C. LA RÉORIENTATION DES DISPOSITIFS D'INSERTION
1. Les contrats emploi-solidarité (CES)
En 1994, les employeurs du secteur non marchand ont signé 715.000 CES (+ 9 % par rapport à 1993) et 25.000 emplois consolidés (ECIC) (soit près de quatre fois le nombre de contrats signés en 1993). Parmi l'ensemble de ces contrats, il y a 510.000 conventions initiales et 230.000 avenants de reconduction. A la fin de 1994, environ 433 000 salariés sont employés sur une CES ou un ECIC (en France métropolitaine) soit 60.000 de plus qu'une année plus tôt. Ces deux mesures restent des instruments de premier plan de l'intervention des pouvoirs publics ; dans, la lutte contre le chômage, en particulier vis-à-vis des jeunes en difficulté et des chômeurs de longue durée. Elles garantissent la stabilisation d un important volume d'effectifs employés.
En raison de la priorité donnée depuis 1991 à la réinsertion des chômeurs de très longue durée et des bénéficiaires du RMI, la proportion de jeunes au sein des salariés du secteur non marchand tend a se réduire, bien que leur effectif recommence à augmenter. Mais la part des allocataires du RMI croît plus modestement que les années précédentes. Enfin, la durée moyenne des contrats signés s'allonge de près d'un mois.
Les dépenses au titre des contrats emploi-solidarité s'élèvent à 13,265 milliards de francs en 1993 et 14,669 milliards de francs en 1994.
Malgré l'amélioration récente du marché de l'emploi et compte tenu du problème d'exclusion, le gouvernement a décide de maintenir, après abondement en novembre, à un niveau élevé le volume des contrats emploi-solidarité, soit 685.000 en 1995.
Conformément aux termes de l'article 18 de la loi quinquennale, les orientations définies en 1993, poursuivies en 1994 et 1995, ont objectif de maintenir le recentrage du dispositif CES au bénéfice des personnes les plus menacées d'une exclusion durable du marché de l'emploi (circulaire n° 94-19 du 13 mai 1994).
Cependant, on constate depuis quelque temps une certaine réticence des services de l'État à signer de nouvelles conventions, ce qui met les établissements bénéficiaires et les associations en difficulté.
Cette politique restrictive sera accentuée en 1996, puisque seulement 500.000 CES seront financés, avec une dotation de 10.842 millions. Cette réorientation est justifiée, selon le Gouvernement, par la création des CIE. En outre, le dispositif devrait être modifié dans le sens d'une baisse des taux de prise en charge qui passera de 95 à 82 % et de la suppression du fonds de compensation.
Le fonds de compensation a été créé pour compléter l'aide accordée par l'État aux employeurs de salariés sous contrat emploi-solidarité.
Depuis juillet 1992, il est devenu un outil incitatif à l'embauche des publics les plus en difficulté dont le salaire est pris en charge à hauteur de 85 %. En principe, l'octroi du fonds est donc limité aux contrats emploi-solidarité conclus au profit de ces publics.
En règle générale, le taux de prise en charge est égal à 50 %. Mais ce taux peut être porté à 100 % lorsqu'il s'agit d'employeurs qui consentent un effort de recrutement important au bénéfice des publics prioritaires ou disposant de faibles moyens.
L'intervention à hauteur de 100% est automatique pour les établissements d'enseignement et hospitaliers.
Une instruction en date du 26 novembre 1992 a, en outre, ouvert la possibilité d'intervention du fonds au bénéfice de jeunes non CLD en très grande difficulté, au-delà de la prise en charge de leur salaire par l'État au taux normal de 65 %.
Votre commission craint que ces mesures restrictives, par leur brutalité, n'engendre de graves difficultés pour les employeurs de CES. On sait, en effet, que 8,7 % des personnels des CHU sont des CES. Nombre d'associations, notamment dans le secteur sanitaire et social, auront des difficultés à continuer leur action dans les mêmes conditions. Elles ne pourront pas se tourner vers les CIE, du moins dans d'aussi importantes proportions, car ceux-ci sont plus onéreux.
