Avis n° 79 (1995-1996) de M. Louis MINETTI , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 novembre 1995
Disponible au format Acrobat (1,8 Moctet)
N° 79
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME IX
CONSOMMATION ET CONCURRENCE
Par M. Louis MINETTI,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.
Sénat : 76 et 77 (annexe n°15) (1995-1996).
Lois de finances
Mesdames, Messieurs,
Le remplacement du Gouvernement de M. Édouard Balladur par celui de M. Alain Juppé n'a pas modifié la relative « discrétion ministérielle » du domaine budgétaire qui retient aujourd'hui votre attention. Aujourd'hui comme hier, ni la consommation ni la protection des consommateurs ne sont mentionnées dans le titre d'un ministre ou d'un Secrétaire d'État, alors qu'une tradition inverse apparaissait s'être établie avant 1993.
Cependant, cette apparente continuité entre les deux derniers Gouvernements masque en réalité un changement non négligeable. Antérieurement, c'était le ministre de l'Économie qui exerçait directement les responsabilités en ce domaine. Aujourd'hui, c'est le Secrétaire d'État aux finances qui est chargé - sous l'autorité du ministre de l'économie et des finances - des questions relatives à la consommation, à la concurrence et aux marchés publics.
Votre commission pour avis ne peut d'ailleurs que se féliciter de ce rétablissement, au sein du Gouvernement, d'un interlocuteur privilégié du mouvement consumériste.
Cependant, à titre personnel, votre rapporteur pour avis considère que la principale rupture que le nouveau Gouvernement a opéré avec le passé dans le domaine de la consommation, réside dans la majoration de deux points du taux normal du TVA, décidée au mois de juillet dernier. La dernière augmentation -qui n'était alors que d'un point- date en effet de juin 1982.
D'ailleurs, depuis que la TVA a été généralisée, en 1968, jamais son taux normal n'a connu une telle hausse. D'un point de vue strictement personnel, votre rapporteur juge que, mieux qu'un long discours, un tel acte résume beaucoup des inconvénients que la politique actuellement suivie emporte pour les consommateurs et, tout particulièrement, pour les plus modestes d'entre eux.
S'agissant des dotations réservées à la consommation et à la concurrence dans le projet de loi de finances pour 1996, il convient de relever qu'avec une enveloppe globale d'un peu plus d'un milliard de francs (dépenses ordinaires + crédits de paiement), elles augmentent de quelques 2,64 % par rapport à celles figurant en loi de finances initiale pour 1995.
Au sein de cette enveloppe, les dépenses en personnel de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes croissent de près de 40 millions de francs (+ 5,35 %), pour partie en raison de l'application de la septième tranche du protocole d'accord sur la rénovation de la grille de la fonction publique.
En revanche, avec une diminution en valeur de 6,1 millions de francs, les subventions réservées à l'Institut National de la consommation (INC) et aux associations de consommateurs marque une baisse de près de 7 % (6,73 %).
La subvention propre à l'INC connaît un tassement de l'ordre de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et d'environ 34 % au regard des sommes effectivement versées à l'Institut puisque, en raison de la gravité de sa situation financière, cet organisme a bénéficié d'une attribution complémentaire de 10 millions de francs au titre de la loi de finances rectificative. C'est pourquoi, à titre personnel, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité de la forte réduction prévue pour l'an prochain au moment où les difficultés que connaît l'Institut suscite, parmi ses personnels, des inquiétudes pour leur emploi.
En outre, toujours à titre personnel, votre rapporteur pour avis estime, que l'action du Gouvernement dans le domaine de la concurrence et de la consommation ne vise, d'une manière générale, qu'à conforter le grand marché communautaire et à promouvoir le libéralisme économique. Aussi, de telles orientations appellent-elles, de sa part, les plus vives réserves car, en raison de leur caractère à son sens excessif, il doute de leur adéquation aux impératifs de la défense des consommateurs.
Cependant, votre commission des affaires économiques considère, quant à elle, que dans un contexte particulièrement difficile, les évolutions budgétaires constatées sont nettement positives. De plus, elle a jugé le bilan des politiques menées dans le domaine de la protection des consommateurs et les orientations arrêtées dans le domaine de la concurrence tout à fait conformes à ses attentes.
CHAPITRE PREMIER - LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS
I. LA SITUATION DES PRINCIPALES INSTANCES DU CONSUMÉRISME
A. LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS
1. Une action multiforme mais une influence fragmentée
À nombre inchangé depuis 1988, ce sont vingt organisations nationales de consommateurs qui sont agréées selon les règles déterminées par les articles L.421-1 et suivants du code de la consommation.
Pour être agréée, une association nationale doit justifier d'une année d'existence, d'une activité effective et publique dans le domaine de la consommation, ainsi que de 10.000 adhérents. L'agrément permet, notamment, d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans les affaires où un préjudice direct ou indirect est porté à l'intérêt collectif des consommateurs.
Le rôle traditionnel des associations agréées consiste à informer les consommateurs sur les prix ainsi que sur la qualité des produits et des services et à les aider à régler leurs litiges avec les professionnels. Elles confortent cette action dans les relations courantes de consommation par un partenariat polyvalent avec les pouvoirs publics.
Ce partenariat se manifeste en matière de sécurité domestique : elles sont régulièrement associées aux campagnes de prévention des accidents domestiques. Il se traduit également dans la prévention et le traitement des situations de surendettement, puisqu'elles mènent des actions d'information sur le crédit et que, sur le fondement de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, elles sont membres des commissions de traitement du surendettement.
Par ailleurs, les associations de consommateurs sont engagées depuis de nombreuses années dans des actions de normalisation et de promotion de la qualité, notamment dans le domaine agro-alimentaire. Elles ont, à ce titre, participé à la création et au suivi de la marque NF-Environnement de l'Eco-Label européen.
Enfin, sur le fondement de la loi n° 94-442 du 3 juin 1994 relative à la certification des produits industriels et des services, les représentants des consommateurs sont désormais systématiquement associés à l'accréditation des organismes certificateurs et à la certification des produits et des services.
Il n'en demeure pas moins que, malgré cette présence multiforme dans de nombreux champs de la vie sociale, un certain malaise semble émaner du mouvement consumériste depuis plusieurs années. L'étude-bilan sur le consumérisme en France, publié l'an dernier par l'Association FO Consommateurs, en est une illustration.
Ainsi, après avoir souligné la complexité croissante des relations contractuelles, les pratiques de plus en plus insidieuses des professionnels, l'élargissement des choix offerts aux consommateurs et les difficultés accrues posées par les litiges, cette étude conclue qu'une mise à plat des actions à entreprendre s'impose.
Et, il est vrai que, pour nombre d'observateurs avertis, le mouvement consumériste apparaît davantage comme une « diaspora » quelque peu marginalisée que comme une organisation unie et très influente.
Certes, son unité se réalise parfois autour de thèmes mobilisateurs comme se fut, par exemple, le cas lors du lancement par la SNCF de « Socrate », son nouveau logiciel de réservation, mais elle revêt, le plus souvent, un caractère conjoncturel.
Structurellement, le mouvement reste fragmenté. De ce point de vue, il est révélateur que la réforme des modalités du soutien financier apporté aux organisations représentatives qui avait été envisagée, au début des années 1990, suite aux propositions de M. Dominique Brault, n'ait pas vu le jour. Pourtant, toutes les associations concernées avaient donné leur accord de principe à l'institution d'un fond centralisant et distribuant l'ensemble des subventions qui leur sont versées par l'État. Mais, le projet n'a pas abouti, faute d'accord sur les modalités de contrôle de la redistribution.
Aussi, votre Commission apprécierait-elle de savoir si le Gouvernement envisage une nouvelle initiative en ce domaine.
2. Des subventions en décroissance constante depuis cinq ans
Après avoir presque doublé -en francs constants- de 1988 à 1991, les aides aux organisations de consommateurs (chapitre 44-81) ont connu, de 1992 à 1995, une érosion d'autant plus forte que, pour les trois derniers exercices, les lois de finances rectificatives ont systématiquement réduit, dans des proportions sensibles, les crédits votés par le Parlement. Le projet de budget pour 1996 persévère dans cette voie puisque, par rapport aux crédits votés pour 1995, il affiche une diminution de 3,21 %.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS ATTRIBUÉS AUX ORGANISATIONS DE CONSOMMATEURS PAR LES LOIS DE FINANCES
À la lecture du tableau ci-dessus, votre rapporteur pour avis ne peut -à titre personnel- que déplorer cette baisse constante qui n'est guère de nature à permettre aux associations agréées d'accomplir les nouvelles missions que le législateur leur a confiées. Comment pourront-elles, par exemple, avec des dotations publiques en diminution et un nombre globalement stable d'adhérents rémunérer les experts qu'elles auront à recruter pour participer utilement aux nouvelles procédures de certification instituées par la loi de juin 1994 ? La question se doit d'être posée.
B. L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION (INC)
1. Une évolution contrastée des ressources publiques
a) L'origine des recettes
La priorité croissante conférée aux fonctions commerciales de l'Institut et les difficultés financières que connaît cet établissement public depuis 1993 se reflètent dans révolution de ses recettes. Alors que jusqu'en 1986 elles provenaient, pour près de moitié, de dotations publiques (51 % en 1983), ces dernières ont représenté moins du quart du total en 1992 pour « remonter » à plus de 40 % pour l'année qui s'achève.
