INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent avis est consacré aux crédits alloués
par le projet de loi de finances pour 2000 aux départements d'outre-mer
(Martinique, Guadeloupe, Guyane et la Réunion) et aux deux
collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits alloués aux
territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna,
Terres australes et antarctiques françaises) et à la
Nouvelle-Calédonie faisant pour leur part l'objet d'un autre avis de
votre commission des Lois, présenté par notre collègue
Jean-Jacques Hyest.
Votre commission des Lois a accordé, cette année, une attention
toute particulière aux départements d'outre-mer.
Dans la perspective de la préparation de l'examen du projet de loi
d'orientation annoncé par le Gouvernement, une délégation
de la commission conduite par le président Jacques Larché et
comprenant, outre votre rapporteur pour avis, M. Robert Bret,
Mme Dinah Derycke, M. Pierre Jarlier,
M. Lucien Lanier et M. Georges Othily a en effet
effectué au mois de septembre dernier une mission d'information de douze
jours en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi qu'à Saint-Martin
et Saint-Barthélémy, au cours de laquelle elle a rencontré
de très nombreux interlocuteurs : parlementaires, élus
locaux, membres du corps préfectoral, représentants des chambres
consulaires et des organismes socio-professionnels, magistrats... Afin de
compléter les informations recueillies au cours de cette mission, la
commission a en outre prévu d'organiser prochainement un
déplacement à la Réunion et à Mayotte
1(
*
)
.
Après avoir présenté l'évolution des crédits
consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et
à Saint-Pierre-et-Miquelon, en analysant, au-delà des dotations
propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice, votre rapporteur pour avis concentrera ses
observations sur les domaines relevant plus particulièrement de la
compétence de votre commission des Lois : sécurité,
justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique. Le présent
avis évoquera en outre les apports de l'intégration des
départements d'outre-mer à l'Union européenne, ainsi que
les perspectives d'évolutions institutionnelles ou statutaires qui
devraient notamment être mises en oeuvre par la future loi
d'orientation.
I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER
Seul
l'" Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et financier
consacré aux départements et collectivités territoriales
d'outre-mer " (" jaune " présenté en annexe du
projet de loi de finances) permet d'appréhender dans leur
globalité les moyens budgétaires consacrés d'une part, aux
départements d'outre-mer et d'autre part, aux collectivités
territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, l'ensemble des ministères contribuent à l'effort
financier en faveur de l'outre-mer et les crédits du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer ne représentent que 10,76 % des moyens
budgétaires alloués aux départements et
collectivités territoriales d'outre-mer pour 2000, qui atteignent un
montant total de
46,34 milliards de francs
(dépenses
ordinaires et crédits de paiement).
Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de
ces départements et collectivités se caractérise par une
faible progression des moyens de paiement
(dépenses ordinaires et
crédits de paiement) (+ 2,42 %) et une
légère
régression des autorisations de programme
(- 0,73 %) par
rapport à 1999.
Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission
des Lois s'attachera également à analyser les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice.
Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle
des moyens de paiement et des autorisations de programme de ces
différents ministères destinés aux départements
d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Moyens
de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits
de paiement)
|
1999 |
2000 |
|
||
|
Montant |
Part du total |
Montant |
Part du total |
Evolution en % |
Ensemble des ministères dont : |
45.243,839 |
(100 %) |
46.340,535 |
(100 %) |
+ 2,42 % |
- Outre-mer |
4.564,903 |
10,09 % |
4.987,459 |
10,76 % |
+ 9,26 % |
- Intérieur et Décentralisation |
9.238,751 |
20,42 % |
9.449,768 |
20,39 % |
+ 2,28 % |
- Justice |
533,676 |
1,18 % |
613,955 |
1,32 % |
+ 15,04 % |
(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)
Autorisations de programme destinées aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
|
1999 |
2000 |
|
||
|
Montant |
Part du total |
Montant |
Part du total |
Evolution en % |
Ensemble des ministères dont : |
4.928,519 |
(100 %) |
4.892,619 |
(100 %) |
- 0,73 % |
- Outre-mer |
1.345,120 |
27,29 % |
1.353,500 |
27,66 % |
+ 0,62 % |
- Intérieur et Décentralisation |
1.102,960 |
22,38 % |
1.115,666 |
22,80 % |
+ 1,15 % |
- Justice |
17,427 |
0,35 % |
41,815 |
0,85 % |
+ 139,94 % |
(tableau réalisé à partir des
données
du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)
On observera que la réduction globale des autorisations de programme
destinées aux départements d'outre-mer ne s'explique pas par
l'évolution des contributions des ministères de l'outre-mer, de
l'intérieur et de la justice qui sont en progression, mais par celles
d'autres ministères comme la recherche ou l'équipement qui
marquent en revanche une régression.
1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
Les
dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des
départements et collectivités territoriales d'outre-mer
connaissent une progression marquée (+ 9,26 %) en ce qui
concerne les moyens de paiement qui atteignent près de
5 milliards de francs
pour 2000 ; en revanche, les autorisations de
programme stagnent (+ 0,62 %).
