N°
283
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 mars 1999
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ,
Par M.
Michel MERCIER,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1155
,
1355
,
1356
et T.A.
249
.
Sénat : 220
et
281
(1998-1999).
Collectivités territoriales. |
Mesdames, Messieurs,
Comme le montre dans son excellent rapport notre collègue Daniel
Hoeffel, rapporteur au nom de la commission des Lois, notre pays est
engagé de longue date dans la coopération intercommunale. Ce
processus a connu une accélération depuis la loi du 6
février 1992, relative à l'administration territoriale de la
République.
Au 1er janvier 1999, 1.679 groupements à fiscalité propre
rassemblaient 19.090 communes et plus de 33 millions d'habitants.
Toutefois, les différentes parties de notre territoire ne font pas
toutes preuve du même dynamisme en matière de coopération
intercommunale. En particulier, le monde urbain n'a pas partagé celui du
monde rural .
Fondée sur ce constat, l'architecture du présent projet de loi
repose sur deux principes :
- la coopération intercommunale a tout à gagner à une
rationalisation des formules de coopération intercommunale ;
- le renforcement de la coopération intercommunale en milieu urbain
nécessite des mesures spécifiques.
La simplification était déjà au coeur du projet de loi
présenté au printemps 1997 par M. Dominique Perben, qui a
très largement inspiré le texte qui nous est aujourd'hui
proposé. A terme, le paysage de la coopération intercommunale a
vocation a s'articuler autour de deux types de structures, l'une rurale et
l'autre urbaine.
Dans le projet de loi dit "Perben", les communautés de communes
étaient désignées comme la formule à vocation
rurale. Les communautés urbaines, dont le seuil de création
était porté de 20.000 à 50.000 habitants, avaient vocation
à s'étendre à l'ensemble du monde urbain.
Le projet de loi relatif à la simplification et au renforcement de la
coopération intercommunale conserve ce schéma. Toutefois, pour
les aires de plus 50.000 habitants, les communautés urbaines sont
remplacées par une nouvelle catégorie de groupements à
fiscalité propre, les communautés d'agglomération, dont
les caractéristiques sont proches de celles des communautés de
villes.
Les communautés urbaines
sont, de fait, placées en marge
du processus intercommunal : leur seuil de création est relevé
à 500.000 habitants, de manière à geler le nombre de
groupements appartenant à cette catégorie. Comme les syndicats
d'agglomération nouvelle, l'autre catégorie pionnière en
matière de coopération intercommunale, les communautés
urbaines seront maintenant une catégorie "à part".
La décision de remplacer les communautés urbaines par les
communautés d'agglomération comme formule de
l'intercommunalité en milieu urbain répond à des
motivations financières, le montant moyen par habitant des dotations
versées par l'Etat aux communautés urbaines étant
très élevé. La dotation moyenne par habitant dont
bénéficieront les communautés d'agglomération lui
sera inférieure presque de moitié.
La principale mesure de simplification contenue dans le présent projet
de loi est la
suppression de deux catégories de groupements à
fiscalité propre
, les communautés de villes et les districts,
qui devront se transformer soit en communautés d'agglomération,
soit en communautés de communes.
La portée cette simplification est relative. A ce titre, l'article 61 du
projet de loi, consacré à la composition du comité des
finances locales, est instructif. Aujourd'hui, six représentants de
structures intercommunales siègent au comité, représentant
six catégories : les communautés urbaines, les communautés
de villes, les communautés de communes, les districts, les syndicats
d'agglomération nouvelle (SAN) et les syndicats.
Après l'adoption du projet de loi, les représentants des
structures intercommunales seront sept, et représenteront toujours six
catégories de groupements : les syndicats, les SAN, les
communautés urbaines, les communautés d'agglomération, les
communautés de communes à taxe professionnelle unique et les
communautés de communes à fiscalité additionnelle. Par
ailleurs, la composition du comité des finances locales masque le fait
qu'il existera également des communautés urbaines à taxe
professionnelle unique et des communautés urbaines à
fiscalité additionnelle.
Si la simplification est relative, le texte contient, en revanche, des
dispositions incitant fortement au renforcement de la coopération
intercommunale. Ces mesures ont des conséquences fiscales et
financières, dont l'examen fait l'objet du présent avis.
*
Les
aspects institutionnels du projet de loi ont été examinés
par votre commission des Lois. Celle-ci a fait l'honneur à votre
commission des finances de s'en remettre à elle pour l'examen des
dispositions fiscales et financières du projet de loi, à
l'exception de l'article 61 relatif à la composition du comité
des finances locales.
Votre rapporteur pour avis a inscrit son examen du texte dans le prolongement
des orientations décidées par votre commission des Lois.
S'agissant de la traduction fiscale et financière des dispositions
contenues dans la partie institutionnelle, il vous proposera des amendements
motivés par les deux préoccupations suivantes :
- le renforcement de la coopération intercommunale ne doit pas se
traduire par une augmentation des prélèvements obligatoires ;
- les contraintes financières ne sauraient conduire à la mise en
place d'une intercommunalité à deux vitesses.
I. LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION INTER-COMMUNALE NE DOIT PAS SE TRADUIRE PAR UN ALOURDISSEMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
A. ENCOURAGER UNE PLUS GRANDE INTÉGRATION DES COMPÉTENCES
La
première partie du présent projet de loi, consacrée aux
dispositions de nature institutionnelle, traite très largement des
compétences obligatoires et facultatives des différentes
catégories de groupements. Votre rapporteur pour avis souscrit
totalement à l'analyse de ces dispositions effectuée par notre
excellent collègue Daniel Hoeffel.
Les dispositions de nature fiscale et financière du projet de loi
comportent des mesures incitant les communes à se regrouper et à
mettre en commun leurs ressources et leurs compétences.
Par exemple, à compter de l'entrée en vigueur des dispositions du
présent projet de loi, la dotation de développement rural sera
uniquement versée à des groupements à fiscalité
propre (article 68). De même, les communes ne pourront plus s'opposer
à la perception de la taxe de séjour par le groupement auquel
elles appartiennent (article 55).
Les mesures les plus favorables à l'intégration des
compétences concernent le mode de calcul des dotations versées
par l'Etat aux groupement au titre de leur dotation globale de fonctionnement
(DGF), dorénavant également appelée "dotation
d'intercommunalité".
1. La correction du coefficient d'intégration fiscale
Le
montant de la DGF de chaque catégorie de structures intercommunales est
réparti entre les groupements appartenant à une catégorie
en fonction de leur population, de leur potentiel fiscal et de leur coefficient
d'intégration fiscale
1(
*
)
.
Aujourd'hui, le coefficient d'intégration fiscale (CIF) en
calculé en rapportant le montant des recettes fiscales du groupement au
montant total des recettes fiscales des communes-membres et du groupement. Plus
ce rapport est élevé, plus le groupement est réputé
être intégré. Par conséquent, plus la DGF
perçue par ce groupement est élevée.
Le mode de calcul actuel du CIF a rendu possible le phénomène de
"l'intercommunalité d'aubaine". En effet, un groupement peut
décider de percevoir des recettes fiscales d'un montant supérieur
à celui nécessaire à l'exercice des compétences qui
lui ont été transférées, et reverser ce surplus aux
communes membres. Le CIF de ce groupement sera, en conséquence, plus
élevé, et sa DGF augmentera.
Le CIF actuel reflète donc très imparfaitement la
réalité de l'intégration des groupements. Le projet de loi
y remédie en excluant du CIF la fraction des ressources fiscales
perçues par le groupement qui ne lui sert pas à assurer des
compétences transférées par les communes-membres. Les
dépenses réalisées avec cette fraction des recettes
fiscales sont appelées "dépenses de transfert".
Cette nouvelle définition du CIF permettra une
redistribution des
crédits entre les groupements appartenant à une même
catégorie
, au profit des plus intégrés (dont le CIF
baissera moins que celui des autres) et au détriment des moins
intégrés (dont le CIF baissera plus que celui des autres).
Dorénavant, les groupements seront incités à limiter le
montant de leurs dépenses de transfert, car plus elles
représenteront une proportion importante de leurs dépenses
totales, moins leur DGF sera élevée.
Il seront également incités à intégrer de plus en
plus de compétences afin d'être sûrs que leur coefficient
d'intégration fiscale ne baisse pas par rapport à celui des
autres groupements appartenant à la même
catégorie.
2. La réforme du régime de la garantie
Les
groupements à fiscalité propre sont assurés de percevoir
chaque année une dotation équivalente à un certain
pourcentage de celle perçue l'année précédente. Ce
pourcentage est aujourd'hui de 80% pour les communautés de communes
à fiscalité additionnelle et de 100% pour les autres
catégories de groupements.
Le pourcentage de garantie n'a pas d'influence sur le montant total des sommes
à répartir entre les groupements appartenant à une
même catégorie. Il permet de déterminer quelle proportion
de ces crédits sera être distribuée en fonction des
critères de répartition péréquateurs "classiques"
(population, potentiel fiscal, CIF), et quelle proportion sera automatiquement
reconduite.
La garantie à 100% est donc source de préservation des avantages
acquis. Par exemple, schématiquement, si un groupement était,
à un moment donné, plus intégré que les autres
groupements de sa catégorie, il percevait logiquement une DGF plus
importante. Mais si, depuis, ce groupement n'a fait aucun effort
d'intégration supplémentaire, la garantie à 100%
empêche de dégager les crédits nécessaires pour
avantager les groupements de sa catégorie qui auraient atteint un niveau
d'intégration supérieur au sien.
Le projet de loi aligne toutes les catégories de groupements, à
l'exception des syndicats d'agglomération nouvelle, sur la garantie
à 80%
2(
*
)
.
Néanmoins, il prévoit une
prime aux plus
intégrés
: les groupements dont le CIF est supérieur
au double du CIF moyen de leur catégorie continueront à
bénéficier de la garantie à 100%.