitif de cette
opération et le délai de réflexion avait été
porté à quatre mois, à l'initiative du groupe socialiste.
A l'article 20, s'agissant de la stérilisation des majeurs sous tutelle,
le Sénat avait prévu qu'elle ne pourrait être
pratiquée qu'à la demande des parents ou du représentant
légal de la personne concernée et que si la personne
concernée est apte à exprimer sa volonté, son consentement
devait être systématiquement recherché.
Enfin, le Sénat avait inséré un article additionnel 9 bis,
présenté par M. Claude Huriet, qui constituait une
réponse à l'arrêt " Perruche " de la Cour de
Cassation et qui prévoyait que nul n'est recevable à demander une
indemnisation du seul fait de sa naissance.
Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure pour l'Assemblée
nationale,
a considéré que l'Assemblée nationale et le
Sénat se retrouvaient sur une nécessité -celle de la
prévention- et sur la volonté d'améliorer les conditions
d'accès à l'IVG.
Elle a souligné que subsistait une divergence majeure sur l'allongement
du délai légal pour bénéficier d'une IVG. Elle a
indiqué qu'elle ne partageait pas l'analyse formulée par le
rapporteur du Sénat et que ce que le Sénat avait qualifié
de " fuite en avant " était, pour l'Assemblée
nationale, un véritable progrès pour les femmes.
Relevant que notre pays se caractérisait par des délais
très courts pour accéder à l'IVG, au regard notamment de
la situation prévalant dans d'autres pays européens, elle a
estimé que les risques d'un allongement du délai pour la
santé des femmes n'étaient pas avérés, comme en
témoignait le rapport de l'ANAES.
Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure pour l'Assemblée
nationale,
a souligné que l'Assemblée nationale avait choisi
de laisser à la femme l'entière responsabilité de la
décision éventuelle de mettre fin à sa grossesse. Elle a
constaté que les articles les plus importants du projet de loi avaient
été soit supprimés, soit dénaturés par le
Sénat, et qu'elle proposerait par conséquent, s'agissant
notamment des premiers articles du texte, de rétablir la
rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en
première lecture.
Elle a conclu en regrettant que le Sénat n'ait pas reconnu
l'avancée que représentait ce texte pour la maîtrise par
les femmes de leur fécondité.
M. Claude Huriet, sénateur,
a regretté que la rapporteure
de l'Assemblée nationale n'ait pas mentionné les conclusions du
rapport du Professeur Israël Nisand sur l'IVG en France.
Il a expliqué qu'il avait pris l'initiative d'envoyer un questionnaire
à 219 centres d'IVG, sur les 761 que compte notre pays, afin de
connaître le sentiment des praticiens de l'IVG sur un éventuel
allongement du délai légal.
Il a souligné que les 138 réponses qu'il avait d'ores et
déjà reçues témoignaient des interrogations et des
réserves qu'inspirait à ceux qui aujourd'hui pratiquaient les IVG
le passage à douze semaines de grossesse. Il a indiqué que deux
tiers des centres d'IVG ayant répondu au questionnaire
déclaraient qu'ils ne pratiqueraient pas d'IVG au-delà de dix
semaines de grossesse.
Il a considéré qu'une navette parlementaire aurait permis une
réflexion plus approfondie sur ce texte et aurait, par exemple,
donné le temps de vérifier les enseignements de cette
enquête.
M. Claude Huriet, sénateur,
a cité les propos du
Professeur Nisand dans son rapport, pour qui
" même si la nuance
peut paraître dérisoire aux profanes, les médecins qui se
trouvent contraints de réaliser ces gestes ne souhaitent pas
dépasser ce délai de douze semaines d'aménorrhée.
Près d'un tiers des demandes d'IVG hors délai sont prises en
charge en France au bénéfice du doute sur l'âge
gestationnel. La notion du risque médical augmenté avec
l'âge gestationnel, mais aussi la complexité du geste, sans
compter les situations détestables où " cela se passe
mal " font que la plupart des médecins sont même franchement
hostiles à une modification du délai légal ".
Après avoir regretté que le Gouvernement ait
déclaré l'urgence sur un sujet de société,
M.
Patrick Delnatte, député,
a rappelé que l'opposition
n'avait pas voté ce texte à l'Assemblée nationale. Il a
jugé que les débats du Sénat avaient été
très enrichissants.
