Avis n° 87 (1996-1997) de M. Philippe NACHBAR , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 28 novembre 1996

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N° 87

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

CULTURE

Par M. Philippe NACHBAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Jean-Pierre Lafond, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A . 590.

Sénat : 85 et 86 (annexe n° 9) (1996-1997).

Mesdames, Messieurs,

L'analyse du budget de la culture pour 1997 appelle des appréciations contrastées. Si l'on doit se féliciter de la préservation des moyens affectés à la création et à la diffusion culturelle, il est malaisé de souscrire à la diminution de plus d'un tiers des autorisations de programme demandées pour la restauration du patrimoine monumental.

La culture constitue un tout, et votre commission se résout difficilement à admettre que sa composante patrimoniale soit sacrifiée à l'autel de la rigueur budgétaire.

Comme le proclamait André Malraux à la tribune de notre Haute Assemblée le 22 mai 1962, à l'occasion de la présentation de la première loi de programme relative à la restauration de grands monuments historiques : « En un temps où le grand songe informe que poursuit l'humanité prend parfois des formes sinistres, il est sage que nous en maintenions les formes les plus hautes. Le songe aussi nourrit le courage et nos monuments sont le plus grand songe de la France. C'est pour cela que nous voulons les sauver : non pour la curiosité ou l'admiration, légitime d'ailleurs, des touristes, mais pour l'émotion des enfants que l'on y tient par la main. »

I. UNE ENVELOPPE BUDGÉTAIRE GLOBALEMENT PRÉSERVÉE

Les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèvent à 15,077 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, traduisant une diminution de 2,9 % de l'effort consenti par rapport à 1996.

Dans un contexte caractérisé par une extrême rigueur budgétaire, et dès lors qu'on se réfère aux prévisions alarmistes qui avaient filtré des premières conférences d'élaboration de la loi de finances au printemps dernier, l'affectation de 0,97 % des dépenses de l'État à la culture confirme cependant l'importance reconnue par le Chef de l'État à l'action culturelle.

A. LA CONTRIBUTION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE À L'EFFORT NATIONAL DE RIGUEUR

1. Le rééchelonnement des lois de programme

Comme tous les autres ministères, le ministère de la culture a été appelé à « étaler » sur une année supplémentaire l'exécution de ses engagements pluriannuels.

A ce titre, les autorisations de programme inscrites pour les années 1997 et 1998 1 ( * ) dans la loi de programme n° 93-1437 du 31 décembre 1993 relative au patrimoine monumental seront ouvertes progressivement jusqu'en 1999.

Pour l'exercice 1997, l'économie ainsi réalisée porte sur un total de 569,25 millions de francs en autorisations de programme, faisant apparaître une diminution de 34,6 % de ces autorisations par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.

Le ministre de la culture se veut toutefois rassurant à l'égard des corps de métiers intervenant dans la restauration des monuments historiques : une accélération des procédures et les reports de crédits non consommés au cours des précédents exercices devraient permettre de maintenir dans ce secteur, en 1997, un volume d'activité comparable à celui de 1996.

A cette fin, le ministère espère parvenir à porter de 30 % en moyenne à 40 % le taux d'engagement dès la première année des autorisations de programme qui seront ouvertes par la loi de finances pour 1997. Une gestion plus dynamique des dossiers devrait par ailleurs permettre d'engager l'an prochain 100 à 200 millions d'autorisations de programme ouvertes les années précédentes. Enfin, un traitement plus rapide des dossiers de clôture des opérations achevées devrait permettre de redéployer 100 à 150 millions de francs d'autorisations de programme vers de nouveaux chantiers.

Bien qu'aux termes de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances (art. 2), « les lois de programme ne peuvent permettre d'engager l'État à l'égard des tiers que dans les limites des autorisations de programme contenues dans la loi de finances de l'année » , votre rapporteur regrette vivement cet échelonnement des engagements de l'État dans le temps.

Outre qu'il ne reflète pas une diminution des besoins de restauration estimés d'après le fichier national sanitaire des monuments historiques, le relâchement de l'effort de l'État en ce domaine paraît aller à l'encontre des priorités gouvernementales que sont l'emploi et l'aménagement du territoire.

Comme le souligne en effet le rapport annuel adressé au Parlement sur l'exécution de la loi de programme 2 ( * ) , « sur un million de francs investi (dans la restauration du patrimoine monumental), 60 à 85 % va à l'emploi, ce qui correspond à 2,25 équivalents temps plein direct. 450 entreprises travaillent régulièrement pour les monuments historiques, ce qui représente chaque année l'emploi de 7.000 équivalents temps plein direct dont 1.200 tailleurs de pierre, 300 compagnons dans les ateliers de facteurs d'orgue, 200 maîtres-verriers et de nombreux restaurateurs. Une grande variété de corps d'état est représentée : pierre de taille, maçonnerie, sculpture, couverture, charpente, menuiserie, ébénisterie, platerie, gypserie, staff, stuc, ferronnerie, métallerie, serrurerie, bronzerie, peinture, restauration de fresques, peinture décorative, dorure, carrelage, mosaïque, métiers d'art, objets d'art, parcs et jardins, vitrail, orgues, cloches. Ceux-ci représentent un bassin de 34.000 professionnels répartis essentiellement au sein d'un millier d'ateliers artisanaux et de petites et moyennes entreprises.

« Ce réseau très compétent constitue un véritable conservatoire des savoir-faire, dépositaire de techniques traditionnelles indispensables à la conservation du patrimoine. Il a valeur d'exemple par ses réalisations et stimule de façon générale la demande de réhabilitation et de restauration du bâti existant ».

Or, selon les représentants de la profession, les suppressions d'emploi consécutives à la diminution des crédits budgétaires affectés à la restauration du patrimoine pourraient atteindre 2000 à 3000 licenciements. Qui plus est, les personnels employés par les entreprises étant hautement spécialisés, leur reconversion éventuelle paraît très hypothétique...

La contribution essentielle de la politique du patrimoine à l'aménagement du territoire ressort par ailleurs très clairement du constat suivant : « près de 2.000 opérations ont touché des communes de moins de 2.000 habitants ».

L'on peut néanmoins espérer que la création de la « Fondation du patrimoine », autorisée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996, contribuera à élargir le champ d'intervention des entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques. A l'image du National Trust britannique, cette « Fondation » devrait en effet donner un nouvel essor à la préservation du patrimoine non protégé en application de la législation sur les monuments historiques.

Or, comme le faisait observer notre collègue Jean-Paul Hugot dans le rapport qu'il a établi au nom de la commission des affaires culturelles 3 ( * ) , si le nombre des immeubles classés en application de la loi du 31 décembre 1913 atteint 14.000 et celui des monuments inscrits à l'inventaire supplémentaire 27.000, l'on peut, en se livrant à une extrapolation des travaux du service de l'inventaire général « estimer entre 400.000 et 500.000 celui des édifices qui, sans justifier d'une protection au titre des monuments historiques, présentent un intérêt artistique, historique ou ethnologique rendant souhaitable leur conservation ».


• Un sort identique sera réservé aux opérations prévues par les contrats de plan liant l'État et les régions et dont l'exécution sera étalée sur une année complémentaire.

2. La réduction des frais de fonctionnement de l'administration centrale et des établissements publics

L'effort de rationalisation des frais de fonctionnement du ministère de la culture, engagé l'an dernier, sera poursuivi en 1997. Au total, la diminution nette des crédits inscrits au titre III atteindra 52,379 millions de francs.

S'agissant de l'administration centrale, les économies porteront sur les crédits d'entretien des bâtiments, les budgets affectés aux cérémonies publiques, les dépenses d'informatique et les frais de communication. Ces derniers, qui avaient atteint 20 millions de francs en 1995 ont été sensiblement réduits. La rationalisation se traduira notamment par la fusion des 14 lettres d'information éditées par le ministère ...

Les subventions de fonctionnement versées aux établissements publics subiront au total une diminution de 51,881 millions de francs.

B. L'APPORT DES CONCOURS PARTICULIERS DE LA DOTATION GÉNÉRALE DE DÉCENTRALISATION AFFECTÉS AUX BIBLIOTHÈQUES

A structure constante, les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 subiraient une diminution de 1,34 milliard de francs par rapport à 1996, soit une baisse de 8,6 %.

Le transfert des crédits de la dotation générale de décentralisation affectés aux bibliothèques municipales et départementales, du budget du ministère de l'intérieur à celui de la culture, vient opportunément compenser cette évolution négative par un apport de 902,6 millions de francs.

On ne saurait certes contester le rattachement des crédits correspondants à la sphère culturelle. Les concours particuliers relatifs aux bibliothèques municipales d'une part et aux bibliothèques départementales d'autre part ont été institués au sein de la dotation générale de décentralisation pour préserver l'affectation à la lecture publique des sommes consacrées par l'État antérieurement au transfert de compétences au fonctionnement et à l'équipement des premières et à l'équipement des secondes 4 ( * ) .

Pour autant, et comme le reconnaît d'ailleurs explicitement le dossier de présentation du budget de la culture à la presse, « ce transfert ne remet nullement en cause les principes mêmes de la décentralisation ou l'automaticité d'attribution de ces aides » .

Réformé par la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique, le concours particulier « bibliothèques » de la dotation générale de décentralisation des communes distingue désormais trois parts.

La première, dotée de 107 millions de francs en 1996, a pour objet de concourir aux dépenses de fonctionnement des bibliothèques municipales. Les crédits correspondants sont répartis entre les communes dont les dépenses de fonctionnement afférentes à la bibliothèque municipale excèdent un seuil par habitant, en fonction d'un taux de concours déterminé chaque année par décret. La « deuxième part » (248 millions de francs en 1996) est répartie par les commissaires de la République de région entre les communes de moins de 100.000 habitants qui réalisent des travaux de construction, d'extension ou d'équipement de bibliothèques municipales répondant à des critères déterminés par décret (superficie pondérée par habitant, informatisation, mise en réseau ...). La « troisième part », individualisée en 1992, rassemble les concours de l'État à la construction, l'extension ou l'équipement de « Bibliothèques municipales à vocation régionale » dans les chefs-lieux de région ou les villes de plus de 100.000 habitants, les crédits correspondants (58 millions de francs en 1996) étant attribués par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la culture.

Institué au sein de la dotation générale de décentralisation des départements par la loi précitée du 13 juillet 1992, le concours particulier pour les bibliothèques regroupe les crédits d'équipement consacrés par l'État à la construction des bibliothèques centrales de prêt antérieurement au transfert de compétences. Aux termes du décret n° 93-175 du 5 février 1993, ces crédits sont « répartis par le ministre de l'intérieur » entre les départements, au prorata de leurs dépenses d'investissement (construction, extension, équipement et aménagement de bibliothèques publiques dans les communes ou groupements de communes de moins de 10.000 habitants) de l'année précédente. L'enveloppe correspondante atteignait 34,5 millions de francs en 1996.

C. LA DÉCRUE DES CRÉDITS AFFECTÉS AUX GRANDS TRAVAUX PARISIENS

Pour la troisième année consécutive, les crédits d'investissement consacrés aux grands travaux parisiens connaîtront une forte diminution en 1997.

