AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'examen du projet de budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA)
pour 2000 suppose non seulement de prendre en compte deux projets de loi (le
projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la
sécurité sociale), mais également les effets de deux lois
votées récemment, la loi portant création de la couverture
maladie universelle et la loi d'orientation agricole.
Une fois de plus, l'opportunité de maintenir un " budget
annexe " en loi de finances est posée. L'existence d'un budget
annexe n'est une condition nécessaire ni de l'autonomie du régime
agricole géré par la Mutualité sociale agricole, ni de
l'existence d'une subvention de l'Etat à ce régime. Le monde
agricole est toutefois attaché à l'existence de ce budget annexe.
Ainsi toute réflexion sur l'évolution de la place du BAPSA devra
reposer sur une concertation étroite et la conviction partagée
qu'un changement de statut juridique ne signifie pas pour autant la suppression
du deuxième régime français de protection sociale. Il
importe également que la qualité de l'information actuellement
disponible sur les prestations sociales agricoles soit conservée
à l'occasion d'une intégration dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale. A cet égard, un
réexamen de la loi organique du 22 juillet 1996, souhaité par
votre commission, devrait permettre d'intégrer le BAPSA, de
manière protectrice, dans la loi de financement.
Le projet de BAPSA pour 2000 comporte une nouvelle mesure de revalorisation des
retraites agricoles les plus faibles, qui s'inscrit dans la suite des efforts
précédents.
Votre rapporteur déplore que le Gouvernement ait décidé,
une fois de plus, d'amender le projet de loi de finances au lieu de
prévoir cette disposition dans le texte initial du projet de loi. Cette
" méthode " est contradictoire avec le " plan pluriannuel
de revalorisation des plus petites pensions agricoles ", dont l'existence
a été affirmée à de nombreuses reprises par le
Gouvernement. Procéder par voie d'amendement a pour conséquence
une perte de lisibilité des documents budgétaires transmis au
Parlement.
Au-delà de ces considérations de forme, il reste à
déterminer les prochaines étapes de cette revalorisation.
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 avait prévu le
dépôt d'un rapport sur les retraites agricoles, qui devait
être déposé trois mois après sa promulgation.
Votre rapporteur regrette que ce rapport n'ait pas été
déposé en temps utile ; sa lecture aurait certainement
éclairé le Parlement pour le vote du BAPSA pour 2000.
I. UN PREMIER BILAN DU BAPSA POUR 1999 : UN LÉGER DÉFICIT
A. L'EXÉCUTION DU BAPSA POUR 1998 ET LES ESTIMATIONS 1999
1. L'exécution du BAPSA pour 1998 : un équilibre fragile
a) Une année marquée par le transfert CSG/cotisations maladie
Pour le
régime agricole, la réforme de la contribution sociale
généralisée (CSG) n'est pas intervenue dans une
période très heureuse, puisqu'une réforme des cotisations
sociales venait de s'achever, visant notamment à permettre la
comparaison de l'effort contributif des agriculteurs par rapport aux autres
catégories socioprofessionnelles.
L'opération de substitution (augmentation du taux de la CSG et baisse du
taux de cotisations maladie) ne permet pas une comparaison aussi directe.
La CSG perçue sur les revenus agricoles est assise sur la même
assiette que les cotisations, mais majorée du montant de ces mêmes
cotisations, tandis que l'assiette de la CSG pour les salariés est
constituée par le salaire brut, diminué de 5 %. Ainsi, l'assiette
CSG porte sur 62,6 milliards de francs en 1998, alors que l'assiette des
cotisations maladie agricoles porte sur 49,2 milliards de francs. Elle est
supérieure d'environ 27 %. Pour calculer un taux de baisse des
cotisations maladie assurant la parité de gain de pouvoir d'achat entre
agriculteurs et salariés en 1998, il aurait fallu multiplier le taux de
baisse prévu par le Gouvernement pour les salariés du
régime général (4,75 points), par le rapport des
assiettes (127/95
1(
*
)
). Le
résultat de ce calcul donne un chiffre compris entre 6,3 et 6,4.
Le Gouvernement a accordé une baisse de 5,5 points des cotisations
maladie aux
agriculteurs actifs
, en compensation de l'augmentation de la
CSG déductible de 4,1 points.