Il a souligné que tout le monde était d'accord sur le constat de
l'échec que constituait le nombre élevé d'IVG et les
carences des politiques de prévention et qu'il n'avait jamais
été question de revenir sur la possibilité offerte aux
femmes d'accéder à l'IVG. Il a jugé que le dispositif
adopté par le Sénat était pragmatique et de nature
à apporter une réelle solution aux problèmes
soulevés. Il a déclaré que l'opposition se retrouvait
totalement dans ce dispositif.
M. Guy Fischer, sénateur,
a considéré que la
majorité sénatoriale avait élaboré un
contre-projet, certes cohérent, mais dont le groupe communiste,
républicain et citoyen ne partageait pas les principes. Il a
souligné que son groupe avait toujours été favorable
à ce que les femmes puissent disposer du droit à maîtriser
leur fécondité et que le projet de loi allait dans le sens d'un
plus grand respect et d'une plus grande liberté des femmes.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, députée,
a
remercié le Sénat du travail qu'il avait accompli sur ce texte.
Elle a regretté la déclaration d'urgence qui privait les deux
assemblées du dialogue nécessaire à l'élaboration
d'une loi positive au service des femmes en détresse.
Elle a jugé infiniment regrettable le choix d'allonger le délai
légal de l'IVG et a considéré que la proposition du
Sénat de prendre en charge, dans le cadre de l'interruption de grossesse
pour motif médical, les femmes dépassant le délai de dix
semaines de grossesse était intéressante. Elle s'est
demandé s'il n'aurait pas été nécessaire
d'étendre cette possibilité au motif psychosocial afin de ne pas
exclure du dispositif un certain nombre de femmes. Elle s'est interrogée
sur la portée réelle de la création par le Sénat
d'un Conseil supérieur de l'éducation sexuelle dans la mesure
où existait déjà un Conseil supérieur de
l'information sexuelle dont l'activité était, il est vrai,
particulièrement limitée.
Elle a considéré, en outre, que l'adoption d'un cadre
légal pour la stérilisation des personnes handicapées
était probablement prématurée et aurait justifié
une réflexion plus approfondie.
M. Bernard Perrut, député,
a estimé que le projet
de loi ne résolvait en rien les difficultés des femmes qui
dépassaient le terme du délai légal. Il s'est
félicité de l'initiative prise par le sénateur Claude
Huriet de consulter les établissements qui pratiquaient aujourd'hui les
IVG et a souligné le manque cruel de moyens dont souffraient souvent ces
structures.
Après avoir mentionné le problème que pouvait soulever
l'interférence entre le délai pour le diagnostic prénatal
et le délai de l'IVG, il a fait part des réticences du corps
médical à l'égard d'un éventuel prolongement du
délai. Il a jugé que le Sénat avait apporté au
texte un certain nombre d'améliorations, notamment en
rétablissant le caractère obligatoire de l'entretien
préalable et le contenu du dossier-guide remis à la femme. Il a
considéré, à cet égard, que l'IVG ne pouvait
être un fin en soi et que certaines femmes, mieux informées et
mieux aidées, pouvaient décider finalement de garder leur enfant.
Il s'est félicité de la position adoptée par le
Sénat sur la question de l'accompagnement des mineures en soulignant que
l'IVG n'était pas un acte anodin et qu'il convenait par
conséquent de mettre en place un dispositif qui aille au-delà
d'un simple accompagnement.
Mme Muguette Jacquaint, députée,
a jugé que
l'urgence était justifiée par la détresse que
connaissaient actuellement de nombreuses femmes ayant dépassé le
délai légal. Elle s'est dite convaincue de la
nécessité de moderniser la loi Veil et a jugé que ce
n'était pas aux médecins de décider à la place des
femmes si elles voulaient un enfant ou non.
Mme Danielle Bousquet, députée,
a estimé que ce
projet de loi était bon et a jugé, par conséquent, que la
majorité sénatoriale se rallierait peut-être dans quelques
années à ce texte comme elle se ralliait aujourd'hui à la
loi Veil de 1975.
Elle a souligné que l'Assemblée nationale et le Sénat
reflétaient deux positions antagonistes : l'une considérant
que l'IVG était un droit des femmes et du ressort de leur seule
responsabilité, l'autre qu'il s'agissait d'une simple possibilité
concédée aux femmes. Elle a jugé que les femmes n'avaient
pas à justifier de l'exercice de ce droit que constituait l'IVG.