162,75 millions de francs seront ouverts en autorisations de programme (contre 514,3 millions de francs en 1996) et 353,85 millions de francs inscrits en crédits de paiement (contre 895,3 millions de francs en 1996) pour permettre l'achèvement des travaux d'équipement de la Bibliothèque de France et la poursuite de la rénovation du Grand Louvre.

Après l'ouverture des espaces de la Bibliothèque de France destinés au grand public en décembre 1996, les travaux d'équipement et d'informatisation des procédures seront poursuivis et le déménagement des collections mené à son terme en vue de l'inauguration des salles du rez-de-jardin, réservées aux chercheurs, au cours de l'année 1998.

Au Louvre, les travaux de restauration du Palais et de redéploiement des collections muséographiques se poursuivront jusqu'en 1999.

Au total, la diminution des crédits affectés aux grands travaux parisiens atteindra 570,30 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, autorisant un redéploiement de l'action culturelle vers d'autres priorités.

II. DES PRIORITÉS PLACÉES SOUS LE SIGNE DE LA CONTINUITÉ

A. L'ACCUEIL DES SERVICES DE L'ARCHITECTURE

L'annonce, à l'automne 1995, du transfert des services de l'architecture, du ministère de l'équipement auquel ils se trouvaient rattachés depuis 1978 au ministère de la culture, avait été accueillie avec beaucoup de scepticisme par les intéressés, professionnels ou étudiants. Outre la dénonciation de la régression des moyens budgétaires accompagnant ce transfert, ils manifestaient leur farouche opposition à la fusion des compétences relatives à l'architecture et à la conservation des monuments historiques au sein d'une grande direction de l'architecture et du patrimoine.

La création d'une direction autonome de l'architecture, comme la progression des crédits qui lui sont affectés dans le projet de loi de finances pour 1997, témoignent cependant de la volonté du ministre de réserver un traitement privilégié à l'architecture, afin de faciliter son retour à la culture.

1. La création d'une direction de plein exercice

Contre toute attente, la création d'une direction autonome de l'architecture a été annoncée par le ministre de la culture en janvier 1996 et sa responsabilité confiée à M. François Barré, alors président du centre national d'art et de culture Georges Pompidou, ancien rédacteur en chef de la revue l' Architecture aujourd'hui.

Le décret n° 96-237 du 22 mars 1996 portant création de la direction de l'architecture précise les missions qui lui sont dévolues.

La direction de l'architecture est ainsi chargée :

« - de favoriser la création architecturale ;

- d'élaborer et de mettre en oeuvre la politique d'amélioration et de promotion de la qualité architecturale ;

- d'élaborer la réglementation relative à l'organisation des professions d'architecte et de géomètre expert et de suivre l'activité des professionnels de l'architecture ;

- d'exercer les responsabilités du ministère relatives aux enseignements et à la recherche dans les domaines de l'architecture envisagée notamment dans ses incidences sur les politiques du territoire et de la ville ;

- de préparer et de mettre en oeuvre les politiques architecturales dans les espaces bâtis protégés en raison de leur intérêt historique, esthétique ou culturel et de participer à la politique de mise en valeur, de sauvegarde et de protection des sites ;

- de participer aux instances publiques intervenant dans la conception et la mise en oeuvre des politiques du territoire, du paysage et de la ville ;

- de conseiller, en matière de politique architecturale, les services constructeurs et les établissements publics aménageurs du ministère de la culture, ainsi que la mission interministérielle des grands travaux . »

La création de cette direction de plein exercice a, semble-t-il, contribué à rassurer les professionnels qui craignaient de voir l'architecture « fossilisée » au sein d'une direction commune à l'architecture et au patrimoine.

Par ailleurs, le lien entre l'architecture et l'urbanisme est explicitement réaffirmé dans l'intitulé d'une des trois sous-directions qui composent la nouvelle direction, en même temps qu'est établie une relation plus étroite entre le patrimoine et l'architecture. La sous-direction des espaces protégés et de la qualité architecturale et urbaine est en effet chargée de définir « les orientations des politiques d'amélioration de la qualité architecturale, urbaine et du cadre de vie (...) Elle conduit les politiques de développement et de mise en valeur des espaces protégés et s'assure de leur prise en compte dans les démarches de planification, de politique du logement, de politique de la ville et de qualification des espaces publics (...) Elle est chargée de l'application des législations relatives à la protection des abords des monuments historiques, des secteurs sauvegardés et des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. »

La sous-direction des enseignements et de la recherche définit les objectifs de la formation initiale et continue des architectes, ainsi que ceux de la politique de la recherche architecturale. Elle assure par ailleurs la tutelle des écoles d'architecture.

La sous-direction de la promotion, de la diffusion et des professions complète le nouveau dispositif.

2. Une progression substantielle des crédits

Les crédits de l'architecture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèveront à 290,32 millions de francs en dépenses ordinaires 5 ( * ) et crédits de paiement, bénéficiant d'une progression de 20,36 % par rapport à la dotation de 1996.

Cette évolution est liée pour une part (23,41 millions de francs) au parachèvement du transfert des compétences engagé en 1996. Le rattachement désormais effectif au ministère de la culture des services départementaux de l'architecture, des 22 écoles d'architecture, de la sous-direction des enseignements, des professions et de la promotion de l'architecture, sera complété en 1997 par le transfert de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, du centre supérieur d'histoire et de conservation des monuments anciens, de l'institut français d'architecture et d'une partie de la sous-direction des espaces protégés, des paysages et de la qualité architecturale.

Elle traduit aussi et surtout la volonté du ministère d'assurer à la direction de l'architecture les moyens de remplir correctement ses missions. Les écoles d'architecture sont les principales bénéficiaires de cette augmentation : leurs crédits de fonctionnement sont portés à 137,4 millions de francs (+ 7 %) afin d'améliorer les conditions matérielles d'accueil et le taux d'encadrement pédagogique des étudiants. 55 millions de francs en autorisations de programme et 50,135 millions de francs en crédits de paiement sont inscrits en titre V pour permettre la poursuite des travaux de réhabilitation, d'amélioration et d'extension des locaux existants et engager la construction de deux nouvelles écoles à Tours et à Compiègne.

Les crédits affectés à la promotion de l'architecture en France et à l'étranger ou à la sensibilisation à l'architecture des partenaires économiques et sociaux seront sensiblement renforcés.

La politique des secteurs sauvegardés et des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager sera relancée grâce à un quasi doublement des crédits d'étude correspondants et à une progression très sensible de l'enveloppe destinée à subventionner les travaux de mise en valeur des espaces protégés.

3. La réforme des études d'architecture sera poursuivie

L'une des craintes exprimées lors du rattachement des écoles d'architecture au ministère de la culture portait sur l'abandon éventuel de la réforme des études d'architecture, dont le principe a été arrêté en janvier 1993 sur la base d'un rapport remis au ministre de l'équipement par le recteur Armand Frémont.

Les architectes, dont les effectifs ont plus que triplé depuis 1960 6 ( * ) , sont aujourd'hui confrontés à une grave crise de débouchés. Quasiment exclus du marché de la maison individuelle depuis que la loi de 1977 a rendu facultatif le recours à un architecte pour les constructions inférieures à 170 m 2 , ils ont eu tendance à reporter leur activité sur l'immobilier non résidentiel, aujourd'hui atteint de plein fouet par la crise économique.

Les dernières statistiques du Conseil national de l'ordre chiffrent à 35 % la réduction des revenus totaux subie par la profession entre 1990 et 1993.

Dans ce contexte, la réforme des études d'architecture annoncée par M. Jean-Louis Bianco, ministre de l'équipement, du logement et des transports en janvier 1993, visait principalement à diversifier les enseignements et les qualifications pour accroître les débouchés et favoriser une meilleure insertion professionnelle des jeunes diplômés.

A cet effet, le découpage actuel des études d'architecture en deux cycles d'enseignement 7 ( * ) céderait la place à un découpage en trois cycles, la durée théorique des études étant portée de cinq à six ans.

Tout en réservant une place privilégiée à la pédagogie du projet architectural, les programmes seraient complétés par des enseignements obligatoires sur l'urbanisme, le patrimoine, le paysage et l'histoire des villes. A la fin du cursus conduisant au diplôme d'architecte DPLG, l'instauration d'un stage pratique d'un semestre et d'un module d'enseignements spécifiques centré sur l'économie, la gestion et le droit répond au souci de faciliter l'insertion professionnelle des futurs diplômés.

En même temps qu'elle ouvre la voie à une diversification des spécialités, l'organisation des études en trois cycles devrait favoriser une meilleure intégration des écoles d'architecture dans le dispositif national de l'enseignement supérieur et autoriser l'établissement de passerelles avec l'université. Ces possibilités, réclamées de longue date par les étudiants en architecture, sont en effet indispensables pour permettre les changements d'orientation ou les reconversions au cours de la scolarité.

D'après les informations qui ont été fournies à votre rapporteur, la phase de concertation précédant la mise en place de la réforme préconisée par le recteur Frémont s'achève. Cette réforme devrait donc pouvoir entrer prochainement en application.

Elle sera complétée par l'installation d'un « Observatoire des débouchés », chargé de suivre l'insertion des jeunes diplômés tant à l'échelon national qu'à celui de chaque école et de formuler, le cas échéant, des propositions d'adaptation des études.

B. LA CULTURE, INSTRUMENT DE RÉDUCTION DE LA « FRACTURE SOCIALE »

1. Les projets culturels de quartier

Dans le prolongement des actions engagées en 1996, le ministère de la culture consacrera plus de 160 millions de francs en 1997 à la lutte contre l'exclusion.

Opérations-phares de cette nouvelle priorité, des « projets culturels de quartier » ont été conduits avec le soutien du ministère dans une trentaine de sites répartis sur l'ensemble du territoire.

Parrainés le plus souvent par des artistes de renom (Barbara Hendricks, Costa Gavras, Yéhudi Menuhin, Jean Guidoni ...), les vingt-neuf projets sélectionnés ont été élaborés en concertation avec les collectivités locales. Ils visent à associer activement les habitants des quartiers difficiles à la réalisation d'un projet culturel piloté par une institution ou une association culturelle.

Parmi les expériences conduites en 1996, on peut citer : la conception et la réalisation d'un film par des jeunes, faisant suite à l'accueil en résidence par la ville de Mulhouse de Patrick Raynal, écrivain et directeur de la collection « Série noire » chez Gallimard, et de Paul Vecchiali, réalisateur (projet piloté par la bibliothèque municipale) ; l'écriture d'un scénario pour un spectacle et concert de ville, à partir des bruits de la ville, avec la participation de Pablo Cueco et de Claude Renard à Épernay ; un projet de théâtre de rue à Montbéliard ; l'animation par la Comédie-Française de huit ateliers de théâtre dans les établissements scolaires de la zone d'éducation prioritaire d'Argenteuil ; une série d'actions pédagogiques pilotées par le centre musical et créatif de Nancy (lutherie créative, ateliers de percussion, guitare, solfège rythmique, danses africaines) ; l'installation au coeur du quartier des Bates, à Dreux, du théâtre mobile de la compagnie dramatique du Hasard basée à Blois ou l'élaboration d'un spectacle chorégraphique à partir du thème du Livre de la Jungle au Havre.