La part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des moyens de paiement
affectés aux départements d'outre-mer, qui avait
déjà été renforcée l'an dernier, continue de
s'accroître, passant de 10,09 % à 10,76 %
2(
*
)
.
Cette progression du budget de l'outre-mer consacrée aux
départements d'outre-mer est très largement destinée au
renforcement des moyens de la politique en faveur de l'emploi et du soutien au
logement social, qui constituent les deux grandes priorités du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, les dotations du
Fonds pour l'emploi dans les départements
d'outre-mer
(
FEDOM
), qui représentent plus du tiers du budget
du secrétariat d'Etat, atteignent un montant total de 2,1 milliards
de francs, en progression de 16,24 % par rapport à 1999.
Ces dotations devraient permettre de financer 58.000 " solutions
nouvelles d'insertion " (contre 56.000 en 1999) dont
35.000 contrats emploi-solidarité, 15.000 contrats d'insertion
par l'activité et 7.500 contrats d'accès à l'emploi.
Elles sont également destinées à financer la poursuite de
la mise en oeuvre des
emplois jeunes
, la création de
3.000 nouveaux emplois jeunes étant prévue pour
l'année prochaine, ce qui portera le nombre d'emplois jeunes outre-mer
à environ 11.000 à la fin de l'an 2000, auxquels s'ajoutent
les emplois d'adjoints de sécurité et d'aides éducateurs
créés respectivement par les ministères de
l'intérieur et de l'éducation nationale.
Sur ce point, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat
à l'outre-mer, a souligné devant votre commission des Lois que
face à la forte expansion démographique de l'outre-mer, un effort
important était fait en faveur de l'insertion professionnelle des
jeunes, alors que les départements d'outre-mer sont confrontés
-rappelons-le- à des taux de chômage très
élevés (soit au 31 décembre 1998, 21,4 % en
Guyane, 28,8 % en Guadeloupe, 30,3 % à la Martinique et
35,7 % à la Réunion).
Après avoir rappelé que même si le taux de natalité
dans les départements d'outre-mer tendait à se rapprocher de
celui de la métropole, les moins de vingt ans y représentaient
35 % de la population, le ministre a en effet précisé que
6,25 % des emplois jeunes étaient mis en oeuvre outre-mer alors que
les tranches d'âge susceptibles d'être concernées par ce
type de mesure d'insertion outre-mer ne représentaient que 3,5 % de
la population cible au niveau national.
D'autre part, les crédits de paiement consacrés à
l'
aide au logement
, après une forte augmentation en 1999,
poursuivent leur progression en 2000 (+ 2,3 % par rapport à
1999), atteignant un montant total de 918 millions de francs. Ces
crédits devraient permettre de financer la construction ou la
réhabilitation de 13.400 logements (11.000 logements neufs et
2.400 logements améliorés), ainsi que d'aider
2.200 familles dans le cadre d'opérations de résorption de
l'habitat insalubre. Ces chiffres sont à comparer au nombre de logements
sociaux existant dans les départements d'outre-mer, évalué
à 78.000 par une enquête récente du CREDOC (sur un
total d'environ 500.000 logements).
Outre les dotations du FEDOM et de la ligne budgétaire unique (LBU)
consacrée au logement, la
créance de proratisation du
RMI
3(
*
)
, fixée
à 861,58 millions de francs pour 2000, en progression de
5,7 %, permettra d'abonder, au titre de l'insertion, les crédits du
logement à hauteur des trois quarts et ceux de l'emploi à hauteur
d'un quart.
Ces actions d'insertion seront enfin complétées par les moyens
destinés au
service militaire adapté
, SMA qui,
initialement créé dans le cadre de la loi du
10 juin 1971 relative au service national afin d'adapter celui-ci
à la situation particulière de l'outre-mer, a été
réformé par la loi du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national et fait désormais appel au
volontariat. Ces moyens atteindront au total 440 millions de francs pour
2000, soit plus de 7 % du budget du secrétaire d'Etat. Le SMA
poursuit ainsi sa professionnalisation avec 600 emplois
créés par transformation de postes d'appelés en 2000,
succédant à 500 autres déjà créés en
1999, cette transformation du SMA devant être achevée d'ici 2002.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l'
action
culturelle
dans les départements d'outre-mer connaissent une forte
augmentation, passant de 3 à 7,2 millions de francs ; ces
crédits serviront notamment à financer le fonds d'aide aux
échanges artistiques et culturels récemment créé
afin de favoriser les échanges des collectivités d'outre-mer avec
la métropole et avec leur environnement régional. Votre
rapporteur pour avis reviendra d'ailleurs sur ce sujet dans le cadre de la
quatrième partie du présent avis.
