N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

INTÉRIEUR :

DÉCENTRALISATION


Par M. Daniel HOEFFEL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 31 ) (1998-1999).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Jean-Jack Queyranne, ministre de l'Intérieur par intérim, et M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, la commission des Lois, réunie le mercredi 24 novembre 1998, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, a procédé, sur le rapport pour avis de M. Daniel Hoeffel, à l'examen des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation, inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

La commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits sous le bénéfice des observations suivantes :

1/ les nouvelles règles proposées par le Gouvernement dans le cadre du " contrat de croissance et de solidarité " ne prennent pas en compte le problème essentiel de l'évolution des charges imposées aux collectivités locales, en particulier sous l'effet de décisions prises unilatéralement par l'Etat et de normes de sécurité dont la mise en oeuvre a trop souvent été prévue dans des délais irréalistes ;

2/ l'indexation des concours de l'Etat sur une partie très limitée de la croissance économique ne traduit pas la contribution majeure que les collectivités locales apportent à celle-ci ;

3/ la réforme fiscale voulue par le Gouvernement met en cause la définition d'un système de financement local qui soit conforme au principe de la décentralisation, fondée sur la libre administration des collectivités locales, et suscite de légitimes interrogations quant à sa conciliation avec la volonté d'encourager le développement d'une intercommunalité de projet fondée sur la taxe professionnelle d'agglomération ;

4/ dans un contexte marqué par une complexité croissante des conditions d'exercice des mandats locaux, le statut des élus locaux doit être adapté aux responsabilités accrues qui leur sont imposées dans le cadre de la décentralisation;

5/ la simplification nécessaire des conditions d'exercice des mandats locaux passe par la poursuite de la codification des textes applicables aux collectivités locales, tout particulièrement par l'achèvement de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales et par une plus grande stabilité des règles juridiques qui concernent ces collectivités ;

6/ les réformes annoncées par le Gouvernement en matière d'intercommunalité et d'aménagement du territoire appelleront une vigilance particulière du Sénat, notamment sur le maintien des nécessaires solidarités entre la ville et le milieu rural, la recherche d'une simplification et d'une souplesse effectives des règles applicables aux groupements de communes, le poids croissant de la DGF des groupements au sein de la DGF communale et le risque d'une complexité accrue de l'organisation territoriale par l'érection des pays en nouvel échelon administratif ;

7/ l'effort en faveur d'une modernisation des préfectures et de l'indispensable déconcentration des services de l'Etat doit être poursuivi et approfondi.

Mesdames, Messieurs,

Les concours de l'Etat aux collectivités locales évolueront en 1999 dans le cadre des nouvelles règles du " contrat de croissance et de solidarité " formalisé à l'article 40 du projet de loi de finances. Faisant suite au " pacte de stabilité " défini par l'article 32 de la loi de finances pour 1996, ces règles devraient régir les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales pendant une période de trois ans.

Les concours de l'Etat s'élèveront à 279,465 milliards de francs dont 20,4 milliards de francs destinés à compenser les effets de la réforme fiscale. La fiscalité transférée atteindra 42,5 milliards de francs.

S'il convient de donner acte au Gouvernement d'avoir maintenu une approche globale et programmée sur trois ans des concours de l'Etat et d'avoir accepté d'intégrer une partie de la croissance économique dans l'évolution de ces concours, force est néanmoins de constater les limites de la démarche retenue. Pas plus que le précédent " pacte de stabilité " dont il reproduit certaines insuffisances, le nouveau " contrat de croissance et de solidarité " ne prend en considération l'évolution des charges imposées aux collectivités locales. En outre, l'indexation très limitée sur la croissance économique ne traduit pas la contribution majeure que lui apportent nos collectivités.

La réforme fiscale -qui pose le problème d'un système de financement local conforme aux principes de la décentralisation- de même que les réformes annoncées par le Gouvernement en matière d'intercommunalité ou d'aménagement du territoire, conduisent à s'interroger sur l'avenir de la décentralisation, grande réforme aujourd'hui à la croisée des chemins. Ainsi, les préoccupations excellemment exprimées au cours des exercices précédents par notre collègue André Bohl, auquel votre rapporteur pour avis tient à rendre hommage, trouvent-elles cette année un écho particulier.

I. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE : UN EFFORT DE MODERNISATION QUI DOIT ÊTRE APPROFONDI

Les crédits consacrés à l'administration territoriale en 1999 s'élèvent à 6,3 milliards de francs , soit une progression de 2,6 % par rapport à 1998.

Votre rapporteur pour avis s'intéressera plus particulièrement aux actions menées en vue de la modernisation des préfectures et d'une déconcentration effective des services de l'Etat, objectif essentiel pour la réforme de l'Etat comme pour la mise en oeuvre efficace de la décentralisation.

A. LA MODERNISATION DES PRÉFECTURES

Les moyens de fonctionnement des préfectures sont stabilisés à 1,6 milliard de francs. On relèvera que leurs tâches se sont sensiblement alourdies avec l'opération de régularisation des étrangers en situation irrégulière, la délivrance des pastilles vertes ou encore celle du nouveau passeport.

Les effectifs réels du cadre national des préfectures seront néanmoins augmentés de 200 emplois au profit en particulier de la résorption de l'emploi précaire et par le recrutement d'agents contractuels d'" assistance technique " chargés de gérer les programmes européens.

Progressant en crédits de paiement (+ 41 %), les moyens réservés à l'investissement immobilier sont maintenus à hauteur de 250 millions de francs en autorisations de programme.

Le régime indemnitaire pour l'ensemble de l'administration territoriale bénéficiera d'une enveloppe en légère augmentation (+ 2,1 %), la priorité étant donnée à la requalification des emplois. En outre, au titre de l'accord salarial du mois de février 1997, certains emplois sont transformés.

Le régime indemnitaire du corps préfectoral devrait, par ailleurs, être refondu par une revalorisation de l'indemnité forfaitaire de représentation et la création d'une indemnité de responsabilité modulée en fonction de l'importance du poste territorial détenu. La Cour des comptes a, en effet, constaté -dès 1992- que les missions du corps préfectoral le plaçaient au sommet de la hiérarchie administrative déconcentrée alors que sa rémunération, et en particulier son régime indemnitaire, le situaient en dessous de beaucoup de chefs de services déconcentrés.

On rappellera qu'au 1er janvier 1998, on comptait 232 préfets dont 109 en poste territorial et 538 sous-préfets dont 428 en poste territorial.

Une réflexion est, en outre, engagée sur le problème des débouchés, compte tenu des difficultés de gestion liées, en particulier, au très petit nombre, voire à l'absence de départs à la retraite dans les prochaines années de préfets en poste territorial.

Enfin, la création de 34 postes de sous-préfets hors classe devraient répondre aux difficultés rencontrées pour assurer un déroulement de carrière normal, un sous-préfet n'accédant à la hors classe, en moyenne qu'après 14 ans de fonctions alors qu'un administrateur civil (corps homologue) y parvient en 9 ans.

La modernisation des préfectures a été engagée depuis le début des années 90, un fonds de modernisation ayant été créé à cette fin au chapitre 37-10 du ministère de l'intérieur.

Doté de 16,7 millions de francs en 1997, il a notamment permis de financer des dépenses liées à l'extension de certaines préfectures, à la prise en compte de charges ponctuelles ou d'achever certains équipements.

En 1998, 15,8 millions de francs ont été consacrés au fonds de modernisation. Ces crédits ont été plus particulièrement utilisés pour l'adaptation des préfectures aux nouvelles technologies de l'information et de communication. 6,7 millions de francs ont notamment été délégués à une vingtaine de préfectures ayant entrepris le câblage de leurs locaux en réalisant des réseaux avec les services déconcentrés.

Pour 1999, avec une enveloppe budgétaire comparable, cet effort en matière d'équipement informatique et de réseau devrait être poursuivi.

Parallèlement, le ministère de l'intérieur a mené un important programme d' investissement immobilier . La rénovation des halls d'accueil a ainsi mobilisé près de 580 millions de francs de 1990 à 1998. Cette opération s'est traduite tant par des restructurations que par des créations à l'issue de la " désimbrication " des locaux des préfectures et de ceux des départements.

Selon les précisions apportées à votre rapporteur pour avis, le ministère de l'intérieur envisagerait, en 1999, un audit du patrimoine immobilier des préfectures qui servirait de base à une programmation pluriannuelle des travaux à réaliser.

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