Une évaluation du travail accompli dans le cadre de ces projets culturels de quartier a été confiée à l'agence « Faut Voir » de J.M. Montfort, qui permettra de préciser les critères sur la base desquels pourront être reconduites de telles opérations.

Comme le remarque en effet un observateur de la vie culturelle, « les quartiers difficiles existent, et les artistes aussi. L'union des uns et des autres peut être une force pourvu qu'on évite les pièges du volontarisme, du parachutage, de la récupération et de la publicité à tout prix » .

2. Les enseignements artistiques, socle de la démocratie culturelle

Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître l'importance des enseignements artistiques.

Classée, aux côtés de la lecture, de l'écriture ou du calcul, parmi les enseignements primordiaux par la commission Fauroux 8 ( * ) , l'éducation artistique et culturelle constitue, aux yeux des membres de la commission chargée de réfléchir à la « refondation » de la politique culturelle 9 ( * ) , une « cause nationale » et « l'un des enjeux majeurs de la politique culturelle ».

Pour la première, « c'est à l' École qu'incombe le devoir de donner à tous les éléments d'une première éducation artistique, essentiellement dans les domaines de la musique et des arts plastiques. Cette initiation précoce peut s'élargir à d'autres arts, tels que la danse, l'expression dramatique et le théâtre, la photographie et le cinéma, notamment à la faveur du développement d'activités périscolaires. Il importe que tous puissent y avoir accès. »

Autour de Jacques Rigaud, les seconds formulent des propositions concrètes visant à doter progressivement la France, au cours des vingt prochaines années, d'un « système cohérent et efficace d'éducation culturelle du citoyen ».

Au-delà de la priorité accordée à « l'introduction dans tous les cursus scolaires, de la maternelle à l'université, d'enseignements d'histoire des arts et de pratique artistique », ils invitent à affirmer « un droit permanent du citoyen » à l'éducation artistique et culturelle. A cette fin, ils recommandent d'ouvrir les établissements spécialisés d'enseignement artistique aux simples amateurs, remettant en cause la sélection « draconienne, voire discriminatoire » opérée par ces établissements.

S'accordant sur le principe qu'il n'existe ni « art majeur ni art mineur », ils prônent une diversification des disciplines artistiques enseignées à l'école (musique, arts plastiques, mais aussi cinéma, expression dramatique, histoire de l'art, archéologie, architecture, chant choral, ...) et un élargissement du champ de ces enseignements à la culture scientifique et technique.

Consciente que les propositions qu'elle formule « auront un coût considérable pour la collectivité », la commission Rigaud souligne que leur mise en oeuvre sera subordonnée à l'existence d'une « réelle volonté politique ».

Parmi ces propositions, on peut citer l'application complète de la loi n° 88-20 du 6 janvier 1988 relative aux enseignements artistiques et l'adoption d'une loi de programmation budgétaire (ou « plan national de l'éducation artistique et culturelle ») tendant à hiérarchiser les priorités et à inscrire l'effort de l'État dans la durée. L'accent est également mis sur la formation des professeurs des écoles, dont la « sensibilisation approfondie » à l'éducation artistique et culturelle constitue « l'une des clés de la transmission d'une culture générale artistique aux enfants », et sur le renforcement des liens établis entre les établissements scolaires et les institutions culturelles. L'élaboration d'une « charte interministérielle des activités artistiques amateur » déterminant le soutien des pouvoirs publics à ces pratiques et organisant les relations entre les professionnels et les amateurs est enfin suggérée.

Votre rapporteur ne peut que souscrire à ces propositions et se féliciter que le Président de la République ait décidé de placer les enseignements artistiques parmi les trois priorités culturelles de son septennat.

L'évolution des crédits affectés aux enseignements et à l'éducation artistiques dans le projet de loi de finances pour 1997, ne semble toutefois pas traduire cette priorité. Certes, l'effort consenti tant par le ministère de l'éducation nationale que par celui de la culture est globalement préservé. Les crédits de fonctionnement et d'intervention consacrés aux enseignements artistiques par le ministère de l'éducation nationale progressent même, en francs courants, de 0,25 % pour s'établir à 5,313 milliards de francs et ceux du ministère de la culture, de 1,21 % pour atteindre 1,235 milliard de francs.

Cette progression reste néanmoins insuffisante pour combler le retard de la France en ce domaine et promouvoir une véritable démocratisation de la culture.

Pour tenter de porter une appréciation sur la situation des enseignements artistiques en France, il convient de distinguer entre la pratique de ces enseignements à l'école d'une part et l'offre d'enseignements artistiques spécialisés d'autre part.

a) Les enseignements et les pratiques artistiques en milieu scolaire


L'application de la loi du 6 janvier 1988

La loi précitée du 6 janvier 1988 rend obligatoire dans l'enseignement primaire et le premier cycle du secondaire, c'est-à-dire pendant toute la période de scolarité couverte par l'obligation scolaire, l'enseignement d'au moins deux disciplines artistiques, la musique et les arts plastiques.

A l'école primaire, le respect de l'obligation posée par la loi est difficile à contrôler. Si les programmes posent le principe de l'enseignement de la musique et des arts plastiques à raison d'une heure hebdomadaire, cet enseignement est assuré non pas par des professeurs spécialisés comme dans le secondaire mais par les instituteurs et les professeurs des écoles.

Dans un rapport publié en mai 1995 10 ( * ) , l'inspection générale de l'éducation nationale estime qu'« il reste une proportion importante d'instituteurs qui n'assurent aucun de ces enseignements » . Cette situation s'explique tant par le « sentiment d'incompétence » que peut ressentir l'instituteur dans l'enseignement de ces disciplines que par la pression exercée sur eux en faveur des apprentissages fondamentaux.

Lorsque ces disciplines sont enseignées, elles le sont de façon très inégale, chaque instituteur faisant prévaloir « sa propre vérité » sur l'art et son enseignement.

Et le rapporteur de conclure à la nécessité de faire porter prioritairement les efforts sur la formation des professeurs des écoles en matière artistique, « seul investissement à long terme pour la recherche de réponses, économiques et adaptées, s'adressant à la totalité des élèves » .

Le temps de formation aux disciplines artistiques dispensées par les Instituts universitaires de formations des maîtres (IUFM) varie actuellement entre quinze heures et quarante heures au total, ce qui paraît nettement insuffisant pour garantir la qualité de l'enseignement dispensé par les professeurs des écoles à leurs élèves et s'établit en tout état de cause en retrait de la formation dispensée en ces matières par les anciennes écoles normales.

Dans le premier cycle du secondaire, les retards constatés dans l'application de la loi de 1988 sont évalués sous forme de « déficit horaire ».

Au cours de la dernière décennie, la priorité a été accordée, avec un certain succès, à la résorption des heures de cours non assurées.

Le tableau ci-après retrace cette évolution :

Dans le rapport précité de l'inspection générale de l'éducation nationale, M. Gilbert Pelissier estime que le déficit est parvenu, pour les arts plastiques, à un seuil en-deçà duquel il sera très difficile de descendre compte tenu de la complexité de l'organisation des enseignements artistiques et de la gestion du personnel.

Partant de ce constat, il observe que la question posée par l'enseignement artistique dans le secondaire s'est déplacée : elle ne se pose plus tant en termes quantitatifs d'heures obligatoires non assurées 11 ( * ) qu'en termes qualitatifs. L'accent doit être mis sur la recherche de la qualité de l'enseignement dispensé, afin d'offrir à tous les élèves les mêmes chances d'accéder à la culture. A cette fin, la priorité doit être désormais accordée à la formation des personnels enseignants, qui reste très insuffisante.


les activités et pratiques culturelles

Dans le prolongement des enseignements artistiques obligatoires (ou optionnels au lycée), les activités culturelles cofinancées par le ministère de la culture et le ministère de l'éducation nationale ont pris une importance croissante au cours de ces dernières années, passant du statut d'activités complémentaires ou périphériques à celui de composantes à part entière du projet global d'éducation.

* Les classes culturelles et les ateliers de pratique artistique connaissent un succès croissant.

Les premières impliquent le déplacement d'une classe pendant une semaine et son axées sur la découverte d'une activité de création ou du patrimoine.

Les ateliers de pratique artistique se déroulent à l'école. Ils sont animés par des artistes ou des professionnels des arts et se déroulent sur trois ou quatre mois, à raison de deux à trois heures hebdomadaires.

Durant l'année scolaire 1994-1995, 600 classes culturelles et 1100 ateliers de pratique artistique ont permis à 42.500 enfants du primaire de découvrir un domaine artistique ou patrimonial. La même année, 64.275 élèves du secondaire ont fréquenté un atelier de pratique artistique.

* Le ministère de la culture apporte par ailleurs son soutien aux enseignements artistiques dispensés dans les classes A3 des lycées, en prenant à sa charge la rémunération des artistes professionnels qui collaborent avec les enseignants. Au cours de l'année scolaire 1994-1995, 114 lycées ont dispensé un enseignement spécialisé dans le théâtre, et 97 lycées un enseignement spécialisé dans le cinéma.

En outre, et dans le cadre de la réforme pédagogique des lycées, un nouvel enseignement de spécialité « histoire des arts » est proposé aux élèves depuis 1993. 73 lycées offraient cette spécialisation au cours de l'année scolaire 1994-1995.

La contribution du ministère de la culture à la sensibilisation artistique des écoliers et des collégiens emprunte encore des formes variées.

* Lancée à la rentrée de 1992, la formule des « jumelages » entre établissements scolaires et institutions culturelles rencontre un réel succès.

On dénombrait en 1995 plus d'une centaine de jumelages, dont plus de 58 % intéressaient des institutions de diffusion du spectacle vivant et près de 30 % des musées.

* De façon plus ponctuelle, l'opération « collège au cinéma » , engagée en 1989, s'est fixée pour objectif de redonner aux jeunes le goût du cinéma en les aidant à se forger une culture cinématographique. A cette fin, le ministère de la culture diffuse à des tarifs préférentiels et à la demande des collèges, une série de 25 films de qualité dans les départements et les zones géographiques mal équipés en salles de cinéma. Au total, 58 départements ont bénéficié de cette action en 1995.

* Enfin, dans le cadre du protocole d'accord interministériel signé le 17 novembre 1993 entre les ministères de la culture, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, et de la jeunesse et des sports, des parcours culturels ont été mis en place dans treize sites pilotes d'expérimentation artistique au cours de l'année scolaire 1994-1995. Au total, 20.750 élèves du premier degré et 12.411 élèves du deuxième degré ont bénéficié de cette expérience.

Les premières appréciations portées sur ces sites d'expérimentation artistique sont globalement positives. Ils auraient joué un rôle de catalyseur, incitant les représentants de l'État, les collectivités territoriales et les institutions culturelles à unir leurs efforts et à définir une politique cohérente d'offre culturelle à l'échelon local, favorisant l'émergence d'un nouveau concept, le « bassin culturel de vie de l'enfant ».

CONTRIBUTION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE À L'ÉDUCATION CULTURELLE EN MILIEU SCOLAIRE

(ANNÉE SCOLAIRE 1994-1995)

Enfin, le ministère de la culture participe, avec les ministères de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, aux expérimentations conduites en faveur de l'aménagement du rythme de vie des enfants dans vingt-deux villes pilotes. Il a affecté 5,4 millions de francs à cette opération.