L'absence d'amélioration des comptes de l'Institut et le creusement de ses déficits ont, en effet, conduit à l'inscription de 10 millions de francs de subventions complémentaires en sa faveur dans la loi de finances rectificative pour 1995.
Le tableau suivant souligne le caractère heurté de cette évolution :
DÉCOMPOSITION DES RECETTES DE L'INC SELON LEUR ORIGINE
b) Les dotations budgétaires
À la fois cause et conséquence du mouvement souligné précédemment, le montant des subventions versées par l'État à l'INC connaît des évolutions en « dents de scie », que le tableau ci-après met en évidence :
ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS VERSÉES À L'INC
Au vu de l'augmentation de la subvention décidée au cours de l'année 1995, on peut se demander si le montant prévu pour 1996 -qui traduit une diminution par 1/3 de la dotation actuelle -est adapté à la réalité de la situation de l'Institut.
2. Une situation difficile
Votre Commission des Affaires économiques avait souligné dans son avis de l'an dernier la gravité des déficits supportés par l'Institut en 1993 (- 18,7 millions de francs) et 1994 (- 38 millions de francs).
Le creusement des déficits tient à trois facteurs principaux :
La diminution très marquée des ventes de « 50 millions de consommateurs », la revue de l'Institut ;
L'augmentation du coût des essais comparatifs : le coût de ces essais est passé de 9,7 millions de francs en 1987 à 22,7 millions de francs en 1988, puis à 32,6 millions de L'INC.
La baisse en valeur absolue de la subvention de l'État qu'à titre personnel votre rapporteur avait regretté lors de la présentation de ses deux précédents avis. Il redoutait que l'évaluation à la hausse des recettes propres, qui justifiait cette amputation de la subvention, soit trop optimiste. Cela s'est malheureusement révélé exact.
En 1995, pour faire face à la dégradation de la situation, un plan de redressement a été adopté par le conseil d'administration de l'Institut le 10 octobre 1994. Inspiré des conclusions d'un audit réalisé, ce plan adopté fixe deux priorités ; d'une part, renforcer l'aide technique aux associations (information, documentation, formation) ; d'autre part, redresser la situation de l'activité « presse ».
Pour ce faire, plusieurs mesures ont été retenues :
- une restructuration de l'établissement a été entreprise : les effectifs sont en cours de réduction pour passer de 130 à 90 agents, grâce, en particulier, à la réintégration des fonctionnaires détachés dans leur corps d'origine ;
- le lancement d'une nouvelle formule du magazine « 50 millions de consommateurs » ;
- une adaptation des statuts afin de mieux définir le rôle des différents partenaires : conseil d'administration, directeur, tutelle. Ce travail d'adaptation pourrait entraîner la prise d'un nouveau décret relatif à l'INC.
Le plan ainsi mis en place a pour objet le retour à l'équilibre dans un délai de deux ans.
Un versement complémentaire exceptionnel d'un montant de 10 millions de francs a été inscrit dans la loi de finances rectificative de 1995 pour permettre à l'Institut de faire face aux difficultés de cette année charnière, où les déficits passés continuent à peser tandis que toutes les mesures d'économie n'ont pas encore pleinement produit leurs effets.
Le montant global de la subvention devrait, compte tenu de ce versement complémentaire, s'élever à 43,5 millions de francs pour 1995 et les autres recettes de l'établissement pourraient de leur côté atteindre 54,8 millions de francs (dont 52,2 millions de francs de recettes commerciales). Le déficit de l'établissement pour l'année en cours pourrait donc s'établir à 15 millions de francs.
Votre rapporteur pour avis souhaiterait, en conséquence, savoir si la subvention budgétée pour l'INC sur 1996 suffira à assurer un apurement de la situation, condition indispensable d'un redressement durable de l'Institut.
II. L'ÉVOLUTION DU DROIT APPLICABLE
A. LA MISE EN OEUVRE DE LA LÉGISLATION NATIONALE
1. La mise en oeuvre de la loi relative au surendettement des particuliers et des familles
a) Le bilan d'application au 31 décembre 1994
Les cinq ans d'application du dispositif de traitement du surendettement, institué par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, permettent désormais de bien cerner l'ampleur du phénomène social ainsi appréhendé.
En données cumulées au 31 décembre 1994, les commissions de surendettement ont reçu près de 365.000 dossiers, émanant dans la plupart des cas directement des débiteurs, les ouvertures de conciliation demandées par les juges représentant simplement 1,7 % de l'ensemble (6.205 dossiers).
91 % de ces dossiers déposés par les débiteurs et reçus des juges ont été considérés recevables et ont été traités par les commissions. Ces derniers ont donné lieu à 156.000 plans conventionnels contre 107.100 constats de « non-accord », soit un taux de succès de la procédure proche de 60 %.
Si l'on excepte l'afflux de dossiers consécutifs à la mise en place du dispositif (de mars à août 1990, 63.878 dossiers ont été déposés), les flux mensuels moyens des dépôts de dossier sont assez semblables d'une année sur l'autre. Ces flux de dépôt restent d'ailleurs très soutenus, comme en témoignent les chiffres ci-dessous.
Le nombre de demandes présentées au titre de la loi de 1989 souligne, si besoin en était, la pertinence de ce texte mais aussi, indirectement, la gravité des épreuves que la crise actuelle impose aux couches sociales les plus durement touchées.
La situation des ménages dont l'équilibre financier est précaire apparaît tout particulièrement préoccupante à votre rapporteur pour avis. Le maintien des dépôts de dossiers à un niveau élevé s'explique, en effet, par un changement de nature des cas de surendettement. Aujourd'hui, le surendettement se révèle en effet résulter bien davantage d'une insuffisance de ressources pour faire face aux dépenses de la vie courante que d'un excès d'endettement bancaire. Le chômage, là aussi, fait sentir ses ravages.
b) La réforme opérée pur la loi du 8 février 1995
Une réforme du dispositif de traitement du surendettement a été adoptée à la fin de l'année 1994 par le Parlement, dans le cadre de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Complétée par le décret n° 95-660 du 9 mai 1995, cette réforme vise principalement à renforcer les pouvoirs des commissions de surendettement, qui deviennent le point de passage obligé pour les surendettés, ceux-ci ne pouvant plus saisir directement le juge de l'exécution d'une demande de redressement judiciaire civil.
En cas d'échec du règlement amiable, la commission élabore un plan de redressement qui peut prévoir des mesures du type de celles qui sont prescrites par le juge dans le système actuel (report ou rééchelonnement des dettes, réduction des taux d'intérêt, etc..) Ce plan, qui est recommandé aux parties par la commission, est ensuite homologué par le juge qui lui confère force exécutoire, après en avoir vérifié la régularité. Ainsi le juge n'exerce plus qu'un contrôle de légalité et n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des mesures.
La procédure de redressement judiciaire civil est supprimée mais, le juge de l'exécution reste compétent pour statuer sur les recours en recevabilité. En outre, sur saisine des commissions de surendettement, il est seul habilité à prononcer la suspension provisoire des mesures d'exécution, ou à vérifier la validité et le montant des créances.
Parallèment, il aura à connaître des recours dirigés contre les plans de redressement élaborés par les commissions et disposera alors des mêmes pouvoirs que ces dernières.
2. La mise en oeuvre de la loi du 3 juin 1994 relative à la certification des produits industriels et des services
Le décret d'application de cette loi n° 94-442 du 3 juin 1994 a été pris le 30 mars 1995 (n° 95-354 - JO du 5 avril).
Plusieurs organismes certificateurs exerçant dans le domaine des produits industriels ou des denrées alimentaires ont décidé de diversifier leur activité en s'intéressant à la certification des services, principale innovation de la loi. L'Association française de normalisation (AFNOR) a ainsi créé une marque NF-Services, pour attester la conformité aux normes des services au particulier, avec une première application aux activités de déménagement.
D'autres organismes certificateurs privés élaborent actuellement, à la demande d'organisations professionnelles ou d'entreprises, des « référentiels » destinés à garantir la qualité de certains services.
Dans ce cadre, l'une des démarches les plus intéressantes apparaît être celle entreprise par le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), pour faire certifier les principaux métiers de la branche automobile. Les deux premières professions concernées seraient les écoles de conduite et les démolisseurs de véhicules usagés.
L'intérêt que portent de nombreuses fédérations professionnelles à la certification des services et la mise en chantier de nombreux projets semblent démontrer que l'objectif recherché par la loi est en passe d'être atteint. La simplification et la clarification des procédures doit, en effet, aboutir à l'extension et au développement de la certification comme mode de preuve de la qualité, ainsi que l'avait souhaité le Parlement lors de l'adoption de cette loi.
B. LA MISE EN PLACE EXPÉRIMENTALE D'UNE PROCÉDURE DE RÈGLEMENT DES PETITS LITIGES
En quoi est-il avantageux pour le consommateur français de disposer d'une législation consumériste comptant parmi les plus protectrices d'Europe si, lorsqu'il est lésé, il n'est pas en mesure de faire reconnaître ses droits ? Telle est la question qui se pose quand on constate que, découragés par l'encombrement des prétoires, les Français hésitent à s'adresser aux tribunaux et y renoncent quand ils estiment que les frais de procès excèdent la valeur de la réparation pouvant être obtenue. De fait, le recours aux procédures judiciaires n'est pas toujours adapté aux petits litiges de la consommation.
