Avis n° 279 (1995-1996) de M. Guy-Pierre CABANEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 mars 1996

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N° 279

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mars 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relatif aux services d ' incendie et de secours,

Par M. Guy CABANEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : Première lecture : 1888 rect., 1899 et T.A. 357.

Deuxième lecture : 2128, 2554, 2568 et T.A. 481.

Sénat : Première lecture : 217, 320, 322 (1994-1995) et T.A. 90 (1995-1996).

Deuxième lecture : 232 et 269 (1995-1996).

PREMIÈRE PARTIE - L'ÉTAT DES RÉFLEXIONS AU TERME DE LA DEUXIÈME LECTURE DEVANT L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Votre commission des finances a souhaité se saisir une nouvelle fois, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux services d'incendie et de secours.

Son avis, en première lecture, avait permis de souligner l'absence d'étude d'impact qui aurait dû accompagner la perspective d'une homogénéisation des pratiques en matière d'organisation des services d'incendie et de secours. Répondant au rapporteur, notre excellent collègue Paul Girod, le ministre de l'Intérieur, M. Jean-Louis Debré, s'était engagé lors des débats devant notre Haute Assemblée, le 27 juin dernier, à procéder à une analyse des coûts induits par le projet de loi sur les finances locales.

Des "éléments d'étude relatifs au financement des services d'incendie et de secours" ont effectivement été adressés à tous les parlementaires à l'automne 1995.

Estimant être à l'origine de cette démarche, votre commission des finances a jugé qu'il était de son devoir d'exercer une sorte de "droit de suite" en les commentant.

En outre, la connaissance du coût de la départementalisation pour les finances publiques s'est enrichi, depuis l'été dernier, des simulations réalisées par la direction de la sécurité civile dans la foulée du "rapport Inizan" sur le régime indemnitaire et le régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels.

Parallèlement, la commission avait souhaité, en juin dernier, centrer son avis sur deux articles de portée financière : l'article 37 (financement du service départemental d'incendie et de secours) et l'article 38 (dispositions financières transitoires). La commission des lois, avec son habituelle courtoisie, avait d'ailleurs décidé de s'en remettre à l'avis de la commission des finances sur ces deux articles.

Or, si le premier de ces articles a été adopté dans la rédaction proposée par le Sénat, le second a été rétabli dans le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture, en dépit des problèmes d'applicabilité que pose cette rédaction.

D'autre part, un débat assez vif a opposé la commission des finances de l'Assemblée nationale d'un côté, le gouvernement et la commission des lois de l'autre, sur l'opportunité d'instituer une ressource propre au profit des services d'incendie et de secours, cette solution étant finalement écartée au terme du débat.

I. DES PROGRÈS DANS L'APPRÉHENSION DU COÛT DES RÉFORMES ENGAGÉES

Un effort incontestable a été fourni par le ministère de l'Intérieur pour éclairer, autant qu'il se pouvait, la portée financière du dispositif législatif en instance d'adoption par le Parlement.

Déjà, la discussion du projet de loi relatif au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers a permis d'établir que le coût net de la généralisation de l'allocation de vétérance et de la création de la part variable se situait dans une fourchette de 25 à 28 millions de francs répartis sur 92 départements.

S'agissait du présent projet de loi, deux documents viennent en préciser les conséquences :

- "les éléments d'étude relatifs au financement des services d'incendie et de secours" qui ne constituent pas l'étude d'impact demandé mais soulignent, d'une part, la corrélation entre les coûts des services d'incendie et de secours et la densité des risques au sein d'un même département et révèlent, d'autre part, que le mode d'organisation retenu (départemental, communal) n'exerce aucun effet direct sur ces coûts ; ce premier document a dû, en principe, être diffusé auprès de tous les parlementaires ;

- la simulation financière de l'application des conclusions indemnitaires du rapport Inizan qui peut être considérée comme la première pièce d'une véritable étude d'impact des conséquences du présent projet de loi ; cette étude n'a fait, pour l'instant, que l'objet d'une diffusion restreinte auprès de votre rapporteur, de l'association des maires de France et de l'assemblée des présidents de conseils généraux.

A. LES ÉLÉMENTS D'ÉTUDE RELATIFS AU FINANCEMENT DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS

Conformément aux engagements pris par le ministre de l'Intérieur au mois de juin 1995, une commission composée de représentants des assemblées parlementaires, de l'assemblée des présidents de conseils généraux, de l'association des maires de France, de l'association des maires des grandes villes de France ainsi que du ministère de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la citoyenneté, a été installée le 24 juillet.

La démarche qui lui a alors été proposée était une analyse de l'existant à partir d'un échantillon de onze départements : Yvelines, Gironde, Seine-et-Marne, Haute-Garonne, Maine-et-Loire, Eure, Vendée, Drôme, Charente, Orne et Mayenne. Quatre de ces départements ont un mode d'organisation de leurs services d'incendie et de secours similaire à celui prévu par le projet de loi : la Seine-et-Marne, la Haute-Garonne, la Vendée et la Mayenne.

Au terme de deux réunions de présentation des résultats tenues au mois de septembre dernier, les membres de la commission ont souligné la qualité mais aussi les limites du document :

- d'une part, celui-ci constitue une photographie de la situation des services d'incendie et de secours concernés à un moment donné (budgets 1993, c'est-à-dire derniers comptes administratifs connus et exploités) ; il n'est donc pas assimilable à une étude d'impact ;

- d'autre part, l'échantillon retenu permet certes des comparaisons mais, par son étroitesse, ne constitue pas un miroir exact de l'ensemble des réalités locales.

D'emblée, les rédacteurs de l'étude préviennent toutefois qu'à leurs yeux "il est illusoire de vouloir mesurer au niveau national les éventuels effets financiers de la loi puisque la réponse apportée par les services d'incendie et de secours aux besoins des populations dépend de l'appréciation locale des risques et des moyens consentis pour les couvrir. Par suite, la réponse ne peut être qu'appréhendée au cas par cas en fonction des réalités propres à chaque département. Dans ces conditions, les différences constatées entre les départements aujourd'hui et demain n'ont rien de choquant pour peu qu'un niveau de sécurité adapté soit assuré. "

Le document, adressé à l'ensemble des parlementaires à la fin de l'année dernière, comprend quatre sous-dossiers et une conclusion générale.

1. L'étude des budgets pour 1993 des services d'incendie et de secours

À titre liminaire, le document élaboré par la direction de la sécurité civile rappelle les difficultés d'estimation des dépenses des corps locaux de sapeurs-pompiers qui apparaissent généralement globalisées au sein des budgets communaux. Les annuités de remboursement des emprunts, les factures de téléphone, le chauffage des bâtiments, les primes d'assurances, ne font pas l'objet d'un décompte analytique permettant d'isoler ce qui revient en propre aux services d'incendie et de secours.

Dans ces conditions, les chiffres obtenus sont au moins inférieurs de 10 % à 15 % aux dépenses réelles des communes. Ce biais aboutit à minorer sensiblement les coûts réellement supportés par les collectivités locales dans les départements où l'organisation des services d'incendie et de secours est essentiellement communale.

Nonobstant, les auteurs de l'étude ont mis en exergue trois points principaux :

Le coût global des services d'incendie et de secours par habitant varie non en fonction du mode d'organisation, communal ou départemental, retenu mais est lié à différents facteurs tels la densité démographique (de ce point de vue, il existe un effet aggravant "Ile-de-France"), l'impact du risque forestier ou un effort important de mise à niveau.

Dans ce contexte, les écarts constatés sont importants puisque le coût par habitant va de 161,23 francs en Mayenne à 395,68 francs en Gironde et que le partage entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement s'étale d'une fourchette 62 %-38 % dans l'Orne à une fourchette 84 %-16 % en Charente.

Les principaux financeurs des services d'incendie et de secours sont les conseils généraux et les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale.

La part de l'État est, en effet, généralement inférieure à 3 % et celle des organismes divers (Service Mobile d'Urgence et de Réanimation, assurance maladie, Entente interdépartementale pour la protection de la forêt méditerranéenne...) est toujours inférieure à 10 %.

Si les parts respectives du conseil général et des communes dans le financement des services d'incendie et de secours sont très variables, il apparaît cependant qu'hormis la Seine-et-Marne et la Vendée la part des communes est toujours supérieure à celle du conseil général, y compris dans une organisation à gestion départementalisée.

Tout juste constate-t-on que là où existent des corps départementaux de sapeurs-pompiers, les conseils généraux sont financièrement plus présents.

