Avis n° 81 (1995-1996) de M. Paul BLANC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 décembre 1995
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
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I. L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DU REVENU
MINIMUM D'INSERTION (RMI)
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II. LES CRÉDITS RELATIFS A LA LUTTE CONTRE
L'EXCLUSION ET L'ACTION SOCIALE
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A. UN EFFORT PARTICULIER EN FAVEUR DE
L'HÉBERGEMENT DES PLUS DÉMUNIS
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B. UNE ORIENTATION DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION
EN FAVEUR DES JEUNES EN DIFFICULTÉ
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C. LA CONSOLIDATION DES MOYENS CONSACRÉS
À LA FORMATION DES TRAVAILLEURS SOCIAUX
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D. LA PROGRESSION MÉCANIQUE DES
DÉPENSES LIÉES À L'OBJECTION DE CONSCIENCE
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A. UN EFFORT PARTICULIER EN FAVEUR DE
L'HÉBERGEMENT DES PLUS DÉMUNIS
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III. LA POLITIQUE DE LA VILLE : UNE PHASE DE
TRANSITION
N° 81
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VI
INTÉGRATION ET LUTTE CONTRE L'EXCLUSION
Par M. Paul BLANC,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Claude Huriet, Charles Metzinger, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Eric Boyer, Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10 ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et TA . 413. Sénat : 76 et 77 (annexe n°23) (1995-1996).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE M. ERIC RAOULT, MINISTRE CHARGÉ DE L'INTÉGRATION ET DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION
Au cours d'une deuxième séance tenue en fin de matinée, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, la commission a procédé à l'audition de M. Eric Raoult, ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion, sur les crédits de son département ministériel pour 1996.
M. Eric Raoult, ministre, a tout d'abord indiqué que son projet de budget, qui s'élève à 30,9 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, représente 45,5 % de l'ensemble des crédits sociaux.
Il a rappelé qu'il s'agissait essentiellement d'un budget d'intervention, les crédits de fonctionnement du ministère figurant sur le fascicule « services communs » du ministère de la santé et de l'assurance maladie.
Il a souligné que ce projet de budget était en nette progression puisqu'il augmente de plus de 18 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
Evoquant, en premier lieu, le volet relatif à l'intégration et la lutte contre l'exclusion de son budget, d'un montant de 30 milliards de francs, il a souligné qu'il se caractérisait par les trois axes directeurs que sont la lutte contre l'exclusion, le revenu minimum d'insertion (RMI) et l'action sociale.
Il a indiqué tout d'abord que les moyens consacrés à la lutte contre l'exclusion, dont les deux tiers sont déconcentrés pour agir au plus près du terrain, augmentaient de 175 millions de francs par rapport à 1995, soit une hausse de 32 %.
Une partie de ces crédits permettra de pérenniser et renforcer les dispositifs d'hébergement d'urgence mis en place au cours des années précédentes.
Il a estimé, en effet, que la situation de précarité vécue par nombre de nos concitoyens particulièrement exposés requerrait la mise en oeuvre d'un hébergement adapté aux nouvelles formes de pauvreté, en particulier pour les jeunes, mais également pour les femmes seules ou en charge d'enfants, qui se présentent dans les centres d'accueil .
Il a précisé que pour améliorer qualitativement l'offre d'hébergement, le Gouvernement avait défini trois objectifs :
- renforcer le réseau existant en le complétant là où c'est nécessaire, mais en poursuivant également le développement de l'accueil de jour ;
- maintenir ouvert le dispositif durant l'été sous des formes adaptées ;
- structurer et mieux coordonner le réseau d'accueil avec les associations qui jouent un rôle considérable, les services publics et les organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) pour en faire une première étape dans un parcours de réinsertion.
Enfin, il a noté que les crédits d'accompagnement social destinés au plan des 10.000 logements d'urgence lancé au mois de juillet dernier s'élevaient à 40 millions de francs.
Il a relevé l'effort spécifique réalisé en faveur des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) qui bénéficieront de 2,5 milliards de francs en 1996, soit une progression de 3,8 % visant à revaloriser les dotations des centres mais aussi à créer 800 places nouvelles en CHRS et centres pour demandeurs d'asile.
Soulignant que les CHRS devaient demeurer le pivot essentiel d'une politique d'accueil et de réorientation des exclus vers des logements définitifs mais que leur gestion devait être modernisée, il a précisé qu'il avait obtenu 25 millions de francs de mesures nouvelles qui, venant s'ajouter aux 20 millions de francs obtenus dans le collectif pour 1995, permettraient d'entreprendre les travaux les plus urgents pour rénover le patrimoine et l'adapter à l'accueil des différents publics.
Il a indiqué que 72 millions de francs de mesures nouvelles viendraient accroître les moyens classiques de soutien aux actions des associations mais aussi renforcer les 250 millions de francs affectés aux programmes en faveur des jeunes en difficulté et enfin développer les dispositifs innovants tels que les "Services d'aide médicale d'urgence sociaux" (SAMU sociaux).
Enfin, il a mis l'accent sur les programmes d'insertion par l'économique dont les crédits d'un montant de 134 millions de francs augmentent de 15 % pour cofinancer, aux côtés du ministère du travail, les entreprises d'insertion qui offrent de véritables opportunités de réinsertion par une pédagogie du travail en alliant l'accompagnement social à l'insertion professionnelle.
Abordant le deuxième axe consacré au RMI, il a indiqué que 23 milliards de francs étaient prévus pour 1996 au titre de l'allocation financée par l'État.
Expliquant que le Gouvernement avait souhaité procéder à une remise à niveau importante de la dotation pour éviter des augmentations massives en loi de finances rectificative qui nuisent à la clarté des choix du Parlement en loi de finances initiale, il a remarqué que l'augmentation du chapitre de près de 4,5 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale (LFI) demeurait, malgré tout, « volontariste », puisqu'elle intégrait les effets de la croissance de l'année actuelle.
Il a précisé que la mesure d'économie de 472 millions de francs était attendue de l'amélioration des procédures de contrôle, après l'accord donné par la commission nationale informatique et libertés (CNIL) au croisement des fichiers RMI avec ceux des caisses d'allocations familiales.
Il a indiqué que son objectif était de stabiliser le nombre des allocataires en 1996, grâce notamment aux effets positifs des mesures prises en faveur de l'emploi, notamment le contrat initiative-emploi (CIE), et à la mobilisation de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) sur ce dossier.
Il a envisagé de mettre en oeuvre, dans le cadre de la loi-cadre de lutte contre l'exclusion actuellement en préparation, une vigoureuse politique d'emplois d'utilité sociale.
Concernant l'évaluation du RMI prévue par l'article 74 de la loi de finances initiale pour 1995, il a indiqué que la procédure d'évaluation était en cours et que le rapport de synthèse serait remis au Parlement, comme prévu, au mois de décembre.
Il a souhaité que ce travail de réflexion aide à déterminer les grands axes d'une réforme qui viserait à simplifier et à améliorer la gestion d'un système dont la dérive actuelle nous montre qu'il échappe à toute maîtrise.
Rappelant que le RMI concernait plus de 900.000 allocataires, près de 2 millions d'ayants-droit, et représentait 32 milliards de dépenses en 1994 -dont 6 milliards de francs pour les seuls départements-, il a estimé que le temps était venu de s'interroger pour redéfinir les contours du dispositif afin de lui conférer sa véritable vocation, celle de l'insertion.
Constatant qu'il était paradoxal que la seule aide sociale conçue dans le but de l'insertion marque ceux qui en bénéficient du sceau de l'exclusion, il a souligné qu'il ne s'agirait pas pour autant de revenir sur la philosophie initiale d'un dispositif qui marque un grand progrès dans notre protection sociale ni sur le principe d'accorder une allocation à toute personne qui n'a pas ou peu de ressources. Il a estimé indispensable, en revanche, de revoir le dispositif dans un double objectif de clarté et de responsabilité.
A cet égard, il a considéré que la clarté passait par la simplicité des procédures pour les services administratifs et pour l'allocataire ainsi que par la lisibilité pour l'ensemble de nos concitoyens afin qu'ils soient à même de comprendre ce à quoi ils contribuent.
Concernant la responsabilité, il a constaté que la cogestion du RMI par l'État et par les départements était une source de complexité et d'inefficacité qui conduisait, en fait, à une « juxtaposition de responsabilités », qui fonctionnait plus ou moins bien selon les départements.
Remarquant que la prise en charge totale par l'un des deux partenaires serait difficile, car la lutte contre l'exclusion fait appel à toutes les politiques, il s'est demandé s'il ne fallait pas plutôt imaginer un « dispositif conjoint » mieux adapté aux problèmes de l'insertion en innovant par des politiques de contractualisation ou de mise à disposition.
Il a estimé indispensable de rapprocher le suivi des allocataires du terrain, de mettre en oeuvre de véritables procédures d'accompagnement social et d'organiser des parcours d'insertion.
Il a indiqué que le Gouvernement serait en mesure, d'ici la fin de l'année, d'annoncer des propositions de réforme sur un dossier essentiel pour la société française.
Puis, il a abordé le troisième axe relatif aux actions en faveur du développement social et de l'intégration.
Il a précisé que près d'un milliard de francs est prévu, comme en 1995, pour l'aide médicale et l'aide sociale aux personnes sans domicile permanent.
Il a indiqué par ailleurs que 370 millions de francs sont inscrits pour la prise en charge de la tutelle et de la curatelle d'État des personnes ayant perdu leur autonomie décisionnelle, charge qui s'alourdit du fait des décisions des juges.
Il a mentionné la progression sensible de 265 millions de francs à 300 millions de francs des dépenses exposées par le ministère pour prendre en charge les objecteurs de conscience dont le nombre s'accroît, d'année en année, au rythme de 14 %, en remarquant que les associations qui accueillent les objecteurs ont du mal à faire face à la demande.
Il a souligné l'impulsion nouvelle donnée aux programmes d'action sociale en direction des toxicomanes, dans le cadre du plan triennal de lutte contre ce fléau, pour lesquels les crédits passeront de 14,5 millions de francs à 50 millions de francs.
Il a noté que les crédits réservés aux professions sociales s'avéraient à 575 millions de francs en 1996, soit une augmentation de 6 millions de francs par rapport à 1995.
Constatant en conclusion du volet « intégration et lutte contre exclusion » que son budget progressait, hors RMI, de plus de 6 %, il a souligné que, compte tenu des contraintes fort lourdes qui pèsent sur les dépenses publiques, ce budget témoignait de la volonté d'une présence de l'État en matière d'action sociale aux côtés des collectivités et des associations.
Abordant, en second lieu, le volet de son budget relatif à la politique de la ville, il a indiqué tout d'abord que, pour marquer la volonté de l'État de rénovation des quartiers en difficulté, l'accent serait mis sur les interventions urbaines. Une dotation de 101 millions de francs serait consacrée à financer des locaux et des équipements pour les administrations au sein de « plates-formes de services publics ».
Il a souligné par ailleurs que, dès 1996, des opérations ambitieuses d'intégration urbaine seraient engagées à partir de 20 projets, sélectionnés à l'issue d'appel d'offres, qui permettraient, en concertation avec les habitants de revoir l'urbanisme, d'ouvrir des accès et de créer des liaisons avec le centre ville.
Il a précisé que ces opérations « fortes », qui se situeraient par leur taille en dessous des 12 grands projets urbains en cours, viseraient à mettre en oeuvre des actions d'intégration ponctuelles et significatives pour que les habitants des banlieues puissent voir s'opérer plus vite des changements dans leur environnement.
Il a évoqué les grands axes du programme national d'intégration urbaine (PNIU) en préparation qui visera à développer l'emploi par une politique massive d'emplois d'utilité sociale, à diversifier l'habitat et restructurer les quartiers sensibles, à mieux associer les habitants à la vie de ces quartiers et, enfin, à restaurer la présence de l'État par le développement au service national ville, le renforcement d'une fonction publique de qualité et l'amélioration de la sécurité dans ces quartiers.