À l'instar de la boîte postale 5000 (BP 5000), différentes formules ont été développées au cours des quinze dernières années pour remédier à cette situation mais, en dépit d'indéniables succès initiaux, aucune ne semble avoir permis d'apporter une réponse entièrement satisfaisante au problème.
C'est pourquoi, suite à la réflexion engagée depuis 1993 pour trouver un mode de résolution simple et pratique des petits litiges de la consommation, a été -au début de cette année- créé à titre expérimental, dans dix départements, une « commission de règlement des litiges de consommation », en abrégé « CRLC ». Le recours à cette commission est ouvert aux personnes physiques qui entendent présenter une réclamation gracieuse au sujet d'une vente ou d'une prestation de services réalisée par un professionnel.
Pour favoriser l'acception du principe même de la conciliation par les parties, les CRLC associent étroitement les consommateurs et les professionnels à son fonctionnement. Chacune d'entre elles comprend deux assesseurs représentant, l'un les consommateurs, l'autre les professionnels et est présidée par une personnalité neutre, afin d'offrir des garanties d'impartialité.
LA PROCÉDURE INSTITUÉE EST FACILE D'ACCÈS ET GRATUITE, MAIS NULLEMENT EXCLUSIVE Aucun formalisme n'est exigé pour saisir la CRLC, une simple lettre suffit. La conciliation n'est pas obligatoire, chaque partie est libre de l'accepter. Toute personne peut représenter ou assister les parties devant la CRLC. La procédure est entièrement gratuite pour les personnes qui acceptent d'y avoir recours. Pour chaque affaire, le président désigne un rapporteur choisi sur une liste de personnalités proposées par les associations de consommateurs et les organisations professionnelles siégeant au Comité départemental de la consommation. Le rapporteur a pour mission de faciliter, en dehors de toute procédure judiciaire, le règlement amiable des conflits en s'efforçant de rapprocher le point de vue des parties. L'accord qui met fin au litige intervient devant ou sous le contrôle de la CRLC. Pour prévenir les sources de confusion entre les différentes instances de règlement des litiges de consommation, les CRLC orientent, le cas échéant, les demandeurs : - soit auprès d'une instance spécialisée de règlement amiable des litiges de consommation, lorsqu'il en existe une telle celles mises en place dans certaines professions ou secteurs d'activité (par exemple, pour les assurances, la SNCF, la RATP, les loyers) ; - soit auprès des juridictions, lorsque l'une des parties manifeste son intention de saisir la Justice. Dans ce cas, la CRLC fournit à la personne intéressée tous renseignements utiles sur les conditions dans lesquelles une action en justice peut être introduite. |
Les deux collèges -professionnels et consommateurs- du Conseil national de la Consommation ont donné un avis favorable à l'arrêté du ministre de l'Économie du 20 décembre 1994 qui a institué les CLRC.
Votre commission pour avis est, quant à elle, vivement intéressée par un premier bilan de l'expérience ainsi entreprise.
C. L'INTÉRÊT D'UNE RÉFLEXION CONSUMÉRISTE SUR LA GESTIONDES DÉCHETS
L'acte de consommation est aussi un acte de production... de déchets.
Certes, en France, chaque année, les déchets industriels représentent quelque 150 millions de tonnes alors que la masse des ordures ménagères, de l'ordre de 20 millions de tonnes, est nettement moins importante.
Il n'en demeure pas moins que les secondes comme les premiers posent des problèmes de collecte, de traitement, d'atteinte à l'environnement et, le cas échéant, de stockage ou de recyclage.
C'est pourquoi, à titre personnel, votre rapporteur tend à estimer que la question de la gestion des déchets ménagers et industriels devrait faire l'objet d'un volet spécifique de la politique de la consommation. Ne vaudrait-il pas mieux, en effet, appréhender le traitement des résidus de la consommation avant le processus de consommation proprement dit, plutôt qu'après ? En mobilisant les pouvoirs publics, industriels et associations de consommateurs en « amont » de l'acte consumériste, le traitement des difficultés rencontrées en « aval » serait facilité.
Les actions menées en la matière ces dernières années semblent s'orienter dans cette direction. Aussi, votre rapporteur pour avis apprécierait-il vivement de connaître le premier bilan qui peut être dressé de ces actions et d'être informé de celles que le Gouvernement envisage d'entreprendre.
D. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE RELATIVE AUX CLAUSESABUSIVES
La transposition de la directive européenne du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs a été effectuée, en droit interne, par la loi du 1er février 1995. Cette loi modifie le dispositif français (articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation) sur les points qui ne répondent pas à la directive tout en maintenant le droit existant, lorsqu'il est plus complet que la directive.
La première modification d'importance concerne la définition de la clause abusive. Le texte reprend la définition de la directive et écarte les restrictions de la loi française, notamment l'exigence de la démonstration d'un abus de puissance économique. Dans la loi nouvelle, la clause abusive est celle qui confère un déséquilibre significatif au contrat. Seconde modification notable : l'appréciation du caractère abusif. Le texte transcrit les dispositions de la directive sur les éléments à prendre en considération (les circonstances entourant la conclusion du contrat, les contrats annexes) et sur les éléments qui sont en revanche à écarter (l'acceptation du prix du bien vendu, la définition de l'objet du contrat).
Bien entendu, le pouvoir réglementaire reste habilité à compléter la liste des clauses devant être considérées comme abusives en toutes circonstances. La directive européenne ne fixe, en effet, qu'une liste indicative et non pas exhaustive de clauses abusives. En France, la liste des clauses visées comme abusives par la directive a été insérée en annexe du code de la consommation.
La loi laisse, par ailleurs, au juge la possibilité de déclarer abusive une clause qui, au vu de l'espèce, lui apparaît comme telle. Se trouve ainsi validée une jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaît aux tribunaux le droit de déclarer abusive une clause qui n'a pas été préalablement interdite par un texte. Cette validation est d'autant plus logique que la liste des clauses annexées au code de la consommation n'étant qu'indicative, le juge demeure libre d'apprécier une stipulation contractuelle au regard des critères fixés par la loi.
Précisons, pour achever cette brève présentation du dispositif principal que, dans son article 3, la loi impose une présentation et une rédaction claire et compréhensible des clauses et dispose qu'en cas de doute, c'est l'interprétation la plus favorable au consommateur qui prévaut.
Enfin, au-delà de ces aspects majeurs, il faut souligner que la loi du 1er février 1995 a également renforcé le contrôle et la répression d'offres d'emploi trompeuses et a interdit certaines pratiques abusives des ventes pyramidales.
E. L'INTERVENTION DE NOUVELLES PROPOSITIONS DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES
La proposition de directive sur les contrats négociés à distance a connu une avancée sensible au cours de l'année écoulée.
Adoptée le 9 juin 1992, cette proposition couvre le secteur des biens et services à l'exception des services financiers et des services touristiques avec réservation. Elle met en place les bases minimales de protection pour les contrats négociés à distance entre consommateurs et fournisseurs. Elle institue, notamment, la reconnaissance d'un droit à une information préalable du consommateur, l'obligation d'une confirmation écrite, l'interdiction de certaines formes de sollicitation à distance (fax, automates d'appel) et le principe de reconnaissance mutuelle du droit des associations de consommateurs à intenter une action en justice.
Elle a fait l'objet d'un accord du Conseil des ministres de la Consommation, lors de sa réunion du 30 mars 1995.
Par ailleurs, la proposition de directive sur les virements transfrontaliers a été adopté par la Commission, le 19 octobre 1994.
Cette proposition de directive aborde notamment quatre points particulièrement délicats :
- le délai, qui, en l'absence d'un engagement contractuel de la banque du donneur d'ordre à son client, est fixé à cinq jours pour l'établissement du donneur d'ordre et à un jour pour l'établissement du bénéficiaire ;
- le double prélèvement qui est proscrit ;
- les virements « non aboutis » qui donneront lieu pour le donneur d'ordre à remboursement du montant du virement, majoré d'un intérêt et de tous les frais prélevés ;
- les conditions de transparence avant et après le virement sont prévues : délai, coût, recours, etc...
Le non respect des délais ou de l'interdiction des doubles prélèvements entraînera, pour la banque du donneur d'ordre ou du bénéficiaire ou pour les deux, le versement d'intérêts ou le remboursement des sommes indûment perçues au bénéfice du donneur d'ordre ou du bénéficiaire.
Cette directive n'a pas pu aboutir à une position commune lors du Conseil des ministres de l'Économie et des Finances du 10 juillet 1995, en raison de l'impossibilité de trouver un compromis sur l'étendue de son champ d'application qui doit être limité aux virements d'un certain montant.
Enfin, la proposition de directive sur la publicité comparative, qui avait suscité des observations critiques au sein de la Commission des Affaires économiques, paraît avoir fait l'objet d'un accord au début du mois de novembre. Votre commission, qui avait été initialement informée que ce texte ne devait pas être adopté dans un proche délai souhaiterait, en conséquence, en connaître le contenu exact et être informé en détail des modifications qu'il pourrait entraîner dans la législation française.
