II. LA JORDANIE, UN PÔLE DE STABILITÉ DANS UN ENVIRONNEMENT TROUBLÉ
Dès son accession au trône, le 8 février 1999, Abdallah II a manifesté sa volonté de libéraliser et de démocratiser la Jordanie. Le nouveau souverain doit, cependant, tenir compte du poids des résistances aux changements, de l'influence grandissante du mouvement islamiste et des risques de tensions entre Transjordaniens et Jordaniens d'origine palestinienne.
A. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA RÉFORME ÉCONOMIQUE
Le roi de Jordanie a rapidement exprimé son ambition d'engager son pays sur les voies d'une économie moderne. A cette fin, il s'est d'ailleurs entouré d'un conseil économique consultatif, composé principalement de représentants du secteur privé. Il s'est, en outre, personnellement impliqué dans l'accession de la Jordanie aux technologies de l'information les plus performantes.
Ces orientations supposaient au préalable un assainissement de l'économie jordanienne : soutien de la devise nationale, amarrée au dollar, reconstitution des réserves de change ; réduction du déficit de la balance des biens et services (ramenée de 344 millions de dollars en 1998 à 211 millions de dollars en 1999), en raison de l'amélioration du solde de la balance commerciale et de l'augmentation des revenus du tourisme ; réduction du déficit public (estimé à 7,5 % du PIB en 1999 contre 10,7 % en 1998) et maîtrise de l'inflation.
Sur ces bases, les autorités jordaniennes ont mis en oeuvre des réformes de structures, à travers la relance du processus de privatisation : télécommunications (cession de 40 % de Jordan Telecom à France Telecom), gestion et extension du chemin de fer d'Aqaba afin de faciliter les exportations de phosphates, électricité... Parallèlement, l' ouverture de l'économie jordanienne a été confirmée avec l'objectif de réduction des barrières douanières (de 35 % en juillet 1999 à 30 % au ler trimestre 2000) et l'adhésion, en 1999, à l'Organisation mondiale du commerce. La signature, par la Jordanie, le 30 novembre 1999, de l'accord d'association avec l'Union européenne et, le 25 octobre 2000, d'un accord de libre échange avec les Etats-Unis s'inscrivent dans ce mouvement.
La politique économique du nouveau souverain rencontre, cependant, certains obstacles liés, d'abord, à une conjoncture délicate . La Jordanie connaît depuis plusieurs années une croissance très faible (1,3 % en moyenne annuelle de 1996 à 1999). En 1999, la production agricole, frappée par une sécheresse exceptionnelle, s'est contractée de 10 %. Dans le secteur industriel, l'investissement tend à stagner. Dans ces conditions et malgré les résultats plus satisfaisants enregistrés cette année pour l'agriculture, l'objectif affiché d'une croissance de 3 % en 2000 pourrait ne pas être atteint. Compte tenu d'une croissance démographique de l'ordre de 3,3 % par an, le revenu par habitant reculerait dès lors pour la 5 ème année consécutive. Cette conjoncture pèsera également sur le chômage, aujourd'hui estimé à 27 % de la population active. La situation économique peut ainsi générer certaines frustrations et certaines résistances au changement.
L'économie jordanienne souffre également de faiblesses structurelles liées à l'étroitesse d'un marché intérieur de 4,5 millions d'habitants, à l'enclavement de son territoire dans un environnement instable, à la faiblesse de ses ressources naturelles et de son appareil industriel qui la rend très dépendante de l'extérieur, et au poids de la dette (7,3 milliards de dollars, soit 95 % du PIB).
En choisissant d'ouvrir l'économie de leur pays, les autorités jordaniennes se sont sans doute donné la meilleure chance de surmonter une partie de ces contraintes. Le processus d'adaptation, nécessairement long, pourrait commencer à porter ses fruits à l'horizon 2001-2002. Dans l'intervalle, certaines impatiences risquent de se manifester et de compliquer la mise en oeuvre des réformes.