Enfin, les parts respectives de l'établissement public départemental (SDIS) et des communes dans la gestion des services d'incendie et de secours sont très variables et reflètent généralement le mode d'organisation choisi : corps départemental ou corps communaux.

2. L'étude comparée des grands postes de dépenses

S'agissant, en premier lieu, des ressources humaines, les coûts par habitant sont essentiellement fonction de l'importance des effectifs, de l'activité opérationnelle des volontaires, du régime de logement et de la mise à disposition gratuite ou non de certains agents essentiellement communaux. Ainsi, pour ne prendre que les trois principales têtes de chapitre suivantes :

- Le coût salarial par sapeur-pompier professionnel est relativement constant, légèrement supérieur à 200.000 francs par an. Les variations constatées sont essentiellement liées à la plus ou moins forte proportion des personnels non logés et percevant à ce titre une indemnité.

- Le coût de la formation par sapeur-pompier professionnel est d'autant plus élevé que les SDIS disposent en propre d'une école départementale, dispensant en général des cours de qualité supérieure aux autres structures de formation.

- Le coût indemnitaire par sapeur-pompier volontaire (dont ceux du service de santé) dépend enfin largement de la "pression" opérationnelle exercée sur chaque volontaire (nombre des sorties par an pour un volontaire).

S'agissant, en second lieu, des matériels, le tableau ci-après, extrait de l'étude de la direction de la sécurité civile, révèle que leur gestion est d'ores et déjà en grande partie départementalisée, ce qui n'exclut pas toutefois des variations sensibles d'un département à l'autre.

Répartition des coûts de gestion directe du poste Matériel des services d'incendie et de secours (1993)

En ce qui concerne, enfin, les dépenses d'infrastructures, l'étude note, à juste titre, que leur analyse sur un seul exercice n'est pas significative dans la mesure où les constructions de casernements influent fortement sur ces données tant en raison de l'importance des sommes en jeu que de la rareté des opérations.

3. L'évolution des dépenses de 1989 à 1993

Une analyse dynamique des dépenses des services d'incendie et de secours n'a pu être effectuée que pour deux départements seulement, l'un considéré comme départementalisé, et l'autre conservant une structure communale : la Seine-et-Marne et l'Orne.

En outre, les progressions sensibles constatées dans l'un et dans l'autre cas puisent leur origine dans des situations observées localement, non susceptibles d'une généralisation à l'ensemble du territoire.

- En Seine-et-Marne, le coût des services d'incendie et de secours par habitant est passé de 264,02 francs en 1989 à 342,36 francs en 1993, soit 29,67 % d'augmentation, justifiée par l'importante expansion démographique du département au cours de cette période ainsi que par la création d'Eurodisneyland.

- Dans l'Orne, le coût global de la sécurité par habitant est passé de 160,57 francs en 1989 à 282,25 francs en 1993, soit 75,78 % d'augmentation. Globalement, cette importante majoration est la traduction budgétaire de la volonté des autorités locales de réaliser une mise à niveau de l'équipement des services d'incendie et de secours par rapport aux risques auxquels ils ont à faire face.

4. Le niveau de sécurité assuré en 1995

Le niveau de sécurité assuré en 1995 a tout d'abord été évalué à partir de l'existence ou non d'un centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS) et d'un ou plusieurs centres de traitement de l'alerte (CTA) .

Sur l'échantillon retenu, quatre départements n'avaient toujours pas de CODIS alors qu'à l'autre extrémité trois départements disposaient d'un CODIS associé à un CTA unique permettant de limiter les postes budgétaires nécessaires pour assurer ces tâches majeures sédentaires.

Analysant ensuite l'affectation des ressources humaines à la couverture opérationnelle, l'étude montre que les autorités locales ont fortement professionnalisé leurs corps de sapeurs-pompiers en zone urbaine afin de répondre à des rythmes d'intervention plus soutenus.

D'autre part, plaidant pour les solutions contenues dans le projet de loi, les rédacteurs de l'étude soulignent le fait que les corps départementalisés permettent une répartition plus cohérente de l'effectif de sapeurs-pompiers professionnels alors que dans les départements à structures communales les ratios "sapeur-pompier professionnel pour 1.000 habitants" sont très variables et ne sont pas toujours corrélés à la densité des risques, ce qui a pour effet secondaire l'existence "d'indices de sollicitation" 1 ( * ) eux-mêmes très hétérogènes et parfois trop élevés.

Il apparaît toutefois que dans deux départements où la départementalisation, au moins partielle, des corps de sapeurs-pompiers professionnels est récente, l'Eure et la Mayenne, la rationalisation de la localisation des effectifs est encore loin d'être réalisée.

S'agissant du régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels, le document de la direction de la sécurité civile note, à l'instar du rapport Inizan, que le temps de présence total à la caserne par homme et par an présente de fortes différences d'un endroit à l'autre, la départementalisation n'apportant de ce point de vue aucune rationalisation. En effet :

- les départements à structure communale s'inscrivent dans une fourchette de 2.693 heures (Yvelines) à 3.398 heures (Orne) ;

- les départements à structure départementale s'inscrivent dans la fourchette de 2.565 heures (Haute-Garonne) à 3.126 heures (Vendée).

L'analyse du niveau de sécurité assuré en 1995 s'achève, enfin, par un relevé de l'état du parc du matériel lourd affecté aux onze services d'incendie et de secours de l'échantillon. L'étude se borne à constater à ce sujet que la moyenne d'âge des véhicules communaux est plus élevée que celle de ceux appartenant à l'établissement public départemental.

Toutefois, ses auteurs font également observer que :

- le Maine-et-Loire dispose d'un parc limité, pratiquement pour tous types d'engins ;

- les Yvelines et la Drôme présentent un parc de fourgons-pompes-tonnes âgé, par rapport aux autres départements étudiés ;

- la Mayenne possède un parc globalement ancien par rapport aux autres départements.

Or, les taux de "départementalisation" du matériel sont très élevés dans trois de ces départements et dans tous les cas supérieurs à 75 % (respectivement 97,93 %, 86,98 %, 77,54 % et 93,68 % comme indiqué plus haut). Ces rapprochements, que l'étude ne fait pas, tendraient donc à infirmer l'idée selon laquelle la départementalisation serait systématiquement source d'amélioration sensible de la gestion des moyens mis à la disposition des services d'incendie et de secours.

5. Les difficultés à conclure

Les conclusions dégagées par la direction de la sécurité civile de son étude peuvent être citées in extenso :

"1 - L'extrême difficulté à connaître les coûts réels des services d'incendie et de secours.

"Il n'existe pas de système comptable qui permette de mesurer le coût réel des services d'incendie et de secours.

"Cette remarque vaut quel que soit le mode d'organisation retenu des services d'incendie et de secours. Il reste qu'elle prend une acuité toute particulière lorsque l'organisation est communale compte tenu de l'émiettement des sources de financement.

"L'organisation des missions de l'établissement public départemental permettra de clarifier la situation.

"2 - Les coûts appréciés des services d'incendie et de secours présentent des écarts importants.

"Les coûts des services d'incendie et de secours des départements étudiés sont compris dans une fourchette allant de 161,23 francs par habitant pour la Mayenne à 395,68 francs par habitant pour la Gironde.

"Ces écarts ne s'expliquent pas par l'organisation des services : il n'y a pas de lien avec le mode d'organisation retenu au plan local.

"En revanche, la différence entre les coûts semble davantage provenir de la nature des risques (feux de forêts, forte urbanisation) auxquels les collectivités locales ont à faire face et du niveau de protection choisi.

"3 - Il n'y a pas de relation entre le mode d'organisation des services d'incendie et de secours et l'origine de leur financement.

"La structure départementale n'implique pas forcément l'engagement du conseil général et inversement, pour les services d'incendie et de secours à structures communales, le conseil général peut être largement engagé.

"Ainsi, dans une organisation dite "départementalisée", le financement par le conseil général peut être inférieur à celui assuré par les communes (Vendée, Haute-Garonne) ; dans un mode d'organisation communal, la participation du conseil général peut être comparable à celle des communes (Yvelines, Gironde, Orne). "

B. LA SIMULATION FINANCIÈRE DE L'APPLICATION DES CONCLUSIONS INDEMNITAIRES DU RAPPORT INIZAN

1. Le rapport Inizan

Un groupe de travail, présidé par le préfet Inizan, comprenant des représentants de l'assemblée des présidents de conseils généraux, de l'association des maires de France, des syndicats représentatifs des sapeurs-pompiers professionnels ainsi que des administrations centrales concernées, a remis en mai 1995 au ministre de l'Intérieur un rapport qui formule des propositions visant à la réforme du régime indemnitaire et du régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels 1 ( * ) .