CHAPITRE II - LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE
Tant au plan communautaire qu'au plan national, les orientations arrêtées, au cours de l'exercice écoulé, dans le domaine de la concurrence sont restées dans le droit fil de celles suivies les années précédentes. Il n'en demeure pas moins que plusieurs évolutions notables des règles en vigueur ou de leur application se doivent d'être signalées dans le cadre du présent avis. Ceci est d'autant plus nécessaire que se dessine, à assez brève échéance, la perspective d'une réforme du volet de notre droit de la concurrence qui régit les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs.
I. LES ÉLÉMENTS D'UN BREF BILAN
A. AU PLAN COMMUNAUTAIRE
1. Les aménagements réglementaires
C'est la volonté de clarifier les modalités de mise en oeuvre du règlement (CE) du 28 juillet 1993 sur les concentrations qui a, sans doute, le plus marqué l'activité déployée par la Commission de Bruxelles, au cours de l'année 1994.
À cette fin, la Commission a proposé plusieurs projets de textes dont la discussion par les États membres a débouché sur l'élaboration de trois déclarations interprétatives sur des aspects techniques et juridiques du règlement : la notion de concentration, la notion d'entreprises concernées et les méthodes de calcul du chiffre d'affaires.
Le formulaire, qui indique les informations que doivent obligatoirement fournir les entreprises qui notifient un projet de concentration, a également été modifié, en vue de mieux préciser les informations soumises à la Commission et de réduire les obligations des entreprises. Pour répondre à une préoccupation soulevée depuis trois ans par la France, des notifications simplifiées seront autorisées pour les créations de filiales communes dont les activités ne dépassent pas un plafond de 100 millions d'Ecus.
Dans la logique de cette évolution, les directeurs généraux de la concurrence des Quinze ont souscrit aux conclusions d'un groupe de travail animé par la Commission, aux termes desquelles l'application de la plupart des règles communautaires relatives à la concurrence serait transférée aux autorités nationales, lorsque trois conditions sont remplies :
- le « centre de gravité » de l'affaire se trouve dans un seul État membre ;
- il existe une violation claire des règles communautaires ;
- l'application de ces règles n'est pas susceptible de faire l'objet d'une exemption relevant de la compétence de la Commission.
Les textes permettant de traduire de telles orientations dans les faits sont actuellement élaborés par les instances communautaires en concertation avec les autorités nationales.
2. Le contentieux en matière d'entente
Dans ce domaine aussi, les autorités communautaires se sont efforcées de simplifier les procédures et de les accélérer. L'an dernier, la Commission a formulé 33 décisions et prononcé près de 200 arrêts de classement, contribuant ainsi à la diminution du nombre de cas pendants constatée depuis plusieurs années.
En la matière, la décision la plus marquante a, sans conteste, été celle ayant conduit à la condamnation de dix-neuf fabricants européens de carton qui, entre 1981 et 1991, avait constitué une entente illégale pour fixer leurs prix et limiter ainsi la concurrence sur leurs marchés.
L'entente organisée entre les dix-neuf fabricants (10 installés dans l'Union et 9 dans des pays de l'AELE ayant, pour la plupart, rejoint l'Union depuis) leur avait permis d'augmenter leurs prix de base de 40 % selon les experts européens. Selon ces derniers, des représentants des entreprises sanctionnées se réunissaient régulièrement, dans le plus grand secret, pour fixer ensemble leurs tarifs et leurs niveaux de production pour chaque type de produit dans les dix-sept pays où elles exerçaient leurs activités, en adaptant ainsi artificiellement l'offre et la demande.
Le total des amendes infligées à ces entreprises s'est élevé à 132 millions d'Ecus (près de 900 millions de francs). Il s'agit des amendes les plus importantes jamais infligées par la Commission.
Autre décision intéressante à noter : celle du 13 décembre 1994 par laquelle la Commission a écarté du champ d'interdiction des ententes la convention d'utilisation du tunnel sous la Manche conclue entre Eurotunnel et les entreprises de chemin de fer britannique et française, Bristish Rail et SNCF.
De fait, aux termes de cette convention, la capacité du tunnel est répartie entre deux parts égales, l'exploitation des services de navettes que se réserve Eurotunnel, d'une part, et l'exploitation des trains de passagers et de marchandises par Bristish Rail et SNCF, d'autre part. La Commission a pris en compte l'investissement très important que représente cette infrastructure qui doit s'amortir sur une longue période. Par ailleurs, elle a exigée que la capacité d'accès au tunnel initialement attribuée aux seuls opérateurs français et britanniques soit réservée, à hauteur de 25 %, à des entreprises ferroviaires tierces.
B. AU PLAN NATIONAL
1. L'ouverture à la concurrence des monopoles publics
Votre commission relève avec satisfaction que la politique de régulation concurrentielle, qui est actuellement développée, respecte les engagements pris par la France dans le cadre de l'Union européenne, tout en veillant à ce que l'ouverture des monopoles publics se fasse dans de bonnes conditions et sans porter atteinte aux exigences de cohésion sociale et d'aménagement du territoire.
Elle en voit pour preuve la création du Fonds de péréquation des transports aériens qui, malgré l'ouverture à la concurrence européenne du marché aérien français -programmée pour le 1er avril 1997-, permettra de continuer à soutenir sur fonds publics les lignes nécessaires au désenclavement des régions les moins bien desservies.
De même, l'ouverture à la concurrence franco-française des lignes aériennes domestiques initialement placées sous monopole d'Air Inter (Orly-Marseille, Orly-Toulouse, Orly-Montpellier...), effectuée de manière progressive en 1994 et 1995 et généralisée à partir du 1er janvier 1996, présente l'avantage de développer la concurrence intérieure et de renforcer nos compagnies dites de « troisième niveau » avant que les compagnies étrangères puissent, au 1er avril 1997, librement proposer leurs services sur le territoire national.
Une orientation identique est suivie dans le secteur des télécommunications, afin de préparer, graduellement mais sûrement, France Télécom au choc de la concurrence généralisée sur l'ensemble de ses activités à partir de 1998.
En ce qui le concerne, votre rapporteur pour avis tient à rappeler, à titre personnel, que, dans son avis sur le budget 1994, il avait souligné les dangers de graves perturbations des équilibres sociaux qu'entraînaient pour notre pays la remise en cause des monopoles accordés à certaines entreprises publiques (France Télécom , la Poste, Air Inter, SNCF, EDF-GDF...), en contrepartie des tâches d'intérêt général dont elles assument la charge.
Il faisait notamment valoir qu'à « laisser jouer les lois du marchés sans retenues, le risque n'est, en effet, pas négligeable que le prix de prestations similaires (la délivrance de courriers de même poids, des communications téléphoniques de même durée, des voyages en avion sur une même distance) finissent par être facturées de manière très différente selon les points du territoire où elles sont fournies. Il suffit, pour cela, que leur prix se trouve fixé en fonction du coût de revient réel et non plus après application d'un mécanisme de « subventions croisées » qui, au travers d'un monopole, permet d'instaurer une solidarité entre ceux qu'il est aisé de servir et les autres ».
Son opinion sur cette question n'a pas changé et il continue à émettre, de manière strictement personnelle, les plus complètes réserves à l'égard de la politique suivie en ce domaine.
2. La surveillance du bon fonctionnement du marché
Le ministre de l'Économie a saisi le Conseil de la concurrence 26 fois en 1994 et 17 fois depuis le début de l'année 1995 de pratiques anti-concurrentielles, dix fois en 1994 et quatre fois depuis le début de l'année 1995, au titre du contrôle des concentrations.
Parmi les secteurs ayant fait l'objet d'une vigilance particulière, il convient de citer :
- celui des marchés publics, où les autorités compétentes ont montré une sévérité accrue ;
- celui de la santé, où des ententes horizontales, entre fabricants, ou verticales, entre fabricants et acheteurs ou prescripteurs, tendent à fausser la concurrence et à occasionner par là même des coûts indus pour les régimes de sécurité sociale ;
- celui de la grande distribution et de ses rapports avec les fournisseurs, où sont susceptibles de se produire des situations d'exploitation abusive de position de force.
Ce souci d'assurer un fonctionnement équilibré du marché s'est manifesté également dans l'attention avec laquelle a été surveillé l'intervention dans des secteurs concurrentiels d'entreprises disposant d'un monopole.
Il s'agit d'éviter les abus qui pourraient être commis par ces entreprises de très grande taille, en raison soit du monopole qu'elles conservent sur certaines activités ou sur des infrastructures lourdes, soit de la position dominante que leur confère leur situation historique. Il ne conviendrait pas, par exemple, qu'elles se servent de cette position dominante pour empêcher l'accès de nouveaux opérateurs sur le marché.
Ainsi, le Conseil de la concurrence, saisi par le Gouvernement, a été amené à donner son avis sur les conditions de la diversification d'EDF. Sans se prononcer sur la légalité de ces activités au regard de la loi fixant le statut d'EDF, il a indiqué des mesures de nature à éviter les abus. Il a ainsi préconisé la filialisation de ces activités, l'autonomie commerciale et comptable des filiales, la séparation étanche de leurs moyens avec ceux de l'établissement public bénéficiant de monopole, le regroupement desdites filiales dans une holding financière qui accéderait au marché des capitaux dans des conditions de droit commun.
Les principes qu'il a posés, à cette occasion, ont une portée générale. Ils sont applicables à toutes les activités concurrentielles des entreprises publiques dotées d'un monopole historique et cela a été rappelé en décembre 1994, à toutes les entreprises publiques par lettre ministérielle, afin de les inviter à s'y conformer.