Au total, il a constaté que malgré la nécessaire rigueur budgétaire, effort financier consacré à la politique de la ville s'élèverait à 8,8 milliards de francs en 1996, soit une progression de 6,5 %.
Il a précisé, à cet égard, que le « jaune budgétaire » ferait l'objet de corrections statistiques sur les dotations gérées par les différents ministères pour mieux prendre en compte la réalité des crédits revenant aux quartiers en difficulté.
Il a noté que le fonds interministériel d'intervention pour la politique de la ville (FIV) continuerait à progresser en vue d'une simplification des procédures et du raccourcissement des délais de versement des subventions.
En conclusion, il a estimé que son ministère était doté d'un budget « solide » qui témoignait d'une priorité pour améliorer la cohésion sociale et lutter contre les multiples formes de l'exclusion afin, comme le demande le Président de la République « de remettre l'homme au centre des choix économiques et sociaux ».
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur les moyens d'aider les communes qui doivent faire face à la présence de jeunes marginaux exclus, la motivation et la disponibilité des travailleurs sociaux pour se rendre sur le terrain, le principe de la transformation du RMI en un véritable « revenu minimum d'activité », l'utilisation des crédits inscrits au titre du RMI par les départements pour la réhabilitation de logements d'insertion, le caractère suffisant du plan de modernisation des CHRS, la prévention des incidents survenus dans les communes touristiques d'accueil dans le cadre des opérations « villes-vie-vacances » et la date de parution des décrets d'application de la loi sur l'aménagement du territoire relatifs aux zones de revitalisation urbaine (ZRU).
En réponse, Eric Raoult, ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion, a rappelé qu'à la suite de la dizaine d'arrêtés municipaux proscrivant la mendicité pris cet été, deux médiateurs d'urgence avaient été désignés qui se sont rendus dans chacune des villes concernées. Il a précisé qu'il ressortait des observations recueillies qu'il serait utile d'étendre le fonctionnement de certaines structures d'accueil et d'urgence tout au long de l'année, de créer au moins un centre d'accueil de jour dans chaque chef-lieu de département, d'aller au devant des jeunes par la mise en place d'équipes de rue et de prévoir des structures d'accueil pour l'errance, tout particulièrement festivalière. Il a indiqué enfin qu'au sein de la loi-cadre de lutte contre l'exclusion, un service public de l'insertion en faveur des jeunes serait institué avec un véritable accompagnement social, des chantiers-écoles et une véritable formation.
Concernant les travailleurs sociaux, il a rappelé qu'ils étaient spécialement formés pour accompagner sur le terrain les populations les plus défavorisées et a estimé qu'ils étaient motivés même s'ils sont parfois ébranlés par l'ampleur de la tâche.
S'agissant du RMI, il a rappelé que l'originalité du dispositif créé en 1988 était de lier l'attribution de l'allocation à un dispositif d'insertion et que 240.000 bénéficiaires du RMI avaient retrouvé un emploi ou étaient entrés en formation en 1994. Il s'est déclaré persuadé qu'il existait un consensus fort autour du revenu minimum à condition que les allocataires « fassent aussi leur part ».
S'agissant du financement de logements d'insertion sur les crédits départementaux du RMI, il a rappelé que les lignes de crédits spécifiques relatives à ce type de logements devaient être mobilisées en priorité mais que, dans la mesure où certaines opérations ne pouvaient se monter sans complément financier, il n'y avait pas d'objection à ce que les départements apportent en complément leur contribution financière pour accroître le nombre de logements pour les bénéficiaires du RMI, comme le prévoit la circulaire du 27 mars 1993. Il a mis l'accent toutefois sur le coût unitaire élevé de ces opérations.
M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé important sur ce point que les textes aient un caractère incitatif
Concernant le plan de modernisation des CHRS, M. Eric Raoult a remarqué que le Gouvernement était le premier à lancer un programme pluriannuel de rénovation de ces centres et a souligné également que les associations gestionnaires pouvaient bénéficier des crédits inscrits au titre de l'hébergement d'urgence pour réhabiliter des locaux et financer des places grâce à l'allocation de logement temporaire.
S'agissant des opérations « ville-vie-vacances », il a précisé que les enquêtes faites par la délégation interministérielle à la ville (DIV) montraient que sur les 610.000 jeunes qui en avaient bénéficié, 60 s'étaient « mal conduits », soit un taux faible de un pour 10.000 et que la majorité des incidents constatés dans les communes touristiques d'accueil étaient dus à des jeunes venus par leurs propres moyens ou avec leur famille.
Pour l'avenir, il a souhaité que les préfets des départements d'accueil soient systématiquement informés pour prendre toutes dispositions utiles, que les conditions d'encadrement soient améliorées et, enfin, que les communes d'accueil soient différentes d'une année sur l'autre.
Concernant les décrets d'application de la loi d'orientation du 4 février 1995, il a rappelé que, depuis le 1er janvier de l'année, sont applicables dans les zones de revitalisation urbaine (ZRU), les mesures relatives à l'exonération de plein droit de taxe professionnelle, à l'exonération d'impôt sur les sociétés, à la réduction des droits de mutation et au régime d'amortissement accéléré des immobilisations réalisées par les PME.
Concernant le régime d'exonération des charges sociales patronales, il a précisé que le décret devrait sortir « dans les semaines qui viennent », en jumelage avec l'annonce du PNIU.
Il a insisté sur la nécessité de ne pas pénaliser les acteurs économiques qui se sont maintenus dans les quartiers sensibles par rapport aux entrepreneurs nouvellement arrivés et sur l'importance d'un encadrement des initiatives par des « appels à projet ».
M. José Balarello s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles un logement HLM pouvait être refusé à un ménage étranger afin d'assurer une certaine mixité de l'habitat dans des quartiers sensibles.
M. Bernard Seillier, rappelant les déclarations du Président de la République entendues le 17 octobre dernier à l'occasion de la journée mondiale du refus de la misère, s'est interrogé sur le devenir des missions locales à l'emploi dans le cadre du futur « service public de l'insertion des jeunes ».
M. Guy Fischer a mis l'accent sur la priorité qui devait être donnée au renforcement de la présence des services publics dans les quartiers difficiles et l'affectation dans ces quartiers des travailleurs sociaux les mieux formés et les plus expérimentés.
M. Jean Chérioux s'est interrogé sur les solutions innovantes à développer pour éviter le maintien du versement du RMI aux personnes qui, en réalité, se sont déjà réinsérées par leurs propres moyens, sans en faire clairement état à l'Administration.
Mme Nelly Olin, après avoir souligné l'urgence de la situation dans les quartiers difficiles, s'est interrogée sur le maintien de l'anonymat des dossiers lors de leur instruction par les commissions locales d'insertion et l'attribution du RMI à des personnes âgées de plus de 60 ans.
M. Jean-Louis Lorrain s'est interrogé sur l'amélioration de la formation dispensée par les centres de formation des travailleurs salariés (CFTS) et le renforcement des services de prévention spécialisés de l'enfance.
M. Serge Franchis a insisté sur l'importance d'une intervention précoce de l'État pour éviter que les enfants et les pré-adolescents ne basculent dans la délinquance et a souhaité un renforcement de la déconcentration en matière de politique de la ville.
M. Jean Madelain s'est demandé si les dispositions modifiant le RMI seraient intégrées dans le projet de loi-cadre de lutte contre l'exclusion.
M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est interrogé sur les projets du Gouvernement concernant la dotation de solidarité urbaine (DSU) dont il a rappelé que les modalités d'attribution désavantageaient les communes pauvres de la région d'Île-de-France par rapport à celles de province.
En réponse aux différents intervenants, M. Eric Raoult, ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion, a tout d'abord indiqué que, s'agissant de l'attribution des logements HLM, le respect de la mixité de l'habitat pourrait être assuré en prévoyant l'intervention plus large d'une commission communale de réservation pour présenter des candidats-locataires aux organismes bailleurs sociaux.
Concernant les missions locales à l'emploi et à la formation professionnelle, il a confirmé que leur rôle serait renforcé, en particulier en milieu rural, par le futur projet de loi-cadre de lutte contre l'exclusion.
Il a précisé que le renforcement de la présence des services publics dans les quartiers serait l'une des « têtes de chapitre » du futur PNIU.
Concernant les travailleurs sociaux, il a confirmé que leur formation spécifique serait développée et que des incitations seraient prévues pour l'affectation en quartier sensible, notamment par des prestations en nature.
S'agissant des cas de « réinsertion occulte » de titulaires de RMI, il a estimé nécessaire un renforcement des contrôles par des croisements avec les fichiers de déclaration préalable à l'embauche, par une instruction des dossiers, au plus proche du terrain, par une commission cantonale d'attribution et par la mise en place d'incitations à la sortie du RMI.
Concernant la politique de la ville, il a reconnu qu'un effort de communication était à entreprendre pour mieux faire connaître la volonté gouvernementale en ce domaine ainsi que l'ampleur de l'effort financier engagé.
Concernant l'attribution du RMI, il a rappelé que l'anonymat des dossiers de demande résultait d'un amendement adopté en 1992 contre l'avis du Gouvernement et que des modifications devraient être apportées sur ce point. Il a précisé que les allocataires âgés de plus de 60 ans représentaient 0,3 % des bénéficiaires du RMI et qu'il s'agissait de personnes étrangères en situation régulière qui ne pouvaient bénéficier du minimum vieillesse.
Un débat s'est engagé entre M. Jean-Pierre Fourcade, président, Mme Nelly Olin, M. Eric Raoult, ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion, et M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, sur l'effectif réel de cette catégorie de bénéficiaires et les obligations à imposer en matière d'obligation d'entretien alimentaire.
Concernant les services de prévention spécialisée, M. Eric Raoult, a rappelé que la compétence en avait été transférée aux départements dans le cadre de la décentralisation.
S'agissant des jeunes et des pré-adolescents menacés par les phénomènes de délinquance, il a souligné le rôle bénéfique de la politique de la ville à travers les opérations « ville-vie-vacances », « ticket sport » ou « laser » qui pourrait être renforcé par une analyse fine des besoins sur le terrain et la réforme de l'aménagement des rythmes du travail scolaire.
Concernant la réforme du RMI, il a estimé que, compte tenu de la nécessité de nombreuses consultations préalables, le projet pourrait être présenté « dans les premiers mois » de l'année 1996.
S'agissant de la DSU, il a confirmé que cet instrument de péréquation avait laissé « des communes sur le côté » et a envisagé une « dotation complémentaire d'intégration urbaine », entièrement financée sur le budget de l'État, qui permettrait de verser des subventions, pour des projets précis, dans trente communes particulièrement défavorisées et dont le financement serait entièrement assuré sur le budget de l'État sans modification du dispositif existant.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 22 novembre sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 1996 (politique de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a rappelé que les crédits relevant du ministère de la ville et de l'intégration, placé sous la responsabilité de M. Eric Raoult, nommé après le remaniement ministériel, ministre délégué auprès de M. Jean Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, représentait 30,1 milliards de francs pour 1996.
Abordant tout d'abord les dépenses liées à l'allocation du revenu minimum d'insertion (RMI), il a souligné la forte progression des crédits par. rapport à la loi de finances initiale pour 1995, puis a présenté l'ensemble des dépenses consacrées au dispositif du RMI en 1994 ainsi que les tendances d'évolution constatées à long terme.
Évoquant le contrôle de cette prestation, il a fait état des mesures de croisement entre les fichiers informatiques des caisses d'allocations familiales (CAF) et du centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) envisagées pour 1996.
Rappelant l'idée évoquée par le Premier ministre de faire précéder la décision d'octroi du RMI de l'avis d'une commission cantonale d'attribution, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a rappelé les sanctions applicables à
l'égard des allocataires du RMI ainsi que les contrôles ponctuels sur échantillonnage déjà opérés par les CAF.