Le rapport note, dans un propos introductif, que la "mosaïque" des régimes indemnitaires et des régimes de travail des sapeurs-pompiers professionnels, issue du régime communal, constitue aujourd'hui un frein au regroupement de ces derniers au sein des services départementaux d'incendie et de secours.

S'agissant du régime de travail, l'article 27 du décret n° 88-623 du 6 mai 1988 relatif à l'organisation générale des services d'incendie et de secours a certes prévu qu'un arrêté fixerait les modalités d'application de la durée légale du travail aux sapeurs-pompiers. Toutefois, à ce jour, aucune disposition n'a été prise en ce sens.

Quant au régime indemnitaire applicable aux sapeurs-pompiers, il continue de relever de textes épars, pour la plupart très antérieurs à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et, par voie de conséquence, aujourd'hui largement surannés. L'article 117 de cette loi prévoyait pourtant qu'un "décret en Conseil d'État [mettrait], dans un délai de deux ans, en conformité les règles statutaires applicables aux sapeurs-pompiers professionnels départementaux et communaux avec les dispositions du titre 1er du statut général ".

En réponse à une situation clairement inadaptée dans l'optique de la départementalisation inscrite dans le projet de loi relatif aux services d'incendie et de secours, le rapport Inizan avait ainsi pour objet de proposer des voies de réforme tendant à l'homogénéisation des régimes de travail et indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels 1 ( * ) .

a) Les voies d'une réforme du régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels

Trois principes, très largement majoritaires, ont émergé de l'échange des points de vue au sein de la commission élus-administration :

- La nécessité de donner une définition commune des différentes situations de service.

Les différentes situations de service du sapeur-pompier professionnel seraient regroupées, par degré décroissant de contrainte, autour de quatre notions principales : la garde active, la garde simple, le service hors rang et l'astreinte.

- La définition du temps de travail sur une base annuelle.

Il s'agirait, en l'occurrence, de mettre le droit en conformité avec la pratique et d'aller, en outre, vers une plus grande homogénéisation grâce au recours à une formule nationale de calcul.

- La reconnaissance d'un temps de formation.

Dans chaque collectivité d'emploi, il apparaissait souhaitable à la commission Inizan de prévoir un crédit provisionnel annuel de formation des sapeurs-pompiers professionnels de 78 heures, soit deux fois la durée la plus souvent constatée des obligations hebdomadaires de service.

Ce chiffre paraissait constituer un bon compromis entre le souhaitable et le possible dans la mesure où de nombreuses administrations dispensent en moyenne cinq jours ou plus de formation à leurs agents administratifs, moins soumis à l'évolution des techniques que les sapeurs-pompiers.

Seraient imputées sur ce temps de formation les heures consacrées à la formation professionnelle continue, à la préparation aux examens et concours et à l'entretien des acquis (hors entraînement physique). La formation dite initiale, prévue statutairement pendant le stage qui suit le recrutement dans un cadre d'emplois, relève, selon le rapport, d'une autre logique.

Enfin, les heures de formation incluses dans le champ du crédit provisionnel seraient, lorsqu'elles ne sont pas accomplies pendant le service, déduites du temps de travail annuel du sapeur-pompier servant de base à la programmation des autres missions de service.

Le rapport Inizan contient un quatrième axe de réflexion qui, compte tenu de la composition du groupe dans lequel figuraient des représentants des salariés et des employeurs, ne pouvait que faire l'objet de points de vue différenciés, voire opposés : la valeur nationale à donner aux équivalences pour les heures de garde ou d'astreinte exercées en-dehors des heures de travail.

La proposition présentée sur ce quatrième principe doit ainsi être considérée, comme le soulignent les rédacteurs du rapport, "comme un point d'équilibre des avis exprimés".

La voie retenue consiste à fixer une équivalence nationale unique et à ouvrir, en les bornant, des possibilités de fluctuation, dans un sens ou dans l'autre, fixées localement en fonction des données de la situation.

L'équivalence à retenir ne pouvant s'éloigner de beaucoup de la moyenne des équivalences constatées, il était proposé de mettre en place les deux règles suivantes :

- comme c'est souvent le cas aujourd'hui, il ne pourrait être demandé aux sapeurs-pompiers de garde les samedis, dimanches et jours fériés qu'une heure de garde active (temps nécessaire aux opérations de prise de garde), le reste du temps s'effectuant sous forme de garde simple ;

- 2 heures 30 de garde simple = 1 heure de garde active = 1 heure de travail.

Ces deux principes appliqués au service le plus courant, celui de la garde de 24 heures, dans une collectivité dont les agents seraient soumis à une durée hebdomadaire de travail de 39 heures conduiraient à une obligation annuelle de service de 136 gardes.

La globalisation ainsi proposée pour la prise en compte des heures de garde simple amènerait, en équité, à établir également des équivalences entre les heures d'astreinte et les heures de travail de façon à ne pas pénaliser les sapeurs-pompiers soumis à ce régime et bien qu'actuellement les astreintes ne soient que rarement décomptées sur le temps de service. Huit heures d'astreinte pourraient être équivalentes à une heure de travail, sauf si l'agent est appelé en intervention, les heures de travail consécutives à cet appel étant dans ce cas intégralement décomptées.

La marge locale d'adaptation des équivalences devait respecter quatre règles selon le rapport Inizan :

- S'inscrire dans des limites sans lesquelles l'harmonisation ne pourrait être atteinte.

De ce point de vue, l'incidence du coefficient retenu ne devait en aucun cas se traduire par des fluctuations du nombre total des gardes supérieur à 10 % , en plus ou en moins.

En appliquant à un régime de garde de 24 heures les valeurs les plus extrêmes, soit, d'une part, une durée hebdomadaire du travail de 35 heures et une adaptation de 10 % à la baisse et, d'autre part, une durée hebdomadaire du travail de 39 heures et une adaptation locale de 10 % à la hausse, l'écart est de 110 à 149 gardes, contre 73 à 182 gardes aujourd'hui.

- Donner lieu à une concertation dont l'enceinte adéquate pourrait être le comité technique paritaire.

- Porter sur l'appréciation d'éléments objectifs, le principal d'entre eux étant sans nul doute la situation du sapeur-pompier à l'égard du logement, de son agrément et de ses contraintes. Un autre pourrait être constitué par la sollicitation moyenne des sapeurs-pompiers du corps, encore que cette valeur soit aujourd'hui d'une utilisation difficile, faute de disposer de statistiques normalisées.

- S'accompagner éventuellement, dans les cas rares mais bien réels où la situation locale se situerait hors des plages d'écart qui viennent d'être évoquées, d'un calendrier de retour aux normes dans un délai que la négociation locale saurait, sans nul doute, arrêter.

La conclusion, prudente, du rapport Inizan sur les voies d'une homogénéisation des régimes de travail des sapeurs-pompiers professionnels, mérite, elle aussi, d'être citée in extenso :

"Compte tenu des éléments connus à ce jour, il est difficile d'apprécier quelles pourraient être les conséquences des solutions proposées sur l'évolution des effectifs . Cette dernière procède prioritairement de l'analyse des besoins.

Tout au plus, peut-on constater que l'application de la réforme entraînerait une baisse du temps de travail pour un certain nombre de sapeurs-pompiers.

Cette baisse peut parfois procéder d'un effet mécanique par application des plafonds nationaux. Il en sera notamment ainsi pour les 6,1 % des effectifs globaux qui, astreints au régime des gardes de 24 heures, en effectuent annuellement plus de 149. Dans ce cas, les conséquences sur le volume global de travail seront limitées, la plupart des agents concernés ne dépassant le plafond que de peu.

La baisse du temps de travail pourra procéder aussi de la négociation locale, certes dans le respect des normes nationales, mais fortement encouragée par le présent rapport. Les effets éventuels du régime et du temps de travail localement retenus sur les effectifs constitueront dans certains cas l'un des éléments de cette négociation. "

b) Les propositions de réforme touchant le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels

En réponse au foisonnement caractérisant les indemnités versées aux sapeurs-pompiers professionnels ainsi qu'à l'obsolescence de leurs critères d'attribution, le rapport Inizan proposait de substituer aux mécanismes actuels un régime ne comportant plus que quatre indemnités :

- L'indemnité dite "de feu" qui serait maintenue en l'état.

Véritable indemnité du sapeur-pompier, elle est actuellement versée au taux de 19 % du traitement brut à l'ensemble des sapeurs-pompiers des corps sur lesquels a porté l'enquête de la direction de la sécurité civile.

