DEUXIÈME PARTIE :
LE THÉÂTRE
DRAMATIQUE
L'intervention de l'Etat dans le domaine de l'art dramatique
poursuit plusieurs objectifs complémentaires : promouvoir la diffusion
du spectacle vivant et élargir les publics du théâtre ;
encourager la création dramatique et favoriser l'émergence de
nouveaux talents.
Pour assurer ces missions, la direction du théâtre et des
spectacles du ministère de la culture, s'appuie en particulier sur
le
réseau des scènes publiques
.
Des subventions sont directement accordées, d'une part aux six grandes
institutions nationales que sont le conservatoire national d'art dramatique et
les cinq théâtres nationaux (Comédie Française,
théâtre de l'Odéon, théâtre national de
Chaillot, théâtre national de la Colline et théâtre
national de Strasbourg) et d'autre part, au réseau de la
décentralisation dramatique qui se compose des centres dramatiques
nationaux et régionaux ainsi que des scènes nationales.
Le soutien à la diffusion et à la création
passe en
second lieu par l'aide accordée à plus de 600 compagnies
dramatiques indépendantes ainsi qu'au fonds de soutien au
théâtre privé.
Plusieurs dispositifs relatifs à l'écriture et aux auteurs
dramatiques ainsi qu'à l'enseignement de l'art dramatique viennent
compléter les moyens de la politique du théâtre.
I. LA POLITIQUE EN FAVEUR DU THÉÂTRE
A. LES CRÉDITS AFFECTÉS AU THÉÂTRE DRAMATIQUE : UNE PROGRESSION DIFFICILE À ÉTABLIR
1. Les errements de la nomenclature budgétaire
L'opacité de la présentation des crédits
du
ministère de la culture rend impossible, à la seule lecture du
" bleu ", l'identification des crédits consacrés au
théâtre en 1999 et interdit toute mise en perspective par rapport
à 1998.
En effet, les crédits du théâtre sont pour une grande part
inscrits au titre IV (Interventions publiques). Or, les modifications
intervenues dans la nomenclature en 1999 comme en 1998 se sont traduites par
une globalisation des crédits au sein de vastes chapitres
" fourre-tout ". Votre rapporteur a donc été contraint
de se fier aux réponses du ministère de la culture à son
questionnaire, réponses qui, il faut le souligner -pour le regretter-,
sont souvent imprécises.
En effet, en 1998, une modification est intervenue afin de traduire dans la
nomenclature budgétaire la déconcentration des décisions
administratives : deux chapitres distincts ont été
créés au sein du titre IV, l'un consacré aux interventions
culturelles d'intérêt national et, l'autre, aux interventions
culturelles déconcentrées. Parallèlement, l'article
identifiant les crédits consacrés au théâtre au sein
du chapitre 43-50 " Développement culturel " était
abandonné au profit d'articles plus globaux. En 1999, une nouvelle
globalisation intervient. C'est, en effet, au tour des articles 43-20-30 et
43-30-30 relatifs au développement culturel d'être fondus avec les
articles 43-20-20 et 43-30-20 relatifs aux spectacles. Ces chapitres
s'intitulent désormais " développement culturel et
spectacles ", réunissant près 2,19 milliards de francs
consacrés aux opérations les plus diverses.
Cette présentation, certes légitime, aurait dû
s'accompagner d'une amélioration de l'information du Parlement. Or,
force est de constater qu'en raison des nouvelles procédures
déconcentrées, les éléments budgétaires
disponibles lors de l'examen du projet de loi de finances en ce qui concerne la
répartition des crédits du titre IV sont insuffisants pour
permettre un réel contrôle de leur affectation, celle-ci
n'étant en fait définitivement connue qu'au début de
l'exercice budgétaire et le contrôle du Parlement ne pouvant que
s'exercer a posteriori.