Soulignant les difficultés spécifiques du contrôle du RMI, il a rappelé les résultats de la mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection des finances diligentée en 1994 ainsi que les conclusions du rapport public de la Cour des comptes de 1995 qui estime à
2 milliards de francs le coût des sommes versées à tort au titre du RMI.
Il a remarqué que la sous-estimation des ressources déclarées par les titulaires du RMI devait représenter un coût non négligeable pour cette prestation et a souligné que la lutte contre les risques de fraude ne pouvait que renforcer une prestation sociale généreuse mais dont la création était en définitive relativement récente.
Après avoir rappelé les déclarations de MM. Alain Juppé et Eric Raoult sur les déficiences du dispositif du RMI en matière d'insertion, il a constaté la hausse de 16 % depuis 1993 du nombre d'allocataires du RMI ayant accédé à une formation ou à un emploi dans le secteur marchand ou non marchand, qui représente environ un allocataire sur trois en 1994. En revanche, il a souligné le niveau constant du taux d'insertion au cours de ces dernières années, les difficultés d'évaluation du caractère durable des réinsertions obtenues dans le cadre des contrats emploi solidarité (CES) et l'absence de données sur la proportion de retour au RMI après radiation.
Il a souhaité que le RMI devienne un véritable « revenu minimum d'activité » pour que son rôle soit plus efficace en matière d'intégration des exclus.
Abordant ensuite les crédits relatifs à l'action sociale et à la lutte contre l'exclusion, il a indiqué tout d'abord que les crédits relatifs aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) feraient l'objet de mesures nouvelles en 1996 correspondant à la création de 500 places supplémentaires, à la revalorisation des moyens de fonctionnement et aux investissements dans le cadre du plan de rénovation.
Il s'est interrogé néanmoins sur l'adéquation des moyens de fonctionnement aux besoins compte tenu des coûts engendrés par les places supplémentaires déjà créées.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a évoqué ensuite les crédits relatifs à l'action sociale en faveur des jeunes en difficulté en rappelant le débat soulevé par les arrêtés d'interdiction de la mendicité et du vagabondage pris par certaines communes au cours de l'été.
Il a précisé l'évolution des crédits affectés aux fonds d'aide aux jeunes (FAJ) en 1996 et a souligné, pour l'avenir, l'importance d'un accompagnement social renforcé avec des possibilités d'emploi pour attaquer le phénomène de l'exclusion de la jeunesse.
Concernant les centres de formation des travailleurs sociaux (CFTS), il a regretté la faible progression des crédits de fonctionnement pour 1996 au regard du rôle social que jouent les personnes diplômés de ces centres ; il a noté toutefois l'amélioration des crédits relatifs aux bourses d'enseignement et aux travaux de rénovation.
S'agissant des objecteurs de conscience, il a constaté la vive progression des crédits correspondant au remboursement des sommes avancées par les associations qui les embauchent.
Abordant le volet relatif à la ville, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a rappelé les instruments contractuels et les engagements pluriannuels pris dans le cadre du XIe plan (1994-1995) au titre de la politique de la ville.
Concernant les crédits directement contrôlés par le ministère, il a souligné la progression des crédits liés aux opérations « ville-vie-vacances » ainsi qu'aux opérations d'aménagement urbain.
Il a précisé que la Cour des comptes, dans son dernier rapport public, avait souligné les difficultés de la procédure de contractualisation ainsi que les retards dans le paiement des subventions dus à la multiplicité des intervenants.
Reprenant les conclusions de Mme Hélène Missoffe à laquelle il a rendu un hommage particulier, il a regretté les lourdeurs de la procédure contractuelle et il a souhaité un encadrement renforcé des services publics et des associations socio-culturelles dans les quartiers sensibles ainsi qu'un assouplissement des procédures de délégation de crédits pour faciliter l'action administrative quotidienne des acteurs de la politique de la ville.
Enfin, il a présenté les grandes lignes du programme national d'intégration urbaine annoncé par le Gouvernement.
En conclusion, il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur ce projet de budget.
M. Louis Souvet, concernant le RMI, a estimé que l'introduction de l'avis de la commission cantonale d'attribution pourrait ne pas engendrer les économies attendues en raison des inconvénients liés à la proximité et aux risques d'influence sur le plan local. Rappelant que la frontière était difficile à délimiter entre la générosité et l'assistance, il a estimé que le dispositif du RMI devait être « retravaillé » dans une logique d'insertion. Il s'est déclaré défavorable à la « préaffectation » des budgets régionaux de la formation professionnelle aux CFTS et a fait part de son inquiétude devant l'augmentation des dépenses liées à l'objection de conscience. Il a fait état du cas d'une entreprise qui souhaitait embaucher 120 titulaires du RMI et n'avait pu en embaucher que 30 alors que 520 allocataires étaient recensés sur le territoire de la commune concernée.
M. Jean Madelain a souhaité une meilleure information des maires sur les allocataires du RMI dans leurs communes et s'est inquiété des conséquences de la diminution des crédits relatifs aux CES prévus au budget 1996. Il a souhaité que le RMI soit « modernisé » et transformé en un véritable « revenu minimum d'activité » plus valorisant. Il a souligné le problème considérable des jeunes de moins de 25 ans en situation d'exclusion et a estimé en sa qualité de rapporteur pour avis des crédits de la formation professionnelle, que les fonds régionaux étaient déjà fortement sollicités et qu'ils ne pourraient l'être davantage.
M. Georges Dessaigne a souligné que les personnes ayant passé un CES étaient placées, au regard du calcul de l'aide personnalisée au logement et de la prise en charge de leurs dépenses d'assurance maladie, dans une situation moins avantageuse que celle faite aux titulaires du RMI. Il a souligné le rôle positif des FAJ en soulignant l'importance d'une augmentation des crédits.
M. Jacques Machet a souligné qu'à l'occasion de l'exercice de ses fonctions locales, il avait assisté à l'augmentation des dépenses liées aux titulaires du RMI, s'agissant notamment de la prise en charge du forfait hospitalier.
M. Jean Chérioux a souligné l'insuccès du volet relatif à l'insertion du RMI. Il s'est interrogé sur la mise en place d'un système d'incitation à la normalisation du travail « au noir » pour les employeurs et s'est interrogé sur la possibilité de contrôler les cas de présentation de demande de RMI par les membres d'une même famille. Il a estimé que le service de l'objection de conscience ne devait pas devenir un moyen pour les jeunes de se défausser de leurs obligations en matière de service national en appelant de ses voeux la création d'un service national civil dans les services de lutte contre l'incendie par exemple.
M. Charles Metzinger a déclaré ne pas partager une « philosophie » qui tend à faire un mauvais procès aux titulaires du RMI dont il a estimé que seule une petite minorité aurait des pratiques peu avouables en rappelant qu'il existait des fraudes dans toutes les catégories de la population. Souhaitant que la critique de la « culture de l'inactivité » qui serait générée par le RMI ne recouvre pas une « culture d'abandon de l'exclu » à l'anglo-saxonne, il a estimé que transformer le RMI en « revenu minimum d'activité » risquerait de pousser les rémunérations des salariés à la baisse, tout en reconnaissant que le dispositif pourrait être amélioré. Il a estimé que l'objection de conscience était une cause honorable et s'est interrogé sur l'incidence des annulations de crédit annoncées dans le collectif de fin d'année.
M. Pierre Lagourgue a souligné l'insuffisance du contrôle du RMI dans les départements d'outre-mer.
M. Jean-Louis Lorrain s'est interrogé sur l'état d'avancement de l'évolution du RMI lancé auprès des conseils généraux. Il a estimé que l'État ne remplissait pas ses engagements auprès des centres de formation des travailleurs sociaux (CFTS). Rappelant qu'il existait en Allemagne un service civil de dix-huit mois, il s'est interrogé sur la transposition de ce modèle à l'objection de conscience en rappelant l'existence de centres transfrontaliers en Alsace. Il s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre des crédits départementaux affectés au RMI en matière de logements.
M. Guy Fischer a estimé que, par suite d'une insuffisance de formation des personnels, les programmes départementaux d'insertion avaient mis l'accent sur les domaines de l'accès aux soins et au logement au détriment de l'insertion économique. Il s'est demandé comment serait gérée la période intermédiaire après la réduction de crédit en cours des CES et avant la mise en place des emplois d'utilité sociale annoncés par le Gouvernement. Il a estimé que les difficultés de gestion des associations expliquaient le recours à des objecteurs de conscience.
M. Francis Cavalier-Bénezet a regretté la diminution des crédits des CES ainsi que leur durée limitée, en soulignant que le coût pour la collectivité d'un CES actif était analogue à celui d'un allocataire du RMI inactif. Il a considéré que la mise en place d'une commission cantonale d'attribution serait positive car les maires sont souvent mal informés. Il a estimé que la politique de la ville devrait être accompagnée d'un volet en faveur de l'aménagement rural et a souligné les problèmes financiers rencontrés par les départements du sud de la France en matière de couverture des dépenses d'assurance maladie des titulaires du RMI.
M. Louis Boyer a rappelé que, dans certains départements, les maires participaient aux comités locaux d'insertion.
M. Claude Huriet s'est interrogé sur l'affinement de l'appareil statistique pour déterminer la part des personnes entrant au RMI après avoir antérieurement bénéficié de ce dispositif sur l'état de la consommation des crédits départementaux du RMI par les conseils généraux, sur les risques de chevauchement de compétences en matière sociale dans la structure gouvernementale et l'amélioration de l'évaluation des crédits d'action sociale.
En réponse aux différents intervenants, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes.
S'agissant du RMI, il a estimé que l'introduction des commissions cantonales d'attribution permettrait une meilleure information des maires.
Il a estimé que l'idée d'un « basculement » des crédits du RMI pour financer les CES était intéressante et a reconnu que le problème des inégalités de traitement entre les allocataires du RMI et les titulaires d'un CES était essentiel et qu'il mériterait d'être abordé lors de la discussion de la loi-cadre contre l'exclusion.
En tout état de cause, il a souligné que le Gouvernement, qui mobiliserait 23 milliards de francs en 1996 au titre du RMI, ne saurait être accusé de faire des exclus des « laissés pour compte ».
En revanche, il a estimé qu'il était normal que celui qui bénéficie des fonds publics fasse un effort en retour pour la collectivité, surtout lorsque cela constituait un premier pas vers l'insertion.
Il a souhaité que l'administration dispose d'outils plus précis sur le parcours des « entrants » au RMI ainsi qu'un développement des échanges d'information entre les départements.
Il a souligné que l'idée d'un prétendu « trésor de guerre » dont disposeraient les départements en matière de crédits d'insertion était mythique puisque, sur six exercices, le taux de consommation des crédits en question était maintenant en moyenne de 85 %.
Il a fait état de la diversité des pratiques selon les départements en matière de composition des contrats locaux d'insertion (CLI). Il a souligné que les contrats emplois consolidés (CEC) dans le secteur non marchand et la mise en oeuvre du contrat initiative-emploi (CIE) dans le secteur marchand constitueraient une alternative à la baisse des CES.
Concernant les objecteurs de conscience, il a souligné les problèmes de formation et de responsabilité civile que poserait leur participation à la lutte contre les incendies.
S'agissant des CFTS, il a remarqué que, dès lors que les diplômés de ces centres trouvaient majoritairement des emplois dans les collectivités locales, il était légitime de poser la question d'une éventuelle implication financière de ces dernières à leur formation.
Concernant les entreprises d'insertion, il a rappelé que le budget prévoyait une dotation à hauteur de 134 millions de francs pour « l'insertion par l'économique », dont 16 millions de francs pour les entreprises en question.
Concernant les compétences du ministère, il a précisé qu'il ressortait des décrets d'attribution que celles-ci recouvraient l'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté, la lutte contre l'exclusion sociale, la ville, la population et les migrations et a indiqué que l'autorité sur la Délégation interministérielle au RMI était exercée conjointement avec le ministère du travail et des affaires sociales.
Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'intégration et à la ville dans le projet de loi de finances pour 1996.