Certes, il n'est pas sain que des établissements publics ou des associations fonctionnent avec une part aussi importante d'emplois précaires subventionnés, sans déboucher sur une insertion durable, mais le changement d'orientation révélée par la baisse des crédits risque de poser localement de redoutables problèmes. Il conviendrait donc d'en tenir compte et de rendre plus progressive la réorientation des dispositifs.
2. Les emplois consolidés à l'issue d'un CES (ECIC)
Le dispositif emploi consolidé a connu un important développement en 1994 confirmé par les premières tendances connues pour le premier semestre 1995. En 1994, 25.165 conventions emplois consolidés ont été conclues, soit un dépassement de l'objectif de 20.000 ECIC defini initialement. Pour les six premiers mois de 1995, 20.700 contrats consolidés sont enregistrés, ce qui porterait à 40.000 contrats le nombre d ECIC prévus pour 1995.
Ce développement a été rendu possible par le décret n° 95-321 du 23 mars 1995 portant modification des règles de calcul de l'aide de l'État attachée au dispositif emploi consolidé : le taux de financement de l'État est passé, depuis le 1 er janvier 1995 et pour 1995, a 70% du coût de la rémunération d'une convention la première année (contre 60% compte tenu des anciennes règles) et à 30 % la cinquième année (contre 20% selon les anciennes dispositions) afin de rendre ce dispositif plus attractif pour les organismes prêts à insérer durablement les publics en grande difficulté.
Ce taux est augmenté de 10 points pour les bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion sans emploi depuis au moins deux ans habitant dans les territoires ruraux de développement prioritaire.
En 1996, il est prévu l'ouverture de 20.000 emplois consolidés, avec une dotation de 1,23 milliard.
3. L'insertion par l'économique
a) Les associations intermédiaires
Après une montée en charge les premières années, suivie entre 1989 et 1992 d'une évolution plus lente mais régulière, le nombre des associations intermédiaires a augmenté plus nettement en 1993 pour ralentir son développement en 1994 : en moyenne, 2,6 nouvelles associations sont créées par mois contre 5,7 l'année précédente. Par contre, le nombre de personnes mises à disposition progresse nettement : 730.422 en 1994 contre 562.642 en 1993, soit une augmentation de 29,8 %.
En raison du caractère irrégulier de l'activité, ces salariés ne sont en fait sous contrat qu'environ trois mois et demi dans l'année pour une durée mensuelle variant de 45 à 54 heures.
Les heures travaillées sont effectuées pour 27 % chez des particuliers (69 % des utilisateurs), 49,5 % dans les entreprises du secteur marchand et 20,2 % pour des entreprises du secteur non marchand.
Les bénéficiaires se répartissent ainsi :
- hommes 51,9 %, femmes 48,1 % ;
- 57,4 % ont entre 25 et 49 ans et 34,9 % ont moins de 25 ans ;
- 75 % d'inscrits à l'ANPE dont 1/3 depuis plus d'un an.
Au cours de l'année, les associations intermédiaires déclarent savoir qu'au moins 31 % des salariés mis à disposition dans l'année étaient déjà reclassés hors du cadre de l'association intermédiaire. Ils accèdent, pour la moitié d'entre eux, à des contrats non aidés dont 18 % à des contrats à durée indéterminée, mais aussi dans 20 % des cas, à des contrats emploi-solidarité ou à des contrats de retour à l'emploi.
L'article 95 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses mesures d'ordre social, précisé par le décret n° 95-447 du 25 avril 1995, a modifié le rôle et la composition du comité départemental d'insertion par l'économique et les modalités d'agrément. Toute association intermédiaire doit dorénavant demander l'avis du comité pour que son agrément soit renouvelé. Les publics concernés ont, en outre, été mieux précisés : toute personne n'ayant pas réussi à s'insérer de façon stable sur le marché du travail ou qui éprouve des difficultés à retrouver un emploi peut être recrutée par l'association intermédiaire.
b) Les entreprises d'insertion
En 1994, le nombre d'entreprises d'insertion en activité à la fin de l'année s'élève à 674 contre 557 à la fin 1993. Le nombre de salariés en insertion en fin d'année est passé de 5.592 en 1993 à 6.585 en 1994.
Au total, les entreprises insertion ont accueilli en 1994 un flux de 19.680 personnes en insertion (9.000 sur les cinq premiers mois de 1995). Ces personnes sont embauchées sur des postes aidés par la subvention forfaitaire ou sur les contrats aidés classiques : contrats de retour à l'emploi, contrats d'insertion en alternance.