Enfin, la fusion des directions du spectacle et du théâtre, d'une
part, et de la musique et de la danse, d'autre part, a compliqué encore
la tâche de votre rapporteur. En effet, les réponses au
questionnaire budgétaire ne distinguent plus les crédits du
théâtre des autres crédits de la nouvelle direction, pour
l'excellente raison que la répartition définitive des mesures
nouvelles proposées en faveur du spectacle vivant ne sera
définitivement arrêtée qu'en début
d'exercice.
2. Les crédits pour 1999
Compte
tenu des difficultés liées à la présentation des
documents budgétaires, il a été très difficile
à votre rapporteur de prendre la mesure exacte de la progression des
crédits consacrés au théâtre, progression qui
résulte de l'effort consenti en faveur du spectacle vivant par le projet
de loi de finances pour 1999.
Les
crédits inscrits en titre III
qui regroupent les subventions
de fonctionnement versées aux cinq théâtres nationaux et au
conservatoire national supérieur d'art dramatique
s'élèveront en 1999 à 359 millions de francs,
en
progression de 2,27 % par rapport à 1998
.
Les
dépenses relevant du titre IV
qui constituent l'essentiel de
la politique du théâtre (aides aux compagnies, soutien au
réseau de la décentralisation dramatique, aides à
l'écriture) s'élevaient à 1 000,7 millions de
francs en 1998. En 1999,
sur les 110 millions de mesures nouvelles qui
bénéficieront à la direction de la musique, de la danse,
du théâtre et du spectacle vivant, 60 millions de francs
devraient être consacrés à la politique du
théâtre
, soit une progression de 6 %, ce qui atteste la
volonté de renforcer les moyens des structures théâtrales.
Néanmoins, l'affectation de ces mesures nouvelles entre les
différentes actions n'est pas encore définitivement
arrêtée et n'a été communiquée à votre
rapporteur qu'à titre indicatif.
En ce qui concerne
les dépenses d'investissement
, elles
s'élèvent pour 1999 à
153,86 millions de
francs
, soit une diminution de 24 % par rapport à 1997.
La dotation inscrite au Titre V s'élève à 33,76 millions
de francs. Ces crédits sont destinés d'une part à
poursuivre les travaux d'aménagement du Centre de réserve du
costume de scène de Moulins (Grand Projet en Région) pour 16
millions de francs ainsi que les travaux de rénovation de la
Comédie Française (8,37 millions de francs) et les travaux de
sécurité du Conservatoire national d'art dramatique
(1,5 million de francs).
Par ailleurs, 7,89 millions de francs ont été prévus pour
les travaux d'aménagement des autres théâtres nationaux,
tandis qu'une autorisation de programme de 11 millions de francs est
inscrite au chapitre 56.91, article 93 (établissement public de
maîtrise d'ouvrage des travaux culturels) pour la première tranche
des travaux d'installation d'un accès décor pour le
théâtre national de Chaillot.
Au titre VI, la dotation pour 1999 s'élève à 109,10
millions de francs (+ 54,7 millions de francs) dont 45 millions
de francs destinés à financer la première tranche de
rénovation et de restructuration du " Cargo " de Grenoble. Les
théâtres nationaux bénéficient d'une subvention
globale d'équipement de 10 millions de francs.
L'enveloppe prévue pour l'aménagement des salles municipales,
scènes nationales, centres dramatiques nationaux et régionaux,
théâtre privé, cirque et arts de la rue atteint
53,10 millions de francs (+ 8,2 millions de francs). Elle
permettra non seulement la poursuite d'opérations déjà
engagées (Théâtre des Bouffes du Nord, Théâtre
de l'Athénée, scènes nationales de Créteil, Nantes,
centres dramatiques nationaux d'Aubervilliers, de St-Denis,
théâtre municipal de Pont-Audemer...), mais également le
démarrage d'opérations nouvelles qui sont en cours de
sélection.
B. LA RÉNOVATION DES MODALITÉS DE L'INTERVENTION DE L'ETAT
1. La poursuite de la déconcentration
Avec le
décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la
déconcentration des décisions administratives, la
déconcentration est devenue un principe fondamental de l'organisation
administrative de l'Etat. Ce texte prévoit, en effet, que les
décisions administratives individuelles entrant dans le champ de
compétences de l'Etat, à l'exception de celles concernant les
agents publics, sont prises par le préfet, cette disposition
étant entrée en vigueur le 1er janvier 1998.