Mesdames, Messieurs,
L'avis sur le budget de l'intégration et de la ville que votre rapporteur a l'honneur de vous présenter pour la première fois cette année, diffère assez sensiblement de celui relatif à la politique de la ville que vous avait soumis Mme Hélène Missoffe, les années précédentes, dans la mesure où il répond aux modifications de la structure gouvernementale intervenues depuis la campagne présidentielle.
Afin de marquer la priorité assignée par le Gouvernement à la réduction de la fracture sociale, les crédits de la ville ont été réunis à divers crédits d'intervention en matière d'action sociale et aux crédits du revenu minimum d'insertion (RMI) sous l'égide d'un ministère unique placé sous l'autorité de M. Eric Raoult.
Dans le Gouvernement constitué le 7 mai dernier, M. Eric Raoult, ministre de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion sociale, était assisté par Mme Françoise de Veyrinas, secrétaire d'État aux quartiers en difficulté. Dans le second Gouvernement plus resserré constitué par M. Alain Juppé, Premier ministre, le 7 novembre dernier, cette structure a été modifiée par la suppression du secrétariat d'État et le rattachement de M. Eric Raoult, en qualité de ministre délégué à l'intégration, au ministère de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, confié à M. Jean-Claude Gaudin.
La disparition du terme « lutte contre l'exclusion » de l'intitulé du ministère ne doit pas permettre de conclure aujourd'hui à un affaiblissement de ses moyens en ce domaine puisque le décret d'attribution n° 95-756 du 15 novembre 1995 du ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration précise que ce dernier exerce les attributions et pouvoirs précédemment dévolus au ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion, c'est-à-dire l'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté, la lutte contre l'exclusion sociale, la ville, la population et les migrations, à l'exclusion toutefois du secteur de l'économie sociale dorénavant transféré au ministère du travail et des affaires sociales. L'autorité sur la délégation interministérielle au RMI est exercée conjointement par le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration et par le ministre des affaires sociales et du travail.
Ce projet de budget représente au total 30,9 milliards de francs en 1996 qui se décomposent en 30,1 milliards de francs dans le bleu « intégration » et 824 millions de francs dans le fascicule budgétaire consacré à la ville. Il convient de remarquer toutefois que les crédits relatifs au RMI, dont la progression est conditionnée essentiellement par celle du nombre de bénéficiaires, représentent, avec 23 milliards de francs prévus pour 1996, 73 % du budget global du ministère.
Votre commission a relevé tout d'abord l'évolution rapide et préoccupante du RMI qui traduit le changement de nature de ce mécanisme qui, conçu à l'origine comme un ultime filet de sécurité pour les plus démunis, semble s'être transformé en un dispositif d'accueil durable pour des personnes à la recherche d'un premier emploi ou des chômeurs ayant épuisé leur droit à indemnisation.
Dans la perspective de l'évaluation en cours du dispositif du RMI, votre commission a émis le voeu d'un meilleur contrôle des allocations versées au titre de cette prestation et a souhaité que les dépenses « passives » consenties au titre du RMI soient réorientées en transformant le RMI en un véritable « revenu minimum d'activité ».
Concernant ensuite les autres dépenses relatives à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion sociale, votre commission s'est félicitée de l'effort consenti pour l'hébergement des plus démunis, à travers la revalorisation de la dotation des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), ainsi que de l'orientation des crédits d'action sociale en faveur des jeunes qui répond aux problèmes de tous ordres que soulèvent les difficultés d'insertion des moins de 25 ans. Elle a constaté la consolidation des moyens consacrés à la formation des travailleurs sociaux qui doivent faire l'objet d'une attention soutenue dans la période actuelle. Elle a pris acte de l'évolution quasi-mécanique des dépenses liées à l'objection de conscience en s'interrogeant sur les perspectives d'évolution du système actuel.
S'agissant enfin de la politique de la ville qui fait l'objet cette année de nouvelles orientations dans les limites du cadre pluriannuel fixé par le XIe plan (1994-1998), votre commission a constaté le caractère toujours pertinent des observations présentées l'année dernière par Mme Hélène Missoffe, à laquelle votre rapporteur rend particulièrement hommage, et a souhaité que le programme national d'intégration urbaine, actuellement en préparation, insuffle un nouvel élan à l'action en faveur des quartiers en difficulté.
Telles sont les principales conclusions auxquelles votre commission est parvenue sur un budget qui s'inscrit dans la perspective de deux textes législatifs importants -la loi de programme contre l'exclusion et la loi de programme pour l'intégration urbaine- et à l'adoption des crédits duquel votre commission a émis un avis favorable.
I. L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DU REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI)
A. UNE PRESTATION QUI ENREGISTRE UNE VIVE PROGRESSION
Le RMI, créé par la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988, permet de verser aux résidents, d'au moins 25 ans, une allocation différentielle qui complète les ressources familiales ou personnelles du demandeur à hauteur de 2.326 francs pour une personne seule, 3.488 francs pour un couple et 4.193 francs pour une famille de deux enfants.
1. Le nombre et les caractéristiques des bénéficiaires
Le nombre des foyers bénéficiaires du RMI a atteint 946.760 à la fin du mois de juin 1995, et, compte tenu des conjoints et des enfants à charge, on peut estimer à 1,9 million le nombre de personnes concernées par cette dotation.
Effectifs des titulaires du RMI (1)
(1) Effectif des titulaires de l'allocation recensé au 31 décembre de l'année sauf pour l'année 1995 ou l'estimation date du 30 juin de l'année.
La progression des bénéficiaires ralentit mais elle reste encore très élevée. Ainsi au 31 décembre 1994, les titulaires de RMI, au nombre de 908.336, faisaient apparaître une augmentation annuelle de + 14,6 % au lieu de + 18,1 % à la fin de 1993. Au 30 juin 1995, le rythme d'augmentation tendanciel sur douze mois est revenu à 9,3 % en métropole.
Il semble donc que la croissance économique en hausse sur l'année 1994 ait permis de limiter l'évolution du RMI alors que les flux d'arrivée avaient fortement augmenté en raison de la récession et de la réforme du régime d'indemnisation du chômage.
Plusieurs éléments ressortent des données publiées les 27 avril et 12 octobre derniers par la Délégation interministérielle au RMI (DIRMI) sur la population des titulaires du RMI.
S'agissant du montant de l'allocation perçue, il s'élève en moyenne à 1.863 francs par mois et par titulaire.
Sur le plan familial, selon les déclarations fournies, le RMI est versé en majorité (58,6 %) à des personnes isolées et sans enfant dont 38,5 % d'hommes. Les familles monoparentales représentent 20,4 % des foyers bénéficiaires et les couples, avec ou sans enfant, 21 % d'entre eux.
S'agissant de l'âge, il ressort des statistiques une nette majorité de jeunes adultes puisque les moins de 30 ans représentent 30,4 % des bénéficiaires. Au total, 62 % des bénéficiaires ont moins de 40 ans. Il convient toutefois de remarquer que 15,5 % des titulaires du RMI ont plus de 50 ans, ce qui n'est pas négligeable.
Il s'agit de personnes faiblement qualifiées puisque 90 % d'entre elles ont un niveau inférieur au bac ; 42,5 % des bénéficiaires ont un niveau inférieur à la classe de troisième.
La moitié des titulaires du RMI déclarent n'avoir pas de vrai logement personnel, soit qu'ils soient hébergés par un autre foyer (41,1 %), soit qu'ils soient mal logés ou sans domicile fixe (9,6 %).
Concernant la durée de passage dans le dispositif du RMI, il est à noter qu'un peu moins d'un bénéficiaire du RMI sur trois (31,9 % en juin 1995 contre 34,2 % en décembre 1994) bénéficie de la prestation depuis moins d'un an ; un peu plus d'un sur deux (54,2 %) est entré dans le dispositif depuis au moins deux ans. Enfin un sur dix (10,2 %) est au dispositif du RMI depuis sa création, soit depuis six ans, ce qui traduit, au contraire d'une réinsertion, un véritable enracinement dans la marginalité.
Géographiquement, les régions qui enregistrent les plus fortes progressions à la mi-1995 sont la région Île-de-France (+ 13,2 % sur un an), ainsi que certains départements du Sud Ouest (Gironde et Haute-Garonne) et du littoral méditerranéen. En revanche dans les départements d'outre-mer, les évolutions sont plus contrastées même si la hausse annuelle demeure modérée à la mi-1995 (+ 3,2 %) : la Guadeloupe enregistre une diminution du nombre de bénéficiaires du RMI (- 5,7 % en un an) en raison des actions d'insertion et de contrôle tandis que la Réunion (+ 6,6 %) et la Martinique font apparaître une augmentation.
2. Un financement de plus en plus tendu
La forte progression des dépenses liées au RMI soulève à terme un problème de financement.
a) Les implications budgétaires
La dotation budgétaire consacrée à l'allocation du RMI est fixée à 23 milliards de francs pour 1996, soit une augmentation de 24,18 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995, correspondant au total à 4,5 milliards de francs de mesures nouvelles.
Ce dernier montant est la résultante de quatre facteurs d'évolution :
- l'augmentation du nombre d'allocataires constatée au cours de l'année 1995 qui a, déjà, conduit à abonder de 3,5 milliards de francs supplémentaires, dans la loi de finances rectificative du 4 août 1995, la dotation initiale fixée à 18,5 milliards de francs est consolidée. Le coût budgétaire du RMI sur 1995 s'élève en définitive, à 22 milliards de francs ;
- en second lieu, la revalorisation annuelle du montant de l'allocation prévue à 2,16 % pour 1996, entraîne une dépense nouvelle de 496 millions de francs ;
- en troisième lieu, un ajustement est prévu pour tenir compte de l'augmentation prévisionnelle de l'effectif d'allocataires, au cours de l'année 1996, fondée sur un taux de 6,2 %, en raison de l'incidence positive de la mise en oeuvre en année pleine du dispositif des contrats initiative-emploi (CIE), dont 25 % concernent les bénéficiaires du RMI ;
- enfin, une mesure d'économie est inscrite, à hauteur de 472 millions de francs, pour tenir compte du renforcement des contrôles parle croisement des fichiers informatiques dorénavant autorisé par la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL).
Il reste que les dépenses strictement budgétaires ne représentent qu'une fraction des dépenses du RMI. Le bilan financier global pour 1994 fait apparaître que les crédits budgétaires destinés au versement de l'allocation différentielle représentent 60,3 % d'une dépense estimée au total à 32,38 milliards de francs.
b) Le bilan financier global
En 1994, les départements ont été engagés dans le dispositif du RMI à hauteur de 6 milliards de francs, soit, d'une part, 3,2 milliards au titre de l'obligation légale d'inscrire chaque année à leur budget 20 % de la dépense nette d'allocation constatée au cours de l'exercice précédent et, d'autre part, 2,8 milliards de francs pour la prise en charge de la couverture maladie des bénéficiaires du RMI (cotisations d'assurance personnelle et aide médicale totale).
A cette somme, il convient d'ajouter 6,8 milliards de francs pris en charge par l'État dans le cadre des mesures d'aide à l'emploi et d'insertion professionnelle (CRE, CES, CEC et stages de formation), de la « créance de proratisation » ( ( * )2) pour les DOM, de l'allocation logement et de l'aide médicale totale.
Coût global estimé du RMI en 1994
(1) Compte non tenu de reports cumulés de l'année et des années antérieures qui dépassent 2 milliards de francs.
(2) Contrats emploi solidarité
(3) Contrats emploi consolidés
(4) A partir du montant des cotisations centralisées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et des compléments supportés par les services d'aide sociale.
c) Un dispositif qui a changé de nature
A l'origine, le dispositif était conçu comme un « filet de sécurité » pour les plus démunis, susceptible non seulement de leur assurer un minimum de ressources et l'accès aux droits sociaux mais aussi de répondre à leurs besoins d'insertion dans tous les domaines. Le coût annuel de la seule allocation était estimé initialement à 10 milliards de francs par an.