En ce qui concerne le suivi des procédures de marchés publics et de délégations de services publics (qui représentent un enjeu économique considérable, de l'ordre de près de 800 milliards de francs), dans un souci d'une plus grande transparence, la loi n° 95-127 du 8 février 1995 a :
- limité la durée des conventions de délégations de services publics conclues dans les domaines de l'eau, de l'assainissement et des déchets ménagers ;
- renforcé les moyens dévolus aux préfets pour l'exercice du contrôle de légalité ;
- soumis à l'examen des commissions d'appel d'offres les avenants entraînant une augmentation des prix prévus par le contrat initial supérieure à 5%.
L'impulsion donnée a, d'ores et déjà, conduit les préfets à saisir davantage que par le passé les tribunaux administratifs pour manquements graves aux procédures du code des marchés publics (228 cas en 1994 contre 75 en 1993).
3. La répression de la contrefaçon
S'agissant de la lutte contre les contrefaçons de marques, l'année 1994 a marqué un tournant : dans le monde, avec la Convention de Marrakech ; en Europe, avec les règlements sur la marque communautaire et les marchandises pirates et, en France, avec la loi du 5 février.
Parallèlement, l'administration compétente a visé une amélioration qualitative de son action, en ciblant davantage ses investigations vers les domaines ou les produits sensibles. Les résultats enregistrés ont permis de vérifier le bien-fondé de cette orientation : les 2.910 actions entreprises en 1993 avaient abouti à 123 procès-verbaux et 24 avertissements ; les 1.670 actions opérées en 1994 ont donné lieu à 246 procès-verbaux et à 61 avertissements.
Les articles textiles représentent la majorité des affaires (environ 75 marques). Ils sont suivis par les parfums (20 marques), la maroquinerie/chaussures (14 marques) et les montres (5 marques). Mais des contrefaçons sur des produits moins connus, tels que des tubes de colle, des tondeuses à gazon, des pièces détachées auto, des réchaud-lessiveuses ont également été décelées.
II. LA PERSPECTIVE D'UNE RÉFORME PARTIELLE DE L'ORDONNANCE DU 1ER DÉCEMBRE 1986
Presque intouchée depuis sa parution, l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence constitue aujourd'hui le fondement juridique de la politique de concurrence suivie en France depuis neuf ans. La perspective -maintenant ouverte à brève échéance- d'une réforme partielle du titre IV de ce texte, tend donc à marquer une étape importante dans le développement de cette politique. D'où l'intérêt de cerner les motivations et les contours d'une telle réforme dans le cadre du présent avis.
C'est en effet un phénomène qu'à titre personnel votre rapporteur juge très révélateur des méfaits de la politique retenue qui conduit à s'interroger sur son cadre juridique : l'âpreté des relations entre producteurs et distributeurs
Et, il est vrai que les relations entre l'industrie -voire l'agriculture- et la grande distribution n'ont cessé de se tendre en France au cours des dernières années, le rapport de force jouant très nettement en faveur de cette dernière.
Déposé en mai 1993, le rapport de la mission d'information sur le marché des fruits et légumes -que votre rapporteur pour avis avait l'honneur de présider- avait, d'ailleurs, mis en évidence le poids écrasant que la grande distribution faisait peser sur l'ensemble de cette filière. Relu à la lumière des débats d'aujourd'hui, ce rapport, qui avait été adopté à l'unanimité par votre commission des affaires économiques, présente le mérite d'illustrer de manière fort claire une partie des problèmes qu'il s'agit de résoudre. C'est pourquoi se trouvent présentés, en annexe I, les extraits des pages de ce rapport où se trouve examinée, de manière précise et concrète, la question des relations entre les producteurs de fruits et légumes et la grande distribution.
La pression que les grandes chaînes de distribution exercent sur les producteurs est maintenant couramment dénoncée. Même si elle a eu des incidences positives sur le niveau des prix et la modernisation de nos structures commerciales, cette pression est généralement considérée comme emportant des conséquences négatives tant en termes d'emplois, de fragilisation du tissu industriel et parfois -cela vient d'être évoqué- des filières agricoles, que d'aménagement du territoire, voire de balance commerciale.
Plusieurs documents officiels ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur ces problèmes :
- le rapport d'information sur l'avenir de l'urbanisme commercial, présenté par notre collègue Jean-Jacques Robert, au nom de notre Commission des affaires économiques, en juin 1993 ;
- les rapports d'information présentés par le député Jean-Paul Charié, en 1993 et en 1995 sur la loyauté de la concurrence ;
- le rapport sur les relations entre l'industrie et la grande distribution, présenté au ministre de l'économie par M. Claude Villain, inspecteur général des finances, en janvier 1995.
Or, si la dégradation des relations producteurs-distributeurs s'explique par des considérations historiques, géographiques, économiques ou commerciales, les facteurs d'ordre juridique sont souvent mis en avant. Les mesures portées principalement par le titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont, en effet, habituellement considérées comme contribuant aux déséquilibres constatés.
C'est pourquoi, le Gouvernement paraît désormais décidé à présenter un texte devant fournir une base légale à la correction des abus le plus souvent critiqués.
A. LE DÉSÉQUILIBRE DES RELATIONS ENTRE PRODUCTEURS ET DISTRIBUTEURS...
1. Un constat : une forte prééminence de la grande distribution en France
Depuis le début des années 60 et l'ouverture du premier magasin Carrefour à Sainte-Geneviève-des-Bois, en banlieue parisienne, la grande distribution a presque continûment étendu son emprise au sein de l'appareil commercial français.
Même la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, dite loi Royer, n'en a pas empêché le développement. Cette loi avait, certes, pour objectif de permettre un développement équilibré des différentes formes de commerce et de protéger le petit commerce d'une croissance désordonnée des nouvelles formes de distribution. Mais elle a, en définitive, fondé des prises de décision au coup par coup, indépendamment de toute logique globale d'aménagement du territoire.
De même, force est de constater que la loi du 3 janvier 1993, dite loi Sapin, n'a pas eu les effets escomptés. Ainsi, à l'issue de la pause décrétée par le Premier ministre, M. Edouard Balladur, le 25 avril 1993, le rythme des autorisations est reparti sur une base accélérée, que, par maints aspects, votre rapporteur pour avis trouve quelque peu inquiétante.
Les commissions départementales ont autorisé la création de 1.500.000 m 2 de surfaces commerciales en 1994, auxquels sont venus s'ajouter 296.000 m 2 supplémentaires autorisés par la commission nationale.
Au total, la France est devenue une des terres d'élection de la grande distribution. C'est le pays d'Europe où celle-ci est la plus concentrée, ceci quel que soit le critère retenu.
En termes de chiffre d'affaires, les grandes enseignes françaises représentent une puissance d'achat considérable : cinq d'entre elles figurent parmi les dix premières sociétés de distribution européennes (aux 4 e , 5 e , 6 e , 8 e et 10 e rang). En termes de parts de marché, les dix premières entreprises françaises de distribution occupent 73 % des parts de marché dans le secteur des biens de consommation à rotation rapide. En termes de concentration géographique, la France est un des membres de l'Union européenne où la densité en magasins par habitant est la moins forte : 97 pour 10.000 habitants. Dans un pays où la densité de la population au kilomètre carré est assez faible, ceci a pour corollaire des effets tout à fait pervers du point de vue d'un aménagement équilibré du territoire.
Cependant, ce qui fait l'essence même de la spécificité française au plan international, c'est la place primordiale prise par l'hypermarché polyvalent. Notre pays occupe la première place en nombre d'hypermarchés et de supermarchés 1 ( * ) par rapport à la population.
2. Une conséquence : des comportements abusifs et largement dénoncés
Comparée à ses principaux partenaires économiques, la France, dans le domaine de la distribution, se distingue non seulement par la place prépondérante prise par les hypermarchés, mais aussi par les pratiques commerciales que cette forme de commerce a développées.
Comme l'indique le rapport Villain, un nombre limité de magasins sont devenus un « point de passage quasi obligatoire pour les industriels qui veulent faire connaître leurs produits au consommateur ». D'où un rapport de force déséquilibré au détriment des fournisseurs et une tension des relations entre ceux-ci -qu'ils soient industriels ou agricoles- et les distributeurs, plus exacerbée en France qu'ailleurs.
Cette tension se manifeste bien entendu au cours des négociations commerciales. Elle résulte également du non-respect par les distributeurs de la parole donnée ou du contrat conclu.
LES PRATIQUES LE PLUS SOUVENT DÉNONCÉES Le rapport Villain met, en particulier, l'accent sur :
Contrairement au climat professionnel mais courtois en Grande-Bretagne ou au comportement ferme mais modérément agressif en Allemagne, le climat des négociations commerciales entre distributeurs et producteurs, en France, est le plus souvent mauvais. « Systématiquement agressifs », selon les termes mêmes du rapport Villain, les acheteurs utilisent de nombreuses tactiques de pression et de déstabilisation pour mettre le fournisseur dans une situation d'infériorité et obtenir de meilleurs prix d'achat que leurs concurrents : convocations intempestives, attitude cassante, retards systématiques dans les rendez-vous, etc. Ceci étant, de tels comportements commencent à être également observés -quoique à un niveau moindre- dans d'autres pays européens, en Allemagne notamment.
