B. FACE AUX LOURDEURS ET AUX DYSFONCTIONNEMENTS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE, LE PROGRAMME NATIONAL D'INTÉGRATION URBAINE DEVRA INSUFFLER UN NOUVEL ÉLAN
Les difficultés de la politique de la ville sont à la hauteur des problèmes qu'elle doit traiter : la population des 1.310 quartiers représente 6,5 millions de personnes au sein des 17 millions d'habitants que comptent les communes signataires des contrats de ville : il convient de rappeler que la population concernée par les contrats de développement social des quartiers (DSQ) au titre du Xème plan s'élevait à 3 millions de personnes.
Cette population est fortement touchée par le chômage : d'après le recensement de mars 1990. le taux de chômage de jeunes de 15 à 24 ans habitant dans les quartiers prioritaires était de 29,3 % alors que ce taux était de 19,9 % pour la France métropolitaine.
Ces données se sont vraisemblablement aggravées depuis 1990. La politique de la ville, confrontée au défi de société que constitue la « fracture urbaine », accuse certaines lourdeurs et certains dysfonctionnements. Le programme national d'intégration urbaine devra lui donner un nouveau souffle.
1. Les lourdeurs et les dysfonctionnements de la politique de la ville
Le rapport de la Cour des Comptes pour 1995 a consacré une analyse à la mise en oeuvre par l'État des moyens consacrés à la politique de la ville. Votre rapporteur, pour sa part, souhaite rappeler les observations adoptées à ce sujet par votre commission dans son avis sur le budget de la ville en 1995, présenté par Mme Hélène Missoffe. à laquelle il tient à rendre un hommage tout particulier.
a) La Cour des Comptes a relevé les difficultés de la procédure de contractualisation ainsi que les retards de paiement des subventions
Au-delà des observations à caractère strictement financiers de la Cour des Comptes concernant les lacunes et les incohérences de la présentation budgétaire des crédits de la ville et les entorses à la règle de la spécialité budgétaire, le rapport public de la Cour en 1995 se montre relativement sévère envers la politique de la ville.
ï Concernant la procédure contractuelle, dont la généralisation est étroitement liée à la décentralisation, la Cour relève qu'elle introduit des contraintes qui pèsent sur la politique de la ville : les contrats initialement circonscrits à un quartier, étendus désormais au périmètre plus vaste de l'agglomération, sont marqués par une part relativement faible des inscriptions financières consacrés à l'insertion et au développement social stricto sensu. Les services extérieurs de l'État qui dépendent des directives nationales qui changent d'une année à l'autre n'ont pas le même degré de liberté que les collectivités décentralisées pour nouer le dialogue et préparer les conventions. Enfin, l'État ne trouve pas toujours un interlocuteur représentatif au niveau de l'agglomération, d'autant plus que l'intercommunalité ne s'impose pas aux élus.
ï S'agissant des retards dans la gestion des crédits, il touche aussi bien les dépenses d'investissement, pour lesquelles la lenteur des procédures nuit à la prise en compte de l'urgence, que les subventions de fonctionnement qui font apparaître des délégations tardives de crédit et la complexité des procédures d'instruction des demandes.
ï Enfin, la notion de partenariat mise en oeuvre à travers les contrats de ville, trouve ses limites, en raison de la durée limitée des
engagements réciproques de l'État et des collectivités locales sur des projets qui sont au demeurant d'une durée très inégale, mais aussi du principe de l'annualité budgétaire qui interdit au préfet de pérenniser une action et d'engager l'État au-delà des délégations qui lui sont accordées sous forme de crédits annuels.
Par ailleurs, le recours croissant de l'État aux relais opérationnel constitué par le milieu associatif permet assurément de pallier l'inexistence de services déconcentrés mais conduit à une véritable dilution des responsabilités dans la mesure où confier la conduite d'une action à une association permet également de ne pas désigner clairement les maîtres d'ouvrage. En d'autres termes, selon la Cour, le recours au partenariat devrait privilégier davantage la notion de coordination d'interventions publiques et non pas seulement la possibilité de cofinancer des actions nouvelles.
b) Les observations de votre commission
Dans- son avis dans le projet de loi de finances, votre commission à l'initiative de son excellent rapporteur Mme Hélène Missoffe, avait formulé trois observations qui demeurent pertinentes.
- Tout d'abord la politique de la ville doit lutter contre une certaine lourdeur de la politique contractuelle : le risque existe d'une certaine divergence entre les objectifs poursuivis par les différents acteurs de la politique de la ville ainsi que d'une dispersion des moyens financiers sur les différents objectifs poursuivis
- Il faut, en second lieu, favoriser la présence de personnels qualifiés, expérimentés et motivés pour animer et encadrer les services publics sur le terrain, ainsi que pour donner une impulsion forte aux associations de lutte contre l'exclusion et de réinsertion.
Le service national « ville » jouera à cet égard un rôle de complément important pour conforter physiquement la présence maintenue de l'État dans les quartiers en difficulté. Il reste que le développement de cette formule ne trouve tout son sens que si elle intervient en liaison avec la réimplantation d'un noyau dur d'agents de l'État spécialement formé aux particularités du développement social urbain.
En tout état de cause, votre rapporteur tient à souligner que les tâches administratives ne doivent pas entraver l'action des fonctionnaires au service de la politique de la ville, en particulier des travailleurs sociaux, qui doivent agir au plus près du terrain et aller en direction des populations les plus fragiles, à l'image de ce qui a été fait à Paris avec le SAMU social.
- Enfin, il faut faciliter, sur le plan administratif, l'action quotidienne des acteurs de la politique de la ville en accélérant la mise en place de délégations de crédits en assouplissant les conditions d'engagement des crédits et en renforçant les contrôles a posteriori ainsi que l'évaluation des actions réalisées par les associations subventionnées.
2. Le programme national d'intégration urbaine doit insuffler un nouvel élan à la politique de la ville
Le Gouvernement prépare la loi de programme pour l'intégration urbaine qui doit assurer la traduction budgétaire et administrative du « Plan Marshall » pour les banlieues annoncées par le Président de la République au cours de la campagne électorale à l'élection présidentielle.
Le programme national d'intégration urbain (PNIU) a été préparé sur la base des conclusions du rapport demandé par M. Eric Raoult à MM. Francis Idrac, délégué interministériel à la ville et Jean-Pierre Dupont, préfet de la Seine-Saint-Denis qui a été présenté au mois d'octobre au Conseil national des villes.
Selon les informations dont on dispose actuellement, la loi de programme devrait être articulée autour de quatre grands axes :
- développer l'emploi dans les quartiers sensibles en créant des emplois d'utilité sociale faisant l'objet d'une aide spécifique de l'État de nature à améliorer les conditions de vie des habitants dans les quartiers ;
- restaurer la présence de l'État et des services publics dans les quartiers sensibles par le développement du service national ville, le redéploiement des effectifs de la fonction publique et l'amélioration de la sécurité ;
- diversifier l'habitat et restructurer les quartiers par des mesures en matière d'accès au parc des logements sociaux et de soutien aux opérations d'urbanisme et de reconstruction ;
- renforcer la participation des habitants à la vie des quartiers par le soutien aux associations locales et la création d'instance de consultation spécifique.
La loi de programme pour l'intégration urbaine, que le Parlement examinerait au printemps 1996, devra répondre aux défis lancés dans les banlieues sensibles pour redonner à la politique de la ville une nouvelle orientation.
Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'intégration et à la ville dans le projet de loi de finances pour 1996.