Le décret n° 97-1200 du 19 décembre 1997 qui a
précisé les conditions d'application de ce principe
général pour le ministère de la culture, parachève
un mouvement de déconcentration engagé au sein du
ministère depuis plus d'une vingtaine d'années et dont la
création en 1977 des directions régionales d'action culturelle
(DRAC) a constitué la première étape.
En raison de ses modalités et, en particulier, de l'importance du
soutien au réseau de la décentralisation dramatique et aux
compagnies dramatiques, la politique du théâtre avait vocation
plus que d'autres à se prêter à une déconcentration
des moyens d'intervention de l'Etat. Cette évolution sera achevée
en 1999.
En 1998, l'ensemble des crédits consacrés au réseau des
scènes nationales a été déconcentré, ainsi
que la plupart des crédits affectés à des compagnies et
des festivals, seules trois scènes nationales restant suivies par
l'administration centrale (Guadeloupe, Martinique, Grenoble). Le montant total
des crédits déconcentrés en titre IV (interventions
publiques) a atteint 453,27 millions de francs, soit 46 % du budget
de la direction du théâtre et des spectacles.
En 1999, la déconcentration de l'ensemble du réseau des centres
dramatiques nationaux, à l'exception de ceux situés en
Ile-de-France, marquera l'aboutissement de ce processus. Seules resteront
gérées directement par l'administration centrale les structures
à vocation nationale ou internationale ainsi que les commandes et les
aides à la création attribuées après l'avis de
commissions nationales.
Le rapporteur, s'il s'était félicité de cette orientation
susceptible de rapprocher l'Etat et les organismes subventionnés,
s'était inquiété des modalités de sa mise en
oeuvre. En effet, une déconcentration bien comprise exige un recentrage
de l'administration centrale sur sa mission de conception et d'impulsion que
rend possible un allégement de ses tâches de gestion mais
également le développement d'outils permettant au
ministère d'évaluer les conditions de mise en oeuvre de la
politique culturelle. Sur ce dernier point, force était de constater
que les moyens faisaient défaut, les travaux du service et des
études et prospectives du ministère de la culture n'ayant pas
réellement vocation à y contribuer et les moyens d'inspection du
ministère de la culture étant traditionnellement très
limités. Dans ce contexte, certains craignaient que le processus de
déconcentration se traduise par une dilution du rôle de l'Etat.
En dépit de certaines difficultés rencontrées cette
année qui se sont traduites par un allongement des délais de
versement des subventions, il est encore trop tôt pour tirer des
enseignements définitifs sur l'opportunité de la relance de la
déconcentration dans le domaine du théâtre et sur
l'efficacité avec laquelle le ministère de la culture a
utilisé les moyens dont il dispose pour coordonner l'activité des
DRAC.
Cependant, il faut souligner que les risques d'une politique culturelle
à géométrie variable n'ont pas été
ignorés. C'est, en effet, dans cette perspective que la ministre de la
culture a souhaité relancer la politique contractuelle en la dotant d'un
cadre général précisant les droits et obligations
respectives de l'Etat et des structures culturelles.
Ce cadre général est défini par la
charte des missions
de service public
, qui entrera en vigueur le 1er janvier 1999.
Destinée à clarifier les conditions de l'intervention de l'Etat,
elle fixe les principes généraux définissant :
- les responsabilités des équipes et des structures
subventionnées ;
- les principales règles relatives à la gestion des
établissements assurant des missions de service public ;
- et les règles et obligations qui s'imposent à l'Etat.
Cette charte consacre l'aboutissement du processus de déconcentration et
indique les décisions qui continueront de relever directement du
ministère de la culture, répondant en cela à une des
interrogations formulée l'an dernier par votre rapporteur. Parmi ces
décisions, figurent les décisions concernant les responsables des
structures culturelles : nomination des directeurs d'entreprises artistiques
quand la règle en est posée par les dispositions régissant
leur fonctionnement, ou, dans le cas contraire, agrément
préalable à la nomination des directeurs et des administrateurs.