Le rapport Inizan note que son intégration dans le calcul des droits à pension de retraite, dont le principe a été posé par l'article 17 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990, l'a en quelque sorte "consacrée" de sorte qu'elle vient rétribuer aujourd'hui, dans l'esprit de tous, le risque qui excède à l'évidence celui du seul "feu" et les conditions particulières d'exercice de la profession.

- L'indemnité forfaitaire de logement dont le maintien est également préconisé.

Le rapport propose de fixer l'indemnité de logement à son taux actuel, soit 10 % de l'indice brut moyen du grade plafonné à 20 % de l'indice afférent au 1er échelon du grade de sapeur de deuxième classe (1 240 francs en 1995).

- Une indemnité nouvelle de responsabilité constituée de deux parts, l'une liée à l'emploi exercé, et l'autre au grade détenu pour laquelle deux taux ont été proposés du grade de sapeur au grade de lieutenant de 1ère classe inclus.

- Une indemnité nouvelle de spécialité.

Le rapport Inizan note que l'arrêté du 14 octobre 1968, base juridique de la plupart des indemnités actuelles, ne comporte que l'embryon d'une reconnaissance, d'ailleurs à un faible niveau financier aujourd'hui dépassé, de ces emplois spécialisés (plongeurs, par exemple).

Depuis lors, ces emplois se sont multipliés, les services d'incendie et de secours constituant des groupes d'intervention particuliers pour le sauvetage en montagne, la mise en oeuvre des secours nécessitant la pratique de l'escalade, de la spéléologie, etc.. Au sein de ces groupes sont apparus des niveaux de qualification différents.

La commission élus-administration, dans son rapport, propose que l'indemnité de spécialité soit calculée sur la base d'un pourcentage de l'indice 100 qui devrait être au minimum de 0,5 % et soit ensuite pondérée selon la spécialité et le niveau détenu au sein de celle-ci.

2. Les résultats de la simulation financière

Pour réaliser ses simulations, la direction de la sécurité civile a de nouveau sollicité les 28 corps de sapeurs-pompiers auprès desquels avait été effectuée l'enquête utilisée pour la rédaction du rapport Inizan.

Cette enquête ayant été réalisée en 1994 et portant sur des chiffres de 1993, deux hypothèses de travail avaient a priori été retenues :


• soit actualiser sur une base 1995 les chiffres de 1993 concernant le régime actuellement en vigueur,


•soit appliquer aux effectifs et aux masses financières de 1993, la définition des emplois et les pourcentages indemnitaires proposés dans le rapport.

En fait, il n'était pas possible de mettre en oeuvre la première solution (sauf à refaire entièrement l'enquête) dans la mesure où les clés d'actualisation des résultats de 1993 n'étaient pas entièrement connues. En effet, s'il était possible de réévaluer les données relatives aux traitements (valeur du point d'indice 1995, réévaluation des grilles indiciaires de certains grades,...), et à certaines indemnités exprimées en pourcentage d'indices de traitement, ce travail d'actualisation s'avérait en revanche difficile pour les indemnités versées localement. La comparaison du régime actuel et du régime proposé a donc été faite sur la base des données pour 1993.

S'agissant toutefois du calcul de la masse salariale globale, les charges sociales ont été évaluées par application de la législation en vigueur en 1995 pour tenir compte de l'évolution sensible du montant des retenues pour pension (augmentation de la retenue employeur du 1er janvier 1995, part de l'indemnité de feu intégrée pour le calcul de la pension de retraite de sept quinzièmes et non plus de cinq).

En ce qui concerne les deux nouvelles indemnités de responsabilité et de spécialité, les corps de sapeurs-pompiers soumis à l'enquête ont été invités à ventiler leurs effectifs sur les emplois et spécialités prévus par le rapport.

Ce travail d'extrapolation n'a pas posé de problème majeur en ce qui concerne les spécialités qui, pour la plupart, existent déjà.

Il a en revanche entraîné une appréciation plus subjective en ce qui concerne les emplois. La réforme de la formation, actuellement très avancée, a toutefois fourni un cadre appréciable puisqu'elle est conçue à partir des futurs emplois prédéfinis par le groupe de travail.

Par ailleurs, les indemnités ont été calculées sur la base de leur montant maximal.

Enfin, les conclusions du rapport Inizan ne se prononcent pas sur les indemnités versées au titre du comité des oeuvres sociales. Il convenait donc de prévoir dans la simulation des conclusions deux hypothèses, l'une incluant les indemnités versées actuellement au titre du comité des oeuvres sociales (COS), l'autre ne les comprenant pas.

Cette même logique a été reprise pour l'évaluation des masses salariales résultant de la simulation du rapport.

Les principaux résultats de la simulation sont les suivants :

a) Une augmentation globale

L'application du rapport entraîne une augmentation de 1,2 % ou de 4 % de la masse salariale globale consacrée aux sapeurs-pompiers professionnels par les collectivités locales selon que la simulation s'en tient strictement aux propositions du rapport ou qu'elle inclut de surcroît le maintien des versements actuellement effectués au titre des "comités des oeuvres sociales".

Rapportée à la seule enveloppe indemnitaire, l'augmentation constatée est de 6,1 % et de 21,4 % dans chacune des deux hypothèses précédemment mentionnées.

L'augmentation de la masse salariale exprimée en francs est d'environ 20 millions de francs ou d'environ 56 millions de francs selon l'hypothèse retenue. L'extrapolation financière "France entière" de ce résultat aboutirait à un coût supplémentaire de l'ordre de 66 millions de francs dans la première hypothèse et de 186 millions de francs dans la seconde.

Le montant à retenir est, en fait, celui de 66 millions de francs de coût supplémentaire net pour les collectivités locales. En effet, les indemnités dites "de comité des oeuvres sociales" sont d'ores et déjà prises en charge par celles-ci, soit directement dans leur budget, soit indirectement au travers de subventions accordées aux comités des oeuvres sociales

Cette enveloppe de 66 millions de francs, répartie sur les 92 départements métropolitains, peut être considérée comme une charge acceptable.

b) Des évolutions contrastées

- Des évolutions contrastées d'un corps à l'autre

Compte tenu de l'extrême hétérogénéité des régimes actuels, l'application des conclusions du rapport qui tendent à une harmonisation, entraînent des évolutions contrastées d'un corps à l'autre.

Par exemple : en prenant en compte le premier taux de l'indemnité de responsabilité dans la simulation du rapport sans inclure les indemnités au titre du COS, il est observé :

- une évolution moyenne pour l'ensemble des corps de + 6,1 % pour l'enveloppe indemnitaire et de 1,2 % pour la masse salariale. 17 corps (correspondant à 60,8 % de l'effectif) connaissent une augmentation alors que 11 corps (correspondant à 39,2 % de l'effectif) connaissent une diminution,

- concernant les enveloppes indemnitaires,

ï un écart d'évolution de - 10 % à + 39,1 %,

ï une augmentation moyenne concernant les corps en évolution positive de + 16,6 % avec un écart de + 0,04 % à + 39,1 %,

ï une diminution moyenne concernant les corps en évolution négative de- 5,7 % avec un écart de- 10 % à- 0,2 %,

- concernant les masses salariales,

ï un écart d'évolution de - 2 % à + 11,9 %,

ï une augmentation moyenne concernant les corps en évolution positive de + 4,1 % avec un écart de + 0,3 % à + 11,9 %,

ï une diminution moyenne concernant les corps en évolution négative de - 1,2 % avec un écart de - 2,3 % à - 0,04 %.

- Des évolutions contrastées entre les grades et au sein des effectifs d'un même grade

Alors que les enveloppes indemnitaires et les masses salariales des hommes du rang connaissent une diminution globale, celles-ci augmentent du grade de sergent à celui de colonel.

Les grades d'officiers supérieurs qui accusent actuellement un niveau indemnitaire plus faible que celui de la filière technique de la fonction publique territoriale, filière de référence du groupe de travail, connaissent les plus fortes évolutions positives.

Enfin, l'amplitude des écarts d'évolution est importante au sein d'un même grade. Ainsi, l'évolution moyenne des masses salariales des caporaux dans l'hypothèse du premier taux de l'indemnité de responsabilité dans la simulation du rapport sans inclure les indemnités au titre du comité des oeuvres sociales, est de - 0,2 %. L'écart d'évolution est de - 4,2 % à + 11 %.

3. Les limites de la démarche

Votre commission souhaite préciser, à titre liminaire, que les propositions du rapport Inizan n'ont pas encore été validées par une instance de concertation intégrant des élus. Elles ne constituent que des perspectives, certes intéressantes, mais non encore figées.