Enfin, s'agissant des crédits d'investissement, les moyens de paiement
du
Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM)
(section générale), d'un montant de 217,5 millions de francs
pour 2000, en progression de 9,43 %, devraient permettre de financer une
tranche de démarrage des nouveaux
contrats de plan
qui
bénéficient aux départements d'outre-mer au cours de la
période 2000-2006.
Ainsi que l'a souligné M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, au cours de son audition devant
votre commission des Lois, les quatre régions d'outre-mer figurent parmi
les régions les mieux dotées dans la première
répartition des enveloppes financières relatives à ces
nouveaux contrats de plan, avec une enveloppe de 4,527 milliards de francs
(sur un total de 95 milliards de francs), la Guyane se situant au
1
er
rang avec 5.607 F par habitant, la Guadeloupe au
3
ème
rang avec 2.687 F par habitant, la Martinique
au 4
ème
rang avec 2.545 F par habitant et La
Réunion au 6
ème
rang avec 2.185 F par
habitant.
Le ministre a précisé au cours de son audition qu'à
l'issue de la répartition complémentaire devant intervenir
prochainement, l'
enveloppe financière consacrée aux contrats
de plan bénéficiant aux départements d'outre-mer
devrait atteindre
5 à 6 milliards de francs pour la
période 2000-2006
, auxquels viendraient s'adjoindre
21 milliards de francs au titre des fonds structurels
européens
, ce qui représenterait
au total, avec les
concours locaux
, une
masse de 30 milliards de francs
disponible
pour le développement économique de ces départements.
Rappelant que d'importants efforts de développement des infrastructures
de transport avaient déjà été effectués au
cours de la période récente, il a estimé que ces nouveaux
crédits devraient être prioritairement destinés à
des infrastructures consacrées à la protection de
l'environnement, ainsi qu'à des actions de soutien à
l'économie.
Regrettant le retard des investissements consacrés aux infrastructures
touristiques
4(
*
)
eu égard
aux potentialités considérables du développement
touristique des départements d'outre-mer, votre rapporteur pour avis
souhaite pour sa part que les investissements destinés au tourisme
puissent y être renforcés et que cette action s'accompagne d'une
incitation à l'implantation des grands groupes touristiques
privés dans ces départements.
2. Une stabilité de la contribution du ministère de l'intérieur et une progression des crédits du ministère de la justice
•
Les crédits de paiement provenant des
ministères de
l'intérieur et de la décentralisation
, qui
représentent environ un cinquième de l'effort financier global de
l'Etat en faveur des départements d'outre-mer, soit une masse globale de
9,45 milliards de francs pour 2000, sont en légère
progression (+ 2,28 %).
Ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, de
fonctionnement et d'équipement des services déconcentrés,
et surtout à des subventions de fonctionnement et d'investissement aux
collectivités locales.
Ces
dotations aux collectivités locales
sont de deux natures.
D'une part, sont financés par prélèvements sur recettes,
pour un montant total de plus de 4,5 milliards de francs, la dotation
globale de fonctionnement (DGF), la dotation de développement rural
(DDR), le fonds national de péréquation (FNP), le fonds de
compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), la dotation
spéciale instituteurs (DSI).
Les autres dotations aux collectivités locales sont financées par
des crédits figurant au budget du ministère de
l'intérieur ; il s'agit des dotations suivantes : dotation
générale de décentralisation (DGD), dotation
régionale d'équipement scolaire (DRES), dotation
départementale d'équipement des collèges (DDEC), dotation
globale d'équipement (DGE), ainsi que de crédits de mise en
sécurité des écoles.
• En ce qui concerne la contribution du
ministère de la
justice
, on constate une progression sensible des moyens de paiement
(+ 15 %), d'un montant de 614 millions de francs pour
1999 ; les autorisations de programme, qui avaient connu un important
recul au cours des deux dernières années, sont pour leur part en
forte augmentation (+ 140 %), s'élevant à
42 millions de francs, ce qui est cependant encore faible au regard de
l'importance des besoins des juridictions des départements d'outre-mer
que votre rapporteur pour avis a pu constater au cours de sa récente
mission en Guyane et aux Antilles.
Les crédits consacrés à la justice dans les
départements d'outre-mer devraient notamment permettre la poursuite du
renforcement des effectifs
des juridictions et des services de la
protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ainsi, deux créations
d'emplois (un emploi de magistrat et un emploi de greffier) accompagneront la
mise en place de la commission de révision des actes d'état civil
à Mayotte, tandis que les directions départementales de la PJJ
seront dotées de 10 emplois supplémentaires à l'issue
du concours exceptionnel d'éducateurs.
S'agissant des
investissements immobiliers
, sont inscrits sur l'exercice
2000 le financement des études et le lancement du marché de
maîtrise d'oeuvre du palais de justice de Basse-Terre ainsi que les
travaux de modernisation du service de l'état civil à Mayotte. La
construction du nouveau palais de justice de Fort-de-France sera par ailleurs
poursuivie. En outre, il apparaît urgent à votre rapporteur pour
avis que le palais de justice de Cayenne soit réhabilité.