B. L'EFFORT BUDGETAIRE EST D'AUTANT PLUS NECESSAIRE QUE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE A PARFOIS DU MAL A REMPLIR SES MISSIONS.
1. Personnel et organisation administrative.
Des
emplois-jeunes
en soutien de l'activité éducative peuvent
être recrutés dans les associations agissant en lien direct avec
les services. Dans ce cas, les projets sont élaborés localement
par les directeurs régionaux et départementaux de la PJJ. La mise
en commun des moyens avec l'Education nationale et le ministère de
l'Intérieur, qui recrutent respectivement les aides-éducateurs et
les adjoints de sécurité, est recherchée. Dans le secteur
associatif habilité, l'Association française de la sauvegarde de
l'enfance et de l'adolescence a signé en décembre 1997 un
accord-cadre avec les ministères de la Justice et de l'Emploi, visant au
recrutement de 1.000 jeunes en trois ans. Les recrutements effectifs sont
conditionnés par une formation préalable.
L'information statistique
sur l'activité des tribunaux pour
enfants n'est pas suffisamment précise, comme le soulevait
déjà le rapport de M. Michel Rufin en 1996, en raison
de
moyens informatiques insuffisants
. Le problème majeur est
celui de l'articulation entre les statistiques des services de police et les
statistiques judiciaires. Une dizaine de tribunaux pour enfants ont
expérimenté en 1997 les " tableaux de bord
statistiques " (logiciel
AROBASE
). Cette expérimentation
devrait être étendue à l'ensemble des tribunaux pour
enfants, sous réserve pour le quart d'entre eux d'une informatisation
préalable.
Les outils informatiques du parquet et des juges pour
enfants ne sont pas interconnectés
, ce qui crée des
difficultés sérieuses pour la consultation et surtout
l'échange de données.
De manière plus générale, votre rapporteur souhaite que le
ministère de la Justice développe sur son
site internet
,
déjà très performant, une information, destinée aux
jeunes, sur leurs responsabilités civiles et pénales et les
règles qui leur sont applicables.
2. L'ordonnance du 2 février 1945 est insuffisamment appliquée faute de moyens.
En 1997,
le retard d'exécution des décisions de justice touche
7.250 mesures
confiées aux services de la PJJ. 5.400 mesures en
milieu ouvert (
+46%
par rapport à 1996) et 1.850 mesures
d'investigation sont en attente d'exécution. Certaines décisions
de justice deviennent caduques en raison du délai trop long de mise en
oeuvre.
La loi n° 96-585 du 1
er
juillet 1996 modifiant l'ordonnance du
2 février 1945 (articles 5 et 8-2) a introduit la procédure de
comparution à délai rapproché
. Cette
procédure est
peu employée
, car les conditions en sont
rarement réunies (nature correctionnelle des faits reprochés, pas
de nécessité d'investigation, connaissance de la
personnalité et de l'environnement du mineur). Pourtant, il ne semble
pas que la majorité des tribunaux pour enfants présentent
actuellement des délais d'audiencement inférieurs à trois
mois.
La spécialisation
de la police et de la gendarmerie
est en
cours de réalisation. La gendarmerie développe ses brigades de
prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) qui passent
de 10 à 20 en 1998. Les brigades des mineurs de la police nationale, qui
sont compétentes pour les mineurs victimes, verront leurs
compétences étendues au traitement de certains actes commis par
les mineurs notamment en milieu scolaire. La désignation d'un
" référent police-jeunes " devrait permettre de
centraliser les informations départementales sur la délinquance
des mineurs.
La
spécialisation du parquet
des mineurs est elle aussi à
confirmer. Aussi la circulaire de politique pénale du 15 juillet 1998
rappelle-t-elle la nécessité d'une spécialisation d'un ou
plusieurs magistrats du parquet à l'égard des mineurs dans chaque
tribunal de grande instance.
La
spécialisation des avocats
en droit des mineurs est
insuffisante à l'heure actuelle ; pourtant l'article 4-1 de
l'ordonnance de 1945 fait de la présence de l'avocat auprès
du mineur poursuivi une obligation légale, depuis la loi n° 93-2 du
4 janvier 1993 modifiant le code de procédure pénale. La prise en
charge financière de l'avocat par l'aide juridique mérite
d'être revue à la hausse. En ce sens, proposée par votre
commission des Lois, l'extension aux mineurs de l'aide à l'intervention
de l'avocat en matière de médiation pénale a
été adoptée par le Sénat, lors de l'examen en
première lecture du projet de loi relatif à l'accès au
droit et à la résolution amiable des conflits.
3. L'accroissement sensible de la charge de travail.
Les
parquets et les juges pour enfants sont de plus en plus sollicités.
En 1996, les requêtes du parquet en matière pénale
s'élevaient à 42.600, soit une progression de
14,2 %
par
rapport à 1995 ; le nombre de jugements était de 41.500
(+9,3 %) et le nombre d'ordonnances de 15.100 (+28,6 %).
Cet accroissement de la charge de travail est en partie dû aux
modifications législatives sur
la réparation et le traitement
en temps réel des affaires de mineurs
. La réparation
pénale, issue de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant
réforme du code de procédure pénale, constitue une
nouvelle forme de traitement des affaires pénales en milieu ouvert
(article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945). Celle-ci peut
être proposée au mineur par le procureur de la République,
la juridiction chargée de l'instruction ou la juridiction de jugement.
En 1997,
6.050 mesures de réparation
ont été
ordonnées par les magistrats soit une progression de
20,3 %
par
rapport à 1996. La réparation est matérielle (par exemple
le jeune envoie une lettre d'excuse et nettoie le mur qu'il a
«taggé») ou financière. Le traitement en temps
réel par les parquets
a connu un fort développement depuis
la loi n° 95- 125 du 8 février 1995 qui organise la
convocation
du mineur par officier de police judiciaire
(COPJ)
devant le juge
des enfants en vue de sa mise en examen (articles 5 et 8-1 de l'ordonnance du 2
février 1945).
Le service éducatif auprès du tribunal
(SEAT) est
obligatoirement consulté avant toute décision du juge des enfants
au titre de la COPJ, et toute réquisition du parquet en vue de la
comparution du mineur à délai rapproché. Or ces nouvelles
missions s'ajoutent à celles traditionnellement dévolues au SEAT,
lequel établit un rapport écrit sur la situation du mineur et
fait une proposition éducative, est consulté avant toute
réquisition ou décision de placement en détention
provisoire, ou sa prolongation.
L'augmentation des moyens de la PJJ ne se fait pas à travail constant
mais en parallèle avec des missions renouvelées.
Tous secteurs confondus, environ
140.000
jeunes sont pris en
charge
en permanence dans le cadre de la protection judiciaire de la
jeunesse. Le secteur associatif assure près des trois quarts des prises
en charge et 90 % des mesures de placement. Tandis que le secteur public
intervient en priorité pour les jeunes délinquants et les jeunes
majeurs, le secteur associatif réalise l'essentiel de son
activité en assistance éducative. La prédominance du
milieu ouvert dans le secteur public est en partie la conséquence du
grand nombre de mesures en milieu ouvert au pénal, lesquelles
relèvent de la compétence exclusive du secteur public, hormis la
réparation.
L'ampleur de la tâche fait que
le secteur public rencontre des
difficultés à remplir sa fonction d'hébergement
, comme
le souligne, concernant les aspects strictement sanitaires, l'étude
épidémiologique sur l'état de santé des jeunes
suivis par la PJJ, rendue publique par l'Institut national de la recherche et
de la santé médicale (INSERM) en octobre 1998.