Taux de cotisations en 1998 et en 1999
|
Taux technique |
Complémentaire |
Global |
AMEXA |
8,13 % |
2,71 % |
10,84 % |
Veuvage |
0,10 % |
- |
0,10 % |
AVA sous plafond |
8,445 % |
2,53 % |
10,975 % |
AVA déplafonnée |
1,29 % |
0,25 % |
1,54 % |
AVI |
3,20 % |
- |
3,20 % |
PFA |
4,36 % |
1,04 % |
5,40 % |
La
parité de pouvoir d'achat entre les salariés et les exploitants
agricoles n'a pas été respectée. Le gain
" global " pour ces derniers est estimé entre 0,3 % et
0,6 %, tandis qu'il se situerait pour les salariés au-delà
de 1 %.
La substitution a défavorisé les 300 exploitants les plus
aisés (revenus supérieurs à six fois le plafond de la
sécurité sociale), puisque la cotisation maladie est
plafonnée à hauteur de ce montant, tandis que la CSG n'est pas
plafonnée.
Tranches de revenu par an |
Equivalents en francs |
Effet |
< 800 SMIC |
< 30.328 francs |
très positif |
entre 800 SMIC et le plafond de la sécurité sociale |
entre 30.328 et 164.640 |
neutre |
entre le plafond et 6 fois le plafond de la sécurité sociale |
entre 164.640 et 987.840 |
positif |
> 6 fois le plafond de la sécurité sociale |
> 987.840 |
négatif |
33 % des exploitants ont un revenu inférieur
à
800 SMIC horaires (30.000 francs). Leur gain en pouvoir d'achat a
été important, puisque la cotisation maladie est calculée
sur la base de 800 SMIC, tandis que la CSG est calculée sur le revenu
réel.
La substitution n'a pas été tout à fait équitable,
puisque le gain est proportionnellement plus important pour les tranches hautes
de revenu (comprises entre le plafond de la sécurité sociale et
six fois ce plafond) que pour les tranches moyennes (revenus compris entre 800
SMIC et le plafond de la sécurité sociale).
Pour les
retraités
, la totalité des cotisations maladie,
soit 1,8 point de cotisations techniques et 1 point de cotisations
complémentaires, a été supprimée en compensation de
l'augmentation de 2,8 points de la CSG sur les revenus de remplacement, la
portant à 6,2 % pour les personnes imposées sur le revenu, 3,8 %
pour celles s'acquittant de la taxe d'habitation ou 0 % pour les personnes
non imposables.
Les retraités agricoles exonérés de CSG (une grande
majorité) sont ainsi gagnants, tandis que l'opération est neutre
pour les retraités soumis au taux réduit de CSG (3,8 %).
Par ailleurs,
un certain nombre d'agriculteurs bénéficiant
d'un allégement de cotisations sociales ont perdu cet avantage
différentiel
:
- jeunes agriculteurs ;
- pluriactifs agriculteurs à titre secondaire ;
- agriculteurs à titre principal ayant des activités
accessoires ;
- préretraités agricoles ;
- retraités agricoles bénéficiant de prestations
maladie d'un autre régime ou poursuivant l'exploitation agricole sur
plus d'1/2 surface minimum d'installation (SMI) ;
- conjoints retraités bénéficiant de la seule
retraite forfaitaire ;
- retraités titulaires de majorations de pension pour enfants.
b) Des résultats fragiles
Les
dépenses du BAPSA pour 1998 s'élèvent à 88
milliards de francs
, dont 33,8 milliards de francs de prestations
maladie-maternité-invalidité, 48,7 milliards de francs de
prestations vieillesse et d'assurance veuvage et 4,1 milliards de francs de
prestations familiales.
Ces dépenses sont inférieures de 140 millions de francs au
montant inscrit en loi de finances, principalement en raison de dépenses
d'assurance vieillesse moins élevées que prévu.
Les dépenses du BAPSA en 1998
(en millions de francs)
|
Crédits initiaux |
Dépenses réelles |
Intérêts dus |
220.000 |
171.265 |
Moyens des services (dont restitution TVA) |
4.954.070 |
6.231.285 |
Prestations maladie-maternité-invalidité |
33.755.930 |
33.811.314 |
Assurance veuvage |
12.000 |
12.510 |
Etalement cotisations sociales |
110.000 |
109.941 |
Contribution à la modernisation de l'assurance maladie |
100.000 |
9.644 |
Prestations familiales |
4.085.000 |
4.076.304 |
Prestations vieillesse |
49.041.000 |
48.661.556 |
Contribution étudiants-PAM |
765.000 |
758.999 |
Total hors restitutions TVA |
88.180.000 |
88.041.136 |
Les
recettes du BAPSA pour 1998
s'élèvent à
88 milliards de francs, soit un montant inférieur aux
prévisions de 180 millions de francs.
Le financement professionnel apporte 15,9 milliards de francs au BAPSA en
1998, soit un montant inférieur de 383 millions de francs à
celui prévu en loi de finances initiale.
