II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
Dans les
départements d'outre-mer, peut-être plus encore qu'en
métropole, une priorité doit être donnée au
renforcement des moyens destinés à l'exercice des missions
régaliennes de l'Etat.
En effet, les résultats constatés en matière de
sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration
sont loin d'être satisfaisants.
1. L'aggravation de la délinquance
Si on a
pu enregistrer au cours des cinq dernières années
(1994-1998
5(
*
)
) une baisse de
près de 19 % de l'ensemble des crimes et délits
constatés par la police et la gendarmerie dans les quatre
départements d'outre-mer, cette tendance correspond peu à la
réalité car elle résulte essentiellement d'une diminution
de 67 % des délits à la police des étrangers en
Guyane et de la comptabilisation en 1994 de 8.554 faits concernant une
seule affaire de guérisseur en Martinique. Hors ces postes, la hausse
moyenne est de 7 % contre 9,91 % en métropole.
En particulier,
la délinquance de voie publique
(vols à
main armée, vols avec violences, cambriolages, vols de véhicules,
vols à la roulotte et destructions et dégradations)
s'est
globalement accrue de 15,17 % dans les départements d'outre-mer au
cours de cette période.
Les vols à main armée et vols
avec violence ont pour leur part augmenté de 30 % alors que les
crimes et délits contre les personnes s'accroissaient de 54 %
(contre respectivement + 8 % et + 26 % en métropole).
L'évolution de la délinquance présente cependant des
spécificités marquées dans chacun des départements
d'outre-mer.
• La
Guadeloupe
connaît un niveau élevé
d'insécurité qui continue de s'accroître. Le nombre global
des crimes et délits constatés y a augmenté de 1,38 %
en 1998, le taux de criminalité pour 1.000 habitants
s'établissant à 62,85
0
/
00
, soit un
taux supérieur de 1,89
0
/
00
à celui de
la métropole et de 10,73
0
/
00
au taux moyen
des départements d'outre-mer.
A l'exception de l'année 1996, la délinquance a
été en augmentation constante en Guadeloupe au cours des cinq
dernières années, progressant de plus de 10 % sur cette
période.
Les vols à main armée et avec violence sans arme à feu ont
progressé de 23,5 % pour la seule année 1998. Les
crimes et délits contre les personnes ont presque doublé depuis
1994. Après une hausse de 11,87 % en 1997, la délinquance de
voie publique baisse de 6,50 % en 1998 du fait d'une diminution du nombre
des cambriolages et des vols de véhicules ; elle a cependant
progressé de 2,87 % au cours des cinq dernières
années.
• En
Martinique
, après un recul enregistré les
trois années précédentes, le nombre de crimes et
délits constatés a fortement progressé en 1998, avec une
augmentation de 17 %.
Le taux de criminalité, plus faible qu'en Guadeloupe, s'est
établi à 53,9
0
/
00
contre
60,96
0
/
00
en métropole et
52,12
0
/
00
en moyenne dans les départements
d'outre-mer.
Les crimes et délits contre les personnes ont progressé de
près de 29 % depuis 1994, en dépit de la baisse de
9,55 % enregistrée en 1998. La délinquance de voie publique,
en augmentation de 31,12 % sur les cinq dernières années,
s'est accrue de 22,97 % en 1998 du fait de la hausse notable des vols et
des faits de destruction et de dégradation de biens.
• En
Guyane
, le nombre total des crimes et délits
constatés a en revanche baissé de 21,51 % en 1998, cette
baisse prolongeant le mouvement décroissant déjà
observé au cours des deux années précédentes.
Toutefois, l'évolution enregistrée en 1998 découle dans
une large mesure d'une importante diminution des délits à la
police des étrangers, qui se situaient auparavant à un niveau
très élevé et représentent encore 35,69 % des
faits constatés en 1998. Le taux de criminalité y reste
très élevé, s'établissant à
88
0
/
00
contre 60,96
0
/
00
en métropole.
Si la délinquance de voie publique s'est au total stabilisée
depuis 1994 (- 0, 36 %) et a baissé de 9,9 % en
1998, les crimes et délits contre les personnes sont en revanche en
très forte augmentation, de près de 74 % au cours des cinq
dernières années et de 29 % pour la seule année 1998.