En 1997, les crédits consacrés par le ministère de la culture aux actions artistiques et culturelles destinées aux publics d'âge scolaire diminueront de 1,80 % pour s'établir à 163,5 millions de francs.

b) Les enseignements artistiques spécialisés


Un soutien insuffisant au réseau des écoles municipales d'art

Le ministère de la culture verse des subventions aux collectivités territoriales pour le fonctionnement des écoles de musique et de danse et des écoles d'art plastique agréées par l'État.

En 1997, les crédits correspondants progresseront de 0,7 % pour atteindre 544,47 millions de francs.

Cette évolution reste cependant notablement insuffisante pour permettre à l'État de soutenir efficacement les efforts accomplis par les collectivités territoriales : la contribution du ministère de la culture plafonne à moins de 10 % du budget de fonctionnement des 134 conservatoires nationaux de région et écoles nationales de musique, auquel participent les communes à hauteur de 75 %, les départements pour près de 5 % et les régions pour seulement 0,8 %.

Dans ce contexte, votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'annonce, faite par M. Douste-Blazy, d'un projet de loi destiné à clarifier les compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales en matière d'enseignement artistiques spécialisés.

Pour encourager le développement des écoles d'art et favoriser leur répartition harmonieuse sur le territoire national, la commission Rigaud esquisse une autre piste de réflexion. Elle suggère de transformer le statut des écoles municipales de musique en établissements publics locaux associant les différents partenaires concernés.


Les établissements publics délivrant un enseignement supérieur artistique

Le ministère de la culture participe par ailleurs au financement des établissements publics délivrant une formation supérieure et qui sont placés sous sa tutelle.

Dans le domaine des arts plastiques, l'enseignement supérieur est dispensé par trois établissements publics parisiens (l'école nationale des Beaux-arts, l'école nationale supérieure des arts décoratifs et l'école nationale supérieure de création industrielle), ainsi que par huit écoles nationales d'art en région rattachées au centre national des arts plastiques.

L'enseignement supérieur de la musique et de la danse est assuré par deux conservatoires nationaux, implantés respectivement à Paris et à Lyon, ainsi que par l'école de danse rattachée à l'Opéra national de Paris, et celui du théâtre par le conservatoire national supérieur d'art dramatique et l'école rattachée au théâtre national de Strasbourg.

La rationalisation du statut de ces écoles, visant à accroître leur autonomie et à favoriser le rapprochement d'établissement aux missions voisines, sera poursuivie.

En 1996, l'Institut français de restauration des oeuvres d'art (IFROA), antérieurement rattaché au centre national des arts plastiques, est devenu un département de l'école nationale du patrimoine. Il a emménagé dans d'anciens locaux industriels à Saint-Denis, en région parisienne.

Au cours de l'année 1997, l'école du Louvre, jusqu'ici rattachée à la Réunion des musées nationaux, sera érigée en établissement public autonome. Le projet de loi de finances pour 1997 prévoit de transférer à cette fin les crédits de rémunération de 18 agents contractuels de la Réunion des musées nationaux qui seront intégrés dans la fonction publique de l'État.

Un amendement présenté par le gouvernement au projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, adopté par le Sénat au cours de sa séance du 29 octobre dernier, tend par ailleurs à ériger l'Institut de formation et d'enseignement pour les métiers de l'image et du son (FEMIS) en établissement public à vocation industrielle et commerciale.

Ces établissements verront leur subvention de fonctionnement reconduite en 1997, à l'exception toutefois de l'École nationale supérieure des Beaux-arts dont la dotation progressera de 700.000 francs à 22,59 millions de francs et, de l'École nationale du patrimoine dont la subvention diminuera de 3 millions de francs en raison de la baisse des effectifs d'élèves scolarisés.

La diminution du nombre de postes ouverts au concours de l'École nationale du patrimoine en novembre 1996 ne semble pas refléter, bien au contraire, une diminution des besoins recensés dans les institutions patrimoniales (archives, bibliothèques, musées) dans lesquelles les futurs conservateurs du patrimoine seront appelés à exercer leurs compétences, mais résulter uniquement des contraintes budgétaires. Cette évolution est d'autant plus regrettable qu'elle conduit de facto à priver de débouchés une quinzaine d'élèves de l'École nationale des chartes, pour lesquels l'École nationale du patrimoine constitue, avec l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques dépendant du ministère de l'éducation nationale, l'une des deux écoles d'application leur permettant d'accéder, depuis 1991, aux fonctions de conservateur. L'on rappellera que les élèves de l'École nationale des Chartes, qui font l'objet d'une sélection rigoureuse, ont le statut de fonctionnaires-stagiaires et sont à ce titre rémunérés par l'État durant les trois années de leur scolarité, en contrepartie de quoi ils se sont engagés à servir l'État pendant dix ans. Si les élèves de l'École nationale des chartes n'ont pas pour autant de droit acquis à être recrutés dans les corps de fonctionnaires de l'État, il faut bien reconnaître que l'absence de gestion prévisionnelle des besoins et l'inadéquation totale entre les effectifs sortant de l'École des chartes (39) et le nombre de postes ouverts aux concours de l'École nationale du patrimoine -spécialité archives- (5) et de l'École nationale supérieure des sciences de l'information (19) pose un réel problème.

Dans le prolongement de la réflexion engagée l'an passé sur le statut des écoles nationales d'art en région, un décret instituant une « réunion des écoles nationales supérieures d'art » est en préparation. Le regroupement des sept écoles d'art rattachées au centre national d'arts plastiques (Aubusson, Bourges, Cergy-Pontoise, Dijon, Limoges, Nancy, et Nice) et de l'école nationale de la photographie d'Arles au sein d'un établissement unique devrait favoriser une gestion plus rationnelle des écoles, assurer une plus grande complémentarité des enseignements et faciliter la mobilité des étudiants, tout en permettant à ces écoles d'acquérir une notoriété internationale.

C L'AMENAGEMENT CULTUREL DU TERRITOIRE

1. L'émancipation culturelle des collectivités territoriales

En quinze ans, de 1978 à 1993 12 ( * ) , les dépenses culturelles des communes de plus de dix mille habitants 13 ( * ) , des départements et des régions ont été multipliées par 2,5 en francs constants, passant de 12,75 milliards de francs à 32,4 milliards de francs. Le tableau ci-après retrace cette évolution.

Si l'on intègre les dépenses culturelles de la ville de Paris (1,9 milliard de francs) et celles des petites communes (évaluées à 4,5 milliards de francs), le financement de la culture par les collectivités territoriales atteint 36,9 milliards de francs en 1993 et représente un peu plus de la moitié (50,3 %) des financements publics affectés à ce secteur.

Les communes assurent à elles seules 40,9 % des dépenses culturelles publiques, la part des départements représentant 7,4 % de celles-ci et celles des régions 2 % seulement.

L'histogramme suivant présente la répartition fonctionnelle des interventions culturelles des collectivités territoriales.

PRINCIPAUX AXES D'INTERVENTION CULTURELLE DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES EN 1993

Jacques Rigaud 14 ( * ) date des années soixante-dix la prise de conscience qui a conduit à la « métamorphose du paysage culturel » observée un quart de siècle plus tard : « Avant 1970, rarissimes étaient les élus qui, comme Chaban-Delmas à Bordeaux, Defferre à Marseille ou Pflimlin à Strasbourg, s'intéressaient à la culture.

Aujourd'hui, il n'est guère de maire qui n'ait compris qu'elle était pour sa ville un élément de rayonnement et d'attraction aussi puissant et souvent moins coûteux et risqué que le sport, et aussi important que les infrastructures de transport et autres équipements directement utilitaires. Lyon, Bordeaux, Grenoble, puis Montpellier et maintenant Lille et Toulouse ont en grande partie bâti sur la culture leur réputation de villes modernes et séduisantes. Les départements et les régions suivent la même voie depuis que la décentralisation a accru leurs prérogatives. Les régions ont quadruplé et les départements quintuplé depuis quinze ans leur effort financier pour la culture. Les communes, actives depuis longtemps dans ce domaine, l'ont doublé ; les dépenses culturelles représentent en moyenne 10 % du budget des villes de plus de dix mille habitants et ce pourcentage moyen monte à 14 % pour les villes de plus de cent cinquante mille habitants. Le total des budgets des collectivités territoriales dépasse, et de loin, le budget du ministère de la culture et même l'ensemble des dépenses culturelles de l'État. »

Cette transformation du paysage culturel s'accompagne d'une émancipation progressive des collectivités territoriales. La « décentralisation culturelle » imposée d'en haut dans les années soixante a fait place à l'initiative culturelle des collectivités territoriales. Aux premiers centres dramatiques permanents ouverts en province par la volonté de Jeanne Laurent 15 ( * ) , a succédé un foisonnement d'actions décidées par les élus locaux.

Il n'est plus de communes d'une certaine importance qui reste aujourd'hui à l'écart de cette évolution. Comme le souligne encore Jacques Rigaud, « des formes les plus classiques aux plus nouvelles, les villes françaises jouent, chacune à leur façon, la carte de la culture. « Paris et le désert français » est, dans ce domaine, une formule dépassée, même si elle a été ravivée par le mythe des grands travaux » .

L'on ne peut que se féliciter du dynamisme qui anime désormais les collectivités territoriales en matière culturelle et trouve sa traduction dans la rénovation des musées de province, l'investissement dans l'art contemporain, la réhabilitation architecturale et la réutilisation des monuments anciens, la définition d'une politique musicale lyrique ou chorégraphique ambitieuse...

Cette évolution générale est d'autant plus remarquable que les lois de décentralisation n'ont pas opéré, dans ce domaine particulier, d'importants transferts de compétences aux collectivités locales. Si l'on excepte en effet la responsabilité exercée par les départements sur les archives et les bibliothèques départementales de prêt, l'intervention conjointe et les financements croisés demeurent la règle en matière culturelle.

La multiplication des initiatives locales, si heureuse soit-elle, provoque toutefois l'apparition de déséquilibres géographiques et pose le problème de la péréquation des charges liées au fonctionnement des équipements culturels. C'est la raison pour laquelle il importe, aujourd'hui plus que jamais, d'inscrire la politique culturelle dans une perspective d'aménagement du territoire.

2. L'État, garant de l'aménagement culturel du territoire

L'émancipation culturelle des collectivités territoriales a fait évoluer le rôle joué par l'État en faveur de l'aménagement culturel du territoire. Longtemps cantonnée à la correction du déséquilibre Paris-province, son intervention vise désormais plus généralement à réduire les inégalités géographiques d'accès à la culture. Dans le même temps, l'État incitatif a fait place à l'État correcteur.

a) La poursuite du rééquilibrage géographique des interventions culturelles de l'État

La multiplication des chantiers portant sur la construction de grandes institutions culturelles implantées dans la capitale a fait naître, au cours des années quatre-vingts, une revendication légitime de redéploiement de l'effort culturel de l'État en faveur de la province.

