L'organisation de la francophonie est bipolaire. La répartition des
compétences au sein du gouvernement organise la politique francophone
autour de deux pôles : la francophonie intérieure et la
francophonie extérieure.
La francophonie intérieure regroupe les actions qui concourent à
la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la langue
française, et notamment à l'application de la loi Toubon relative
à la langue française. Ces missions sont du ressort du ministre
de la culture et de la communication, Mme Catherine Trautmann, qui dispose pour
cela de la délégation générale à la langue
française.
La francophonie extérieure comprend les actions tendant au rayonnement
de la francophonie dans le monde, et en particulier la politique de
coopération avec les organismes internationaux à vocation
francophone. Ces actions dépendent du ministère des affaires
étrangères qui délègue cette compétence au
secrétariat d'Etat à la coopération et à la
francophonie, disposant pour cette mission du concours des services du
ministère des affaires étrangères. On assiste dans ce
domaine à une évolution, non encore parfaitement mesurable,
liée au changement de titre et de compétences du
" secrétaire d'Etat à la francophonie ", et surtout,
à l'importante réforme des services du ministère des
affaires étrangères, qui se traduit notamment par la
création d'une nouvelle direction générale regroupant la
direction générale aux relations culturelles, scientifiques et
techniques, la direction du développement et le service de la
coordination géographique.
1. Du secrétariat d'Etat à la coopération au ministère délégué chargé de la coopération et de la francophonie
Lors de
la constitution du gouvernement de M. Lionel Jospin, la compétence en
matière de francophonie a été attribuée au ministre
des affaires étrangères et exercée par
délégation par le secrétaire d'Etat à la
coopération, dont le décret d'attribution précise en son
article 2 que : "
le secrétaire d'Etat à la
coopération, sous l'autorité du ministre des affaires
étrangères, exerce par délégation de celui-ci les
attributions de ce dernier relatives à la francophonie et à la
politique de coopération avec les organismes internationaux à
vocation francophone
".
Pour la première fois depuis 1986, date de création du premier
secrétariat d'Etat à la francophonie, la francophonie
n'apparaissait plus dans le titre d'un des membres du gouvernement. Votre
rapporteur avait vivement déploré ce choix regrettable, qui
rendait peu lisible la politique francophone du gouvernement, en une
année de Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le
français en partage.
En outre, le rattachement de la francophonie à la coopération
semblait contestable, les pays appartenant à la francophonie ne se
confondant pas avec les pays " du champ " relevant de la
coopération.
Le décret n° 97-1117 du 3 décembre 1997 a
complété le titre du secrétaire d'Etat à la
coopération afin de mentionner expressément sa compétence
en matière de francophonie.
Cependant, les attributions du " secrétaire d'Etat à la
coopération et à la francophonie " demeuraient
inchangées.
En mars 1998, le secrétariat d'Etat à la coopération et
à la francophonie a été remplacé par un
ministère délégué à la coopération et
à la francophonie. Le décret d'attribution du ministre
délégué précise qu'il "
(...)
prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement en matière
de coopération culturelle, scientifique et technique et de
coopération au développement avec les pays
étrangers.
" (article 1 du décret n°98-175 du
16 mars 1998). Le ministre délégué reçoit donc
compétence dans le domaine des relations culturelles, scientifiques et
techniques.
2. La réforme des services du ministère des affaires étrangères
A partir du 1er janvier 1999, les moyens humains et matériels ainsi que les crédits de la coopération et des affaires étrangères seront rassemblés en un budget unique, pour constituer " un pôle diplomatique unique " selon les termes du ministre des affaires étrangères. Les services des affaires étrangères et de la coopération seront donc unifiés, ou réorganisés pour prendre en compte cette nouvelle situation.
a) Le service des affaires francophones
Le service des affaires francophones demeurera à disposition du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, conformément à l'article 3 du décret du 16 mars 1998 précité. La constitution d'un ministère délégué à la coopération et à la francophonie auprès du ministre des affaires étrangères ne modifie pas les compétences du service des affaires francophones, mais influe sur son rattachement. Alors qu'il est actuellement un service de la direction générale des affaires politiques et de la sécurité, il devrait être rattaché directement au secrétaire général du ministère des affaires étrangères à partir du 1er janvier 1999.
b) La nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement
La
réunion des services du ministère des affaires
étrangères et du ministère délégué
à la coopération et à la francophonie doit entraîner
au 1
er
janvier 1999 la substitution d'une direction
générale de la coopération internationale et du
développement (DGCID) à deux services de la rue Monsieur, la
direction du développement et le service de la coordination
géographique, et à la direction générale des
relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST) du Quai d'Orsay. La
DGCID devrait être placée sous la responsabilité du
ministre délégué à la coopération et
à la francophonie et entrera en activité le 1er janvier 1999.