Les simulations qui précèdent n'en sont pas moins extrêmement précieuses et constituent une excellente base de réflexion pour l'adoption du présent projet de loi.

Il sera toutefois également permis à votre commission d'en souligner les limites, au cas où les conclusions du rapport Inizan seraient mises en oeuvre :

- D'une part, aucune simulation n'a été effectuée à partir des propositions, certes controversées, mais très précises, relatives à l'homogénéisation des régimes de travail des sapeurs-pompiers professionnels.

Le rapport Inizan soulignait pourtant implicitement le fait que celles-ci auraient un coût.

- D'autre part, les montants supplémentaires induits par la mise en oeuvre des propositions indemnitaires contenues dans le rapport Inizan constituent des soldes nets. Certaines catégories de personnel seraient donc éventuellement perdantes, comme on vient de le voir, dans le cadre du nouveau régime.

Le rapport prend pourtant bien la peine de préciser à titre introductif le point suivant : "Sur un sujet aussi déterminant, à la veille d'une réforme qui n'a pas d'autre objet que l'amélioration de la qualité du service public, il faut évidemment exclure que des sapeurs-pompiers, fusse une minorité d'entre eux, se trouvent moins bien traités dans le régime proposé qu'actuellement. "

Une indication claire dans ce sens a d'ailleurs été donnée par le gouvernement qui a, de sa propre initiative, fait adopter, en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, l'article 42 bis maintenant les avantages acquis en matière indemnitaire, que les indemnités concernées soient budgétées ou qu'elles continuent d'être versées par des structures du type "comité des oeuvres sociales".

En tout état de cause, l'absence de prise en compte d'un maintien, vraisemblable, des avantages individuellement acquis par les sapeurs-pompiers professionnels à la date d'entrée en vigueur des nouvelles règles indemnitaires contraint à considérer les simulations qui précèdent comme un plancher.

II. LES DISPOSITIONS FINANCIÈRES TRANSITOIRES : UN RETOUR INOPPORTUN AU TEXTE INITIAL DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. L'ADOPTION CONFORME DES RÈGLES PERMANENTES DE FINANCEMENT DES SDIS (ARTICLE 3 7)

L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 37 du présent projet de loi relatif aux règles de financement du service départemental d'incendie et de secours. Elle a ainsi validé les aménagements proposés par votre commission des finances et que vous aviez bien voulu adopter au mois de juin dernier.

Notre Haute Assemblée avait tout d'abord précisé que la majorité qualifiée exigée pour la fixation des modalités de calcul des contributions des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et du département serait identique à celle prévue pour le vote du budget, c'est-à-dire la majorité des deux tiers. Par ailleurs, le conseil d'administration du SDIS serait astreint à notifier avant le 1er novembre de l'année précédant l'exercice aux maires, aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale et au président du conseil général, le montant prévisionnel de leurs contributions, qu'il aurait préalablement arrêté.

Le dernier alinéa de l'article 37 précise le mécanisme de répartition des contributions en cas d'absence de délibération. Celui-ci comporterait deux phases :

- dans un premier temps, le montant global des contributions serait réparti entre, d'une part, le département, d'autre part, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, proportionnellement à leurs contributions dans le total des contributions effectives du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatées dans le dernier compte administratif connu ;

- dans un second temps, à l'intérieur de l'enveloppe propre aux communes et aux établissements publics de coopération, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public serait calculée dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de la contribution des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu.

L'association de ces trois critères vise trois objectifs : établir une répartition des charges prenant en compte les avantages retirés par chaque collectivité du recours aux services du SDIS ; garantir une certaine péréquation afin d'assurer la nécessaire solidarité de toutes les parties du territoire départemental ; interdire les majorations brutales d'une année sur l'autre des contingents acquittés.

B. LE REJET DES SOLUTIONS PRÉCONISÉES PAR LE SÉNAT À L'ARTICLE 38

Nos collègues députés ont, en revanche, rétabli dans la rédaction qui était la leur en première lecture les dispositions financières transitoires prévues par l'article 38.

À l'origine, cet article prévoyait que, jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions de transfert de la gestion des personnels et des biens, les crédits consacrés chaque année par les collectivités locales et les établissements publics de coopération intercommunale ne pourraient être inférieurs à la moyenne des crédits de fonctionnement et d'équipement constatés dans les cinq derniers comptes administratifs connus. L'Assemblée nationale avait cependant exclu de cette moyenne quinquennale les crédits exceptionnels affectés notamment à la création des centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours (CODIS) et des centres de traitement de l'alerte (CTA).

Si la démarche de nos collègues députés paraissait fondée en vue d'écarter les "pics" constatés au cours des derniers exercices en matière d'investissement, la méthode retenue, tendant à exclure de la moyenne quinquennale les "crédits exceptionnels affectés notamment à la création des centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours et des centres de traitement de l'alerte", était toutefois critiquable pour au moins deux motifs :

- En premier lieu, s'agissant du calcul d'un montant de dépenses obligatoires, le législateur nous semblait méconnaître sa compétence en ne précisant pas quelle est la portée qu'il confère à la notion de crédits exceptionnels. De ce point de vue, l'usage de l'adverbe "notamment" devait être à notre sens clairement prohibé.

Si toutefois le législateur supprimait effectivement cet adverbe, il lui restait encore à établir avec précision une liste des dépenses "exceptionnelles" dont nous ne comprenions d'ailleurs pas pour quels motifs elle n'aurait contenu que la création des CODIS et des CTA. Toutes sortes d'autres dépenses, à commencer par la construction de casernes, voire l'achat de véhicules, sont susceptibles de dessiner des "pics" dans la comptabilité des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et des départements.

- En second lieu, il nous avait semblé que la notion même de "pic" de dépenses renvoyait plus à des modalités de gestion qu'à une catégorie particulière de dépenses d'équipement.

Nous notions ainsi à titre d'exemple, que les dépenses d'investissement consacrées à la construction d'un CODIS ou d'un CTA pouvaient fort bien être "noyées" au sein d'un plan d'équipement étalé sur plusieurs années. Elles ne formeront ainsi aucune "boursouflure" dans le profil des dépenses d'investissement des cinq ou six derniers exercices et ne seront donc pas considérées comme des dépenses à caractère "exceptionnel" au sens où nos collègues députés avaient sans doute voulu l'entendre.

Votre commission des finances avait donc estimé que la solution au problème soulevé, à juste titre, par l'Assemblée nationale pourrait sans doute être trouvée plus simplement, en s'inspirant des dispositions de l'article 17 de la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l'État, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services placés sous leur autorité.

Le Sénat avait ainsi remplacé le premier alinéa de l'article 38 par deux nouveaux alinéas :

- Le premier fixait le principe d'une entente librement établie entre le SDIS et les collectivités et groupements concernés.

L'application automatique de critères d'évaluation des dépenses obligatoires d'incendie et de secours n'interviendrait qu'en cas d'échec des négociations.

Jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions prévues aux articles 12, 13 et 16, le montant minimal des dépenses relatives aux personnels et aux biens visés par ces articles, à l'exclusion des contributions mentionnées à l'article 37, effectuées chaque année par la commune, l'établissement public de coopération communale ou le département était ainsi fixé par une convention passée entre le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, d'une part, et le maire, le président de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le président du conseil général, d'autre part.

- Le second alinéa disposait qu'à défaut d'accord entre les parties sur les masses devant être versées pendant la phase transitoire précédant la signature de conventions de transferts des personnels et des biens, le montant minimal des dépenses mentionnées au premier alinéa ne pourrait, jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions prévues aux articles 12, 13 et 16, être inférieur, pour les dépenses de fonctionnement, à la moyenne des dépenses réalisées constatées dans les cinq derniers comptes administratifs connus et, pour les dépenses d'équipement, à la moyenne des dépenses réalisées constatées dans les dix derniers comptes administratifs connus.

Cette formule des dix ans pour l'investissement présentait à notre sens l'avantage de neutraliser les "pics" évoqués plus haut tout en évitant les travers du recours à la notion de crédits exceptionnels devant être écartés de la base de calcul des dépenses d'équipement.

Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Pierre-Rémy Houssin a bien voulu souligner combien, à ses yeux, "le Sénat avait complété heureusement le mécanisme financier qui avait été retenu en première lecture ".

La commission des finances, qui avait décidé de se saisir pour avis du texte en deuxième lecture, n'avait elle-même pas adopté de modification de l'article 38 préalablement au passage du texte en séance publique. Son rapporteur, M. Yves Fréville, avait même concédé quelque mérite au mécanisme de conventionnement adopté par le Sénat notant qu'il permettait d'échapper, là où des accords seraient possibles, au régime de la participation automatique calculée sur les derniers comptes administratifs connus.