Depuis 1989, le ministère de la culture s'est doté d'un instrument de mesure fiable lui permettant de quantifier la répartition des dotations budgétaires entre la capitale, la région Île-de-France et la province. Mis au point par un groupe de travail présidé par M. Seibel, alors inspecteur général de l'INSEE, cet instrument permet aujourd'hui d'analyser les transformations enregistrées en ce domaine depuis 1986.

L'examen du tableau ci-après, retraçant l'évolution du budget de la culture en dépenses ordinaires et crédits de paiement, fait apparaître une amélioration constante du sort réservé à la province (elle bénéficiera en 1997 de 45 % des crédits inscrits au budget de la culture, contre 39 % de ceux-ci en 1990 et 35 % des mêmes en 1987). Pour la première fois en 1997, la part des crédits affectés à la capitale devrait connaître un fléchissement sensible, reflétant l'achèvement de la plupart des grands chantiers parisiens. Hors grands travaux, on note toutefois une relative stabilité de la part des dépenses bénéficiant à Paris, qui oscille depuis 1988 entre 41 et 47 % du total, et devrait vraisemblablement croître au cours des prochaines années en raison de la montée en puissance des coûts de fonctionnement des institutions achevées.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES CRÉDITS DU BUDGET DE LA CULTURE

(EN DÉPENSES ORDINAIRES ET CRÉDITS DE PAIEMENT)

1987-1997

L'analyse du tableau suivant, qui retrace la même évolution par titres budgétaires, est plus instructive encore.

Elle fait en effet très clairement apparaître la déformation progressive de la structure des crédits d'intervention (titre IV) et des subventions d'investissement (titre VI) au bénéfice de la province.

Celle-ci, qui bénéficiait en 1987 de 54 % des crédits d'intervention du ministère concentrera en 1997 plus des trois-quarts de ceux-ci. Dans le même temps, la part de ces crédits qui revient à la capitale a été pratiquement divisée par deux, passant de 35 % du total à 17 % de celui-ci en 1997.

De la même façon, les subventions d'investissement affectées à la province ont connu une forte croissance au cours de la dernière décennie (passant de 20 à 44 % du total), tandis que régressaient dans les mêmes proportions les crédits du titre VI investis à Paris (76 % en 1987 ; 50 % en 1997).

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DU BUDGET DE LA CULTURE PAR TITRE (EN DÉPENSES ORDINAIRES ET CRÉDITS DE PAIEMENT) (1987-1997)

Cette évolution est le fruit d'une politique volontariste conduite depuis 1990, tendant à remédier à la concentration excessive de l'effort culturel dans la capitale en affectant prioritairement en province les mesures nouvelles dont bénéficie le budget de la culture et les crédits dont le redéploiement est autorisé par l'achèvement des grands chantiers parisiens.

En dépit de l'effort accompli par l'État en faveur des grands projets culturels en région, l'année 1997 se caractérisera par une nette dégradation de la part des crédits d'investissement du titre V affectée à la province. Alors que la province a bénéficié de 66 % des crédits d'équipement correspondants en 1996, cette proportion chutera à 56 % l'an prochain. Cette évolution négative est la conséquence du rééchelonnement de l'exécution de la loi de programme sur le patrimoine monumental : comme le soulignait l'an passé votre rapporteur, la politique de restauration des monuments historiques constitue un puissant facteur de décentralisation des crédits de la culture, le patrimoine étant harmonieusement dispersé sur l'ensemble du territoire national.

b) Une politique ambitieuse d'implantation d'équipements culturels en province

Conformément aux décisions arrêtées par le comité interministériel d'aménagement du territoire qui s'est tenu à Troyes le 20 septembre 1994, la politique de rééquilibrage des dépenses d'équipement culturel en faveur de la province se poursuivra en 1997.


Les grands projets en région

Doté de 800 millions de francs en cinq ans, le programme des grands projets régionaux (1995-2000) symbolise la volonté politique de veiller à une répartition plus équilibrée de l'action culturelle sur l'ensemble du territoire. Il vise à favoriser la constitution d'un réseau de « pôles d'excellence » susceptibles d'avoir une action « structurante » sur le tissu culturel local.

En 1997, 264,65 millions de francs d'autorisations de programme seront ouvertes dans le projet de loi de finances pour permettre la poursuite des opérations engagées en 1995. Les travaux de construction du centre d'archives contemporaines à Reims débuteront (144 millions de francs d'autorisations de programme), tandis que seront poursuivis les travaux de construction de l'auditorium de Dijon (20 millions de francs), d'aménagement d'un centre de réserves de costumes de scène à Moulins (13 millions de francs) et la création d'un centre d'art contemporain à Toulouse (25 millions de francs). Le projet de création d'un réseau multimédia autour d'Art 3000 et de Sophia-Antipolis bénéficiera de 2,65 millions de francs.

Parmi les autres projets sélectionnés, mais dont la réalisation sera engagée ultérieurement, on peut citer : la création d'un musée vivant de l'imprimerie et de l'écrit à Lamotte-Beuvron et d'un centre national du patrimoine photographique à Châlons-sur-Saône, la rénovation de la villa Arson à Nice et la restructuration du centre d'art (le Cargo) de Grenoble.


Favoriser le maillage culturel du territoire

Au traditionnel déséquilibre Paris-province s'ajoute aujourd'hui le contraste entre les zones urbaines d'une part, et le milieu rural, les banlieues et les périphéries des villes d'autre part, qui accusent un retard important en matière d'équipements culturels.

C'est à ce nouveau déséquilibre que tente de remédier le plan de création d'équipements culturels de proximité engagé depuis trois ans.

La construction ou la rénovation de lieux de diffusion (centres d'art, lieux de diffusion musicale et chorégraphique, aménagement de salles municipales) bénéficiera de plus de 60 millions de francs d'autorisations de programme.

40 millions de francs seront encore consacrés au développement de lieux pluridisciplinaires et de proximité visant à favoriser l'accès à la culture des populations jusqu'à présent tenues à l'écart de l'offre culturelle. La création d'un « zénith mobile », susceptible d'être monté en trois jours sera expérimentée en 1997 pour accroître la diffusion de la culture en zone rurale.

*

* *

Votre rapporteur ne peut que se féliciter des nouvelles orientations arrêtées en faveur d'une répartition plus harmonieuse de l'offre culturelle sur le territoire national.

III. DEUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION

A. INQUIÉTUDES PERSISTANTES SUR LA CAPACITÉ DE L'ÉTAT À ASSURER LA CONSERVATION DES TRÉSORS NATIONAUX EN FRANCE

Comme le soulignait l'an passé votre rapporteur, l'année 1996 était une année test pour la conservation du patrimoine national. C'est au cours de celle-ci que sont parvenus à échéance les premiers certificats refusés en application de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1993 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation au sein de l'Union européenne, qui réglemente désormais l'exportation des biens culturels.

1. La jurisprudence Walter rend inopérant le recours au classement des trésors nationaux

Au dispositif douanier hérité du régime de Vichy, la loi du 31 décembre 1992 a substitué un mécanisme de protection fondé sur la délivrance d'un certificat de libre circulation des biens culturels.

Ce certificat, requis tant pour la circulation d'un bien culturel dans l'Union européenne que pour son exportation vers un pays tiers, atteste qu'il ne constitue pas un trésor national et se trouve dès lors légalement hors de France.

Votre rapporteur ne reviendra pas sur la description du nouveau dispositif légal, qui figure dans l'avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 1996 16 ( * ) .

Tout au plus convient-il de rappeler ici que lorsque l'État a refusé l'octroi d'un certificat à un bien culturel présentant les caractéristiques d'un trésor national 17 ( * ) , il ne peut réitérer ce refus à l'expiration d'un délai de trois ans, sauf si le bien est classé (ou en instance de classement) archive ou monument historique et sauf s'il appartient à une collection publique. A défaut, l'octroi du certificat est de droit.

Dans l'esprit du législateur de 1992, le classement des objets mobiliers, dont l'effet second est d'interdire la sortie définitive du territoire national, devait compenser la faiblesse relative des crédits publics d'acquisition et permettre à l'État d'assurer, sans bourse délier, la conservation en France, et en des mains privées, d'éléments majeurs du patrimoine national.

La loi de 1913 sur les monuments historiques comme celle du 3 janvier 1979 relative aux archives offrent effectivement à l'État la possibilité de classer les biens mobiliers sans le consentement de leur propriétaire. Qui plus est, le deuxième alinéa de l'article 16 de la loi précitée du 31 décembre 1913 (prévoyant qu'une « indemnité représentative du préjudice subi du fait de l'application de cette servitude » peut être versée au propriétaire) était jusqu'alors restée lettre morte.

Une récente décision de justice, appelée à faire jurisprudence, devrait conduire l'administration à renoncer au classement pour assurer la conservation en France des trésors nationaux.

Le 20 février 1996, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'administration contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 6 juillet 1994 condamnant l'État à verser à M. Jacques Walter, ancien propriétaire du Jardin à Auvers de Van Gogh, classé sans son consentement en 1989, une indemnité de 145 millions de francs.

Écartant les moyens présentés par l'agence judiciaire du Trésor, la Cour a confirmé l'application faite par les juges du second degré de l'article 16 de la loi de 1913. Elle a par ailleurs affirmé que la Cour d'appel avait légalement procédé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à l'évaluation du préjudice subi par le propriétaire d'un tableau du fait de la mesure de classement d'office de cette oeuvre, en comparant le prix de vente du tableau en France avec ceux d'oeuvres comparables vendues à l'époque du classement sur le marché international de l'art.

En toute logique, cette décision devrait aboutir, dans les faits, à neutraliser l'alternative du classement dans la recherche d'une solution propre à assurer le maintien en France d'oeuvres maîtresses du patrimoine national.

Il est en effet peu vraisemblable que les propriétaires de biens culturels auxquels un certificat de libre circulation aura été refusé consentent de plein gré au classement desdits biens, dont l'effet secondaire est, comme cela a été rappelé plus haut, d'interdire la sortie définitive du territoire national.

Dans ces conditions, l'État, qui ne dispose pas de moyens suffisants pour faire entrer les trésors nationaux dans les collections publiques, ne devrait plus se risquer à classer d'office des oeuvres ou des objets d'art car il s'exposerait de ce fait à verser de lourdes indemnités aux propriétaires pour assurer la conservation en France d'oeuvres non accessibles au public.

2. Les difficultés financières de la Réunion des musées nationaux pèsent sur les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art

Privée de l'arme du classement d'office, la politique de protection du patrimoine national est encore affectée par les difficultés financières traversées par la Réunion des musées nationaux.

Instituée en 1895 pour « recueillir, gérer et employer les ressources destinées aux acquisitions d'objets ayant une valeur artistique, archéologique ou historique et devant prendre place dans l'un des musées nationaux », la Réunion des musées nationaux a connu d'importantes transformations au cours de la dernière décennie.