Le versement de la compensation démographique est supérieur de
873 millions de francs à celui inscrit en loi de finances initiale.
Le rendement des recettes affectées est supérieur de 1,14
milliard de francs. En conséquence, la subvention d'équilibre de
l'Etat a été diminuée de 827 millions de francs.
Les recettes du BAPSA en 1998
(en millions de francs)
|
Loi de finances |
Recettes réalisées |
Cotisations |
16.276.000 |
15.892.895 |
Taxes |
31.037.000 |
32.177.061 |
Compensation démographique |
32.467.000 |
33.339.742 |
Contribution CNAF |
1.565.000 |
1.445.000 |
Subvention budget général |
7.806.000 |
6.979.000 |
FSV |
3.266.000 |
3.245.604 |
FSI |
108.000 |
104.746 |
AAH |
518.000 |
518.000 |
Autres recettes |
142.455 |
142.455 |
Total (taxes nettes) |
88.180.000 |
88.002.821 |
Au total, l'exécution du BAPSA 1998 se solde par un déficit de 38 millions de francs. Le montant en jeu est infime, rapporté aux masses considérées. Mais l'année 1998 était une année exceptionnelle de croissance des recettes. Comme 1997 s'était traduit par un déficit de l'ordre de 500 millions de francs, il aurait été plus logique d'assurer un excédent, en ne diminuant pas autant la subvention d'équilibre de l'Etat. L a trésorerie du BAPSA aurait connu ainsi une amélioration sensible.
2. Les prévisions de réalisations du BAPSA pour 1999 : des recettes et des dépenses en baisse
Les prévisions de réalisation du BAPSA pour 1999 laissent escompter des recettes nettement moins importantes, mais également des dépenses moins élevées que prévu.
Estimation des dépenses du BAPSA 1999
(en millions de francs)
|
1999 LFI |
1999 (estimations) |
Assurance maladie, maternité, invalidité |
33.794 |
33.657 |
Modernisation assurance maladie |
100 |
100 |
Assurance veuvage |
12 |
12 |
Prestations familiales |
3.948 |
4.122 |
Assurance vieillesse |
50.281 |
49.656 |
Etudiants et praticiens |
750 |
781 |
Etalement et prise en charge de cotisations |
100 |
100 |
Intérêts |
220 |
220 |
TOTAL |
89.162 |
88.646 |
L'évolution des dépenses d'assurance maladie
recouvre
des évolutions de sens contraire :
- une révision à la hausse des soins de ville imputables aux
prescriptions ;
- une prévision de régularisation de dotation globale
hospitalière (DGH) plus forte au profit du BAPSA ;
- une révision à la hausse du poste médico-social et une
révision à la baisse des dépenses relatives aux
établissements hospitaliers hors DGH.
Les moindres dépenses constatées en assurance vieillesse
s'expliquent par la surestimation des dépenses liées au minimum
vieillesse. S'agissant de dépenses compensées par le Fonds de
solidarité vieillesse, l'effet de cette surestimation est neutre.
Les recettes seraient inférieures aux prévisions de près
d'un milliard de francs.
Estimation des recettes du BAPSA 1999
(en millions de francs)
|
1999 LFI |
1999 (estimations) |
Financement professionnel |
16.955 |
16.369 |
Taxes |
28.586 |
27.972 |
Sécurité sociale |
38.212 |
38.492 |
Etat |
5.359 |
5.359 |
Recettes diverses |
50 |
50 |
TOTAL |
89.162 |
88.242 |
L'évolution du financement professionnel est particulièrement intéressante.
Estimation des recettes de cotisations BAPSA 1999
(en millions de francs)
|
1999 LFI |
1999 (estimations) |
Cotisations |
12.263 |
11.740 |
Allocations familiales (PFA) |
2.071 |
2.025 |
Retraite forfaitaire (AVI) |
1.666 |
1.625 |
Retraite proportionnelle (AVA) |
4.283 |
3.971 |
Maladie (AMEXA) |
4.182 |
4.058 |
Assurance veuvage |
47 |
47 |
Assurance personnelle |
1 |
1 |
DOM |
13 |
13 |
CSG maladie |
4.428 |
4.393 |
Cotisations de solidarité |
264 |
236 |
TOTAL |
16.955 |
16.369 |
Les
cotisations sont en retrait, en raison principalement de la surestimation des
cotisations de retraite proportionnelle. La loi de finances initiale pour 1999
avait anticipé une application des dispositions de la loi d'orientation
agricole.
Au total, les prévisions d'exécution du BAPSA pour 1999
laissent apparaître un déficit de 400 millions de francs.