B. UN DÉFICIT PRÉOCCUPANT EN APPELÉS ET EN PERSONNELS CIVILS
La
décrue plus rapide que prévue du nombre d'appelés
et la
non-réalisation des objectifs en personnels civils
constituent les deux principaux obstacles à la bonne marche de la
professionnalisation. Le déficit qui en résulte impose d'affecter
à des tâches de soutien des personnels militaires dont ce
n'était pas la vocation. Il limite ainsi la capacité de
projection des forces au moment où celles-ci sont
particulièrement sollicitées pour les opérations
extérieures. Il pèse lourdement sur les organismes de soutien et
de formation, dans lesquels la part des personnels civils et appelés est
la plus forte, au moment où ces organismes sont profondément
restructurés.
Les deux phénomènes ne sont pas de même nature. En ce qui
concerne
les appelés
, il s'agit en quelque sorte de la
réalisation à un rythme trop rapide d'une déflation des
effectifs programmée
jusqu'à la suppression totale des postes
d'appelés en 2002. S'agissant des
personnels civils
, le
phénomène est plus inquiétant car ces derniers, dont le
nombre doit augmenter de plus de 2000 durant la programmation, ont vocation
à constituer une composante permanente et essentielle d'une armée
de terre dont ils représenteront, en 2002, 19,7 % des effectifs.
Lié au
sureffectif global de personnels civils ouvriers au sein du
ministère de la défense
, qui justifie un blocage des
recrutements tant qu'il n'est pas résorbé, et à
l'
échec de la mobilité
, le déficit en personnels
civils constaté dans l'Armée de terre, comme dans les autres
armées, entrave plus durablement le fonctionnement des formations.
Face à ces difficultés qui pénalisent les fonctions de
soutien, l'externalisation de certaines tâches peut constituer une
réponse limitée et bénéficie de moyens
supplémentaires.
1. L'évolution des personnels appelés
Votre
rapporteur s'était félicité, dans son rapport du printemps
dernier, du civisme des jeunes gens soumis aux obligations du service
militaire, puisque la perspective de la suppression de la conscription n'a pas
entraîné d'augmentation du taux d'insoumission et que les
comportements des appelés du contingent au sein des unités est
extrêmement satisfaisant.
Pour autant, la
modification des règles légales de report
d'incorporation
a entraîné un
accroissement du nombre de
sursitaires
dans les tranches d'âge qui demeurent soumises à
l'obligation, qui ponctionne fortement la ressource en appelés et
ramène les incorporations à un niveau inférieur à
celui qui était attendu.
On comptait ainsi, au 1
er
avril 1999, 222 723 titulaires d'un
report pour études ou formation professionnelle, une part croissante de
ces reports étant désormais accordée jusqu'à 26 ans
en vertu de la loi sur le service national.
Au 1
er
juillet 1999, on comptait en outre 35 687 jeunes gens
titulaires d'un contrat de travail à durée
indéterminée ou à durée déterminée
auxquels un report d'incorporation avait été accordé en
vertu de l'article L 5 bis A du code du service national, instauré par
la loi du 28 octobre 1997. Il convenait d'ajouter à ce nombre
près de 15 000 demandeurs en attente de décision et
placés, de fait, en situation de report.
Cette situation se répercute très largement sur l'Armée de
terre qui rassemble à elle seule près de 70 % des appelés.
Evolution des effectifs appelés de l'Armée de terre
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2002 |
Effectifs budgétaires |
132 319 |
111 039 |
89 790 |
67 530 |
44 197 |
0 |
Effectifs réalisés au 1 er juillet |
|
|
|
|
|
|
Le
tableau ci-dessus illustre la
dégradation de la réalisation
des effectifs appelés
qui s'est accentuée au fil des
années. Si l'on s'en tient aux effectifs moyens, le déficit
constaté, de 6 % des postes fin 1998, est passé à
12 % des postes au mois d'octobre et pourrait bien atteindre 16 % des
postes en fin d'année.
Ce déficit touche de manière très variable les formations,
au gré des résultats de chaque incorporation. Il entraîne
des perturbations importantes dans le domaine de la vie courante et pourrait
bien entendu, s'il s'aggrave, affecter le déroulement de la
professionnalisation des unités et altérer les capacités
de projection de l'Armée de terre.
Votre rapporteur souhaite ici rappeler la nécessité
impérative de réaliser à un rythme aussi proche que
possible de celui prévu la diminution progressive du nombre
d'appelés, le respect de ce rythme constituant le gage d'une transition
réussie vers l'armée professionnelle. Une interruption
anticipée de la conscription obligerait à " mettre en
sommeil " une unité élémentaire par régiment,
et ne permettrait plus à l'Armée de terre de répondre aux
missions qui lui sont dévolues, en particulier sur les
théâtres extérieurs.