Conformément à la volonté du gouvernement, elle a
été construite autour de trois objectifs :
- une vocation mondiale de la coopération française,
gérée par une seule direction centrale ;
- une rationalisation des structures administratives, augmentant tout
à la fois leur capacité opérationnelle,
prévisionnelle et d'évaluation ;
- une capacité de mobilisation accrue de la société
française autour de la coopération.
La DGCID compte cinq directions et deux missions. Le schéma retenu
distribue d'abord entre quatre directions les grands blocs de
compétences qui identifient la coopération française dans
le monde : la direction du développement et de la coopération
technique, la direction de la coopération culturelle et du
français, la direction de la coopération scientifique,
universitaire et de recherche, et la direction de l'audiovisuel
extérieur et des techniques de communication. Par ailleurs, une
direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation
rassemble un service de la coordination géographique et un service de
programmation des moyens, de contrôle de gestion et d'analyse des
résultats.
Deux missions auprès du directeur général de la DGCID
organisent respectivement les relations de la DGCID avec la coopérations
multilatérale et sa relation avec les acteurs non-étatiques de la
coopération internationale (collectivités territoriales,
organisations non gouvernementales -ONG-, et organisations de solidarité
internationale).
3. La répartition des compétences au sein du ministère des affaires étrangères est-elle optimale pour la francophonie ?
•
Les services du ministère délégué à la
coopération et à la francophonie et du ministère des
affaires étrangères seront regroupés à partir du
1
er
janvier 1999, ce qui permettra de placer la politique
étrangère sous l'entière autorité du ministre des
affaires étrangères. Votre rapporteur approuve cette situation
qu'il avait appelée de ses voeux. La mise en place d'un outil
diplomatique français unique permettra que l'expression de la
présence française dans le monde ne soit pas
éclatée en différents pôles. Il faudra cependant
veiller à s'assurer que cela ne conduise pas à la dispersion des
capacités d'expertises indéniables de la coopération, ni
à la dilution des objectifs de tolérance et d'ouverture qui
caractérisent la francophonie.
Le ministère délégué à la
coopération et à la francophonie sera désormais
compétent, si la DGCID est effectivement placée sous sa
responsabilité, comme l'ont confirmé
M. Hubert Védrine et M. Charles Josselin lors de leur
audition le 5 novembre dernier devant votre commission, en matière de
relations culturelles extérieures et d'audiovisuel extérieur.
Votre rapporteur souhaite que cette organisation permette d'assurer un
véritable " pilotage politique " de l'action culturelle
extérieure.
• Votre rapporteur note cependant que la nouvelle organisation
gouvernementale ne correspond toujours pas à une répartition
optimale des compétences au sein du ministère des affaires
étrangères.
Le ministre délégué à la coopération est
également en charge de la promotion de la francophonie. Ce choix peut
certes présenter l'avantage d'instaurer une forte cohérence entre
les actions de coopération et la promotion de la francophonie.
Cependant, il comporte aussi le risque d'identifier la francophonie aux pays du
champ, et comme en a témoigné la tenue du septième Sommet
de la francophonie à Hanoi, au coeur de l'Asie du sud-est, ou le
rôle majeur que jouent nos partenaires québécois au sein
des organisations francophones, la francophonie s'inscrit dans une
géographie autrement plus vaste que celle des pays du champ.
Votre rapporteur propose donc de prolonger la réorganisation de la
politique extérieure française en plaçant auprès du
ministre des affaires étrangères un ministre
délégué aux affaires européennes, un ministre
délégué à la coopération et un ministre
délégué à la francophonie et à l'action
culturelle extérieure.
Il faut noter que la conférence interministérielle de la
coopération internationale et du développement (CICID) fixera
avant la fin de l'année le périmètre de la zone de
solidarité prioritaire (ZSP) qui remplacera la liste des pays du champ.
Il est donc difficile aujourd'hui de comparer la liste des pays francophones
avec la liste des pays admis dans la ZSP. Alors que M. Josselin a
souligné que la France veillerait à renforcer la
complémentarité entre la coopération bilatérale et
son engagement dans la francophonie, il a annoncé que le critère
principal pour la définition de la ZSP sera celui du
développement : tous les pays francophones n'auront donc pas vocation
à y être inclus.
Votre rapporteur s'interroge sur la cohérence d'une telle politique. En
effet, il semblerait que certains pays membres de la francophonie
multilatérale et jusqu'alors inscrits sur la liste des pays du champ ne
soient pas réinscrits sur la liste de la ZSP : les îles Dominique
et Sainte Lucie (petites Antilles). De même, la Moldavie et la Roumanie,
membres de la francophonie multilatérale, la Macédoine et
l'Albanie, observateurs dans la francophonie multilatérale,
n'entreraient pas dans la future liste de la ZSP. Dans le même temps, la
ZSP en cours de définition pourrait s'étendre à des pays
comme, l'Afrique du Sud, la Turquie, voire l'Inde, alors que les moyens
financiers de la coopération diminuent.