De 1985 à 1995, son chiffre d'affaires a enregistré une croissance exponentielle, passant de 85 millions de francs à près de 400 millions de francs. Signe de l'euphorie qui a caractérisé les musées de France au cours de cette période, les missions de la Réunion des musées nationaux se sont multipliées. A côté des missions traditionnelles de service public assumées par cet établissement (acquisition des oeuvres d'art pour le compte des musées nationaux, organisation d'expositions temporaires, édition -déficitaire- de publications scientifiques), ses activités commerciales (édition de produits dérivés, cartes postales, moulages, bijoux ; développement d'éditions multimédia ; vente par correspondance ...) ont progressivement occupé une place croissante, au point de justifier, en janvier 1991, la transformation du statut de cet établissement, d'établissement public administratif en établissement public à caractère industriel et commercial. Dans le même temps, la Réunion des musées nationaux a multiplié les services offerts aux musées de province.

Pour la deuxième année consécutive, les comptes de la Réunion des musées nationaux feront apparaître, en 1996, un résultat déficitaire.

Excédentaires en 1993 (10 millions de francs), équilibrés en 1994, les comptes ont révélé un solde négatif de 39 millions de francs en 1995 et devraient s'établir en déficit de 10 millions de francs en 1996.

Cette évolution négative résulte de la conjonction de plusieurs phénomènes. Depuis qu'ils ont été érigés en établissement public administratif, respectivement en janvier 1993 et en mai 1995, les musées du Louvre et de Versailles ne reversent plus à la Réunion des musées nationaux qu'une fraction des droits d'entrée perçus (45 % du produit total pour le Louvre ; une dotation forfaitaire annuelle de 20 millions de francs pour Versailles). Le succès rencontré par l'opération d'accès gratuit au musée du Louvre le premier dimanche de chaque mois représente encore un manque à gagner important pour la Réunion des musées nationaux.

Par ailleurs, et après avoir connu un pic à la fin de l'année 1993 et en 1994 en raison de l'attrait exceptionnel exercé par l'ouverture de l'aile Richelieu du Louvre sur les visiteurs, la fréquentation des musées tend à régresser sous l'effet conjugué de l'érosion de l'effet-nouveauté, des attentats, du plan Vigipirate et de la grève de décembre 1995. En 1995, la chute de la fréquentation a atteint 20 % . Elle s'est poursuivie en 1996, s'établissant à 13 % de moins qu'en 1995 sur les huit premiers mois de

Cette moindre fréquentation, que corrobore l'évolution des statistiques d'entrée enregistrées pour les expositions temporaires, a des répercussions négatives sur le chiffre d'affaires des librairies et des boutiques de la Réunion des musées nationaux. Enfin, la grève de décembre 1995 explique la quasi-stagnation de l'activité de vente par correspondance jusqu'alors en plein essor.

L'avenir de la Réunion des musées nationaux ne paraît pas menacé par la crise actuelle. Un conseil d'administration doit se réunir au cours du prochain mois pour arrêter un plan de redressement de l'établissement.

Cette crise n'est cependant pas sans incidence sur les budgets d'acquisition d'oeuvres d'art des musées nationaux.

Les crédits affectés par la Réunion des musées nationaux à l'acquisition d'oeuvres d'art représentent désormais près de 60 % des moyens correspondants disponibles pour les 33 musées nationaux.

Calculées sur la base d'une fréquentation stable et intégrant les hausses de tarifs intervenues au musée du Louvre et au Château de Versailles le 1er janvier, les prévisions de recettes pour l'année 1996 s'établissaient, en hausse de 13,5 millions de francs par rapport à 1995, à 67,61 millions de francs. Comme l'avait craint votre rapporteur, ces prévisions, qui pêchaient par optimisme, ont dû être révisées à la baisse en cours d'année à hauteur de 25 millions de francs, soit plus du tiers de la dotation prévue.

La subvention versée par l'État plafonne à 8,07 millions de francs dans la loi de finances pour 1996, en régression de 75 % en francs courants par rapport aux crédits effectivement versés en 1992. Au 1er novembre 1996, soit quinze jours avant la date de la clôture budgétaire, un quart de ces crédits n'avaient toujours pas été versés.

Établis en prévision à 20 millions de francs, les dons et les legs affectés avaient contribué pour seulement 0,94 million de francs à l'enrichissement des collections nationales au 1er novembre et les fonds issus du mécénat subissaient une nette érosion (2,66 millions de francs ont été collectés au cours des dix premiers mois de l'année, alors que l'apport du mécénat représentait 11,72 millions de francs en 1994 et 9,7 millions de francs en 1995).

La même année, la participation de l'État aux acquisitions des musées de province atteint tout juste 20,56 millions de francs. Par rapport à l'exercice 1992, les crédits déconcentrés par le ministère de la culture auprès des fonds régionaux d'acquisition des musées ont subi une érosion de plus de 54 % en francs courants.

Pour faire face à l'expiration des premiers refus de certificats au cours de l'année 1996, un effort significatif a été accompli en faveur du fonds du patrimoine. Ce fonds, à vocation pluridisciplinaire, a bénéficié d'une mesure nouvelle de 50 millions de francs, portant à 85,09 millions de francs l'enveloppe de crédits disponibles pour permettre l'acquisition d'oeuvres exceptionnelles par les directions des archives, du livre et de la lecture publique, du patrimoine, des musées de France ou par le Centre national des arts plastiques. Outre que 10 % des mesures nouvelles inscrites en loi de finances ont été annulées en cours d'exercice, seule une faible partie des crédits correspondants avaient été attribués au 1er novembre 1996, dont 14,7 millions de francs ont bénéficié aux musées nationaux et 8,99 millions de francs aux musées de province. A cette date, plusieurs dossiers étaient en cours d'instruction sans que l'on n'ait aucune certitude sur l'achèvement des procédures avant la date couperet du 15 novembre.

L'on peut craindre dans ces conditions que le dispositif de protection du patrimoine national mis en place par la loi du 31 décembre 1992 se révèle d'une efficacité très limitée, du moins pour les tableaux dont la cote sur le marché de l'art excède bien souvent la totalité des crédits publics d'acquisition. Privé des moyens juridiques d'empêcher la sortie des biens culturels de son territoire, ne serait-ce qu'indirectement en recourant au classement d'office des biens mobiliers, l'État risque de se retrouver en position d'assister, impuissant, au départ de ses trésors nationaux vers l'étranger.

3. Quelles perspectives d'avenir ?

Entre le 1er février 1993, date d'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1992, et le 30 juin 1996, l'État a délivré 8.465 certificats de libre circulation à des biens culturels, soit en moyenne 230 certificats par mois. Il en a refusé 35 au total (11 en 1993, 10 en 1994 et en 1995, 4 au cours des six premiers mois de 1996).

La comparaison des demandes de certificats introduites (8.500) au cours de cette période avec le nombre d'objets d'art effectivement contrôlés sous l'empire de la précédente législation -110.000 pour la seule direction des musées de France en 1989- fait d'emblée ressortir le caractère libéral du nouveau dispositif de protection. Seule est en effet subordonnée à l'octroi d'un certificat la sortie hors de France des biens qui répondent à des critères d'ancienneté et de valeur déterminés par décret. Tous les autres biens circulent librement.

De même, l'État paraît avoir usé avec parcimonie de son droit de refuser l'octroi d'un certificat de libre circulation, si l'on compare la dizaine de refus annuels prononcés sous l'empire de la nouvelle législation à la quarantaine d'acquisitions d'oeuvres d'art en douane -à la valeur déclarée par l'exportateur- et aux deux interdictions de sortie décrétées en moyenne chaque année en application de la loi de 1941.

Quoi qu'en pensent parfois les professionnels, la nouvelle législation se révèle donc incontestablement plus favorable à la fluidité du marché de l'art qu'à la protection du patrimoine national. De plus, et lorsque les règles du jeu sont respectées, le nouveau dispositif permet de connaître à l'avance le sort qui sera réservé à un bien dispersé en vente publique aux enchères, remédiant à l'incertitude qui régnait antérieurement jusqu'au passage des frontières sur la capacité de ce bien à quitter librement la France.

Au cours de l'année 1996, 10 refus de certificat sont parvenus à expiration. Parmi les oeuvres d'art ou les ensembles mobiliers concernés, quatre ont été acquis par l'État ou par un musée de province. Le mobilier de Mme Récamier a été acquis par un mécène qui en a fait don au musée du Louvre ; un autoportrait de Greuze est allé enrichir les collections du musée de Tournus ; un clavecin du XVIIe siècle, de Louis Denis, sera présenté au public par le musée de la musique de la Villette ; enfin, le « portrait de M. Levett et de Mlle Glavani assis sur un divan » de Jean-Etienne Liotard, a été acquis après quelques péripéties par les musées de France.

En revanche, faute de pouvoir les acquérir, l'État a dû accorder un certificat en juillet dernier à deux oeuvres majeures , la « Décollation de Saint Jean-Baptiste » par Rubens et un Poussin « L'agonie au jardin des oliviers » , qui ont actuellement quitté la France, sans que l'on sache encore s'ils trouveront ou non acquéreur à l'étranger.

Parmi les « trésors nationaux » dont le refus de certificat parviendra à échéance, au cours des trois prochaines années, on dénombre trois Bonnard (janvier et février 1997), un Vlaminck (avril 1997), un Monet (juin 1998), un papier collé de Picasso (août 1998), deux Manet et un Renoir (février 1999).

Pour certaines de ces oeuvres, notamment impressionnistes, les estimations fondées sur le marché international de l'art 18 ( * ) conduiront inéluctablement à écarter l'État si, dans l'intervalle et à législation inchangée, les crédits d'acquisition dont il dispose ne sont pas très sensiblement revalorisés.

A défaut, le seul effet du dispositif de protection du patrimoine national institué en 1992 serait de retarder de trois ans la sortie des trésors nationaux hors de France.

Si tel devait être le cas, outre l'appauvrissement du patrimoine national qui en résulterait, la légitimité du nouveau dispositif serait rapidement remise en cause par les professionnels du marché de l'art. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter aux réactions suscitées, en novembre 1995, à l'occasion de la mise en vente par les offices de Me Briest, du collage de Picasso « Verre, bouteille de vin, paquet de tabac, journal » , ravalé faute d'avoir atteint son prix de réserve en raison de l'absence d'enchérisseurs étrangers et de la suspicion de préemption que faisait peser sur les enchères son statut de « trésor national ». Certains observateurs n'ont pas hésité à dénoncer l'attitude du ministère de la culture qui, tout en qualifiant l'oeuvre de « jalon essentiel de l'histoire de l'art français » dont la sortie du territoire constituerait « une perte incontestable », n'était pas allé jusqu'au bout de sa « politique protectionniste » en se portant acquéreur de l'oeuvre.

Les pouvoirs publics semblent aujourd'hui conscients des insuffisances du dispositif actuel de protection du patrimoine national.

Une mission de réflexion avait été confiée par M. Édouard Balladur, alors Premier ministre, à M. Maurice Aicardi sur la défense et l'enrichissement du patrimoine national d'une part et les conditions d'un fonctionnement optimal du marché de l'art en France, dont les conclusions ont été remises au ministre de la culture en juillet 1995.

Parmi les nombreuses propositions formulées, deux tendaient plus particulièrement à remédier à l'insuffisance des crédits publics d'acquisition : la création d'un fonds de concours réservé à l'acquisition de trésors nationaux et alimenté par une dotation de la Française des Jeux ; l'institution d'un crédit d'impôt destiné à encourager les particuliers ou les entreprises à acquérir des trésors nationaux en vue de leur donation à l'État ou à une collectivité publique.