Par ailleurs, continue à relever directement du ministère
l'approbation préalable à la signature des conventions cadres ou
des contrats d'objectifs liant l'Etat aux structures subventionnées,
décision qui constitue à l'évidence un des moyens
d'orientation les plus significatifs dont dispose l'administration centrale en
ce domaine.
Par ailleurs, elle précise les instruments sur lesquels peut s'appuyer
l'administration centrale pour orienter l'action des DRAC. Certains, comme les
circulaires annuelles d'instructions sur le montant et l'emploi des
crédits déconcentrés existent déjà ;
d'autres sont inédits, à l'image des schémas directeurs
des politiques nationales qui devront être élaborées par
l'administration centrale auxquels répondront de la part des DRAC des
schémas d'action pluriannuels.
Enfin, elle pose le principe général de la contractualisation,
dès lors que l'Etat se lie à un partenaire artistique ou culturel
pour une durée supérieure à un an. Il faut relever que sur
ce point la charte se contente de consacrer une pratique déjà
très largement suivie dans les faits.
Si votre rapporteur approuve les finalités de la charte comme les
principes qu'elle réaffirme (répartition territoriale
équilibrée de l'offre culturelle, liberté des
créateurs et du public, démocratisation de l'accès
à la culture), il souligne que, sous bien des aspects, ses dispositions
demeurent très générales et leurs conditions de mise en
oeuvre très floues, laissant ainsi une large marge d'appréciation
à l'administration centrale et à ses partenaires.
La valeur d'un tel document dépendra donc essentiellement des suites
qu'entendra lui donner le ministère dans ses relations avec les
structures concernées. En effet, au delà de sa dimension
pédagogique, cette charte devra servir de référence
notamment à la rédaction des contrats d'objectifs des
scènes nationales et des contrats de décentralisation des centres
dramatiques.
La redéfinition de la politique contractuelle, fondement de
l'intervention de l'Etat dans le domaine du spectacle vivant, s'accompagne
d'une réorganisation des services centraux du ministère de la
culture.
2. La création d'une direction de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle
Préconisée par la commission de refondation de la
politique culturelle présidée par M. Jacques Rigaud et
annoncée dès l'année dernière par la ministre de la
culture et de la communication, la création d'une direction unique
regroupant les directions du théâtre et des spectacles, d'une
part, et de la direction de la musique et de la danse, d'autre part, a
été opérée par le décret n° 98-841
du 21 septembre 1998.
En dépit du particularisme des professions concernées et des
craintes soulevées par une telle mesure, elle semblait justifiée
par le fait que bien des questions étaient communes à ces deux
directions, qu'il s'agisse des relations avec les troupes ou du partenariat
avec les collectivités territoriales.
Aux termes de l'article 2 du décret n° 98-841 du 21 septembre 1998
précité, les compétences de cette nouvelle direction sont
ainsi définies :
"
La direction de la musique, de la danse, du théâtre et
des spectacles a pour mission, dans toutes les disciplines de la vie musicale,
théâtrale, chorégraphique et, plus
généralement, des arts liés au spectacle vivant, de
favoriser la création et la diffusion, de développer
l'enseignement et les formations, d'encourager l'accès le plus large
possible aux oeuvres et aux pratiques, de protéger et mettre en valeur
le patrimoine. "
Elle est organisée en six services
horizontaux
2(
*
)
.
Votre rapporteur formule le souhait que cette mesure de réorganisation
administrative permette aux services de l'administration centrale de se
consacrer à leurs missions de conception, de coordination et de
contrôle. De même, il espère qu'elle soit de nature à
rendre plus cohérente la politique conduite par le ministère de
la culture dans des domaines comme le développement des enseignements
artistiques ou le soutien à la pratique amateur, qui ne pouvaient que
pâtir de la dichotomie administrative traditionnelle.