Ce grief se décline sous différentes formes : - la remise en cause permanente des accords annuels, dans le but d'obtenir de nouveaux avantages (en matière de prix, de promotions, de coopération commerciale, de prise en charge de coûts de distribution, de système de paiement, etc.) ; - la non réalisation de certains engagements pris (têtes de gondoles payées parle fournisseur mais non mises en place ou abrégées par le distributeur, promotions non effectuées...) ; - le non respect des conditions de paiement contractuelles, soit sans motif, soit pour des motifs futiles : pour une erreur sur une ligne, toute la facture reste impayée, ou bien la moindre contestation sur une livraison, retard, erreur partielle sur la marchandise, sert de prétexte à ne pas payer l'ensemble de la facture ; - le décalage entre un accord enregistré au niveau de la centrale d'achat d'une grande enseigne et sa non application au niveau du supermarché ou de l'hypermarché. D'une façon générale, les distributeurs français saisissent toutes ces opportunités pour transférer aux producteurs une partie des coûts de distribution. |
Comme le souligne le rapport précité :
« Les contrats dits de coopération commerciale ne sont que des prétextes pour soutirer, sous forme financière, des avantages complémentaires. Ce sont, tout au plus, des contrats d'adhésion auxquels le producteur doit souscrire s'il veut éviter le déréférencement ».
Car le déréférencement 1 ( * ) est la menace suprême brandie par le distributeur, l'épée de Damoclès suspendue en permanence sur la tête du fournisseur.
Très rare en Grande-Bretagne, fréquent en Allemagne mais seulement sur les petites marques, le chantage au déréférencement est, en France, permanent même sur les grandes marques.
Le conflit entre producteurs et distributeurs tient aussi largement au non respect, par ces derniers, des prix conseillés par les premiers, qui craignent que les surenchères en matière de prix et de promotions ne finissent par dégrader l'image de marque de leur produit.
Enfin, ce climat est entretenu par les tentatives permanentes de la distribution de contourner la réglementation en vigueur, en matière de facturation ou de revente à perte notamment.
En bref, les entreprises de grande distribution se sont imposées face aux formes traditionnelles de commerce et ont inversé le rapport de force avec les producteurs en faisant jouer, quasi-exclusivement, la concurrence sur les prix. Ils ont mené une stratégie de conquête du marché plus que de profit unitaire.
Avantageuse pour le consommateur, cette politique est pénalisante pour le fournisseur, puisque le distributeur dégage l'essentiel de sa rémunération en faisant pression sur l'amont de la filière : par le biais des délais de paiement (beaucoup plus longs en France, on le sait, que chez ses partenaires commerciaux) ou de la coopération commerciale.
On peut dire qu'aujourd'hui les producteurs, les PME notamment, sont « étranglés » sous l'effet de cette politique de prix, de marge et de profit de la grande distribution.
B. ... SUSCITE DES CRITIQUES DU CADRE JURIDIQUE EXISTANT
Au vu de cette domination croissante de la grande distribution, les dispositions législatives encadrant les rapports entre producteurs et distributeurs apparaissent quelque peu inadaptées aux nouvelles réalités économiques. La plupart de ces dispositions sont en effet jugées, par nombre d'observateurs avertis, comme limitant sensiblement la liberté commerciale des industriels.
Une brève présentation du contenu de ces règles (1) permettra de mieux percevoir les fondements des critiques dont elles font l'objet (2).
1. Les règles en vigueur
La législation française visant spécifiquement les actes de commerce passés entre producteurs et distributeurs présente deux caractéristiques majeures :
elle s'ajoute aux règles générales de surveillance du marché relatives aux ententes et aux abus de position dominante qui sont fixées par le titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
en cas de transgression, l'auteur du manquement peut être condamné soit à une sanction pénale, soit à l'obligation de réparer dès que le manquement est constaté et non pas -comme le prévoient les droits anglo-saxon et allemand- dans la seule mesure où il est porté atteinte à la concurrence sur le marché.
Cette législation figure, pour l'essentiel, au titre IV de l'ordonnance de 1986. Nous en examinerons donc les différents volets dans l'ordre des articles de ce texte en ne retenant de leurs dispositions que celles ayant trait aux rapports industrie-commerce.
a) Obligation de facturation détaillée (article 31)
Elles imposent au vendeur de mentionner sur ses factures un certain nombre de précisions telles que les rabais, remises, ristournes, et dates et conditions de paiement. Ces règles trouvent leur source dans plusieurs préoccupations : à l'origine le contrôle des prix, puis le contrôle de la revente à perte, et enfin le respect de la loi sur les délais de paiement.
L'irrespect des dispositions de l'article 31 est puni d'une amende.
b) Interdiction de la revente à perte (article 32)
Cette interdiction avait été instituée en droit français en 1963. Elle a été maintenue sous une forme quelque peu différente par l'ordonnance de 1986.
Il est interdit de revendre au-dessous du prix d'achat effectif et ce prix est présumé être celui porté sur la facture, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à la revente et, le cas échéant, du prix du transport mais déduction faite des rabais, remises et ristournes figurant sur la facture.
Une telle présomption conduit à transférer sur le revendeur la charge de la preuve que le prix d'achat effectif n'est pas celui qui résulte des factures d'achat. À lui donc de démontrer qu'il existe des remises hors factures qui affectent le prix d'achat et modifient ainsi le niveau du seuil de revente à perte.
Les manquements à l'interdiction de revente à perte sont punis des amendes prévues pour les délits.
c) Obligation de présentation de barèmes de prix, définition des conditions de règlement, obligation d'établir un contrat écrit pour les opérations dites de coopération commerciale (article 33)
Ces règles, sanctionnées par des amendes, ont été introduites dans l'ordonnance par des textes législatifs du 31 décembre 1992 et du 29 janvier 1993.
Elles ont pour objectif commun d'améliorer la transparence tarifaire pour éviter la discrimination. Accessoirement, elles contribuent à la surveillance de la revente à perte et au respect des délais de paiement (mention dans les conditions de règlement des pénalités applicables aux paiements hors délais).
d) Interdiction d'imposer des prix minima (article 34)
Cette mesure tend avant tout à pallier les inconvénients qui résulteraient, en termes de concurrence, de l'application de barèmes de revente imposés par une puissance économique dominante ou acceptés par entente entre producteurs et consommateurs.
Signalons toutefois, au passage, que la pratique des prix de revente imposés peut, indépendamment de l'article 34, être réprimée en prouvant l'atteinte au marché dans le cadre d'une saisine du Conseil de la Concurrence, fondée sur l'article 7 du titre III de l'ordonnance.
En outre, comme le relève le rapport Villain, il faut remarquer que si elle est réprouvée dans son principe, la pratique des prix imposés est diversement jugée selon les pays. Ainsi, aux États-Unis, la jurisprudence a varié au cours du temps. S'il a été reconnu que les accords entre producteurs et revendeurs pour fixer des prix minima de revente, ou des marges minima, étaient interdits, en revanche des actions unilatérales des producteurs, y compris des refus de vente, pour faire respecter des prix imposés ont été acceptées. Actuellement, le débat n'est pas tranché. Certains pensent que les accords verticaux de prix sont néfastes en tout état de cause : c'est l'opinion du Congrès et de certains universitaires. D'autres soutiennent que si le marché est ouvert aux nouveaux venus et si la concurrence entre les marques est forte, la pratique des prix imposés reste supportable. En tout état de cause, selon le système judiciaire américain, c'est au plaignant à apporter la preuve et à supporter les frais d'un long et coûteux procès.
e) Respect de certains délais de paiement (article 35)
La loi de 1992 a introduit dans l'ordonnance des délais de paiement maxima pour les produits alimentaires périssables, le bétail sur pied, les viandes fraîches et certains alcools.
f) Interdiction des conditions de vente ou d'achat discriminatoires (article 36, paragraphe 1)
Le fait d'accorder ou d'obtenir des conditions discriminatoires peut être sanctionné, sous forme de dommages-intérêts à verser au concurrent lésé, par le juge civil ou commercial.
L'ordonnance définit la discrimination non seulement par son objet (des conditions non justifiées par une contrepartie réelle) mais également par sa finalité : l'atteinte à la situation du concurrent lésé.
g) Interdiction du refus de vente (article 36, paragraphe 2)
Cette disposition interdit à tout producteur, sous peine de réparation par son auteur, de refuser la vente si la demande ne présente aucun caractère anormal.
En France, c'est au producteur qu'il appartient de justifier le caractère anormal de la demande ayant motivé le refus. Dans les pays étrangers, la charge de prouver le caractère anticoncurrentiel du refus incombera au distributeur.
Le respect des dispositions qui viennent d'être exposées est assurée, sur un plan général, par l'administration centrale de la DGCCRF 1 ( * ) et le Conseil de la Concurrence et, sur le terrain, par les quelque 3000 agents des services extérieurs de la DGCCRF.
En d'autre termes, comme l'indique le rapport Villain précité : « La France dispose de textes. Elle a les moyens humains. En conséquence, elle applique la législation : elle contrôle, verbalise et saisit les tribunaux ».