• Enfin, à la
Réunion
, le nombre total des
faits et délits constatés s'est accru de 0,81 % en 1998 et
de 2,29 % au cours des cinq dernières années.
Le taux de criminalité, de 36,7
0
/
00
contre
60,96
0
/
00
en métropole, y est le plus faible
enregistré dans les départements d'outre-mer.
Les crimes et délits contre les personnes connaissent une progression
sensible, de 12,37 % en 1998 et de 32,46 % sur les cinq
dernières années. La délinquance de voie publique s'est
stabilisée en 1998 (- 0,57 %) mais a progressé de plus
de 22 % depuis 1994.
Malgré une progression limitée de la délinquance globale
et un taux de criminalité inférieur de plus d'un tiers au taux
moyen métropolitain, on constate à la Réunion un
renforcement du sentiment d'insécurité résultant
notamment du développement de la délinquance juvénile et
des violences urbaines
. Afin de lutter contre ces phénomènes,
un contrat local de sécurité a été signé
avec la commune de Saint-Denis, où a été mise en place une
cellule de veille ; en outre, la gendarmerie a mis en place une brigade de
prévention de la délinquance juvénile.
Au total, malgré des évolutions contrastées de la
criminalité globale, ce bref tableau de la délinquance dans les
départements d'outre-mer fait donc ressortir une progression sensible
des crimes et des délits contre les personnes et de la
délinquance de voie publique.
Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que les statistiques doivent
être interprétées avec prudence, compte tenu du
découragement croissant des victimes dissuadées de porter plainte
par le taux réduit d'élucidation et le nombre élevé
des classements sans suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est
identifié, phénomène que l'on trouve d'ailleurs en
métropole, comme l'a souligné une enquête récente de
l'Institut des hautes études de sécurité
intérieure.
2. Une activité soutenue des juridictions
Les
juridictions des départements d'outre-mer doivent faire face à
une importante augmentation des flux de contentieux, supérieure à
la moyenne nationale
, en particulier en matière civile.
En
Guadeloupe
, le nombre d'affaires civiles nouvelles a progressé
entre 1994 et 1998
6(
*
)
de
12,2 % à la cour d'appel de Basse-Terre et de 19,9 % au
tribunal de grande instance de Pointe à Pitre.
Sur la même période, ce nombre a légèrement
diminué à la cour d'appel de
Fort-de-France
(- 5,6 %) mais s'est accru de 8,6 % au tribunal de grande
instance de Fort-de-France. Il a en outre faiblement décru
(- 2,0 %) au tribunal de grande instance de Cayenne qui dépend
du ressort de la cour d'appel de Fort-de-France.
A la
Réunion
, l'augmentation du flux d'affaires civiles nouvelles
sur cette même période a été particulièrement
forte : + 17,9 % à la cour d'appel, + 13,9 % au
tribunal de grande instance de Saint-Denis et + 41,7 % au tribunal de
grande instance de Saint-Pierre.
Au cours de ces cinq années, le
stock d'affaires civiles en
cours
s'est accru de 6 % à la cour d'appel de Basse-Terre, de
26,8 % à la cour d'appel de Fort de France et de 38,2 %
à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion.
Les
délais moyens de traitement des affaires civiles
restent
néanmoins légèrement inférieurs à la moyenne
nationale pour les cours d'appel qui s'établit à 17,4 mois
en 1998 : 13,6 mois à la cour d'appel de Fort-de-France,
10,3 mois à la cour d'appel de Basse-Terre et 13,1 mois
à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. En revanche, ces
délais dépassent nettement la moyenne nationale dans certains
tribunaux de grande instance : 10,7 mois au tribunal de grande
instance de Fort-de-France et 14,6 mois au tribunal de grande instance de
Pointe-à-Pitre, contre une moyenne nationale de 8,6 mois.
Certaines juridictions doivent également faire face à une
augmentation importante de l'
activité pénale
; ainsi
le nombre d'affaires correctionnelles nouvelles s'est-il accru, entre 1994 et
1998, de 9,6 % au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, de
38,3 % au tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion
et de 33 % au tribunal de grande instance de Saint-Pierre.