Ce n'est qu'au cours de la séance publique que M. Fréville a décidé de déposer un amendement à l'article 38 qui préservait le principe d'un accord préalable entre les parties suivi d'un calcul automatique des participations pendant la période transitoire mais qui "sortait" purement et simplement de celles-ci les dépenses d'équipement. En d'autres termes, à défaut d'entente, les collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale n'étaient tenus qu'au versement au service départemental d'incendie et de secours d'une quote-part calculée sur la seule moyenne des dépenses de fonctionnement réalisées, constatées dans les cinq derniers comptes administratifs connus.

Le véritable motif de cette "fronde" provenait du constat fait par M. Fréville et d'autres intervenants que certaines collectivités ont investi au cours des dernières années alors que d'autres ont vécu dans un attentisme prudent, comptant sur une départementalisation prochaine des services d'incendie et de secours. Il paraissait choquant de pénaliser les premières alors que les secondes "tiraient leur épingle du jeu".

L'argument ne laisse pas d'étonner, alors précisément que la règle des dix ans adoptée par le Sénat avait au moins le mérite d'intégrer des années, antérieures à l'annonce de la départementalisation, qui n'avaient pas été frappées par l'attitude attentiste dénoncée par M. Fréville...

Le gouvernement, ne pouvant toutefois accepter cette solution par trop radicale, a préféré transiger en proposant à l'Assemblée nationale de revenir à son texte d'origine, et ce alors qu'il avait donné un avis favorable à l'adoption de l'amendement de la commission des finances du Sénat.

Le problème de fond soulevé par notre Haute Assemblée en première lecture -le flou de la portée juridique de la notion de dépense exceptionnelle- reste donc entier.

C. LES TENTATIVES VISANT À DOTER LES SDIS DE RESSOURCES PROPRES (ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 38, REJETÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE)

Enfin, l'Assemblée nationale a rejeté un amendement proposé par sa commission des finances tendant à permettre au conseil d'administration du SDIS de voter le principe d'une fiscalité additionnelle se substituant en tout ou partie au mécanisme des contributions.

À l'argument de responsabilisation des élus invoqués par Messieurs Fréville et Méhaignerie, le gouvernement et la commission des lois ont répondu par la crainte d'une augmentation nette des prélèvements obligatoires ainsi que d'un effet de contagion au profit de tous les établissements publics spécialisés et au détriment.... du contribuable.

DEUXIÈME PARTIE - LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES FINANCES EN VUE DE LA DEUXIÈME LECTURE AU SÉNAT

I. CLORE UN DEBAT VIEUX DE PLUS DE QUATRE ANS

La commission des finances s'est réunie le mercredi 20 mars 1995, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, afin de procéder à l'examen du rapport pour avis, en deuxième lecture, de M. Guy Cabanel sur le projet de loi n° 232 (1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux services d'incendie et de secours.

Au terme de la présentation de son rapport, M. Guy Cabanel a estimé qu'en dépit des réserves que pourrait susciter la lecture des documents élaborés par la direction de la sécurité civile, la commission des finances devait maintenant favoriser l'adoption rapide du projet de loi. La crainte, exprimée par certains présidents de conseils généraux, d'être confrontés à une dérive financière faisant des services départementaux d'incendie et de secours une "aide sociale bis", parait aujourd'hui très exagérée.

Le champ des désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat s'est, en outre, considérablement réduit au cours de la navette. La commission des lois du Sénat propose ainsi de conserver, à quelques adaptations près, le schéma de composition du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours voté par les députés au mois de février.

Le rapporteur pour avis a précisé que l'Assemblée nationale avait certes supprimé la présidence de droit de ce conseil d'administration par le président du conseil général, allant à l'encontre des souhaits du Sénat. Toutefois, il proposera à titre personnel un amendement permettant au président du conseil général, à l'instar du Préfet, de participer, avec voix consultative, s'il le souhaite et s'il n'a pas été désigné comme membre titulaire, aux travaux du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS).

M. Christian Poncelet, président, a insisté sur le fait que l'amélioration proposée par le rapporteur, ne devait constituer qu'une faculté et non une obligation pour le conseil général d'être présent aux travaux du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours .

Un large débat s'est alors engagé.

M. Jean-Pierre Lachenaud a jugé que le moment était venu d'adopter le projet de loi, tout en soulignant qu'il ne fallait pas se cacher que cette issue était largement le fait de très fortes pressions corporatistes.

Il a ensuite indiqué que dans le Val d'Oise, collectivité pionnière en matière de départementalisation, le coût global des services d'incendie et de secours s'élevait à 360 millions de francs, dont 70 % environ supportés par le budget du conseil général. Il a révélé les causes de la dérive financière constatée depuis quelques années : la "technicisation" des tâches ; la professionnalisation des effectifs et l'accroissement de l'encadrement ; l'augmentation des indemnités et, en particulier, la prolifération des bénéficiaires de l'indemnité de logement.

Le même intervenant a exprimé son accord avec la fixation à cinq ans de la période maximale laissée aux collectivités locales pour procéder à la dévolution des personnels et des biens aux nouveaux services départementaux d'incendie et de secours. Il a également souligné le fait que l'un des aspects nettement positifs du projet de loi tenait dans le contrôle exclusif par les élus locaux du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, le préfet et les représentants des sapeurs pompiers n'ayant plus qu'une voix consultative.

M. Michel Charasse a interpellé ses collègues sur l'opportunité d'adopter un projet de loi qui peut conduire à une explosion des charges au titre des services d'incendie et de secours. La mauvaise situation des finances locales devrait inciter à plus de prudence.

Le même intervenant a ensuite certifié que le Premier ministre, M. Alain Juppé avait promis au cours de l'été 1995, lors des discussions entre le gouvernement et les élus locaux sur le contenu du pacte de stabilité, que ce texte ne reviendrait pas en discussion devant le Parlement avant 1998. Si l'exécutif ne tient pas sa parole, il faut certainement l'imputer à la pression très forte exercée, en particulier, par l'encadrement des sapeurs-pompiers professionnels ainsi que par la direction de la sécurité civile.

M. Michel Charasse a ensuite exprimé les plus grands doutes sur la fiabilité des simulations réalisées à partir du rapport du Préfet Inizan, estimant que, par son statut, celui-ci ne pouvait avoir d'autre désir que de plaire au gouvernement.

Le même intervenant a craint que les textes du type du projet de loi relatif aux services d'incendie et de secours ne finissent par créer un effet de contagion et ne justifient la transformation en emplois de catégorie A d'une part de plus en plus importante des postes de la fonction publique territoriale.

M. Michel Charasse a ensuite manifesté son opposition à ce qu'une autorité qui ne participe pas au financement des services d'incendie et de secours, c'est-à-dire au premier chef le préfet, soit membre de la structure gestionnaire du service départemental d'incendie et de secours , a égalité avec les élus qui sont, eux, les seuls bailleurs de fond. De ce point de vue, il est bon que le représentant de l'État dans le département ne dispose plus que d'une voix consultative au sein du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, même s'il continue d'arrêter le règlement opérationnel pour l'organisation des secours au sein de sa circonscription.

En conclusion de son intervention, M. Michel Charasse a demandé instamment le report du texte, suggérant qu'une loi ultérieure fixe sa date d'entrée en vigueur en fonction de la situation des finances locales. Il a exprimé sa conviction que le projet de loi n'était que le fruit d'une demande des sapeurs pompiers professionnels, dont les conséquences seront défavorables au maintien du volontariat et donc à l'existence même des services d'incendie et de secours puisque les sapeurs-pompiers volontaires constituent aujourd'hui la majeure partie des effectifs utilisés.

M. Christian Poncelet, président, lui a alors fait remarquer que la commission des lois était revenue à sa rédaction de première lecture assouplissant le dispositif d'entrée en vigueur progressive de la départementalisation des personnels des services d'incendie et de secours, qui serait à nouveau étalée sur cinq ans.

Répondant à cette remarque, M. Michel Charasse a estimé que les conseils généraux contraindraient les autres collectivités à réaliser la départementalisation le plus vite possible, bien avant le terme des cinq ans proposés par le Sénat en première lecture. Si sa suggestion ne devait pas être retenue, il a proposé que le délai de cinq ans constitue un minimum obligatoire, aucune dévolution de bien ou de personnel ne devant intervenir avant.