Comme le rappelait déjà l'an dernier votre rapporteur, l'on pourrait aussi songer à réactiver la procédure de classement d'office des biens mobiliers en substituant à l'indemnité représentative du préjudice subi du fait du classement d'office, l'octroi d'avantages fiscaux aux propriétaires d'objets mobiliers classés, comme le proposait d'ailleurs une version de l'avant-projet de loi sur les musées enterré en 1994.

La première proposition formulée par M. Aicardi nous incite une nouvelle fois à tourner nos regards outre-manche. Créée en juin 1995, la loterie britannique affecte 28 % de ses enjeux à différentes « causes nationales » parmi lesquelles la sauvegarde du patrimoine et l'enrichissement des collections des musées. En un an, l'Héritage Lotery Fund a pu ainsi distribuer 273 millions de livres (soit 2,1 milliards de francs), dont 7,25 %, soit l'équivalent de 156 millions de francs, ont été affectés à l'acquisition d'oeuvres et d'objets d'art. L'institution de la loterie a ainsi permis d'accroître de 50 % environ les crédits d'acquisition des musées britanniques.

En Italie, les ministres de la culture et des finances, MM. Walter Veltroni et Vicenzo Visco, viennent à leur tour d'annoncer la décision du Gouvernement d'affecter une partie de gains du loto au ministère des biens culturels. Cette mesure devrait permettre de consacrer 200 milliards de lires (soit 680 millions de francs) supplémentaires à la conservation et à la promotion du patrimoine artistique et culturel.

Au cours d'un entretien accordé récemment au quotidien Les Échos 19 ( * ) , M. Philippe Douste-Blazy a reconnu que le ministère ne disposait plus, depuis l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans l'affaire Walter, des « moyens juridiques, ni surtout financiers » d'arrêter la sortie « des derniers chefs d'oeuvre qui sont encore en France ». Il annonçait par conséquent la présentation prochaine au Parlement d'un projet de loi « qui redonnera à la France les moyens de conserver son patrimoine ».

B. GRANDES INSTITUTIONS CULTURELLES : LE COÛT DE L'EXEMPLARITÉ

Les grands travaux qui s'achèvent ont doté la France d'institutions culturelles de référence : Opéra national de Paris, Grand Louvre modernisé Bibliothèque nationale de France, Cité de la musique, Cité des sciences et de l'industrie 20 ( * ) , auxquelles s'ajouteront, au tournant du prochain millénaire, le centre national d'art et de culture Georges Pompidou rénové et le musée des civilisations et des arts premiers, dont le chef de l'État a annoncé la création au Palais du Trocadéro.

Chacune de ces institutions doit, dans le domaine qui lui est propre, jouer un rôle exemplaire, servant à la fois de « locomotive » à l'égard de la vie artistique et culturelle française et de vitrine pour le rayonnement culturel international de la France.

La quête de l'exemplarité a un coût que les autorités de tutelle, préoccupées par la compression des dépenses budgétaires et par le rééquilibrage des interventions culturelles de l'État en faveur de la province, paraissent aujourd'hui éludé.

Comme le soulignait l'an passé votre rapporteur, « parce que ces institutions sont neuves, ou que leur rénovation a mobilisé d'importants crédits d'investissement, le sentiment généralement partagé à leur endroit est celui du devoir accompli » .

1. Doter les grandes institutions culturelles des moyens nécessaires à leur fonctionnement


• Imagine-t-on quel effet désastreux aurait sur l'opinion publique la fermeture, quelques jours seulement après leur réouverture en décembre 1997, des départements des antiquités égyptiennes et des antiquités grecques, étrusques et romaines ou de la Grande galerie du département des peintures du musée du Louvre ?

C'est pourtant le risque qu'encourent les autorités de tutelle en refusant de doter cet établissement des personnels, de surveillance notamment, qui lui permettront de faire face à l'augmentation des surfaces d'exposition et à l'ouverture d'une seconde entrée pour le public, porte des Lions.

Certes, en 1997, et pendant toute la durée de réinstallation des oeuvres (six à huit mois), le Louvre pourra pallier cette insuffisance en augmentant ses effectifs de personnels vacataires. Cette solution présente cependant deux inconvénients. Elle concourra tout d'abord à accroître la proportion de surveillants vacataires, qui oscille actuellement entre 30 et 35 % des personnels en salle et atteint même 50 % de ceux-ci durant la période estivale, au détriment inévitable de la sécurité des oeuvres. Elle se révèle par ailleurs coûteuse, puisqu'elle expose l'établissement public à devoir verser, à l'expiration de contrats d'une durée maximale de neuf mois, d'importantes indemnités aux vacataires qui ne retrouveraient pas immédiatement un emploi.

Votre rapporteur réclame en tout état de cause que les 150 emplois de personnels de surveillance nécessaires à l'ouverture des nouvelles salles puissent être inscrits au projet de loi de finances pour 1998.

L'investissement consenti pour faire du Louvre le plus grand musée du monde ne saurait être justifié aux yeux des contribuables si les visiteurs devaient se heurter, à l'expiration du programme de réaménagement des collections, à des salles fermées pour raison de sécurité.


• A un mois de l'ouverture du département « grand public » de la Bibliothèque nationale de France, l'on ne dispose toujours pas d'indications fiables sur les horaires d'ouverture du site de Tolbiac ni sur le budget prévisionnel de fonctionnement de l'établissement en vitesse de croisière.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, il semble que l'on ait aujourd'hui renoncé à ouvrir la bibliothèque au public le dimanche, alors que cette hypothèse était encore généralement admise lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1996.

L'on s'orienterait par ailleurs vers la perception d'un droit d'entrée à la bibliothèque de France, ce qui ne paraît pas totalement incongru mais impose de rester prudent dans la détermination des tarifs. L'expérience du Louvre, dont les tarifs ont augmenté le 1er janvier 1996 21 ( * ) , tend à révéler l'existence d'un seuil au-delà duquel la perception du droit d'entrée constitue un obstacle à la visite. Outre l'érosion continue du nombre de visiteurs enregistrés, les statistiques d'entrées révèlent un déplacement très net de la fréquentation du musée, du matin vers l'après-midi, que pourrait expliquer l'application d'un tarif réduit aux visites effectuées après 15 heures.

Un rapport d'enquête élaboré conjointement par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration du ministère de la culture confirmait, en janvier 1996, que le coût de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France s'établirait, selon le scénario retenu par les autorités de tutelle, entre un milliard de francs (correspondant à une hypothèse volontariste de maîtrise des coûts) et 1,3 milliard de francs.

Les arbitrages définitifs n'ont toujours pas été rendus par le Gouvernement.

Le souci de contenir au maximum le coût de cet établissement pour la collectivité a toutefois conduit dès cette année à prendre des décisions dictées exclusivement par des considérations financières, et dont certaines peuvent paraître regrettables. Parmi celles-ci, la décision portant sur le déménagement de la bibliothèque de l'Arsenal et l'installation des archives du Quai d'Orsay dans les locaux qu'elle occupait depuis le XVIIe siècle rue de Sully, annoncée par le Premier ministre le 12 août dernier, et qui fait peser une menace de dislocation sur le fonds exceptionnel d'ouvrages et de manuscrits constitué par sédimentations successives à partir des collections du Duc de Paulmy.

Quoiqu'il en soit, un effort important devra être réalisé pour doter la Bibliothèque nationale de France, dans l'intervalle qui la sépare de l'ouverture des espaces réservés aux chercheurs, envisagée pour l'été ou l'automne 1998, des moyens en personnels nécessaires pour assurer son fonctionnement. A cet égard, l'on notera qu'aucune création de poste n'est prévue à cet effet en 1997 et qu'à la date du 1er octobre, 380 postes seulement sur les 550 créations d'emplois inscrites en loi de finances pour 1996 avaient été effectivement pourvus.

2. Assurer un entretien régulier des bâtiments et pourvoir au renouvellement des équipements

Il importe, aujourd'hui, de se rendre à l'évidence : l'achèvement des grands chantiers parisiens ne met pas un terme aux crédits d'équipement que l'État devra verser aux établissements publics qui en sont issus.

A cet égard, les observations formulées l'an passé par votre rapporteur restent d'actualité.


• L'entretien des bâtiments dans lesquels sont installées les grandes institutions culturelles doit être régulièrement assuré.

Le contre-exemple du centre national d'art et de culture Georges Pompidou, à la réhabilitation duquel l'État est acculé à consacrer une enveloppe financière de plus de 400 millions de francs vingt ans seulement après son inauguration, devrait favoriser cette prise de conscience.

Au Louvre par exemple, l'on estime qu'un nettoyage superficiel des façades du Palais, suivant une programmation quinquennale et pour un coût annuel de 2 millions de francs, permettrait de repousser la perspective d'une nouvelle entreprise de restauration, à laquelle l'État aura affecté 1,2 milliard de francs au cours des dernières années.


• Parce qu'il fait appel aux technologies modernes, le fonctionnement de ces institutions fait par ailleurs intervenir des équipements nombreux, sophistiqués, fragiles et dont la durée de vie est relativement courte (de 3 à 10 ans en général) 22 ( * ) .

Le renouvellement cyclique de ces équipements, qui conditionnent l'ordre de marche de l'institution, fait apparaître des besoins de financement nouveaux, très supérieurs à ce que pouvaient représenter ces postes dans le budget des institutions traditionnelles, et qu'en tout état de cause les établissements publics gestionnaires ne sont pas en mesure d'assumer seuls.

C'est la raison pour laquelle il importe que l'État prenne en charge le renouvellement des équipements transférés à chacune des grandes institutions parisiennes, selon un calendrier qui devra être précisé au cahier des charges de ces établissements, et qui devra être scrupuleusement respecté.

A cette fin, votre commission des affaires culturelles suggère à nouveau que la présentation des crédits du titre VI fasse apparaître une ligne spécifique correspondant aux dépenses de renouvellement des équipements affectées à chacune des grandes institutions culturelles.

Cette mesure permettra au Parlement de vérifier, année après année, l'adéquation des crédits inscrits dans le projet de loi de finances aux besoins définis dans les cahiers des charges des établissements publics.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au cours d'une séance tenue le mercredi 13 novembre 1996, sous la présidence de son président M. Adrien Gouteyron.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Maurice Schumann, rapporteur spécial des crédits de la culture au nom de la commission des finances, a indiqué que si son analyse de la politique culturelle rejoignait pour l'essentiel celle du rapporteur pour avis, il ne pouvait en revanche souscrire à sa proposition de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 1997. La diminution d'un tiers des autorisations de programme ouvertes l'an prochain en faveur de la restauration du patrimoine monumental, dont les effets seront au mieux partiellement compensés par l'accélération des procédures d'engagement des crédits ouverts en 1997 et le report des reliquats des années précédentes, pourrait en effet être aggravée par l'annulation de 316 millions de francs d'autorisations de programme votées en 1996. Au total, l'amputation des crédits budgétaires excéderait alors 900 millions de francs, soit la moitié des crédits affectés à la restauration du patrimoine, et ses effets seront encore amplifiés par la réduction des efforts consentis par les régions du fait de l'étalement des contrats de plan État-régions. Les conséquences de ce cumul pourraient être dramatiques sur l'emploi, les entreprises spécialisées évaluant entre 3.500 et 4.000 le nombre de licenciements qui en résulteraient.