Les salariés en insertion sont majoritairement des hommes, des jeunes et des personnes sans formation, demandeurs d'emploi pour une part importante de longue ou de très longue durée avant leur embauche par l'entreprise d'insertion.
Ils occupent principalement des emplois d'ouvriers de type artisanal ou industriel (secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l'environnement, du textile, du nettoyage).
La subvention forfaitaire au poste attribuée par le ministère du travail aux entreprises d'insertion s'élève à 38.000 francs et par poste depuis 1993. La subvention au poste de suivi-accompagnement social et professionnel attribuée aux entreprises d'intérim d'insertion est d'un montant maximum de 18.000 francs par an et par poste.
Les crédits prévus en 1995 pour financer l'ensemble des aides au démarrage pour les associations intermédiaires, les aides au poste dans les entreprises d'insertion et les aides au poste d'accompagnement social et professionnel dans les entreprises d'intérim d'insertion s'élèvent à 309,997 millions de francs.
Les crédits correspondant prévus dans le projet de loi de finances 1996, s'élèvent à 317,2 millions de francs. 2,8 millions de francs sont également inscrits pour le financement du fonds de garantie.
4. L'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise (ACCRE)
Depuis janvier 1979, date d'instauration d'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises, jusqu'au 30 juin 1995 près de 800.000 aides ont été accordées.
L'évolution du dispositif a été marquée par plusieurs réformes importantes. En 1984, l'ACCRE a été ouverte aux chômeurs bénéficiaires des allocations de solidarité entraînant, dès 1985, un doublement du nombre de chômeurs créateurs (70.000 bénéficiaires créant 57.600 entreprises).
A partir de 1987, les dossiers de demandes d'aide ont été obligatoirement assortis d'un dossier économique examiné par l'administration. Le dispositif s'est recentré sur les projets de qualité, entraînant une baisse du nombre des aides accordées de 1987 à 1991.
En 1991, le bénéfice de l'ACCRE a été étendu aux titulaires du RMI.
La loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle a de nouveau modifié sensiblement le dispositif : fusion de l'ACCRE et du fonds départemental pour l'initiative des jeunes (FDIJ), montant unique de l'aide (32.000 francs), durée de maintien de la couverture sociale à titre gratuit portée de 6 à 12 mois et bénéfice de l'aide étendu aux personnes non indemnisées, inscrites comme demandeurs d'emploi depuis six mois. De plus, la loi prévoit que l'aide est réputée accordée si un refus explicite n'intervient pas dans le mois qui suit la demande. Enfin, en cas d'échec du créateur dans les douze mois au plus qui suivent la création ou la reprise d'entreprise, celui-ci retrouve le bénéfice des droits à l'assurance chômage qui lui restaient acquis à la date d'attribution de l'aide, sans être tenu de rembourser celle-ci.
Les modifications introduites par la loi quinquennale ont entraîné un fort accroissement du nombre de bénéficiaires de l'aide : 80.000 bénéficiaires en 1994, soit une augmentation de 49,5 % par rapport à 1993, et plus de 46.000 bénéficiaires au premier semestre 1995, soit une augmentation de 48 % sur la même période de 1994. Le montant des dépenses effectuées au titre de l'ACCRE a été de 2.469,3 millions de francs et de 1.216,08 millions de francs au 30 juin 1995.
La loi de finances rectificative pour 1995 a réformé de nouveau l'ACCRE. Les principaux points de la réforme sont les suivants :
- modification des règles d'éligibilité à l'aide (6 mois d'inscription au chômage dans les dix huit derniers mois) afin de favoriser la maturation du projet de création ou de reprise d'entreprise ;
- à défaut d'une compétence reconnue, l'octroi de l'aide est subordonné à une formation à la gestion afin d'améliorer le taux de pérennisation des entreprises créées avec le bénéfice de l'ACCRE ;
- le délai de l'accord tacite est porté de un à trois mois, afin de permettre une meilleure qualité d'instruction des dossiers des demandeurs.
Pour 1996, le projet de loi de finances prévoit l'inscription de 900 millions de francs pour le financement de l'ACCRE et du chèque conseil.