M. Michel Mercier a estimé que le projet de loi, conçu pour satisfaire les exigences des sapeurs-pompiers professionnels, était "intrinsèquement mauvais" et qu'il présentait le défaut majeur d'organiser des conflits futurs. En effet, ce texte contient d'abord en germe des conflits entre les collectivités locales contributrices avec l'institution d'une minorité de blocage au sein du conseil d'administration des services d'incendie et de secours.

M. Michel Mercier a estimé que la seconde source de conflit résidait dans les relations entre le préfet et les collectivités locales. C'est en effet le représentant de l'État dans le département qui continuera d'exercer les pouvoirs opérationnels en matière d'incendie et de secours et d'imposer les moyens correspondants dont le coût devra être assumé par le service départemental d'incendie et de secours .

M. Michel Mercier, en conclusion de son propos, a estimé que le texte qui avait été adopté par le Sénat, au mois de juin 1995, était finalement moins mauvais que celui qui revient de l'Assemblée nationale, après deuxième lecture. Le nouveau contenu de l'article 26, relatif à la composition du conseil d'administration du service d'incendie et de secours, apparaît, en particulier, pernicieux. Dans ces conditions, le résultat final risque fort de ne pas constituer la meilleure solution, si le gouvernement décide de convoquer tout de suite la commission mixte paritaire après le débat du 28 mars.

M. Henri Collard a estimé que l'étude réalisée par la direction de la sécurité civile à partir d'un échantillon de onze départements était une entreprise, dès le départ, vouée à l'échec compte tenu des très grandes disparités existant entre les départements. De fait, cette étude ne permet de tirer aucune conclusion d'ordre général.

Le même intervenant a regretté que l'on n'ait noté nulle part le fait qu'aujourd'hui la majeure partie des interventions des services d'incendie et de secours était sans rapport avec leurs missions normales à savoir la lutte contre le feu et contre les accidents. Il s'agit là d'une question qu'il faudra approfondir.

Enfin, M. Henri Collard a indiqué qu'il apporterait son soutien à l'amendement que M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a annoncé vouloir déposer à titre personnel sur l'article 27 afin de permettre au président du conseil général de participer avec voix consultative aux travaux du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, dans le cas où cette personnalité n'aurait pas été, par ailleurs, désignée par ses pairs.

M. Joseph Ostermann a jugé en introduction qu'il était difficile de ne pas prendre position sur ce texte.

Il a regretté les nombreuses lacunes dans les réflexions publiées sur l'évolution des services d'incendie et de secours. Il aurait été bon en particulier que soit posé le principe du remboursement aux sapeurs-pompiers des coûts exposés au titre d'interventions ne correspondant pas à leurs missions de lutte contre les feux et contre les accidents.

Le même intervenant a ensuite exprimé son souhait d'une intégration plus poussée entre les sapeurs-pompiers professionnels et les bénévoles.

Il a manifesté ses craintes quant à l'évolution du rôle des amicales, qui apportent aujourd'hui une aide indispensable pour les dépenses d'investissements des services d'incendie et de secours, dans le nouveau cadre imposé par la départementalisation.

Faisant observer que les situations observées présentent de très fortes différences d'un département à l'autre, M. Joseph Ostermann a estimé qu'il aurait fallu insuffler plus de flexibilité dans le projet de loi soumis au Parlement.

M. René Régnault a considéré qu'un parallèle devait être tracé entre la professionnalisation induite par le projet de loi relatif aux services d'incendie et de secours et la professionnalisation des armées dont le Parlement devrait discuter prochainement. À ce sujet, il a estimé, pour le regretter, que les dispositions en discussion pourraient, lorsqu'elles seront appliquées, avoir un effet dissuasif sur le développement du volontariat.

Le même intervenant a précisé qu'il n'était pas choqué par le principe, voté par le Sénat en première lecture, selon lequel la présidence du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours devait revenir de plein droit au président du conseil général. Cette solution est évidemment justifiée dans les cas, nombreux, où c'est le département qui assume la majorité des dépenses au titre des services d'incendie et de secours.

Nuançant les propos de M. Michel Mercier, il s'est déclaré favorable à ce que l'ensemble des collectivités locales contributrices se retrouvent autour d'une même table pour se mettre d'accord sur les modalités de financement des services d'incendie et de secours.

Enfin, M. René Régnault s'est demandé si la proposition, exprimée à titre personnel par M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, d'associer le président du conseil général, au moins avec voix consultative, aux réunions du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours ne pouvait pas être étendue au président de l'association départementale des maires.

M. Jacques-Richard Delong, reprenant les propos de M. Joseph Ostermann, a fortement insisté sur la spécificité des départements de l'Est de la France, caractérisés par une très forte densité de sapeurs-pompiers volontaires. Il a exprimé sa crainte que le projet de loi n'entraîne une uniformisation de toutes les pratiques à travers le pays et "ne tire vers le bas" les collectivités locales de l'Est.

Insistant sur le rôle primordial joué localement par les casernes des sapeurs-pompiers, M. Jacques-Richard Delong s'est inquiété du risque de découragement qui pourrait affecter le volontariat. Il a indiqué qu'il avait constaté pour sa part un début de tarissement des recrutements, lié notamment au relèvement des conditions exigées en matière de détention de diplômes.

Enfin, le même intervenant s'est déclaré favorable à la présidence de droit du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours par le président du conseil général, invoquant le principe selon lequel "qui paie commande".

Mme Marie-Claude Beaudeau a tout particulièrement insisté sur le fait qu'au cours de ces vingt dernières années la nature des risques ainsi que les exigences en matière de protection avaient considérablement évolué entraînant des coûts de plus en plus élevés. En particulier, les sapeurs-pompiers n'ont plus seulement à lutter contre les feux mais doivent également assurer des tâches préventives liées à l'existence d'établissements industriels présentant des dangers pour l'environnement.

Dans ces conditions, il parait normal que les collectivités locales, notamment les départements, se plaignent de devoir débourser des sommes de plus en plus élevées au titre des services d'incendie et de secours. De ce point de vue, une intervention financière de l'État serait tout à fait justifiée.

En réponse aux différents intervenants, M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a résumé l'esprit de leurs interventions en soulignant la "sensation de malaise" qui s'en dégageait. Du reste, le fait que le débat sur la départementalisation dure maintenant depuis quatre ans est lui même suffisamment parlant.

Il a indiqué qu'il prenait bonne note des craintes, exprimées par les commissaires, de dérapage financier ainsi que des inquiétudes relatives à l'attitude du préfet qui, n'étant pas le payeur, pourrait imposer au service départemental d'incendie et de secours des charges excessives. Il a souligné à son tour la mosaïque des situations qui ne simplifiera pas la mise en oeuvre du projet de loi sur l'ensemble du territoire.

Le rapporteur a également reconnu que les études et simulations financières réalisées par la direction de la sécurité civile pouvaient paraître décevantes du fait de leur faible force démonstrative.

Répondant plus particulièrement aux remarques de M. Jean-Philippe Lachenaud, il a relevé le souhait dominant chez la plupart des parlementaires d'en finir avec un projet de loi qu'ils n'approuvent pas nécessairement mais dont le rejet serait certainement mal perçu par les corps de sapeurs-pompiers.

Il a ajouté à l'adresse du même intervenant, que le montant de son budget des services d'incendie et de secours le plaçait dans le haut de la fourchette des dépenses exprimées en franc par habitant, sans toutefois faire du département du Val d'Oise celui où les coûts les plus élevés sont constatés.

Le rapporteur a enfin précisé que le délai de cinq ans prévu par le Sénat en première lecture pour la dévolution des personnels et des biens aux nouveaux services départementaux d'incendie et de secours avait été rétabli par la commission des lois en vue de la deuxième lecture. Ce délai doit permettre, plus facilement que celui prévu dans la rédaction de l'Assemblée nationale qui l'avait avancé au 30 juin 1999 pour les personnels, de mettre en oeuvre l'homogénéisation des régimes de travail et indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels préconisée par le rapport du Préfet Inizan.

En réponse à M. Michel Charasse, le rapporteur pour avis, a estimé que si les études et simulations réalisées paraissaient à certains décevantes, il fallait toutefois convenir de la très grande difficulté d'établir a priori le coût de la départementalisation pour les collectivités territoriales.

Il a ensuite jugé que le report sine die de l'adoption du projet de loi était difficile à défendre dès lors que le Sénat se rallierait à la proposition de la commission des lois d'offrir un délai maximal de cinq ans pour procéder au regroupement des moyens en personnel et en équipement au sein des nouveaux services départementaux d'incendie et de secours.