Au cours de la mission d'information de la commission des Lois effectuée
en septembre dernier, sous la présidence de M. Jacques
Larché, dans les départements français d'Amérique,
votre rapporteur pour avis a pu constater les difficultés
particulières auxquelles sont confrontées certaines juridictions
de ces départements, du fait de l'insuffisance des effectifs et de
l'exiguïté, voire de la vétusté de leurs locaux. A
cet égard, la situation du tribunal de grande instance de Cayenne,
nécessitant des investissements urgents, lui est apparue
particulièrement préoccupante.
3. La persistance d'une surpopulation carcérale
En
dépit de la mise en service récente de nouveaux
établissements pénitentiaires, on constate encore la persistance
d'une surpopulation carcérale dans les départements
d'outre-mer : au 1
er
janvier 1999, le nombre de
détenus dans les établissements pénitentiaires
s'élevait à 2.682 personnes pour une capacité de
2.144 places, soit un
taux d'occupation de 125,1 %,
supérieur au taux moyen constaté en métropole qui est
d'environ 118 %.
• Aux
Antilles
, malgré la mise en service fin 1996 de deux
nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation
sont encore de 115,1 % en Martinique et 117,9 % en Guadeloupe.
• En
Guyane
, l'ouverture du nouvel établissement de
Remiré-Montjoly a permis de ramener le taux d'occupation à
85,7 % et a donc mis fin à une surpopulation carcérale qui
atteignait le niveau record de 279 % en 1997.
Toutefois, ce nouveau centre pénitencier a fait l'objet, depuis son
ouverture en avril 1998, de plusieurs tentatives d'évasion qui ont
mis en évidence certaines imperfections des structures de
sécurité ; un crédit de 3 millions de francs lui
a donc été affecté fin 1998 afin d'améliorer
la sécurisation des installations. En outre, les dégâts
consécutifs à une mutinerie survenue en juin 1999 au quartier
maison d'arrêt ont entraîné la fermeture de ce quartier et
le ministère de la justice a dû demander l'inscription d'un
crédit de 10 millions de francs en loi de finances rectificative
pour 1999 pour effectuer les travaux de réparation nécessaires
à sa réouverture.
• Enfin, à
la Réunion
, la situation reste
très préoccupante dans les trois établissements
pénitentiaires où les taux d'occupation atteignaient
respectivement, au 1
er
janvier 1999, 152,1 % (Le
Port), 196,7 % (Saint-Denis) et 212,5 % (Saint-Pierre). Cette
situation tend à s'aggraver, la population pénale y étant
en constante augmentation ; ainsi, au
1
er
juillet 1999, on dénombrait 1.128
détenus pour 610 places de détention seulement, soit un taux
moyen d'occupation atteignant 185 % au lieu de 169 % un an plus
tôt, le nombre de détenus s'étant accru de près de
10 %.
L'état de vétusté de la maison d'arrêt de
Saint-Denis, construite en 1876, est fréquemment dénoncé
par les parlementaires de la Réunion. La construction d'un nouvel
établissement destiné à remplacer cette maison
d'arrêt apparaît indispensable et est considérée
comme prioritaire par l'administration pénitentiaire dans le cadre de la
poursuite de la modernisation de son parc immobilier. Mme Elisabeth
Guigou, garde des Sceaux, a récemment annoncé que les
autorisations de programme nécessaires au lancement de cette
opération devraient être inscrites dans le prochain projet de loi
de finances rectificative, pour un montant de 200 millions de francs, le
coût total du projet avoisinant les 450 millions de francs pour un
établissement de 600 places. Cependant, aucune décision
définitive n'a encore été prise quant à
l'implantation géographique de ce nouvel établissement.
En attendant sa mise en service qui ne devrait pas intervenir avant quelques
années, des travaux de rénovation sont actuellement en cours dans
le centre de détention du Port. La réhabilitation d'un quartier
de la maison d'arrêt de Saint-Pierre est en outre envisagée.
4. Le problème aigu du contrôle de l'immigration
Les
départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés
à une importante immigration irrégulière, qui s'explique
largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de
protection sociale considérablement plus élevés que dans
les Etats environnants.