La réalité est bien différente : les dépenses au titre de la seule allocation du RMI sont passées de 10,27 milliards de francs en 1990 à 23 milliards de francs en 1996, et le nombre des bénéficiaires de 510.000 à 946.000 sur la même période.
Sous l'effet de la crise, le dispositif a changé de nature pour devenir, pour reprendre la formule de la Cour des Comptes, « un dispositif d'accueil de jeunes adultes en attente du premier emploi ou des chômeurs qui ont épuisé leur droit à indemnisation ».
Dans le rapport réalisé en février 1995 par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales, ( ( * )3) une étude comparée a été effectuée sur un échantillon de 7.200 allocataires d'octobre 1991 à mars 1994 : la mission a observé un net rajeunissement des nouveaux allocataires : les moins de 34 ans représentent les deux tiers des entrants en 1993-1994 au lieu de la moitié en 1991-1992.
Les nouveaux titulaires du RMI sont en majorité des personnes isolées mais la proportion des couples avec ou sans enfant progresse. Les nouveaux allocataires montrent souvent une meilleure insertion sociale : la part des bénéficiaires ayant un revenu extérieur a augmenté ; ils sont plus souvent logés chez leurs parents à titre gratuit ; ils disposent plus fréquemment d'une couverture santé avant d'entrer au RMI. Enfin et surtout, le niveau de formation initiale et de qualification dans le dernier emploi s'est accru.
La mission d'enquête constate par ailleurs que l'augmentation des effectifs des allocataires du RMI ne peut s'expliquer par une dérive de la prise en charge des étudiants et des travailleurs indépendants : si les régions qui comptent une population universitaire nombreuse ont observé une montée des allocataires du RMI jeunes et diplômés, il reste que la proportion de jeunes de moins de 29 ans qui possèdent au moins le bac et signataires d'un contrat d'insertion est passé de 3,3 % en 1991-1992 à 6,5 % en 1993-1994, ce qui ne permet pas d'expliquer la forte montée en régime du RMI. Par ailleurs, la progression des travailleurs indépendants qu'ils soient artisans, petits commerçants ou agriculteurs, est demeuré faible et a conduit à une diminution de cette catégorie parmi les bénéficiaires de RMI (2,6 % en 1991 et 1992 contre 2% en 1993 et 1994).
Pour la mission d'enquête, la croissance accrue du nombre des bénéficiaires du RMI est directement corrélé à l'évolution du chômage non indemnisé mesuré par les statistiques sur les demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM) qui frappe également des salariés plus jeunes et plus qualifiés.
La croissance du RMI en 1993 et 1994 coïncide avec les modifications apportées au régime d'indemnisation du chômage et notamment avec la suppression progressive, à compter du 1er janvier 1992, de l'allocation d'insertion initialement versée par les ASSEDIC aux jeunes de 16 ans à 25 ans (après six mois d'inscription à l'ANPE) et aux femmes seules chargées de famille n'ayant pas trouvé d'emploi.
Il faut également, selon la mission d'enquête, souligner l'incidence, depuis le 1er juillet 1992, de la réduction des durées d'indemnisation du chômage, de la dégressivité accrue de l'allocation unique dégressive (AUD) et du passage de trois mois à quatre mois de la période de travail minimale pour l'ouverture des droits.
Conçu au départ comme un dernier recours pour les personnes cumulant de nombreux facteurs d'exclusion, le RMI accueille aujourd'hui « un nombre grandissant de personnes pour qui la privation d'emploi constitue l'unique handicap ».
B. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DU RMI
Le RMI appelle deux observations de la part de votre commission, concernant d'une part l'hypothèse d'un meilleur contrôle de la prestation et, d'autre part, le renforcement des dispositifs d'insertion.
1. L'hypothèse d'un meilleur contrôle de la prestation
Le débat sur les risques de fraude au RMI a été alimenté par les déclarations du Premier Ministre, M. Alain Juppé, qui a envisagé, le 28 août dernier, dans la perspective d'une réforme plus globale, de faire précéder la décision d'octroi du RMI par une « commission cantonale d'attribution » afin de rendre plus efficace la gestion du RMI en rapprochant « ceux qui instruisent les dossiers et ceux qui les contrôlent ». Par ailleurs, le Premier Ministre a confié, le 27 septembre dernier, à trois de nos collègues députés, MM. Francis Delattre, Gérard Léonard et Charles Amédée de Courson, une mission pour mettre en lumière les cas d'abus et de fraude existant en matière sociale.
S'agissant du contrôle, le projet de budget pour 1996 prévoit une mesure d'économie par suite de la mise en oeuvre de l'articulation informatique entre les fichiers RMI des caisses d'allocations familiales et les fichiers du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) chargé de suivre les contrats emploi-solidarité, les contrats emplois consolidés et les stages de formation professionnelle rémunérés.
Cette mise en ligne des fichiers fait suite à celle qui a déjà été mise en place, non sans difficulté, à partir de la mi-1994 entre les CAF et les ASSEDIC. Ce dispositif, instauré à partir du deuxième semestre 1994 et mis au point en 1995, permet actuellement d'opérer un contrôle sur le tiers du stock des dossiers d'allocataires. Ces procédures de croisement de fichiers, qui nécessitent avant leur installation un avis favorable de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) mériteraient d'être développées s'agissant notamment des allocations versées aux adultes handicapés.
Il existe en principe des sanctions en cas de fraude des allocataires du RMI. En principe, le bénéficiaire du RMI peut être suspendu ou radié de ses droits en cas de rupture, de son fait, des engagements qu'il a souscrits dans le contrat d'insertion (article 16 de la loi du 1 er décembre 1988 précitée). Les organismes payeurs peuvent récupérer les sommes indues, en particulier si les revenus déclarés s'avèrent sous-estimés, sur les échéances à venir de l'allocation du RMI, à l'exclusion de tout prélèvement sur les autres prestations familiales ou sociales versées par la CAF (décret n° 88-1191 du 12 décembre 1988).
Une politique de contrôle systématique est prévue sur le plan national. La politique nationale de contrôle définie par circulaires de la DIRMI, est organisée dans chaque département à l'initiative du préfet est exécutée par les CAF : le contrôle doit porter au minimum sur 15 % des ouvertures de droit en faisant notamment porter un effort sur les catégories à risque (personne hébergée gratuitement ou dont le dossier fait apparaître des discordances) ; les CAF sont, par ailleurs, tenues de procéder au contrôle de 1% de l'effectif des allocataires du RMI par mois.
Selon la mission conjointe d'enquête de l'IGF et de l'IGAS précitée, si la mise en place des plans de contrôle est conforme aux objectifs fixés, les bilans d'exécution se caractérisent toutefois par l'hétérogénéité de leur présentation et l'intérêt limité des informations fournies. Mais surtout, comme le souligne le rapport public de la Cour des comptes, les contrôles ne font l'objet d'aucune synthèse nationale au niveau de la CNAF et, en outre, sont rarement évalués ou exploités en liaison avec les fonctionnaires responsables.
Il reste que le RMI demeure une prestation par nature difficile à contrôler : la présentation des demandes assorties, d'éléments purement déclaratifs, est toujours présentée comme ayant un caractère d'urgence ; allocation différentielle doit être calculée en fonction des éléments de revenus de l'intéressé, en principe fluctuants, qui doivent être communiqués trimestriellement à l'administration ; la vérification réelle sur place des conditions de vie des intéressés serait coûteuse si elle était systématique ; les contrats d'insertion qui devraient fixer les engagements du bénéficiaire ne sont établis qu'avec retard, et ceci pour la moitié des allocataires seulement en moyenne nationale.
Il semblerait ainsi que les cas de non-déclaration ou de sous-déclaration de prestations sociales annexes par les titulaires du RMI (allocation adulte handicapé, allocation de parent isolé, pensions d'invalidité, avantage de vieillesse,...) concerneraient 10 % du nombre total des allocataires et 3 % à 5 %, des sommes versées au titre de l'allocation selon la mission d'enquête conjointe précitée.
La mission souligne, en revanche, que les taux de double immatriculation, tels qu'ils sont détectés par les contrôles internes sur les fichiers des CAF, apparaissent très faibles. Par ailleurs, les sous-déclarations de ressources constatées lors de l'enquête ne semblent pas avoir entraîné l'ouverture à tort du droit à RMI mais plutôt la majoration de l'allocation par rapport aux droits réels. Une diminution significative du nombre d'allocataires ne serait donc pas à attendre de la généralisation des contrôles.
Il reste que ces contrôles ne portent pas sur les fraudes relatives à la situation personnelle, notamment familiale, des allocataires et qu'ils ne permettent pas d'estimer la part du travail au noir particulièrement difficile à détecter.
Par ailleurs, une enquête menée par les juridictions financières pour la préparation du rapport public de la Cour des Comptes en 1995, fait ressortir quant à elle que les sommes versées à tort représentent une masse de 10 % des allocations servies, ce qui équivaudrait à une dépense supplémentaire de 2 milliards de francs environ.
En définitive, votre rapporteur a émis deux observations :
- il conviendrait de faire une distinction entre les cas où le RMI est versé de manière totalement indue, ce qui resterait relativement marginal, des cas de sous-estimations de ressources déclarées, qui conduisent à verser des allocations différentielles plus élevées que nécessaire. Ces derniers représentent des sommes qui ne sont pas négligeables et mériterait un contrôle approfondi la lutte contre les risques de fraude apparaît non seulement une question liée à la bonne gestion des fonds publics, mais également comme le moyen de renforcer la légitimité d'une prestation sociale généreuse dont le coût financier est élevé dont la création est, au fond, relativement récente dans l'histoire de la protection sociale.
2. Des résultats à améliorer en matière d'insertion
M. Eric Raoult a souligné en juin dernier que l'évolution actuelle du RMI faisait courir le risque d'engendrer une « contre société », voire une « culture de l'inactivité ». M. Alain Juppé, le 28 août dernier, a craint que le RMI ne soit « une sorte de prison sans barreau, qui ne permet pas d'insérer, qui démobilise et n'incite pas à travailler ».
Il reste que, comme le souligne la DIRMI, l'insertion professionnelle qui est la pierre de touche de la réinsertion des allocataires du RMI est par le nombre de personnes concernées en constant développement depuis six ans.
ÉVOLUTION DE L'ACCÈS A L'EMPLOI ET A LA FORMATION DES TITULAIRES DU RMI
(1) estimation au 30 juin 1994
Source : DIRMI
Ainsi, en 1994, 239.500 bénéficiaires du RMI, soit près d'un allocataire sur trois, ont accédé à un emploi dans le secteur marchand ou non marchand ou à une formation. Ce chiffre est en hausse de 16 % sur 1993. Il a quasiment double par rapport à 1990, dans un contexte où, comme on l'a vu, les effectifs du RMI ont eux-mêmes fortement augmenté.
Toutefois, le caractère durable de cette réinsertion est parfois difficile à évaluer s'agissant notamment des emplois dans le secteur non marchand, dans le cadre des CES, qui représentent maintenant la part prépondérante (55 %) en matière d'accès à l'emploi des titulaires du RMI. Ainsi dans certains cas les titulaires d'un CES lorsque celui-ci n'est pas renouvelé, peuvent se réinscrire au dispositif du RMI lorsqu'ils atteignent la fin de leurs droits à indemnité de chômage.
En outre, les flux d'entrée et de sortie dans le dispositif du RMI sont mal connus puisqu'il n'existe pas de suivi individuel des bénéficiaires du RMI et que l'on ne dispose pas de données sur les retours dans le dispositif après radiation, ni sur le caractère plus ou moins durable des sorties du dispositif. Le rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF souligne que les retours dans le dispositif du RMI ne sont « ni identifiés, ni maîtrisés » : les inscriptions de nouveaux allocataires ne sont identifiées comme « retour » que si elles ont lieu dans un délai de 18 mois suivant la sortie en raison des contraintes imposées par la CNIL ; en tout état de cause, l'identification n'est possible que dans le cas d'un retour dans une même caisse ; enfin, pour des raisons informatiques, toute inscription supplémentaire au-delà de la troisième est enregistrée comme une inscription nouvelle
Dans la perspective d'une activation des « dépenses passives » du RMI, ce dispositif doit de plus en plus devenir un véritable « revenu minimum d'activités » à la fois pour que cette prestation sociale ne soit pas uniquement perçue comme une allocation nouvelle et aussi pour que les personnes concernées puissent entreprendre un véritable parcours d'insertion qui passe parfois par le simple « réapprentissage » des gestes de la vie collective.