Mais, si on peut attendre de la déconcentration comme de la
création d'une direction unique compétente pour l'ensemble du
spectacle vivant une rationalisation des méthodes d'administration, ces
évolutions ne sont pas, à l'évidence, de nature à
faciliter le contrôle du Parlement sur les crédits
consacrés au théâtre.
3. La rénovation de la réglementation relative aux entreprises de spectacles
Le
caractère obsolète de certaines des dispositions de l'ordonnance
n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles avait
été souligné à de nombreuses reprises.
Longtemps attendue par la profession, la rénovation des dispositions de
l'ordonnance a été entreprise, la deuxième lecture du
projet de loi modifiant ce texte devant être inscrite avant la fin de
l'année à l'ordre du jour du Sénat.
La réforme mise en oeuvre tend à moderniser les dispositions de
l'ordonnance sans toutefois remettre en cause le cadre général
institué en 1945. Conservant le régime d'autorisation
fondé sur la délivrance de la licence d'entrepreneur de
spectacles, le projet de loi étend son champ d'application à
l'ensemble du secteur et redéfinit les différentes
catégories de licence afin de les adapter à la
réalité de la profession. Par ailleurs, il vise à faire de
la licence un instrument de contrôle de l'application de la
législation sociale, cet objectif apparaissant particulièrement
opportun pour assurer le respect des obligations des employeurs en
matière de protection sociale.
Cette réforme, dont la légitimité a été
reconnue par votre commission, est le résultat d'une concertation
approfondie avec les professionnels du secteur réunis au sein du Conseil
national des professions du spectacle.
C. LE RÉGIME DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE : VERS DES SOLUTIONS
Le
théâtre dramatique, comme l'ensemble du secteur du spectacle
vivant, se caractérise par une organisation du travail spécifique
fondée en grande partie sur le salariat intermittent. Ce salariat, qui
repose sur des contrats à durée déterminée,
entrecoupés par des périodes de chômage, est par nature
précaire et a justifié la mise en place d'un régime
spécifique d'indemnisation.
Depuis 1985, notamment en raison des difficultés économiques qui
ont frappé les structures du spectacle vivant et qui les ont conduites
à limiter le recours à des troupes ou à des équipes
techniques permanentes, les statistiques sur les intermittents du spectacle ont
fait apparaître une constante progression de leur nombre qui
s'établissait en 1997, tous secteurs confondus, à 67 700.
Sur ce total, le spectacle vivant représentait le tiers des techniciens
et plus de 73 % des artistes relevant de ce statut. Cette augmentation du
nombre des intermittents s'est accompagnée d'une précarité
plus marquée des conditions de travail ; en effet, le nombre des
contrats a augmenté et leur durée s'est réduite, passant
de 24,5 jours en moyenne en 1985 à 8,7 jours en 1994. Le
régime d'assurance chômage prévu par les annexes VIII et X
de l'UNEDIC n'étant financé que par les cotisations des
intermittents et celles de leurs employeurs, ces évolutions ont
contribué à accentuer le déséquilibre structurel de
ce régime. Le montant des recettes et des dépenses de 1997 fait
apparaître que pour un franc collecté, 5,3 francs
étaient dépensés. En effet, 3 610 millions de
francs de prestations ont été versées pour
678 millions de francs d'encaissements, soit un déficit de
2 932 millions de francs.
A la suite de la menace formulée par le CNPF en novembre 1996 de ne pas
reconduire les annexes VIII et X, le gouvernement, reprenant les propositions
formulées par M. Pierre Cabanes, s'est engagé à
mettre en oeuvre des mesures destinées à remédier aux
difficultés structurelles rencontrées par ce régime.