A titre d'exemple, d'après le rapport établi par
Mme Eliane Mossé, le PIB par habitant atteignait, en 1996
13.121 $ en Martinique et 10.531 $ en Guadeloupe, mais seulement
3.642 $ à Cuba, 3.908 $ à la Dominique, 4.540 $ en
République dominicaine, 664 $ à Haïti, 4.322 $
à la Jamaïque et 5.164 $ à Sainte-Lucie. En Guyane
française, il s'élevait à 15.882 $, mais
n'était que de 6.571 $ au Brésil, 2.422 $ au Guyana et
4.809 $ au Surinam
7(
*
)
.
• Les Antilles françaises subissent donc une forte
immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc
caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et
parfois des tensions politiques (Haïti, Sainte-Lucie, La Dominique,
Saint-Domingue...).
En
Martinique
, la population étrangère est
évaluée à 6.500 personnes dont 500 seraient en
situation irrégulière ; 192 mesures de reconduite
à la frontière y ont été exécutées en
1998, ainsi que 24 mesures d'expulsion.
En
Guadeloupe
, la population étrangère est de
21.819 personnes en situation régulière, contre
10.596 en 1996 ; en effet, les mesures de régularisation
intervenues récemment ont permis de réduire la population
clandestine qui serait passée de 20.000 à
10.000 personnes ; 753 mesures de reconduite à la
frontière et 102 expulsions y ont été
exécutées en 1998, dont 365 reconduites à la
frontière pour la seule commune de
Saint-Martin
.
Celle-ci compte, pour une population totale d'environ 35.000 habitants, un
tiers d'étrangers en situation régulière, auxquels
s'ajouteraient environ 5.000 étrangers en situation
irrégulière.
Comme a pu le constater à nouveau la délégation de la
commission des Lois qui s'est rendue sur place en septembre 1999, le
contrôle de l'immigration irrégulière est
particulièrement difficile à Saint-Martin, voire impossible, en
raison de l'absence de frontière matérialisée entre la
partie française et la partie néerlandaise, et de la localisation
de l'aéroport international dans cette dernière zone.
L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au
contrôle des personnes dans les aéroports de Saint-Martin,
ratifié par la France le 20 juillet 1995, aurait certes
dû faciliter l'éloignement des étrangers en situation
irrégulière. Cependant, faute de ratification par le Royaume des
Pays-Bas, cet accord n'est toujours pas appliqué à ce jour.
Cette absence de maîtrise de l'immigration est à l'origine de
sérieuses difficultés économiques et sociales pour la
commune de Saint-Martin car les infrastructures de santé, de
scolarité et de logement sont confrontées à une demande
qui dépasse leur capacité.
Votre rapporteur pour avis souhaite donc qu'une concertation plus approfondie
soit menée avec les Pays-Bas sur ce sujet, en liaison avec l'Union
européenne, afin de parvenir à un contrôle réel de
l'immigration à Saint-Martin.
• La
Guyane
est également confrontée à
une forte poussée migratoire en provenance des pays voisins beaucoup
plus pauvres (Surinam, Brésil, Guyana, Haïti).
Pour une population estimée à 157.000 habitants, on
dénombre environ 20.000 étrangers en situation
régulière, auxquels s'ajouteraient environ 30.000 personnes
en situation irrégulière.
Même si le poids de l'immigration doit être relativisé en
Guyane, compte tenu de l'immensité du territoire et de la faible
densité démographique (moins de 200.000 habitants sur
environ 90.000 km
2
), le phénomène de
l'immigration clandestine pèse sur les dépenses publiques et
contribue à la saturation des infrastructures scolaires, sanitaires et
sociales, ainsi que l'a observé la délégation de la
commission des Lois lors de sa mission d'information du mois de septembre
dernier, notamment à l'occasion de son passage à
Saint-Laurent-du-Maroni, à la frontière avec le Surinam.
L'attention de la délégation de la commission a en particulier
été attirée sur la situation préoccupante de
l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni qui doit notamment assurer un grand
nombre d'accouchements de femmes venues du Surinam.
Or, dans la forêt amazonienne, les longues frontières fluviales
avec le Surinam et le Brésil, sont à la fois facilement
franchissables par les candidats à l'immigration et difficilement
contrôlables par les forces de police ou de gendarmerie.
Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de parvenir
à un contrôle plus efficace des flux migratoires :
- l'effectif total de la DICCILEC a été porté
à 119 agents dont 35 à Saint-Laurent-du-Maroni et un
troisième escadron de gendarmerie a été
déployé à Saint-Laurent-du-Maroni ;
- un centre de rétention a été construit en 1996
près de l'aéroport de Rochambeau ;
- un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique
(plans " Alizé bis " et " Galerne ") a
été mis en place sur les fleuves Maroni et Oyapock, comportant
des patrouilles fluviales et une surveillance des rives.
Ce dispositif de contrôle a permis une progression constante des mesures
de refoulement à la frontière ; en revanche, le nombre de
mesures de reconduites à la frontière tend à diminuer
d'une année sur l'autre, passant de 10.057 en 1996 à 8.366
en 1997 et 6.582 en 1998.
Par ailleurs, il est à noter que le Gouvernement cherche à
développer une politique de coopération régionale sur le
problème de l'immigration clandestine, notamment avec l'Etat d'Amapa au
Brésil ; mais celle-ci semble encore bien timide.
• Enfin, si la Réunion reste aujourd'hui relativement
à l'abri des grands flux migratoires, il n'en est pas de même de
Mayotte
, confrontée à une forte pression migratoire en
provenance des îles composant la République fédérale
islamique des Comores et plus particulièrement d'Anjouan. En effet,
là encore, le niveau de vie est sensiblement plus élevé
que dans les îles voisines. Les dirigeants de l'île d'Anjouan, qui
a récemment fait sécession, ont d'ailleurs exprimé le
souhait d'un rattachement à la France.
Sur une population totale d'environ 130.000 habitants, le nombre
d'étrangers recensés à Mayotte est de
28.300 personnes dont 26.100 Comoriens, auxquels s'ajouteraient 15
à 20.000 étrangers en situation irrégulière
d'origine comorienne séjournant à Mayotte. Au total, les
Comoriens représentent plus du quart de la population de Mayotte.
L'immigration a représenté le tiers de la croissance
démographique de Mayotte au cours de la période 1991-1997,
croissance qui est la plus forte de France avec celle de la Guyane
(+ 5,7 % par an) ; le solde migratoire recensé est de
2.000 personnes par an.
La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur à Mayotte
pour le développement économique, mais aussi pour la
préservation de l'ordre public et des équilibres sociaux.
Face à cette situation, une politique active de contrôle de
l'immigration a été mise en place à Mayotte. L'obligation
de visa préalable pour les ressortissants comoriens se rendant à
Mayotte a été rétablie depuis 1995 et les moyens de
surveillance des côtes ont été renforcés. Ces
mesures ont permis de faire passer le nombre de reconduites à la
frontière de 565 en 1995 à 6.619 en 1997 et 5.664 en 1998 ;
en outre, on enregistre depuis deux ans environ 8.000 départs
volontaires de Comoriens vers les trois îles de la République
fédérale islamique des Comores.
5. La question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires
Par
ailleurs, un autre problème reste toujours pendant s'agissant du
fonctionnement des services de l'Etat, à savoir celui du régime
de surrémunérations des fonctionnaires, dont le coût est
particulièrement élevé alors que sa justification
n'apparaît plus aussi évidente aujourd'hui qu'à l'origine
de sa mise en place.
Les fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements
d'outre-mer bénéficient en effet d'une
rémunération majorée
instituée par un
ensemble de dispositions législatives et réglementaires
anciennes, dont l'application a été étendue à la
fonction publique territoriale ou hospitalière et même
fréquemment aux personnels des organismes parapublics.
En application de la loi du 3 avril 1950, le traitement servi aux
fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer est ainsi
affecté d'un coefficient multiplicateur qui, fixé à
40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, atteint 53 % à
la Réunion (et 65 % à Saint-Pierre-et-Miquelon). Vient en
outre s'ajouter à cette majoration, le cas échéant, le
versement d'une indemnité d'éloignement lorsqu'un
déplacement réel du fonctionnaire a été
occasionné.
Dans certaines collectivités d'outre-mer, les retraites publiques sont
également bonifiées, à un taux fixé à
35 % à la Réunion et à Mayotte et à 40 %
à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Sur la base des travaux menés en 1996 par M. Bernard Pêcheur,
le coût global des surrémunérations peut être
évalué à près de
8 milliards de francs par
an
, dont plus de 4 milliards de francs pour les seuls fonctionnaires
de l'Etat.
Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs
années le coût exorbitant de ce régime de
surrémunérations des fonctionnaires dans les départements
d'outre-mer et tout particulièrement à La Réunion, ainsi
que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement
économique de ces départements.
La question des surrémunérations a par ailleurs été
fréquemment abordée par les nombreux interlocuteurs
rencontrés par la délégation de la commission des Lois au
cours de sa mission d'information dans les départements français
d'Amérique au mois de septembre 1999. En particulier, nombreux ont
été les représentants des collectivités locales
à appeler l'attention de votre rapporteur pour avis sur le coût
élevé des surrémunérations.
Les différents rapports élaborés à la demande du
Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi
d'orientation abordent tous cette importante question et formulent
différentes
propositions de réforme
.
Considérant que le différentiel de prix effectivement
constaté entre les départements d'outre-mer et la
métropole, de l'ordre de 10 %, ne justifie pas le maintien des
surrémunérations à leur niveau actuel, le rapport
établi par Mme Eliane Mossé
8(
*
)
, propose plusieurs pistes de
réforme envisageables : blocage de la partie des
surrémunérations supérieure au différentiel de prix
dans un compte d'épargne, non ou faiblement
rémunéré, récupérable lors du retour en
métropole ou du passage à la retraite ; limitation des
surrémunérations au double du différentiel de prix ;
suppression de la seule indemnité d'éloignement ; ou encore
suppression ou réduction de l'avantage fiscal relatif à
l'impôt sur le revenu
9(
*
)
.
Ce rapport insiste cependant sur la nécessité de procéder
au préalable à une large concertation et de maintenir en tout
état de cause le flux global de prestations publiques
bénéficiant aux départements d'outre-mer.
Le rapport élaboré par M. Bertrand Fragonard
10(
*
)
propose pour sa part de retenir un
scénario basé sur une réduction progressive du taux de
majoration qui serait applicable à la fois aux agents actuellement en
fonction et aux nouvelles embauches.
A l'issue de cette réduction progressive, le coefficient
" cible " atteint en 2007 serait fixé à 1,35 pour la
Réunion et à 1,33 pour les Antilles et la Guyane. L'effort de
réduction ainsi demandé serait de 1,67 % par an à la
Réunion et de 0,7 % aux Antilles et en Guyane mais serait
partiellement compensé par trois mesures d'alignement concernant
différentes prestations applicables en métropole :
alignement des prestations familiales, extension des allocations de logement,
extension de l'indemnité de résidence sur la base du taux
applicable en région parisienne.
Les sommes dégagées par cette réduction des
surrémunérations seraient affectées à des actions
en faveur de l'emploi dans les départements d'outre-mer et seraient
réparties par un comité départemental paritaire comprenant
des représentants de l'Etat et des représentants des
organisations syndicales.
Enfin, le rapport
11(
*
)
établi par M. Claude Lise, sénateur de la Martinique,
que votre rapporteur pour avis a d'ailleurs rencontré au cours de la
mission de septembre dernier, et M. Michel Tamaya, député de
la Réunion, propose une réforme plus limitée.
Considérant en effet que le règlement du problème des
primes de vie chère "
dépasse les seules questions
d'organisation de la fonction publique et nécessite une réflexion
macro-économique d'ensemble
", il se borne dans
l'immédiat à proposer le plafonnement, pour les mutations
à venir, de l'indemnité d'éloignement attribuée aux
agents de catégorie A en service en métropole et recevant
une affectation dans les départements d'outre-mer. Les sommes ainsi
économisées pourraient être affectées à un
fonds spécifique d'aide à la création et au fonctionnement
des PME, notamment pour servir de " relais " dans l'attente des
versements en provenance des fonds structurels communautaires.
Cependant, M. Lionel Jospin, Premier ministre, a
déclaré au cours de son récent voyage aux Antilles que
cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement.
Lors de son audition devant votre commission des Lois,
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a confirmé ces propos, tout en ajoutant que la question
serait néanmoins évoquée dans le cadre des
négociations générales concernant la fonction publique,
par exemple celles portant sur la réduction du temps de travail.