II. LES CRÉDITS RELATIFS A LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION ET L'ACTION SOCIALE
L'ensemble du budget consacré à la lutte contre l'exclusion et à l'intégration en 1996 hors RMI s'élève à 7,07 milliards de francs. Ces crédits recouvrent un ensemble d'interventions qui recouvrent de nombreux domaines.
Quatre questions font l'objet d'une intervention particulière dans ce budget : les actions d'aide en faveur des jeunes, les centres de formation de travailleurs sociaux (CFTS), les centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) et les objecteurs de conscience.
A. UN EFFORT PARTICULIER EN FAVEUR DE L'HÉBERGEMENT DES PLUS DÉMUNIS
Concernant les centres d'hébergement et de réadaptation sociale ou CHRS, un effort particulier a été consenti par le Gouvernement en faveur de ces organismes, agréés par l'aide sociale de l'État, ou bénéficiant des aides au titre de l'allocation de logement temporaire ou du Fonds de solidarité logement, qui sont chargés d'offrir des possibilités d'accueil et d'hébergement de nuit aux personnes et familles sans logement.
Les crédits des CHRS (chapitre 46-23 article 22) sont portés de 2,1 milliards de francs à 2,2 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1996 soit une progression de 4,33 %. Ils bénéficient de 92 millions de francs de crédits supplémentaires qui recouvrent :
- une mesure nouvelle de 38,5 millions de francs de crédit afin de créer 500 nouvelles places d'hébergement qui devraient s'ajouter, en 1996, aux 500 places déjà financées dans la loi de finances initiale pour 1995 ;
- une mesure nouvelle de 58,3 millions de francs destinée aux dépenses de fonctionnement des centres fondés sur une actualisation à 2,74 % des crédits de 1995.
Par ailleurs, en section d'investissement, votre rapporteur se félicite de la poursuite du plan de rénovation des CHRS qui se traduit par l'inscription de 25 millions de francs en autorisation de programme dans le projet de budget pour 1996, qui viennent prendre le relais des 20 millions de francs déjà obtenus dans le collectif budgétaire du 4 août dernier. Ces travaux permettent la suppression des dortoirs et l'adaptation des équipements collectifs en vue d'un meilleur respect des personnes hébergées
Il convient de noter que l'UNIOPSS fait néanmoins valoir que, hors création de places et compte tenu de l'effet en année pleine des places créées dans le collectif, la progression des crédits de fonctionnement des CHRS serait de 1,8 % seulement, ce qui ne permettrait pas de rattraper totalement les difficultés financières rencontrées par certains centres depuis deux ans.
L'effort en faveur des CHRS s'inscrit heureusement dans le cadre du plan d'urgence en faveur du logement d'urgence et d'insertion lancé par le Gouvernement en juin dernier et qui vise à accroître significativement l'offre de locaux pour les personnes les plus démunies avant l'hiver.
B. UNE ORIENTATION DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION EN FAVEUR DES JEUNES EN DIFFICULTÉ
D'une manière générale, les crédits de lutte contre l'exclusion passent de 540 millions de francs en loi de finances initiale pour 1995 à 715 millions de francs dans le budget 1996, soit une hausse de 32 %. Ils permettront de financer, en plus des dispositifs classiques de soutien aux associations caritatives, les opérations nouvelles en faveur des plus démunis : SAMU sociaux, boutique de solidarité, accompagnement social dans le cadre du plan de 10.000 logements d'urgence.
Une partie de ces crédits est destinée à l'action en faveur des jeunes. Votre rapporteur est particulièrement préoccupé des difficultés que peut soulever dans les communes de banlieues, mais aussi dans les communes moyennes de province, la prise en charge de jeunes âgés de moins de 25 ans, dont on a souvent l'impression qu'ils ont glissé sur la pente de l'exclusion sans avoir jamais été en situation de franchir les frontières de l'intégration sociale.
Le débat soulevé par les arrêtés d'interdiction de la mendicité et du vagabondage, pris par de nombreuses communes durant cet été, trouve largement son origine dans ce phénomène, qui appelle nécessairement des solutions en profondeur, au-delà des mesures d'urgence qui doivent parfois être prises par les élus locaux dans les zones les plus sensibles et sur lesquelles les médias tendent le plus volontiers à mettre l'accent.
Le Gouvernement lance des éléments dans la bonne direction : 250 millions de francs sont spécifiquement consacrés aux jeunes en difficulté. Ces sommes seront essentiellement affectées aux Fonds d'aide aux jeunes (FAJ) créés par la loi du 29 décembre 1989 et généralisés à partir de 1993.
Les FAJ ont pour objet de permettre à tout jeune traversant des difficultés financières et sociales importantes de bénéficier d'une aide d'appoint de courte durée, dès lors qu'il est engagé dans une démarche d'insertion.
En 1994, les FAJ qui ont disposé de 103 millions de francs de crédit sont répondu à 58.000 demandes de secours. Les débuts ont néanmoins été difficiles en raison des difficultés de la mise en place des mécanismes de cofinancement avec les conseils généraux et de l'instabilité du budget annuel des DDASS.
Il reste que ce n'est que par un véritable accompagnement social, avec des possibilités d'insertion et de remise au travail assorties d'une formation efficace, que le noyau dur des jeunes exclus pourra être attaqué.
Il faut noter par ailleurs que le projet de budget accorde 117 millions de francs destinés au dispositif interministériel d'aide aux postes d'animateurs pour les centres sociaux, les foyers de jeunes travailleurs et les associations de développement local.
C. LA CONSOLIDATION DES MOYENS CONSACRÉS À LA FORMATION DES TRAVAILLEURS SOCIAUX
Concernant les centres de formation des travailleurs sociaux (CFTS), il faut rappeler qu'il s'agit de 150 centres, agréés par le ministère, régis par la loi de 1901 sur les associations, qui ont à jouer un rôle essentiel en matière de lutte contre l'exclusion puisqu'ils sont chargés d'assurer annuellement la formation initiale de près de 20.000 étudiants, notamment pour la préparation des diplômes d'assistante sociale ou d'éducateur spécialisé.
Les crédits affectés au fonctionnement des écoles de formation des travailleurs sociaux (EFTS) passent à 451,6 millions de francs grâce à une mesure nouvelle de 2,3 millions de francs : il faut souligner que la progression est de 0,51 % seulement par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et que le niveau de crédits prévus pour 1996 se situe en-dessous de celui atteint après le collectif budgétaire de l'été (- 1,67 %).
Le maintien à un bon niveau de ces crédits serait d'autant plus nécessaire que le nombre de diplômés assistants sociaux a enregistré une baisse de 22 % entre 1985 et 1994, puisque les CFTS refusent des candidats pour des raisons financières, alors même que leur rôle est assurément important dans la politique de lutte contre l'exclusion. Dans la mesure où les postes ouverts par les collectivités locales constituent un débouché privilégié pour les travailleurs sociaux, il serait d'ailleurs utile d'envisager comment celles-ci pourraient être mieux associées au financement de leur formation.
Votre rapporteur a constaté, par ailleurs, deux points positifs :
- d'abord, 8 millions de francs ont été dégagés en 1996 en autorisations de programme, pour financer les travaux de rénovation des centres de formation.
- ensuite il apparaît une hausse de l'ordre de 3 % des crédits destinés aux bourses d'enseignement social qui s'élèveront à 85 millions de francs en 1996. Ceci devrait permettre d'en revaloriser le montant même s'il convient de relever que pour prétendre à une bourse en étant étudiant en travail social, il faut justifier d'un plafond de revenu quatre fois inférieur à celui qui permet d'obtenir une bourse sur critères sociaux dans une université. Par ailleurs, dans la mesure ou, dans certaines DRASS, les commissions d'attribution des bourses pour faire face à l'accroissement des demandes ont dû appliquer des demi-bourses ou des quart de bourse, la mesure de revalorisation est souvent un « trompe l'oeil ».
D. LA PROGRESSION MÉCANIQUE DES DÉPENSES LIÉES À L'OBJECTION DE CONSCIENCE
Les objecteurs de conscience peuvent être accueillis par les services relevant de l'État, des collectivités territoriales et par les organismes à vocation sociale ou humanitaire assurant une mission d'intérêt général : il s'agit donc, soit de collectivités publiques, soit d'organismes à but non lucratif.
L'État doit assurer l'ensemble des dépenses afférentes à la prise en charge des appelés effectuant leur service national en tant qu'objecteurs de conscience (solde, habillement, nourriture, hébergement, santé et transports) : les indemnités correspondantes sont avancées par les organismes d'accueil qui en demandent ultérieurement le remboursement à l'État et présentent, à l'appui de leurs demandes, les mémoires récapitulatifs des frais qu'ils ont consentis.
Les crédits relatifs à la prise en charge des objecteurs de conscience sont inscrits sur le budget de l'Intégration et font l'objet d'arrêtés de répartition pour abonder les lignes budgétaires des autres administrations participant à la gestion des intéressés : le budget enregistre donc, de manière mécanique, l'augmentation de ces frais de prise en charge des objecteurs de conscience consécutive à la forte croissance constatée ces dernières années du nombre d'appelés effectuant leur service national dans ce cadre et qui est à l'origine, notamment, des retards de remboursement des dépenses engagées par les associations d'accueil. Les crédits en question (chapitre 37-01) sont donc augmentés de 13,2 % pour atteindre 300 millions de francs en 1996.
Votre commission a pris acte de l'effort de rattrapage sur les crédits relatifs à l'objection de conscience. Si elle souligne qu'il existe un droit pour un appelé de faire son service en qualité d'objecteur de conscience, elle souhaite qu'une réflexion soit engagée sur la répartition des postes d'objecteurs entre les emplois relevant des collectivités locales et de l'État et ceux créés par les associations à vocation sociale ou humanitaire, dont certaines semblent recourir quasi-exclusivement à la formule de l'objection de conscience.
III. LA POLITIQUE DE LA VILLE : UNE PHASE DE TRANSITION
S'agissant de la politique de la ville, qui fait l'objet cette année d'un fascicule budgétaire spécifique en plus du « jaune » traditionnellement consacré à l'effort financier consacré à « la politique des villes et au développement social urbain », ce budget apparaît destiné à confirmer les engagements pluriannuels déjà pris tout en préparant de nouvelles orientations.
Face à une certaine lourdeur de la ville, le programme national d'intégration urbaine (PNIU) devra donner une impulsion nouvelle.
A. LES INSTRUMENTS CONTRACTUELS ET BUDGÉTAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE POUR 1996
Il convient de rappeler que la politique de la ville repose sur un ensemble d'engagements pluriannuels pris dans le cadre des instruments contractuels du XIe plan (1994-1998).
Le cadre contractualisé de la politique de la ville comprend, à la fois, les contrats de plan État-régions, les contrats de ville, les programmes concertés d'aménagement du territoire (PACT) urbaine, les conventions de sortie des opérations de quartiers du Xe plan et les protocoles d'accord au titre des grands projets urbains.
a) Les contrats de plan État-région
Au nombre de 22, les contrats de plan État-région, s'ils ne sont pas exclusivement consacrés à la politique de la ville lui servent néanmoins de cadre de référence dans la mesure où ils intègrent explicitement ses objectifs et où ils comportent les engagements financiers pris par les assemblées régionales pour la période 1994-1998.