Les mesures destinées à mieux encadrer ce régime portaient
sur :
- une meilleure connaissance du marché réel de l'emploi,
notamment grâce à un croisement des fichiers ;
- la lutte contre l'évasion des charges sociales et le travail
illégal, qui devait se traduire notamment par la création d'un
guichet unique pour la déclaration et le paiement des charges sociales
par les employeurs occasionnels du spectacle vivant qui sont confrontés
en pratique à la complexité des régimes
spécifiques ;
- la rénovation des règles de fonctionnement des entreprises
de spectacles ;
- et la clarification des conditions du recours à des contrats
à durée déterminée -dits contrats d'usage-
grâce à la création d'une commission mixte paritaire
permettant une concertation entre les professionnels du spectacle.
Ces engagements avaient permis la reconduction, en l'état, du
régime prévu par les annexes VIII et X jusqu'au 31
décembre 1998.
Les nouveaux titulaires des ministères en charge de la culture et de la
sécurité sociale, reprenant les engagements pris en 1997 par
leurs prédécesseurs, se sont attachés depuis à
mettre en oeuvre les mesures préconisées.
Des avancées significatives ont été effectuées en
ce domaine. La modification de l'ordonnance des spectacles dont votre
rapporteur a évoqué plus haut la portée est en cours
d'examen par le Parlement. Par ailleurs, la commission mixte paritaire
chargée d'un accord sectoriel interbranche destiné à
limiter le recours au contrat d'usage est parvenue à un accord qui a
été approuvé par l'ensemble des professionnels. Cet accord
s'articule autour de deux axes principaux :
- l'objet du contrat devrait être défini en termes
très précis de façon à faire correspondre la
durée du contrat avec celle de l'activité économique
précaire pour laquelle il a été conclu ;
- une liste limitative établit les emplois et les activités
pour lesquels il est admis de recourir au contrat dit d'usage.
En ce qui concerne la mise en place d'un guichet unique, l'article 6 de la loi
n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre
économique a offert un cadre juridique adéquat au projet d'accord
accepté par les professionnels et les organismes sociaux
concernés.
Votre rapporteur ne peut que se féliciter du résultat des efforts
engagés afin de remédier aux difficultés du système
actuel, qui fragilisaient la situation des artistes et techniciens du spectacle
et qui constituaient, à ce titre, un frein à la création
dramatique.
D. LE STATUT ASSOCIATIF : UNE CLARIFICATION AUX CONSÉQUENCES INCERTAINES
Dans le
domaine théâtral, comme pour l'ensemble des disciplines du
spectacle vivant, nombreuses sont les structures artistiques à exercer
leur activité sous le statut associatif. C'est le cas notamment de
l'ensemble des scènes nationales.
Si ce statut présente certains avantages liés notamment au
régime de création par simple déclaration, il
présente un inconvénient qui tient dans les incertitudes
liées à leur régime d'imposition.
En effet, bien que la loi dispose que les associations à but non
lucratif ne sont pas assujetties aux impôts commerciaux, celles-ci ont
été de plus en plus nombreuses à faire l'objet de
redressements. Les critères d'exonération fixés
voilà plus de vingt ans se sont révélés
inadaptés à l'évolution du monde associatif et sources
d'une insécurité juridique dont les conséquences, comme
l'a rappelé le rapport Goulard, sont particulièrement lourdes
pour les associations.
En effet, à la différence d'une société commerciale
pour laquelle les redressements ne représentent qu'une fraction des
impôts déjà acquittés, une association qui subit un
contrôle et un redressement se voit contrainte de supporter d'un seul
coup la totalité de l'impôt dû au titre des trois
années précédentes.
En outre, pensant de bonne foi n'être pas imposables, elles n'ont pas,
dans la plupart des cas, une comptabilité régulière et ne
sont pas à jour de leurs obligations déclaratives, ce qui les
place dans la situation de la taxation d'office, alors qu'elles n'ont pas les
moyens la plupart du temps de prouver que les bases d'imposition retenues par
l'administration fiscale sont exagérées.
Afin de remédier à ces situations, une instruction fiscale du
15 septembre 1998 prise à la suite du rapport remis au Premier
ministre par M. Guillaume Goulard a précisé les
critères d'application du caractère " non lucratif " de
ces associations.