C. LES PROBLÈMES JURIDIQUES IDENTIFIÉS
Les critiques à rencontre du cadre légal actuel se sont multipliées parmi les producteurs au cours des dernières années. Ils dénoncent notamment :
- la complexité des règles de facturation qui imposent de lourdes contraintes et génèrent une insécurité juridique ;
- l'ineffectivité du droit, en raison de l'incapacité du producteur à faire valoir devant le juge son bon droit, compte tenu du risque tout à fait dissuasif de rupture des relations commerciales avec son cocontractant qu'engendrerait une action de sa part ;
- la place de l'administration dans la gestion des rapports contractuels Privés (ne l'oublions pas : dans le cadre du Titre IV l'administration interprète, enquête et peut poursuivre ou intervenir dans les tribunaux civils l'auteur des pratiques en cause à la place de la victime même si celle-ci ne le souhaite pas) ;
- le déséquilibre du droit en vigueur qui défavorise le producteur et avantage le distributeur puisque c'est sur le premier que pèse, le plus souvent, la charge de la preuve. En droit civil « qui prétend, prouve » ; avec le Titre IV, la charge de la preuve est inversée et c'est ainsi au producteur de prouver que le refus de vente qu'il a opposé est licite.
Ces reproches ont trouvé un écho vigoureux dans les rapports d'information que M. Jean-Paul Charié, Député, a présenté au nom de la Commission de la Production et des Échanges de l'Assemblée nationale en 1993 et 1995.
Ils se sont également, par maints aspects, trouvés confortés par le rapport Villain précité, remis en janvier 1995 au Ministre de l'Économie. Ce dernier met plus particulièrement en évidence :
- le caractère pointilliste du droit français applicable aux relations entre producteurs et distributeurs,
- sa spécificité prononcée en regard des règles instituées, en ce domaine, dans les principaux pays développés,
- et son inadaptation aux réalités économiques actuelles.
M. Villain proposait, en conséquence, soit la suppression du Titre IV, soit une réforme partielle ayant notamment pour objet de supprimer « ses éléments les plus archaïques et perturbateurs » (refus de vente, interdiction pénale de la revente à perte...), soit un statu quo législatif permettant à une jurisprudence correctrice des excès de se développer.
D. LA RÉPONSE ENVISAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT : UN TEXTE DE MODERNISATION
Le Gouvernement semble, en définitive, avoir choisi la voie ouverte par la deuxième option du rapport Villain. Ni bouleversement, ni maintien en état de la législation mais une réforme très soigneusement « ciblée » visant à rétablir, renforcer et garantir la loyauté des transactions commerciales.
Pour la mener à bien, il a engagé, sur la base des propositions du rapport Villain, une vaste consultation afin de dégager les éléments d'un consensus dans les milieux économiques concernés.
En ce sens, courant juillet, une correspondance a été adressée aux présidents des principales fédérations professionnelles pour leur demander de faire part de leurs observations sur ce sujet avant la fin septembre.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, un texte législatif prenant en compte ces réponses des professionnels est actuellement en cours d'élaboration. Outre les rapports producteurs-distributeurs, il tendrait également à encadrer les activités para-commerciales, en raison de la sensibilité forte des milieux professionnels pour les distorsions de concurrence créées par le secteur public ou associatif lorsqu'il intervient en concurrence avec le secteur privé.
Votre commission des affaires économiques, qui suit ces questions avec une attention toute particulière depuis des années, apprécierait que la discussion des crédits de la concurrence et de la consommation permette au Gouvernement de préciser ses objectifs en la matière et de faire le point sur l'état d'avancement de ses réflexions.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 8 novembre 1995. la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le budget de la consommation et de la concurrence pour 1996.
À titre liminaire. M. Louis Minetti, rapporteur pour avis, a indiqué qu'avec une enveloppe globale d'un peu plus d'un milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, les dotations réservées à la consommation et à la concurrence dans le projet de loi de finances pour 1996 augmentaient de quelque 2,64 % par rapport à celles figurant en loi de finances initiale pour 1995.
Au sein de cette enveloppe, les dépenses en personnel de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) croissent de près de 40 millions de francs (+ 5,35 %).
En revanche, avec une diminution en valeur de 6,1 millions de francs, les subventions réservées à l'Institut national de la consommation (INC) et aux associations de consommateurs marquent une baisse de près de 7 %.
Le rapporteur pour avis a estimé que la situation de l'Institut national de la consommation demeurait très préoccupante puisque, malgré le plan de redressement qui a entraîné le départ de 40 de ses 130 agents, l'organisme devrait achever l'année avec un déficit actuellement estimé à 15 millions de francs.
Il s'est, en conséquence, demandé si la subvention fortement contractée prévue pour l'an prochain permettrait de couvrir les besoins de financements.
Après avoir souligné que les dotations attribuées aux associations agréées de consommateurs étaient en baisse continue depuis 5 ans, étant passées de plus de 70 millions de francs pour 1992 à 55 millions dans le projet de budget. M. Louis Minetti, rapporteur pour avis, a évoqué les problèmes que posait, par ailleurs, une certaine fragmentation structurelle du mouvement consumériste.
Il a ensuite présenté l'impact qu'avait eu la mise en oeuvre de la loi du 31 décembre 1989 relative au surendettement des particuliers et des familles (365.000 dossiers présentés aux commissions de surendettement, au 31 décembre 1994). Il a insisté sur le fait qu'aujourd'hui, le surendettement se révélait résulter bien davantage d'une insuffisance de ressources pour faire face aux dépenses de la vie courante que d'un excès d'endettement bancaire.
Dans le domaine du droit communautaire, il a précisé que la proposition de directive sur la publicité comparative, qui avait suscité des observations critiques au sein de la commission, ne devrait pas être adoptée dans un proche délai et s'en est félicité.
Puis, le rapporteur pour avis a considéré que la politique de la consommation devait contribuer à résorber les problèmes de gestion des déchets domestiques.
Après avoir précisé que son rapport écrit s'attachait tout particulièrement à étudier la perspective d'une réforme partielle de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence, qui constitue aujourd'hui le fondement juridique de la politique de concurrence suivie en France depuis neuf ans, M. Louis Minetti, rapporteur pour avis, a imputé à l'extension croissante des relations entre producteurs et distributeurs, l'interrogation actuelle sur le cadre juridique régissant les relations entre l'industrie et la grande distribution.
Il a rappelé que le rapport de la mission d'information sur le marché des fruits et légumes -dont MM. Jean Huchon et Jean-François Le Grand étaient rapporteurs et dont lui-même était président- avait mis en évidence le poids écrasant que la grande distribution faisait peser sur l'ensemble de cette filière.
Il a ensuite porté à l'attention de la commission que, pour remédier aux déséquilibres constatés, le Gouvernement élaborait actuellement un texte législatif, dont l'objet était de mieux encadrer les rapports entre les producteurs et les distributeurs, ainsi que, par ailleurs, les activités para-commerciales.
Puis, devant l'évolution contrastée des crédits réservés à la concurrence et à la consommation dans le projet de loi de finances pour 1996, M. Louis Minetti, rapporteur pour avis, a proposé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Alain Pluchet a alors fait remarquer que ce n'était pas l'importance des subventions publiques, mais l'aptitude à mobiliser les consommateurs qui faisait la force des organisations consuméristes. Rappelant également l'augmentation substantielle des crédits de la DGCCRF, il a, au contraire du rapporteur pour avis, souhaité que la commission donne un avis favorable.
M. Charles Revet s'est, quant à lui, demandé s'il existait un rapport comparant les procédures de passation des marchés publics en vigueur dans les différents pays de l'Union européenne. Il a dénoncé les dégâts causés par les grandes chaînes de distribution sur le commerce de proximité et s'est alarmé de leurs incidences sur l'emploi, au cours des vingt dernières années. Il a aussi estimé qu'il fallait faire preuve d'une attitude plus cohérente à l'égard des anabolisants puisque, alors que leur emploi est interdit en France pour les animaux d'élevage, on autorise l'importation de viande provenant des bêtes élevées dans des pays -tels les États-Unis- où cette interdiction n'a pas cours, créant ainsi des distorsions de concurrence.
En réponse, M. Louis Minetti, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il ne connaissait pas de rapport faisant ce point sur le droit des marchés publics dans la Communauté, mais qu'au cours des débats budgétaires il demanderait qu'une étude soit faite en ce sens, et qu'il interrogerait également le ministre sur la question des anabolisants.
La commission a ensuite donné un avis favorable aux crédits inscrits au titre de la concurrence et de la consommation dans le projet de loi de finances pour 1996.
ANNEXE I
LE POIDS DE LA GRANDE DISTRIBUTION SUR LE MARCHÉ DES FRUITS ET LÉGUMES
(Extraits 1 ( * ) du rapport d'information n° 303, (1992-1993) fait au nom de la Commission des Affaires économiques et du Plan par la mission d'information chargée, en application de l'article 21 du Règlement, d'étudier le fonctionnement des marchés des fruits, des légumes et de l'horticulture, d'examiner leurs perspectives d'évolution, compte tenu de la réforme de la politique agricole commune et de formuler toute proposition de nature à remédier aux difficultés dont souffrent ces secteurs
Par MM. Jean HUCHON et Jean-François LE GRAND)
(...)