2. Les personnels civils
Les
personnels civils ont vocation à jouer un
rôle
considérable dans la composante non projetable de l'Armée de
terre
, que ce soit dans la base fixe des régiments, dans les
services de soutien, dans les organismes de formation, dans les organismes
à vocation territoriale ou les camps d'entraînement.
On sait que cette évolution a été engagée sous une
contrainte extrêmement forte puisque les recrutements de fonctionnaires
ont été limités et ceux d'ouvriers pratiquement
inexistants, les postes ouverts dans l'Armée de terre, comme dans les
autres armées, ayant vocation à être pourvus par
mobilité des personnels en sureffectif au sein du Ministère de la
défense, en particulier dans les établissements de la
délégation générale pour l'armement. Cette
mobilité, encouragée par des mesures compensatoires
substantielles mais fondée exclusivement sur le volontariat, a
échoué, tant pour des motifs géographiques qu'en raison de
la réticence des personnels concernés à accepter des
profils de postes peu en rapport avec leur qualification professionnelle
antérieure.
Absence de mobilité et limitation des recrutements externes se sont
conjugués pour creuser l'écart entre les prévisions
d'effectifs et les réalisations.
Evolution des effectifs des personnels civils de l'Armée de terre
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2002 |
Effectifs budgétaires |
31 946 |
32 276 |
32 620 |
32 795 |
32 772 |
33 997 |
Effectifs réalisés au 1 er juillet |
|
|
|
|
|
|
Le
tableau ci-dessus montre qu'au lieu d'augmenter, comme prévu par la loi
de programmation,
le nombre des personnels civils effectivement en poste a
décru
, causant un déficit qui, s'il n'est pas nouveau, en
raison des limitations à l'embauche d'ouvriers d'Etat mises en oeuvre
dès le début des années 1990, tend néanmoins
à s'aggraver.
Ce déficit est particulièrement sensible en région
parisienne, dans les camps d'entraînement, dans les centres d'instruction
élémentaire de conduite, dans les centres territoriaux
d'administration et de comptabilité et dans les unités de l'est
de la France.
Les difficultés de recrutement ont entraîné une
révision à la baisse des effectifs civils pour 2000, alors que
ceux-ci devaient normalement augmenter de 315 postes. On compte ainsi 338
postes de moins que prévu, dont 120 seront compensés par un
recours à la sous-traitance et 103 gageront le financement du
dégagement des cadres ouvriers.
3. L'externalisation des fonctions non opérationnelles
Votre
rapporteur souhaiterait simplement ici rappeler le constat qu'il effectuait
dans son rapport du printemps dernier et relatif à
l'intérêt, mais aussi aux limites, du recours à la
sous-traitance pour pallier l'insuffisance de personnels civils dans des
fonctions essentiellement matérielles.
Le niveau actuel de la sous-traitance dans l'Armée de terre
s'établit à 900 millions de francs (soit 15 % des moyens de
fonctionnement) répartis comme suit :
- location et entretien des immeubles (407 millions de francs),
- transport (100 millions de francs),
- chauffage, eau, électricité (93 millions de francs),
- achat et entretien des matériels (68 millions de francs),
- télématique et informatique (64 millions de francs),
- entretien et formation des personnels (53 millions de francs),
- communication et relations publiques (14 millions de francs).
Pour accompagner la professionnalisation, 25 millions de francs
supplémentaires avaient été alloués en 1998,
répartis entre le nettoyage, des actions de formation des pilotes de
l'ALAT, le gardiennage des emprises libérées et l'enseignement
des langues. En 2000, 32 millions de francs supplémentaires seront
prévus, compensés par des suppressions de postes d'appelés
et de personnels civils.
Incontestablement utile dans un certain nombre de cas, le recours à la
sous-traitance ne saurait être systématisé, en raison des
règles de sécurité et de confidentialité qui
imposent souvent de privilégier l'intervention de personnels de la
défense, et de la nécessité pour la défense
d'entretenir en permanence un certain nombre de fonctions ayant une incidence
directe sur la disponibilité opérationnelle des forces. En
l'absence d'expérience concrète, l'extension de la sous-traitance
doit être menée avec précaution et être
réversible. Afin d'acquérir l'expérience qui lui manque,
l'Armée de terre va externaliser entièrement le soutien d'une
école, d'une garnison, d'un camp d'entraînement et d'un centre
d'instruction élémentaire de conduite. Le résultat de
cette expérimentation donnera les éléments
nécessaires à une éventuelle extension de cette
procédure.
Par ailleurs, votre rapporteur estime que le recours à la sous-traitance
ne saurait en aucun cas se traduire par des réductions d'effectifs de
militaires professionnels, et que les crédits dégagés par
les suppressions de postes de civils ou d'appelés et
transférés aux moyens de fonctionnement devront
impérativement être préservés des remises en cause
budgétaires ultérieures.