Le rapporteur spécial a indiqué à la commission que ses protestations auprès du ministre de la culture n'avaient eu qu'un effet limité, puisqu'elles n'avaient permis d'obtenir qu'un « dégel » de 50 millions d'autorisations de programme ouvertes en 1996. Si l'appel au Premier ministre ne devait pas faire évoluer favorablement les crédits du patrimoine monumental dans les prochains jours, le rapporteur spécial a estimé qu'il serait contraint de proposer à la commission des finances de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de la culture.

Le président Adrien Gouteyron a indiqué à la commission qu'il avait pris l'initiative d'écrire au Premier ministre pour attirer son attention sur les conséquences qu'aurait sur l'activité des entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques le cumul du rééchelonnement de la loi de programme et des annulations d'une partie des autorisations de programme ouvertes en 1996, et pour demander que l'effort consenti par l'État en faveur de la restauration du patrimoine monumental soit en tout état de cause revalorisé lors de la préparation du budget pour 1998.

M. François Lesein a, à son tour, exprimé la crainte que la forte diminution de l'effort consenti par l'État en faveur de la restauration des monuments historiques ne se traduise par d'importants licenciements et a jugé que la commission ne pouvait, dans ces conditions, donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture. Au sujet de l'affectation d'une partie des gains de la Française des jeux à l'acquisition d'oeuvres d'art, il a fait observer que le fonds national pour le développement du sport, qui était financé de cette façon, ne disposait pas de recettes suffisantes pour faire face à l'ensemble de ses missions. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur le calendrier d'ouverture de la Bibliothèque nationale de France.

M. Ivan Renar s'est déclaré prêt à s'associer à toute démarche visant au rétablissement des crédits affectés à la restauration du patrimoine monumental. Il s'est dit préoccupé de l'érosion des crédits affectés à la culture par l'État dès lors que l'on raisonne à structure constante, et, plus généralement, de l'effacement de la place réservée à la culture dans la politique gouvernementale. Il a en particulier regretté que le Parlement ait pu débattre du contrôle de l'ouverture des multiplexes cinématographiques, de la transformation du statut de l'institut de formation et d'enseignement pour les métiers de l'image et du son (FEMIS) ou de la suppression de l'avantage fiscal consenti aux souscripteurs du capital des sociétés du financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) à l'occasion d'amendements. Il a craint par ailleurs qu'un désengagement de l'État en matière culturelle ne favorise la remise en cause de l'intervention des collectivités locales dans le domaine culturel, comme cela a pu être observé à Orange ou à Toulon.

S'agissant de la politique d'acquisition d'oeuvres d'art, il a demandé au rapporteur des précisions sur l'évolution des crédits affectés au fonds du patrimoine. Il a également estimé que la suppression de la déduction supplémentaire dont bénéficiaient jusqu'à présent les artistes aurait nécessairement des répercussions sur les budgets de fonctionnement des institutions culturelles qui seraient appelées à compenser la perte de revenus correspondante.

Il a enfin déploré la faiblesse des crédits affectés par l'État aux enseignements artistiques et souligné l'effort consenti par les collectivités territoriales pour compenser cette insuffisance.

M. Jean-Louis Carrère s'est déclaré choqué que l'on puisse utiliser l'argent de loteries pour financer l'art ou le sport et a indiqué qu'il voterait contre l'adoption des crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997.

M. Jean-Paul Hugot, tout en déclarant s'associer aux démarches entreprises pour tenter d'obtenir une revalorisation des crédits affectés à la restauration du patrimoine monumental, a souhaité que l'on s'attache à simplifier les procédures administratives préalables à l'engagement des autorisations de programme, dont la complexité explique en partie les retards observés dans la consommation des crédits d'investissement. Soulignant que la diminution de l'effort consenti en faveur du patrimoine monumental s'inscrivait en contradiction avec la priorité gouvernementale affectée à l'aménagement du territoire, il a craint que le financement du fonctionnement des grandes institutions parisiennes ne s'exerce encore au détriment de l'investissement culturel en région.

M. Daniel Eckenspieller, soulignant que les économies budgétaires que permettrait de réaliser le rééchelonnement de la loi de programme sur le patrimoine monumental seraient sans commune mesure avec les coûts économiques et sociaux induits par cette décision, a regretté que de semblables décisions soient prises sans une étude de leurs conséquences macro-économiques et à long terme.

M. Marcel Vidal a demandé au rapporteur pour avis des précisions sur la constitution de la fondation du patrimoine. Rejoignant M. Jean-Paul Hugot pour dénoncer la lourdeur des procédures et des montages financiers liés aux opérations de restauration du patrimoine protégé, il a souhaité qu'une réflexion puisse être engagée sur la simplification des procédures administratives et a suggéré que les collectivités locales puissent avoir accès à des prêts à taux bonifié pour réaliser ces opérations. Il a par ailleurs espéré que la contractualisation des engagements souscrits en matière culturelle entre l'État d'une part et les communes, les groupements de communes ou les départements d'autre part ne serait pas remise en cause.

Soulignant que l'ampleur de l'entreprise de rénovation engagée au centre national d'art et de culture Georges Pompidou exigeait qu'il soit partiellement fermé au public, il a enfin souhaité que les délais envisagés pour la réalisation de ce chantier puissent être respectés.

M. Jean Bernard a plaidé en faveur d'une utilisation plus rationnelle des crédits de restauration des monuments historiques et a rejoint MM. Jean-Paul Hugot et Marcel Vidal pour réclamer une simplification des procédures administratives préalables à la réalisation de travaux sur les monuments classés.

M. Alain Joyandet, estimant que l'on ne pouvait à l'occasion de l'examen du budget de la culture remettre en cause la priorité accordée par le Gouvernement à la réduction des déficits publics, a indiqué qu'il voterait les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997.

M. Adrien Gouteyron, président, a fait observer que le ministère de la culture ne pourrait pas faire l'économie d'une réflexion sur la simplification des procédures s'il entendait parvenir à compenser, au moins partiellement, les effets de la réduction des autorisations de programme ouvertes en 1997 par une accélération de l'instruction des dossiers de travaux. Il a par ailleurs fait remarquer qu'en cas de succès, l'accroissement du taux d'engagement des crédits ouverts en 1997 et la consommation des reliquats de crédits reportés des années précédentes conduiraient à différer en 1998 les effets du désengagement de l'État.

Répondant aux différents intervenants, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- les crédits que l'État est raisonnablement susceptible de consacrer à l'acquisition d'oeuvres d'art resteront toujours hors de proportion avec les valeurs atteintes sur le marché international de l'art. C'est la raison pour laquelle il paraît souhaitable d'envisager le recours au Loto pour permettre à la France d'assurer la conservation sur son territoire des oeuvres maîtresses de son patrimoine ;

- l'ouverture du département « grand public » de la bibliothèque nationale de France à Tolbiac est toujours programmée pour le mois de décembre 1996, celle du « rez-de-jardin » réservé aux chercheurs étant prévue dans le courant de l'année 1998. Les derniers arbitrages relatifs aux coûts de fonctionnement de cette institution n'ont toujours pas été rendus : ils devraient néanmoins s'établir dans une fourchette comprise entre 900 millions de francs et 1,3 milliard de francs par an. D'après les informations disponibles, il semblerait que l'on ait finalement renoncé à ouvrir la bibliothèque au public le dimanche ;

- les crédits du fonds du patrimoine, qui ont bénéficié d'une mesure nouvelle de 50 millions de francs dans la loi de finances pour 1996, seront reconduits en 1997 à 85 millions de francs ;

- la « fondation du patrimoine » est en cours de constitution. L'on peut espérer qu'elle contribue à élargir le champ d'intervention des entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine. L'intervention de la nouvelle fondation apparaît toutefois complémentaire de celle de l'État puisque sa vocation est de contribuer à la sauvegarde du patrimoine non protégé.

A l'issue d'un large débat auquel ont notamment pris part, outre le président Gouteyron et le rapporteur pour avis, MM. Jean Bernadeaux, Jean Bernard, Alain Joyandet, André Egu, Alain Gérard et François Lesein, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de la culture inscrits au projet de loi de finances pour 1997.

* 1 soit respectivement 1.601 millions de francs et 1.633 millions de francs actualisés par l'application de l'indice des prix de la formation brute de capital fixe.

* 2 Rapport au Parlement - Exercice 1995.

* 3 Sénat, rapport n° 273 (1995-1996)

* 4 Les crédits consacrés au fonctionnement des bibliothèques centrales de prêt, rebaptisées bibliothèques départementales de prêt, ont été intégrés indistinctement dans la dotation générale de décentralisation.

* 5 hors dépenses afférentes aux traitements des personnels permanents, titulaires ou contractuels.

* 6 Le nombre d'architectes inscrits à l'ordre est passé de 8.372 en 1960 à 26.623 en 1995.

* 7 le premier, d'une durée théorique de deux ans, sanctionné par le diplôme d'études fondamentales en architecture et le second, d'une durée théorique de trois ans, conduisant au diplôme d'architecte diplômé par le Gouvernement (D.P.L.G.).

* 8 Pour l'école, rapport de la commission présidée par M. Roger Fauroux, remis au ministre de l'éducation nationale en juin 1996

* 9 Commission présidée par M. Jacques Rigaud, rapport remis au ministre de la culture en octobre 1996.

* 10 Rapport de M. Gilbert Pelissier sur la situation des enseignements artistiques obligatoires à l'école élémentaire et au collège.

* 11 même s'il convient de rester vigilant pour accroître le respect de l'obligation légale en musique et améliorer le sort des académies déficitaires.

* 12 Dernières statistiques disponibles.

* 13 Hors ville de Paris

* 14 L'exception culturelle - culture et pouvoirs sous la Ve République (Grasset, 1995).

* 15 Sous-directrice du théâtre à la direction générale des arts et lettres à la fin de la IVe République.

* 16 Sénat, n° 78, Tome 1 (1995-1996).

* 17 outre les biens appartenant aux collections publiques et les biens classés, archives ou monuments historiques, sont considérés comme étant des « trésors nationaux », les biens présentant un « intérêt majeur » du point de vue de l'histoire, de l'art et de l'archéologie.

* 18 En France, les estimations sont fournies par référence au marché international de l'art. Sur ce point, le dispositif anglais écarte toute marge d'appréciation : la question de l'exportation des oeuvres d'art hors du Royaume-Unis n'étant posée que lorsqu'une personne étrangère s'est réellement portée acquéreur d'un bien, le bien dispose d'un prix réel et objectif.

* 19 édition du 25 octobre 1996

* 20 rattachée au ministère de la culture depuis le 1er janvier 1996.

* 21 Passant de 40 à 45 francs pour le tarif normal et de 20 à 26 francs pour le tarif réduit.

* 22 Climatisation, détection incendie, éclairage, escalators, dispositif centralisé de sécurité au Louvre plateaux scéniques à l'Opéra de la Bastille, système automatisé de transmission des ouvrages à la bibliothèque de Tolbiac.

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