C. EVITER UNE AUGMENTATION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Les
groupements à fiscalité propre doivent pouvoir disposer des
ressources nécessaires au financement des compétences qui leur
sont transférées.
En matière fiscale, le présent projet adapte sur deux points le
régime de la taxe professionnelle unique, dans le sens d'une plus grande
stabilité des ressources des structures intercommunales :
- il ouvre aux groupements à taxe professionnelle unique la
possibilité de lever également la taxe d'habitation et les taxes
foncières. On parle alors d'une "
fiscalité mixte
" ;
- il assouplit la règle de "
liaison des taux
" afin de dissocier
l'évolution des recettes fiscale des groupements de celle des recettes
fiscales de leurs communes-membres.
1. La fiscalité mixte : un test pour la responsabilité des élus
Aujourd'hui, les groupements à taxe professionnelle
unique
ont comme seule ressource fiscale (outre, éventuellement, la taxe ou la
redevance d'enlèvement des ordures ménagères et la taxe de
balayage) le produit de la taxe professionnelle.
Les SAN ont cependant un régime à part : ils peuvent lever les
taxes dites "ménages" en cas de difficulté financière
majeure.
Le Gouvernement avait initialement envisagé d'étendre le
régime des SAN à tous les groupements à taxe
professionnelle unique.
Les députés ont modifié l'article 51 du projet
gouvernemental, et sont revenus à la rédaction prévue en
1997 par le projet de loi présenté par le Gouvernement
précédent. Dans la rédaction actuelle du projet de loi,
les groupements à taxe professionnelle pourront, dans tous les cas,
recourir à la "fiscalité mixte", c'est-à-dire percevoir
à la fois la taxe professionnelle et les taxes dites "ménages".
La fiscalité mixte comporte un risque d'alourdissement de la pression
fiscale
4(
*
)
sur les contribuables
de la taxe d'habitation et des taxes foncières, les ménages et
les entreprises, si les communes membres ne baissent pas leurs taux
d'imposition à ces taxes.
En d'autres termes,
si les élus font preuve de responsabilité,
la fiscalité mixte sera neutre pour les contribuables
.
Outre qu'elle permettra de démontrer que les élus locaux sont
responsables en matière fiscale, la fiscalité mixte semble devoir
être acceptée pour plusieurs raisons :
- le régime fiscal de la taxe professionnelle unique s'accompagne du
transfert aux groupements de compétences lourdes. Par conséquent,
il peut paraître hasardeux de soumettre leur financement aux fluctuations
de l'assiette de la taxe professionnelle ;
- sans fiscalité mixte, les groupements à taxe professionnelle
unique dépendront uniquement des impôts acquittés par les
entreprises. Au niveau local, ce rapport de dépendance pourrait
contribuer à placer les élus dans une situation inconfortable ;
- la réforme de la taxe professionnelle intervenue dans le cadre de la
loi de finances pour 1999, qui supprime la part "salaires" de cet impôt
en la remplaçant par une compensation budgétaire partielle, est
souvent perçue par les élus comme la première étape
vers soit une nationalisation de l'impôt, soit sa suppression. Il est
probable qu'une formule d'intercommunalité fondée sur une
ressource unique tronquée, voire menacée, ne rencontrerait pas un
large succès.
- la fiscalité mixte permettra aux groupements dont les ressources
deviendraient insuffisantes de répartir l'effort supplémentaire
demandé aux contribuables entre les entreprises redevables de la taxe
professionnelle et des taxes foncières et les ménages redevables
de la taxe d'habitation et des taxes foncières.
- le mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale (CIF) incite
les communes-membres à baisser les taux de leurs impôts communaux
en cas de transferts de compétences aux groupements : toute baisse des
impôts communaux entraîne, dans le calcul du CIF, une baisse du
dénominateur, donc une augmentation du CIF, donc de la DGF perçue
par le groupement.
2. Le nécessaire assouplissement de la règle de lien entre les taux
la
"déliaison des taux" est une revendication ancienne des élus
locaux. Le principe même de la liaison des taux est contestable puisqu'il
repose sur une suspicion à l'égard des élus locaux.
La déliaison devient une nécessité dans un contexte de
taxe professionnelle unique puisque le taux de la taxe professionnelle,
voté par le groupement, sera "lié" aux taux des trois autres
taxes directes locales, votés par les communes-membres. Par
conséquent, il convient de ne pas rendre l'évolution des
ressources des groupements à taxe professionnelle unique tributaire de
l'évolution des taux pratiqués par leurs communes membres.
Toutefois, la déliaison fait peur aux entreprises, qui craignent
d'être pénalisées par une conséquence de la
déliaison : la possibilité pour les communes d'augmenter la taxe
professionnelle du groupement auquel elles appartiennent sans accroître
les impôts des ménages, donc des électeurs
5(
*
)
.
Ces craintes sont largement infondées, car les élus sont
responsables.
Néanmoins, de nombreuses mesures de ce texte ont été
élaborées de manière à ne pas construire
l'intercommunalité contre ses acteurs, en premier lieu les communes. Par
exemple, les texte prévoit de ne pas réduire la DGF des communes,
même si l'extension des compétences aux groupement se traduira par
une diminution de leurs charges.
Il doit en aller de même des entreprises, desquelles dépend en
grande partie le succès ou l'échec à venir de la taxe
professionnelle unique et qui subiront souvent
une augmentation de leur
pression fiscale à l'occasion du passage à la taxe
professionnelle unique puisque nombre d'entre elles sont installées dans
les communes périphériques, qui pratiquent les taux les plus bas.
Par conséquent, votre rapporteur pour avis est favorable au retour
à la rédaction initiale de l'article 52 du présent projet
de loi, qui comportait un mécanisme permettant de limiter l'augmentation
automatique du taux de la taxe professionnelle en cas d'augmentation des taux
communaux pendant les trois années suivant une baisse de ces taux.
Ce mécanisme permet d'
éviter une augmentation des
prélèvements obligatoires acquittés par les entreprises
sans augmentation parallèle des impôts reposant sur les
ménages
. Il pousse également les communes à fixer le
taux de leurs impôts en fonction d'une gestion prévisionnelle de
leurs besoins, permettant ainsi une plus grande lisibilité pour les
contribuables.
Votre rapporteur pour avis est également favorable à une
harmonisation des règles de liaison des taux applicables aux groupements
à taxe professionnelle unique, qu'ils aient recours à la
fiscalité mixte ou pas. Dans la rédaction actuelle du texte,
lorsque les communes augmentent leurs taux des taxes foncières et de la
taxe d'habitation, la taxe professionnelle augmente plus dans les groupements
à fiscalité mixte que dans les groupements qui ne
perçoivent que la taxe professionnelle unique. Cette disparité
est fiscalement inflationniste.