Les régions se sont engagées en grande majorité sur leurs compétences en particulier dans les domaines du développement économique et de la formation ainsi que dans les domaines de l'aménagement urbain et de l'habitat.
b) Les contrats de ville
Expérimentés dans le cadre du Xe plan (1983-1993) et généralisés dans le XIe plan, les contrats de ville, au nombre de 214, ont pour objectif de mettre en place, de manière concertée, un programme d'action sur cinq ans visant à lutter contre l'exclusion dans les quartiers et sites sensibles recensés dans les 185 agglomérations par le conseil interministériel des villes du 29 juillet 1993. Ces programmes d'action peuvent être affinés et actualisés chaque année par avenant.
L'écart entre le nombre de contrats signés et le nombre d'agglomérations initialement visées s'explique par la difficulté de mettre en place, dans certains cas, un seul contrat à l'échelle de certaines agglomérations.
Les contrats de ville sont signés par le préfet au nom de l'État et par les maires des communes concernées ou les présidents des organismes de coopération intercommunale concernée ; ils sont cosignés éventuellement par le président du conseil régional, le président du conseil général ainsi que par le fonds d'action sociale, les caisses d'allocations familiales, les organismes de logements sociaux et la caisse des dépôts et consignations.
Les engagements pluriannuels des signataires précisés par le contrat sont précisés et complétés par une annexe qui permet notamment la récapitulation de l'ensemble des crédits ordinaires de l'État.
c) Les grands projets urbains (GPU)
Les grands projets urbains, au nombre de 12, correspondent à des sites, inclus dans les contrats de villes, qui nécessitent non seulement une politique de développement social, mais également une restructuration urbaine profonde nécessitant un investissement immobilier important visant à l'amélioration du cadre de vie, le maintien des activités , le désenclavement à travers les infrastructures et les équipements collectifs, la diversification de l'habitat, l'implantation de services et la réorganisation urbaine.
Les GPU donnent lieu à un dispositif spécifique par la signature d'un protocole d'accord établi entre l'État et les collectivités locales concernées qui définit les modalités de mise en oeuvre du projet, et la mise en place de structure de pilotage ad hoc (comité de pilotage, conseil d'administration d'un groupement d'intérêt publié ou d'un établissement public spécialisé) accompagnée d'une direction de projet pour l'élaboration et la conduite technique des travaux.
Sites de GPU : Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Clichy-Montfermeil, Saint-Denis/Aubervilliers/La Courneuve, Marseille, Grigny, Le Mantois, Epinay sur Seine, Gennevilliers, Aulnay-sous-Bois, Argenteuil et Roubaix-Tourcoing.
d) Les divers contrats spécifiques
Quatre autres catégories de contrats sont mis en oeuvre dans le cadre de la politique de la ville dans des domaines spécifiques :
- s'agissant des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte, les conventions de développement social, au nombre de 14, permettent d'assurer des interventions auprès de sites urbains qui, sans être éligibles à la procédure des contrats de ville, présentent des situations de pauvreté et pour certains d'insalubrité certaine.
- les programmes d'aménagement concertés du territoire (PACT) urbains, au nombre de 26, concernent des bassins économiques entiers ou des agglomérations caractérisées par la disposition rigide d'une activité de mono industrie. Ils donnent lieu à l'élaboration d'une convention d'application entre l'État et les collectivités locales concernées permettant de coordonner différentes politiques publiques qu'elles soient d'origine européenne, nationale ou régionale. Sur 26 sites, seules 9 conventions ont été conclues jusqu'ici en raison de la complexité de la démarche.
- les conventions de sortie des opérations de quartiers du Xe plan, concernent les quartiers qui ont bénéficié d'interventions dans le cadre du dernier plan mais qui n'entrent pas. pour la période à venir, dans le champ des contrats de ville ou des PACT urbains. Dans ce cas, la convention de sortie, financée sur les crédits des contrats de plan État-régions, permettra sur deux ou trois ans au plus d'achever les opérations en cours et de conforter les résultats obtenus.
54 quartiers sont concernés dont 8 dans la région Île-de-France, 36 dans les autres régions et 10 outre-mer.
- les contrats d'action, pour la prévention (CAPS) au nombre de 340 environ, signés par les maires et les préfets, visent en-dehors des contrats de ville, à mettre en place dans le cadre des conseils communaux de prévention de la délinquance des programmes triennaux de prévention associant les communes, les services des ministères de la police et de la justice ainsi que tous les intervenants dans le champ social et éducatif.
2. Les instruments budgétaires de la politique de la ville
Il convient de distinguer les crédits budgétaires inscrits directement en faveur de la politique de la ville, des moyens engagés sur les crédits des différents ministères et destinés particulièrement aux sites sensibles.
a) La diversité des crédits engagés au titre de la politique de la ville
Au préalable, il convient de rappeler que les crédits budgétaires de cette année s'inscrivent dans le cadre pluriannuel déterminé pour cinq ans dans le cadre du XIe plan. L'effort financier contractualisé mobilisé par l'État s'élève à 905 milliards de francs sur la période affectés pour 7,32 milliards de francs aux 214 contrats de ville et pour 2,25 milliards de francs aux 12 grands projets urbains. Ces crédits se répartissent entre 8,765 milliards de francs pour la métropole et 800 millions de francs pour les DOM. Les crédits relatifs au logement sur la ligne fongible PLA-PALULOS représentent 4,3 milliards de francs sur 1995.
Sur la même période, l'effort des régions s'élève à 4,22 milliards de francs dont 2,24 milliards de francs au titre de la région d'Île-de-France. Cet apport financier des régions, à peu près égal à la moitié de celui de l'État, représente un quasi-quadruplement des engagements par rapport au Xe Plan.
• L'effort financier au titre de la politique de la
ville représente au total de 8,84 milliards de francs en 1996. Ce
montant représente une hausse de 540 millions de francs par rapport
à 1995, hausse qui consolide l'effort déjà engagé
en 1995.
Au sein de cette enveloppe, un sort particulier doit être réservé aux crédits (1,9 milliard de francs) dégagés par des redéploiements effectués à l'intérieur par des dotations de l'État aux collectivités locales (DSV) ou par des prélèvements sur les ressources des collectivités locales (Fonds de solidarité des communes d'Île-de-France) au titre de la solidarité urbaine et dont le rattachement au titre de la politique de la ville apparaît abusif.
Les crédits de la ville, hors transfert entre collectivités locales, représentent donc au sens strict 6,5 milliards de francs pour 1996 qui peuvent se décomposer sommairement en quatre enveloppes :
- les crédits spécifiques de la politique de la ville inscrits dans le fascicule budgétaire et qui relèvent donc directement de l'autorité du département ministériel qui s'élèvent, pour 1996, à 823,5 millions de francs en crédits de paiement ;
- les moyens de la politique de la ville provenant d'autres ministères transférés en cours de gestion pour la politique de la ville dans le cadre notamment du Fonds interministériel des villes (FIV) et des opérations prévention été ; ces crédits représentent 487,5 millions de francs en 1996 et enregistrent une hausse (+ 6,2 %) en raison de la mise en place du FIV. Le FIV, créé en 1994, permet le regroupement, à hauteur de 770 millions de francs en 1996, de divers crédits budgétaires auparavant inscrits sur des lignes différentes afin d'accélérer la procédure de mise en paiement et de faciliter la gestion coordonnée des actions contractuelles ;
- les crédits des ministères relevant de la politique contractuelle, qu'il s'agisse des contrats de plan État-régions (1.355 millions de francs) ou des actions des contrats de ville (386 millions de francs) qui représentent au total, 1,7 milliard de francs. Il est à noter que les crédits inscrits au titre des contrats de ville, enregistrent une domination « optique » par suite du transfert d'une partie de ces crédits sur le Fonds interministériel pour la politique de la ville qui vise à assouplir la gestion déconcentrée des crédits contractualisés. Ces crédits atteindront 1,74 milliard de francs en 1995 ;
- les crédits relevant des budgets de ministères qui bénéficient aux sites sensibles concernés par les contrats de ville mais qui ne donnent pas lieu à contractualisation (dépenses relatives aux zones d'éducation prioritaire par exemple).
Ces crédits augmentent de 3,4 % pour atteindre 3,29 milliards de francs pour 1996.
b) Les évolutions des crédits spécifiques à la ville prévues pour 1996
Les crédits placés directement sous la compétence du ministère de la ville font apparaître deux tendances en 1996.
• Les crédits des opérations «
ville-vie vacances », qui ont pris la succession des opérations
prévention été, sont destinés en priorité
aux jeunes âgés de 13 à 18 ans des quartiers ou des zones
urbaines sensibles ; ils enregistrent une progression de l'ordre de 77 %
de leur dotation qui passe à 46 millions de francs en 1996.
Cette augmentation est la conséquence de la décision prise lors du Conseil des Ministres du 21 juin 1995 d'étendre les opérations « ville-vie-vacances » à toutes les vacances scolaires et non pas seulement aux vacances d'été.
Le budget consacré par la DIV à ces opérations qui coordonne l'action de douze départements ministériels et mobilise très largement le secteur associatif, a quasiment quadruplé en quatre ans.
En 1995, les opérations ont concerné trente neuf départements dont quatre départements d'outre-mer, au lieu de trente six l'année précédente, et ont bénéficié à 620.000 jeunes.
Les subventions d'investissement (chapitre 67-10) sont largement abondées : leurs crédits passent de 266 millions de francs à 416 millions de francs en 1996 en autorisations de programme. Il s'agit pour le ministère de mettre en place des opérations dites « d'aménagement urbain » qui. sans atteindre la dimension de celles conduites au titre des grands projets urbains, permettront de coordonner, dans des délais raisonnables, les investissements en matière de réhabilitation de grands ensembles, de desserte en transports collectifs et d'amélioration de l'éclairage public sur vingt projets retenus le 20 août dernier à la suite de l'appel d'offre organisé dans le cadre de la charte « partenaires pour la ville » ( ( * )4) .
c) La diversité des modes d'actions des ministères concernés
Les crédits de la politique de la ville se traduisent plus ou moins directement par le versement de subventions, soit pour contribuer au fonctionnement d'associations sur le terrain, soit pour financer des projets ponctuels ; cela étant, la politique de la ville se déploie aussi à travers les moyens d'action engagés par les différents ministères, qu'il s'agisse d'exonérations fiscales, de mesures relatives aux agents publics ou d'aménagement aux règles de passation des marchés publics.
• Concernant les exonérations fiscales
destinées à inciter à l'implantation et au
développement d'activités marchandes dans les quartiers, leur
nombre a été considérablement renforcé par
la
loi d'orientation du 4 février 1995 en faveur de l'aménagement et
du développement du territoire.
Il convient de rappeler que la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991 (article 26) a habilité les collectivités territoriales et leurs groupements à exonérer de taxe professionnelle les créations et extensions d'entreprise dans des « zones urbaines sensibles » définies par décret. Le décret du 5 février 1993 a ainsi défini une liste de 546 quartiers, parmi 365 communes, où peut s'appliquer ce régime d'exonération.
La loi d'orientation a posé le principe d'une fiscalité dérogatoire dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) qui correspondent aux zones urbaines sensibles définies par la loi d'orientation pour la ville, à l'exclusion des quartiers inclus dans le périmètre des communes non éligibles à la dotation de solidarité urbaine : aujourd'hui, les ZRU recouvrent donc 468 quartiers, soit 2,7 millions d'habitants.
Les mesures d'ordre fiscal de la loi d'orientation sont donc entrées en vigueur pour ce qui concerne :
- l'exonération de deux ans d'impôt sur les sociétés et des taxes locales (article 44 sexies du code général des impôts) ;
- la réduction de 6 % à 0 % des droits de mutation sur les fonds de commerce (article 722 bis du code général des impôts) applicable au 7 février 1995 ;
- la réduction à 3,6 % du taux de la taxe départementale de publicité foncière (article 1594 F quater du code général des impôts) applicable au 1er juin 1995 ;
- l'exonération de plein droit de taxe professionnelle compensée par l'État (article 1466 A 1 bis du code général des impôts) ;
- le régime d'amortissement accéléré des immobilisations réalisées par les PME (article 39 quinquies D du code général des impôts).