Le rapporteur a relevé les qualificatifs de dangereux et conflictuel utilisés par M. Michel Mercier à l'encontre du projet de loi.

Il a ajouté, répondant également à une remarque de M. Joseph Ostermann, que le risque existait d'une professionnalisation accentuée, et coûteuse pour les finances locales, des corps de sapeurs-pompiers.

Il a toutefois estimé que l'application du principe "qui paie, commande" pour la composition du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours permettrait de limiter les risques de dérive financière.

À M. Jacques-Richard Delong, le rapporteur a répondu qu'il n'était pas favorable à la présidence de droit du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours par le président du conseil général, cette formule étant contraire au principe de représentation des collectivités locales à due concurrence de leur contribution au budget du service départemental. Il a alors rappelé qu'il préférait la solution de compromis qu'il avait présentée dans son propos introductif, consistant à permettre au président du conseil général, lorsqu'il n'a pas été désigné par ses pairs pour siéger au sein du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, de participer toutefois à ces travaux avec voix consultative.

M. Jean-Philippe Lachenaud a indiqué qu'il apporterait son soutien à cette dernière proposition.

M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué à M. Joseph Ostermann que la commission des lois avait rétabli l'article 2 bis adopté par le Sénat en première lecture prévoyant que les frais engagés par les services d'incendie et de secours pour porter secours aux victimes d'accidents sont pris en charge par les organismes d'assurance maladie dans les mêmes conditions que les frais d'intervention des unités participant au service d'aide médicale urgente (SAMU).

M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a exprimé des doutes à l'encontre des remarques de M. René Régnault sur le caractère comparable de la professionnalisation des services d'incendie et de secours et de celle des armées. En tout état de cause, celles-ci ont toujours été financées par l'État alors que les services d'incendie et de secours relèvent presque exclusivement des budgets des collectivités territoriales.

Le rapporteur a une nouvelle fois pris la défense de l'article 26 relatif à la composition du conseil d'administration des services d'incendie et de secours telle qu'elle résulte des débats de l'Assemblée nationale en deuxième lecture et des travaux de la commission des lois du Sénat. Cette rédaction exclut certes que le président du conseil général soit automatiquement président du conseil d'administration, mais permet à tous les contributeurs d'être représentés en son sein.

Réagissant enfin à la proposition de M. René Régnault de permettre également au président de l'association départementale des maires de participer, avec voix consultative, aux réunions du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il y était opposé rappelant qu'il existait, dans certains départements, deux associations de maires et soulignant le fait que ces associations n'ont pas le même poids juridique que le conseil général.

En réponse à M. Jacques-Richard Delong, le rapporteur a convenu de la situation toute particulière des départements de l'Est de la France, caractérisée par l'importance du volontariat. Il s'est toutefois voulu rassurant, estimant qu'il n'était pas question de "tirer vers le bas" ces collectivités.

M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a également confirmé qu'il avait constaté comme M. Jacques-Richard Delong, un début de tarissement du volontariat.

Enfin, en réponse aux remarques de Mme Marie-Claude Beaudeau, le rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi prévoyait dans son article 7 l'adoption obligatoire d'un schéma départemental d'analyse et de couverture des risques dressant l'inventaire des risques de toute nature pour la sécurité des personnes et des biens auxquels doit faire face le service départemental d'incendie et de secours dans le département et déterminant les objectifs de couverture de ces risques par ce service.

Cette contrainte sera certes coûteuse mais, encore une fois, la loi permettra à tous les financeurs de s'exprimer au sein du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours.

II. RÉTABLIR DANS LE TEXTE DU SENAT EN PREMIÈRE LECTURE LES DISPOSITIONS RELATIVES AU FINANCEMENT DU SDIS AU COURS DE LA PÉRIODE TRANSITOIRE

Puis la commission a procédé à l'examen de l'amendement présenté par M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, à l'article 38 (Dispositions financières transitoires).

Après avoir dressé un bref historique des différentes versions de cet article, le rapporteur a estimé que deux solutions s'offraient à la commission : en premier lieu, soit aller vers un compromis consistant à maintenir le principe des conventions et celui de la règle des cinq ans pour les dépenses de fonctionnement en cas de désaccord. Mais pour l'équipement, c'est le préfet qui fixerait les flux en tenant compte de ce qui a déjà était fait dans les dix derniers comptes administratifs connus. La seconde solution, consisterait purement et simplement à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.

M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a indiqué que c'était cette dernière option qui avait sa préférence.

M. Jean-Philippe Lachenaud a regretté que la rédaction de l'amendement voté par le Sénat à l'article 38, en première lecture, ne fasse pas mention des crédits exceptionnels.

Enfin, il a jugé que l'établissement d'une moyenne sur les dix derniers comptes administratifs connus induirait des contraintes trop faibles pour les collectivités concernées.

M. Michel Mercier a pris la défense de la solution préconisée par le rapporteur pour avis, soulignant tout particulièrement l'intérêt d'un accord préalable entre les collectivités locales et le service départemental d'incendie et de secours, qui devrait permettre, dans de nombreux cas, d'éviter que des critères automatiques de fixation des dépenses à effectuer s'appliquent.

Le même intervenant a également souhaité que la commission des finances mette en exergue la contradiction dans laquelle le Gouvernement va se trouver au regard de sa position d'ensemble sur l'intercommunalité. En effet, d'un côté il entend lutter contre les regroupements constitués dans le seul but d'obtenir des moyens financiers nouveaux et il souhaite favoriser la véritable intercommunalité de projet. De l'autre côté, en imposant à tous les groupements compétents dans le domaine des services d'incendie et de secours de transférer les personnels et les biens correspondants à un autre établissement public, le service départemental d'incendie et de secours, le Gouvernement organise l'apparition de "coquilles vides" qui percevront une dotation globale de fonctionnement renforcée pour des compétences qu'elles n'exerceront plus. La logique voudrait dans ces conditions que l'on dissolve les groupements dont l'activité essentielle est aujourd'hui constituée par la gestion des services d'incendie et de secours.

M. Jacques-Richard Delong a douté de la possibilité de parvenir à un accord de toutes les catégories de collectivités concernées par le projet de loi compte tenu de la très grande diversité des situations.

Il s'est déclaré favorable au maintien du calcul de la moyenne des dépenses d'investissement sur une période réduite à cinq ans comme le prévoit le texte de l'Assemblée nationale.

M. Henri Collard a souhaité obtenir des précisions sur la notion de dépenses d'équipement figurant à l'article 38.

Puis M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, a défendu une nouvelle fois le retour au texte proposé par la commission des finances du Sénat en première lecture sur cet article. Répondant à M. Jean-Philippe Lachenaud qu'il convenait, d'une part, de maintenir la possibilité de négocier le montant des dépenses à réaliser pendant la période transitoire au choix des élus locaux et du service départemental d'incendie et de secours et, d'autre part, que la notion de crédits exceptionnels était trop floue et ne pouvait qu'entraîner un contentieux abondant.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'adoption d'un sous-amendement rédactionnel présenté par M. Michel Charasse.

Puis la commission a adopté l'amendement présenté par M. Guy Cabanel, rapporteur pour avis, à l'article 38, rétablissant cet article dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

ARTICLE 38

(Rétablissement de la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture)

Rédiger comme suit cet article :

Jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions prévues aux articles 12, 13 et 16, le montant minimal des dépenses relatives aux personnels et aux biens mentionnés par ces articles, à l'exclusion des contributions mentionnées à l'article 37, réalisées chaque année par la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le département, est fixé par une convention passée entre le service départemental d'incendie et de secours, d'une part, et la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou le département, d'autre part.

À défaut de convention, le montant minimal des dépenses mentionnées à l'alinéa précédent ne peut, jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions prévues aux articles 12, 13 et 16, être inférieur, pour les dépenses de fonctionnement, à la moyenne des dépenses réalisées constatées dans les cinq derniers comptes administratifs connus. Le montant des dépenses d'équipement est fixé par le représentant de l'État dans le département qui tient compte des dépenses réalisées constatées dans les dix derniers comptes administratifs connus.

* 1 Indice de sollicitation : nombre d'interventions par jour et par sapeur-pompier.

* 1 Ce rapport n'a été cependant transmis à la commission des finances qu'après l'examen du projet de loi en première lecture par le Sénat.

* 1 Pour formuler ses propositions, le groupe de travail s'est appuyé sur les résultats d'une enquête effectuée par la direction de la sécurité civile auprès de 28 corps de sapeurs-pompiers représentant près de 7 500 sapeurs-pompiers professionnels, soit presque le tiers des effectifs.

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