L'instruction réaffirme le principe selon lequel les organismes non
lucratifs ne sont pas soumis aux impôts commerciaux et précise les
méthodes d'analyse et les conditions dans lesquelles sera
apprécié le caractère non lucratif de leur activité.
Le caractère non lucratif doit être apprécié au
regard :
- de la gestion désintéressée de l'organisme ;
- et de son activité, qui ne doit pas concurrencer celle
d'entreprises commerciales. Si l'association intervient dans un domaine
où existent des entreprises commerciales -ce qui est souvent le cas en
matière culturelle, notamment en matière de spectacle vivant- le
caractère non lucratif de son activité sera
apprécié au regard du produit proposé, du public
visé, des prix pratiqués et des moyens de publicité
utilisés. Ces critères sont définis de manière
assez stricte et, dans bien des cas, il est vraisemblable que leur application
entraînera l'assujettissement des associations aux impôts
commerciaux.
Afin de mettre un terme à l'insécurité qui
résultait pour les associations de l'inadaptation des critères
antérieurs, quatre mesures ont été prises :
- un correspondant " association " sera désigné
dans chaque direction départementale des services fiscaux ; il aidera
les associations et ses réponses seront opposables à
l'administration ;
- les redressements en cours seront abandonnés, à condition
que les impositions non payées ne soient pas devenues définitives
et que les associations concernées soient de bonne foi ;
- les associations existantes auront jusqu'au 31 mars 1999 pour se
conformer aux nouvelles dispositions. Ainsi, les associations de bonne foi ne
pourront voir leur caractère non lucratif remis en cause pour la
période antérieure au 1er avril 1999 ;
- enfin, pour les associations créées après le
1er avril 1999 et qui interrogeront l'administration, l'assujettissement
aux impôts commerciaux ne prendra effet qu'à compter de la date de
la réponse de l'administration.
La clarification du régime fiscal des associations s'accompagne
également de mesures destinées à limiter les
conséquences de l'assujettissement aux impôts commerciaux. Ainsi,
l'article 73 du projet de loi de finances pour 1999 prévoit la
possibilité pour les collectivités territoriales de porter de 50
à 100 % l'exonération de la taxe professionnelle qu'elles
peuvent décider au profit d'associations du secteur culturel. Cette
exonération concerne notamment les théâtres et les
compagnies itinérantes.
Quelles seront les conséquences de ce nouveau régime
fiscal ? Les " mesures transitoires " d'apurement du
passé qui ont accompagné la publication de l'instruction fiscale
du 15 septembre 1998 sont incontestablement très positives, et
"sauveront " sans doute beaucoup d'associations, menacées de
redressements qui leur auraient sans doute été fatals.
Mais, pour l'avenir, une lecture pessimiste de l'instruction s'impose.
L'application des critères qu'elle définit se soldera en effet
par l'assujettissement aux impôts commerciaux de nombreuses associations
culturelles ayant une activité dans le domaine du théâtre.
Les exemples d'application du nouveau régime fiscal des associations
obligeamment donnés par l'administration des finances suffisent à
le démontrer : ainsi, une compagnie de théâtre
itinérante qui ne se produit pas exclusivement en des lieux où
n'existe aucune activité théâtrale, dont les
représentations sont ouvertes au public en général, dont
les tarifs sont similaires à ceux des théâtres
privés, et qui assure la publicité de ses représentations
par des annonces dans la presse locale ou par voie d'affiche sera
imposable."
Or, les mesures d'accompagnement ne suffiront pas à compenser le
coût pour les associations de l'assujettissement aux impôts
commerciaux. L'application de l'instruction se traduira donc vraisemblablement
pour les associations par des difficultés financières qui posent,
pour celles qui sont subventionnées, la question d'une éventuelle
augmentation du montant des concours publics dont elles
bénéficient. Pour les associations qui sont étroitement
liées aux collectivités locales, ces difficultés
constitueront une incitation supplémentaire à la création
d'un statut juridique plus adapté et plus clair qui pourrait être
celui de l'établissement public local dont la création avait
été préconisée par la commission
présidée par M. Jacques Rigaud.