Elle a fait valoir que l'ANAES considérait que l'allongement du
délai à douze semaines ne comportait pas de risques particuliers
et nécessitait simplement l'apprentissage de techniques
différentes.
Elle a considéré que la position adoptée par le
Sénat sur l'accès des mineures à l'IVG, en introduisant
une responsabilité pénale de l'adulte référent,
revenait à fermer la porte que le projet de loi avait souhaité
ouvrir.
M. Jean-Louis Lorrain, sénateur,
a estimé que certaines
interprétations du rapport de l'ANAES comportaient des
contrevérités.
M. Jean Le Garrec, vice-président,
a fait valoir que la
déclaration d'urgence sur ce projet de loi résultait de la
volonté du Gouvernement de répondre rapidement à un
problème aigu. Il a tenu à rendre hommage au travail remarquable
accompli depuis mars 2000 sur les principales dispositions de ce texte par la
Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes
et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Il a estimé que la réflexion et les débats avaient
été très approfondis et que l'on ne pouvait parler de
précipitation sur cette réforme.
Il a estimé que des accords étaient naturellement envisageables
entre les deux assemblées sur certains articles du texte, mais qu'un
désaccord profond subsistait sur les dispositions essentielles que
constituaient les articles premier et 2.
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué qu'il était
probablement le seul dans cette commission à avoir participé
à la fois aux débats de 1975, 1979 et 2001. Il a ajouté
qu'il avait également participé, en tant que chirurgien, à
la mise en place effective des structures nécessaires à l'IVG. Il
a rappelé qu'il avait, en 1979, en tant que rapporteur à
l'Assemblée nationale de la deuxième loi IVG, souligné que
la question du délai légal n'était pas un problème
moral mais médical.
Après avoir regretté que le travail du Sénat n'ait pas
été suffisamment compris, il a estimé que l'on se trouvait
aujourd'hui dans une impasse pour les femmes dépassant le délai
de dix semaines et que l'on se trouverait demain dans une situation analogue
pour les femmes dépassant le délai de douze semaines. Il a
expliqué que le souci du Sénat avait été d'apporter
une solution concrète à ce problème que ne réglait
en rien le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Il a jugé intéressant le rapport de la Délégation
du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes, mais a souligné qu'il n'avait
été adopté qu'avec une voix de majorité.
M. Claude Huriet, sénateur,
a souhaité connaître le
sort que réserverait l'Assemblée nationale à l'article
additionnel 9 bis, introduit par le Sénat à la suite de
l'arrêt " Perruche " de la Cour de Cassation.
M. Jean Le Garrec, vice-président,
a fait valoir que
l'Assemblée nationale avait débattu à deux reprises de
cette délicate question. Il a indiqué que la commission des
Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale
avait organisé une table ronde sur le sujet le jeudi 29 mars. Il a
souligné que la majorité des personnes auditionnées
considérait qu'il convenait de ne pas légiférer de
manière prématurée et d'être très prudent,
compte tenu de l'extrême complexité du sujet.
La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des
articles restant en discussion.
Elle a abordé l'examen de l'article premier A.
M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat,
a souligné
qu'il s'agissait d'un article de principe très important puisqu'il
faisait de la réduction du nombre des IVG une priorité de
santé publique et qu'il prévoyait que le Gouvernement mettrait en
oeuvre à cette fin les moyens nécessaires à la conduite
d'une véritable politique d'éducation à la
sexualité et d'information sur la contraception.
Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure pour l'Assemblée
nationale,
a estimé que le Sénat, avec cet article
déclaratif et sans portée pratique, se trompait d'objectif et que
la priorité de santé publique était avant tout la
politique de prévention et d'information sur la contraception. Elle
s'est dite en désaccord avec la formulation adoptée par le
Sénat.
La commission mixte paritaire s'est alors prononcée sur l'article
premier A dans le texte du Sénat et l'a rejeté par sept voix
contre sept.
M. Jean Delaneau, président,
a alors constaté que la
commission mixte paritaire n'était pas en mesure d'adopter un texte
commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif
à l'interruption volontaire de grossesse et à la
contraception.