Il subsiste en revanche deux difficultés :
- tout d'abord, l'exonération des cotisations sociales employeurs pour l'embauche du 4ème au 50ème salarié, prévue à l'article 58 de la loi d'orientation du 4 février 1995 en vigueur tant que le décret définissant les règles de cumul des aides directes et indirectes à l'emploi ne sera pas promulguée ;
- par ailleurs, la liste des quartiers classés en zones urbaines sensibles devrait faire l'objet d'une réactualisation puisque elle dépend d'un décret pris en février 1993, qui n'intègre pas au demeurant les choix faits en matière de sites sensibles pour la signature des contrats de ville.
Votre commission appelle l'attention sur la nécessité d'une mise en oeuvre rapide des dispositions de la loi d'orientation du 4 février 1995 précitée, s'agissant du volet urbain aussi bien que du volet rural, en procédant bien entendu aux remises à jour nécessaires sur les textes d'application auxquels il est fait référence.
• S'agissant des agents publics, diverses mesures
ont été prises pour
favoriser l'affectation de
fonctionnaires compétents et expérimentés
dans
les
quartiers urbains
les plus difficiles.
Tout d'abord, une priorité de mutation permet au fonctionnaire ayant exercé ses fonctions pendant cinq ans consécutivement dans un tel quartier, de bénéficier, dans la limite des postes vacants, d'une priorité de mutation pour le poste de son choix.
Ensuite, une bonification d'ancienneté d'un mois par année est accordée aux agents de l'État ayant accompli trois ans de service continu dans un quartier urbain sensible ; l'avantage est porté à deux mois par année de service continu au-delà de la troisième année. Par ailleurs, une formation spécifique sera mise en place, dès 1996, pour les fonctionnaires affectés pour la première fois dans un quartier en difficulté complété par l'assistance technique et morale d'un tuteur choisi parmi les agents ayant déjà une expérience sur le site concerné.
Enfin, la quatrième tranche de la nouvelle bonification indiciaire, mise en place à partir du 1er août 1993, a été affectée à des mesures destinées à valoriser la carrière des fonctionnaires affectés dans les quartiers relevant de la politique de la ville.
•
L'affectation d'appelés du
contingent pour effectuer leur service national auprès des acteurs de la
politique de la ville,
constitue l'une des formules les plus
originales : 6.450 jeunes gens sont ainsi concernés. 2.500 d'entre
eux effectuent leur service dans les établissements scolaires,
situés notamment dans les ZEP, où ils ont pour fonction d'assurer
les relations« entre l'établissement et son environnement »,
d'assurer des fonctions de tutorat auprès des élèves en
grande difficulté et de participer à des tâches de
surveillance ; en outre, 3.950 appelés participent dans les
quartiers à des tâches de solidarité auprès
d'associations, au traitement des demandes dans les agences locales de l'ANPE
ou à l'accueil et à l'orientation des jeunes en difficulté
dans les « espaces jeunes ».
Ces appelés perçoivent outre la solde de l'armée, une indemnité d'un montant maximum de 1.700 francs versée par le ministère de l'éducation nationale lorsque les prestations de logements, de transport ou de nourriture ne peuvent être fournies en nature.
L'objectif du Gouvernement est de porter à 10.000 le nombre de jeunes concernés par ce type de service d'ici à trois ans.
• S'agissant des
marchés publics,
la charte «
Partenaires pour la ville
»
signée le 27 avril 1994 par l'AMF, et les représentants des
organismes d'HLM ainsi que des secteurs bâtiment, est une voie originale
pour favoriser la réinsertion de personnes exclues dans le cadre de
projets innovants de réorganisation urbaine. Par ailleurs, un guide
d'application de la clause du« mieux disant » social devrait
prochainement être diffusé.
Le caractère quelque peu disparate des actions recensées ci-dessus témoigne de la difficulté d'une appréhension globale de la politique de la ville ; cette complexité est parfois à l'origine des dysfonctionnements qui lui sont reprochés.
B. FACE AUX LOURDEURS ET AUX DYSFONCTIONNEMENTS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE, LE PROGRAMME NATIONAL D'INTÉGRATION URBAINE DEVRA INSUFFLER UN NOUVEL ÉLAN
Les difficultés de la politique de la ville sont à la hauteur des problèmes qu'elle doit traiter : la population des 1.310 quartiers représente 6,5 millions de personnes au sein des 17 millions d'habitants que comptent les communes signataires des contrats de ville : il convient de rappeler que la population concernée par les contrats de développement social des quartiers (DSQ) au titre du Xème plan s'élevait à 3 millions de personnes.
Cette population est fortement touchée par le chômage : d'après le recensement de mars 1990. le taux de chômage de jeunes de 15 à 24 ans habitant dans les quartiers prioritaires était de 29,3 % alors que ce taux était de 19,9 % pour la France métropolitaine.
Ces données se sont vraisemblablement aggravées depuis 1990. La politique de la ville, confrontée au défi de société que constitue la « fracture urbaine », accuse certaines lourdeurs et certains dysfonctionnements. Le programme national d'intégration urbaine devra lui donner un nouveau souffle.
1. Les lourdeurs et les dysfonctionnements de la politique de la ville
Le rapport de la Cour des Comptes pour 1995 a consacré une analyse à la mise en oeuvre par l'État des moyens consacrés à la politique de la ville. Votre rapporteur, pour sa part, souhaite rappeler les observations adoptées à ce sujet par votre commission dans son avis sur le budget de la ville en 1995, présenté par Mme Hélène Missoffe. à laquelle il tient à rendre un hommage tout particulier.
a) La Cour des Comptes a relevé les difficultés de la procédure de contractualisation ainsi que les retards de paiement des subventions
Au-delà des observations à caractère strictement financiers de la Cour des Comptes concernant les lacunes et les incohérences de la présentation budgétaire des crédits de la ville et les entorses à la règle de la spécialité budgétaire, le rapport public de la Cour en 1995 se montre relativement sévère envers la politique de la ville.
ï Concernant la procédure contractuelle, dont la généralisation est étroitement liée à la décentralisation, la Cour relève qu'elle introduit des contraintes qui pèsent sur la politique de la ville : les contrats initialement circonscrits à un quartier, étendus désormais au périmètre plus vaste de l'agglomération, sont marqués par une part relativement faible des inscriptions financières consacrés à l'insertion et au développement social stricto sensu. Les services extérieurs de l'État qui dépendent des directives nationales qui changent d'une année à l'autre n'ont pas le même degré de liberté que les collectivités décentralisées pour nouer le dialogue et préparer les conventions. Enfin, l'État ne trouve pas toujours un interlocuteur représentatif au niveau de l'agglomération, d'autant plus que l'intercommunalité ne s'impose pas aux élus.
ï S'agissant des retards dans la gestion des crédits, il touche aussi bien les dépenses d'investissement, pour lesquelles la lenteur des procédures nuit à la prise en compte de l'urgence, que les subventions de fonctionnement qui font apparaître des délégations tardives de crédit et la complexité des procédures d'instruction des demandes.
ï Enfin, la notion de partenariat mise en oeuvre à travers les contrats de ville, trouve ses limites, en raison de la durée limitée des
engagements réciproques de l'État et des collectivités locales sur des projets qui sont au demeurant d'une durée très inégale, mais aussi du principe de l'annualité budgétaire qui interdit au préfet de pérenniser une action et d'engager l'État au-delà des délégations qui lui sont accordées sous forme de crédits annuels.
Par ailleurs, le recours croissant de l'État aux relais opérationnel constitué par le milieu associatif permet assurément de pallier l'inexistence de services déconcentrés mais conduit à une véritable dilution des responsabilités dans la mesure où confier la conduite d'une action à une association permet également de ne pas désigner clairement les maîtres d'ouvrage. En d'autres termes, selon la Cour, le recours au partenariat devrait privilégier davantage la notion de coordination d'interventions publiques et non pas seulement la possibilité de cofinancer des actions nouvelles.
b) Les observations de votre commission
Dans- son avis dans le projet de loi de finances, votre commission à l'initiative de son excellent rapporteur Mme Hélène Missoffe, avait formulé trois observations qui demeurent pertinentes.
- Tout d'abord la politique de la ville doit lutter contre une certaine lourdeur de la politique contractuelle : le risque existe d'une certaine divergence entre les objectifs poursuivis par les différents acteurs de la politique de la ville ainsi que d'une dispersion des moyens financiers sur les différents objectifs poursuivis
- Il faut, en second lieu, favoriser la présence de personnels qualifiés, expérimentés et motivés pour animer et encadrer les services publics sur le terrain, ainsi que pour donner une impulsion forte aux associations de lutte contre l'exclusion et de réinsertion.
Le service national « ville » jouera à cet égard un rôle de complément important pour conforter physiquement la présence maintenue de l'État dans les quartiers en difficulté. Il reste que le développement de cette formule ne trouve tout son sens que si elle intervient en liaison avec la réimplantation d'un noyau dur d'agents de l'État spécialement formé aux particularités du développement social urbain.
En tout état de cause, votre rapporteur tient à souligner que les tâches administratives ne doivent pas entraver l'action des fonctionnaires au service de la politique de la ville, en particulier des travailleurs sociaux, qui doivent agir au plus près du terrain et aller en direction des populations les plus fragiles, à l'image de ce qui a été fait à Paris avec le SAMU social.
- Enfin, il faut faciliter, sur le plan administratif, l'action quotidienne des acteurs de la politique de la ville en accélérant la mise en place de délégations de crédits en assouplissant les conditions d'engagement des crédits et en renforçant les contrôles a posteriori ainsi que l'évaluation des actions réalisées par les associations subventionnées.
2. Le programme national d'intégration urbaine doit insuffler un nouvel élan à la politique de la ville
Le Gouvernement prépare la loi de programme pour l'intégration urbaine qui doit assurer la traduction budgétaire et administrative du « Plan Marshall » pour les banlieues annoncées par le Président de la République au cours de la campagne électorale à l'élection présidentielle.
Le programme national d'intégration urbain (PNIU) a été préparé sur la base des conclusions du rapport demandé par M. Eric Raoult à MM. Francis Idrac, délégué interministériel à la ville et Jean-Pierre Dupont, préfet de la Seine-Saint-Denis qui a été présenté au mois d'octobre au Conseil national des villes.
Selon les informations dont on dispose actuellement, la loi de programme devrait être articulée autour de quatre grands axes :
- développer l'emploi dans les quartiers sensibles en créant des emplois d'utilité sociale faisant l'objet d'une aide spécifique de l'État de nature à améliorer les conditions de vie des habitants dans les quartiers ;
- restaurer la présence de l'État et des services publics dans les quartiers sensibles par le développement du service national ville, le redéploiement des effectifs de la fonction publique et l'amélioration de la sécurité ;
- diversifier l'habitat et restructurer les quartiers par des mesures en matière d'accès au parc des logements sociaux et de soutien aux opérations d'urbanisme et de reconstruction ;
- renforcer la participation des habitants à la vie des quartiers par le soutien aux associations locales et la création d'instance de consultation spécifique.
La loi de programme pour l'intégration urbaine, que le Parlement examinerait au printemps 1996, devra répondre aux défis lancés dans les banlieues sensibles pour redonner à la politique de la ville une nouvelle orientation.
Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'intégration et à la ville dans le projet de loi de finances pour 1996.
* (2) L'allocation du RMI étant de 20 % inférieure à la métropole dans les DOM, l'Etat compense ce moindre coût par une participation financière qui s'ajoute à celle du département pour l'insertion.
* (3) Rapport n° 95-026 de février 1995 de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur les causes de la croissance du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion.
* (4) La Charte « Partenaires pour la ville » signée le 27 avril 1994, avec l'Association des Maires de France (AMF), l'Union des organismes d'HLM (UNFOHLM) et les grands organismes professionnels du bâtiment et des services publics, vise à promouvoir des projets exemplaires d'intégration urbaine.