IV. LE POIDS ÉCRASANT DE LA GRANDE DISTRIBUTION
Entre le marché et le consommateur, le distributeur occupe une place privilégiée. Le poids de la grande distribution, prépondérant mais pas hégémonique, caractérise les marchés des fruits et des légumes. Les tensions n'ont jamais manqué entre la grande distribution et les producteurs, mais elles n'ont sans doute jamais connues une telle acuité. Mise sur le marché de productions importées de pays à faible coût de main d'oeuvre, ventes à perte : les griefs ne manquent pas.
Parce qu'elles exercent une position dominante dans la distribution de fruits et de légumes, mais pas -encore- dans l'horticulture, les grandes et moyennes surfaces ont souvent cherché à faire du « chiffre », aux dépens des producteurs, alors même que des prix « cassés » n'augmentent pas les volumes vendus.
(...)
A. LA PART CROISSANTE DES SUPERMARCHÉS ET DES HYPERMARCHÉS DANS LES ACHATS ALIMENTAIRES
Aujourd'hui, près de 3 achats sur 5 de fruits et de légumes s'effectuent en grande et moyenne surface, les hypermarchés (surface supérieure à 2.500 m 2 ) réalisant, à eux seuls, plus de 50 % des ventes.
(...)
Avec 57 % des achats de fruits et légumes en 1991, c'est-à-dire, 5 millions de tonnes, les grandes et moyennes surfaces dominent largement les circuits de distribution en fruits et légumes.
Les cinq premiers groupes français de distribution représentent, ensemble, 40 % du total des ventes de produits alimentaires au stade du détail.
Cette part de marché est réalisée par un nombre d'entreprises en diminution, à mesure que s'opèrent fusions et absorptions entre groupes. Le nombre de grands acheteurs est donc également en diminution.
Corollairement, la puissance des centrales d'achats s'accroît. Les quantités achetées sont de plus en plus importantes et représentent de 20.000 à plus de 400.000 tonnes.
(...)
C. L'AMONT EST PRESSURÉ
La place croissante des grandes et moyennes surfaces pourrait donc devenir préoccupante si les circuits traditionnels du commerce de détail venaient à encore diminuer leur part.
Les rapports de forces sont nettement en faveur des grandes et moyennes surfaces, ce qui permet à leurs acheteurs de ne prendre qu'un minimum d'engagements envers les fournisseurs, mais d'imposer, en revanche, des conditions d'achats « dures », notamment de longs délais de paiement, source pour les groupes de distribution de profits financiers importants en raison des sommes en jeu.
(...)
De plus, « l'optimisation » des surfaces de vente des magasins est faite en diminuant les capacités d'entreposage. Conséquence de ce travail en flux tendus, les unités de livraisons aux magasins sont relativement faibles, faute de place, ce qui contraint à livrer plus souvent et fait reporter l'effort d'ajustement sur le fournisseur. Or, livrer un hypermarché représente une contrainte d'organisation des tournées et un coût important pour les expéditeurs qui livrent à l'échelle régionale.
En outre, le développement des transactions directes entre producteurs et centres de distribution contribue à « court-circuiter » les marchés d'intérêt national et les marchés de gros, au risque de remettre en cause leurs missions de confrontation régulière de l'offre et de la demande, de régulation du marché et de transparence des transactions.
Le double danger de la concentration du commerce de gros en fruits et légumes et du dépérissement des marchés d'intérêt national et marchés de gros, risque de poser à terme de sérieux problèmes d'approvisionnement pour les détaillants indépendants, dont votre mission juge le maintien indispensable.
En outre, la grande et moyenne distribution pratiquent des marges très importantes p our les fruits et légumes, obtenues en compressant le prix payé aux producteurs.
(...)
Tous les producteurs rencontrés par la mission ont dénoncé l'attitude en la matière de la grande distribution.
Premier point de mécontentement : la non répercussion des baisses de prix à la production, alors qu'en cas de hausses, ces dernières sont immédiatement répercutées au stade du détail.
(...)
La seconde est relative aux frais fixes qui pèsent sur leurs marges, et qui, par définition, restent inchangés.
Cette situation est jugée inacceptable par les producteurs qui voient leurs revenus s'effondrer et qui constatent, dans le même temps, le maintien de prix élevés à la consommation.
(...)
2. Des prix « cassés »
Autre point de friction entre la grande distribution et son amont : la pratique de prix anormalement bas.
La part de l'alimentaire dans le chiffre d'affaires des grandes et moyennes surfaces, donc des fruits et légumes et, plus encore, des fleurs, est plus faible que dans celui des circuits traditionnels de distribution. La vente de fruits et légumes ne représente en moyenne que 6 à 8 % du chiffre d'affaires alimentaire d'un hypermarché et environ 10 % pour un supermarché.
Les hypermarchés et supermarchés peuvent donc se permettre de développer des stratégies très attractives. Comme les autres produits, les fruits et les légumes frais font l'objet de ventes promotionnelles par les grandes surfaces. L'abaissement des prix qui est ainsi opéré, est une forme de concurrence particulièrement avivée et très visible quand ces prix de détail sont inférieurs aux cours des mercuriales des marchés de gros, publiées par le service des nouvelles du marché (SNM). Consentant des prix très bas ou des promotions, pratiquant des prix d'appel ( « 5 kiwis pour I franc », a-t-on pu voir), les grandes surfaces attirent une clientèle qui, sans augmenter notablement la consommation, se détourne des circuits traditionnels de distribution.
Le commerce de détail alimentaire souffre de pratiques assimilables, parfois, à un véritable « dumping ».
Cette concurrence favorise -apparemment- le consommateur et théoriquement la consommation de ces produits. Mais des pratiques déloyales peuvent aussi induire une baisse anormale du marché, de nature à compromettre les objectifs de régularisation des prix et à créer des dommages injustifiés aux opérateurs anormalement évincés.
(...)
3. Les perturbations des marchés
La « masse commerciale » même des grandes et moyennes surfaces conduit à la désorganisation de fait des circuits de distribution : un hypermarché vend de 2.500 à 5.000 tonnes de fruits et légumes par an. soit autant qu'un grossiste.
À cette substitution des circuits de distribution s'ajoute également une substitution de produits.
Les grandes et moyennes surfaces offrent en effet des gammes de produits alimentaires proches, pour les goûts des consommateurs, des fruits et légumes frais : produits laitiers à base de fruits, jus de fruits, conserves... Les consommateurs auront d'autant plus tendance à acquérir ce type de produits qu'ils pratiquent des achats massifs dans les hypermarchés et supermarchés, nécessaires à une consommation d'une ou plusieurs semaines.
(...)
D. LA QUALITÉ DU PRODUIT EST NÉGLIGÉE
Enfin, le problème posé par les conditions de mise en vente des fruits et légumes dans les grandes surfaces constitue le principal grief de la production : la présentation des fruits et légumes dans les hypers ou supermarchés est trop souvent négligée.
Il est courant de constater que les efforts des producteurs pour présenter un produit dans un conditionnement de qualité, dans des emballages où le produit peut être placé dans des alvéoles en papier gaufré, permettant de préserver mais également d'identifier chaque fruit ou légume, sont anéantis au stade de la commercialisation finale. Cette attitude est paradoxale, au moment où le consommateur devient plus exigent pour la qualité des produits, leur fraîcheur, leur hygiène.
Or, les présentations en vrac, lesquelles bénéficient encore, il est vrai, d'une forte adhésion de la clientèle, ont un effet de nivellement par le bas de la qualité des produits, ceux de très bonne qualité côtoyant ceux de qualité plus médiocre. Ils peuvent contribuer à la dégradation du produit. Ainsi, les tomates, qui dégagent du gaz éthylène nuisible aux autres légumes, devraient-elles être soigneusement séparées des autres produits sur les linéaires.
L'information de la clientèle est, parfois, également négligée. Hormis le prix et la provenance, qui se contente d'être très globale et « nationale », d'autres indications très précieuses sont absentes. Il s'agit en premier lieu de la qualité du produit, classée en plusieurs catégories, de son calibrage, de ses caractéristiques « physiques ». Il s'agit en second lieu de la dénomination exacte du produit, ce qui est pourtant le plus important.
L'absence d'employés et de tout service clientèle dans les rayons fruits et légumes ou fleurs, à la différence des rayons « fromages », « charcuterie-boucherie ». « plats cuisinés » o u « poissonnerie ». est dommageable à l'ensemble de la filière. Le développement du libre-service et de la libre-pesée nuit tant à la consommation des fruits et légumes qu'à leur qualité. Le choix direct par le consommateur n'est que la contrepartie de l'absence d'information complète sur le produit. Seul face à la marchandise, le client a pourtant besoin d'être renseigné sur la qualité de ce qu'il va acheter. Sans cela, il choisira « au toucher », contribuant par ses manipulations sans précaution à accélérer le processus de dégradation des produits.
(...)
* 1 Rappelons que le libre-service recouvre les hypermarchés (surfaces de vente supérieures à 2.500 m 2 ), les supermarchés (entre 400 et 2.500 m 2 ) et les supérettes (inférieures à 400 m 2 ).
* 1 Retrait des produits du fournisseur des linéaires des magasins du distributeur.
* 1 Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
* 1 Les passages du rapport qui sont reproduits ci-après ne constituent qu'une vue fragmentaire des pages que la Mission d'information a consacré aux relations entre la filière fruits et légumes et la grande distribution. Il est donc recommandé de se reporter au texte même du rapport (p. 171 à 185) pour appréhender complètement les positions de la Mission.