Article 2
(Art. 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)
Délit de revente à perte de produits en l'état
L'interdiction de la revente à perte, présentée à l'origine comme un moyen de défense du petit commerce traditionnel, résulte de la loi de finances rectificative du 2 juillet 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière, modifiée par l'ordonnance du 1er décembre 1986.
La revente à perte d'un produit en l'état est actuellement punie d'une amende de 100 000 F. Le seuil permettant d'apprécier s'il y a revente à perte est le prix d'achat effectif, lui-même « présumé être le prix porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport ».
Le dispositif prévoit en outre une série d'exceptions. L'interdiction n'est pas applicable aux produits périssables menacés d'altération rapide, aux ventes motivées par la cessation ou le changement d'activité commerciale, aux produits saisonniers, aux produits ne correspondant plus à la demande du fait des évolutions de la mode ou de la technique, aux produits dont le réapprovisionnement est effectué en baisse et aux produits dont le prix de revente est justifié par un alignement sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité.
Le rapport Villain précité souligne le manque d'efficacité de cette interdiction, dû pour partie à la difficulté de définir le prix d'achat effectif qui détermine le seuil de revente à perte. Il illustre ce constat en mentionnant le fort décalage entre le nombre de contrôles effectués par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) (1759 en 1994) et celui des condamnations prononcées (119 en 1994), en observant que le jugement intervient plusieurs mois après la campagne de promotions.
Il préconise en conséquence la suppression de l'interdiction de refus de vente et l'application aux litiges opposant des professionnels des règles du droit commun de la responsabilité civile.
Le projet de loi n'a pas retenu cette solution, préférant au contraire renforcer le caractère répressif du dispositif tout en cherchant à en clarifier la portée.
Ainsi, le prix d'achat pris en considération comme seuil de revente à perte est le prix unitaire figurant sur la facture augmenté des taxes et du prix du transport. Ce seuil est donc désormais déterminé de façon certaine alors qu'il résultait jusqu'à présent d'une présomption simple.
Le nouveau dispositif offre par ailleurs la possibilité d'agir en amont, dès l'annonce publicitaire, afin d'empêcher la revente à perte. Les poursuites pourront être engagées dès la campagne publicitaire et, conformément aux dispositions de l'article L. 121-3 du code de la consommation, le juge d'instruction ou le tribunal pourra ordonner, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public, la cessation des annonces. Concernant cette disposition, votre commission vous propose un amendement rédactionnel afin de coordonner son libellé avec celui de l'article L. 121-3 précité.
Enfin, le caractère répressif du dispositif est aggravé. Afin de renforcer le caractère dissuasif de l'interdiction de revente à perte et d'harmoniser les sanctions avec l'échelle des peines applicables depuis 1993 aux infractions aux règles de facturation, le plafond de l'amende encourue est porté à 500 000 F et peut atteindre, au-delà, un montant équivalent à 50 % des dépenses de publicité lorsqu'une annonce fait état d'un prix de revente à perte.
Afin d'améliorer la lisibilité de ce dispositif et d'en harmoniser la rédaction avec celle du nouveau code pénal, votre commission vous soumet un amendement tendant à dissocier la définition de l'incrimination et des sanctions encourues de celle du prix d'achat effectif.
Le projet prévoit la possibilité d'assortir la condamnation prononcée à rencontre d'une personne physique de la peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée qui figure au nombre des peines complémentaires énumérées par l'article 131-10 du code pénal. Cette disposition paraît cependant inutile dans la mesure où l'article 55 mentionne d'ores et déjà cette possibilité. Votre commission vous propose en conséquence un amendement de suppression de cette disposition redondante et vous proposera corrélativement d'actualiser la rédaction de l'article 55 de l'ordonnance.
Aux termes du nouvel article 32, les personnes morales peuvent également être déclarées pénalement responsables en cas de revente à perte ou d'annonce de revente à perte. Les peines encourues sont :
- l'amende, dont le taux, conformément à l'article 131-39 du code pénal, s'élève au quintuple du montant applicable aux personnes physiques ;
- la peine d'affichage ou de diffusion de la condamnation prononcée, mentionnée au 9° de l'article 131-39 du même code.
Enfin, le II de l'article 32 reproduit les exceptions précédemment énumérées. Seule l'une d'entre elles, l'exception d'alignement, a fait l'objet d'une modification. L'Assemblée nationale a en effet limité son bénéfice aux produits vendus par les « magasins non visés par les dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat », dite « loi Royer ».
L'exception d'alignement ne peut ainsi être invoquée que par les seules entreprises de moins de 300 mètres carrés. On peut s'interroger sur la pertinence d'une telle limitation dans la mesure où ce seuil a été défini, pour six mois seulement, par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et est susceptible de nouvelles variations au-delà de cette période.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié.