II. DES OPÉRATEURS DE L'EXPERTISE ET DE LA PRODUCTION DE DONNÉES TOUJOURS À LA RECHERCHE D'UN MODÈLE PÉRENNE

A. UN PILOTAGE ET UNE ÉVALUATION DE L'ACTION ENVIRONNEMENTALE DE PLUS EN PLUS « DATAVORE »

Qu'elles soient géographiques, météorologiques ou techniques, les données produites par les opérateurs du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » se sont imposées comme des composantes à part entière des stratégies d'adaptation au changement climatique et sont devenues des préalables indispensables à une décision publique éclairée.

Ces données sont stratégiques à un double titre : affiner la compréhension des défis climatiques qui affectent le territoire et éviter les phénomènes de mal-adaptation. Les pressions qui s'exercent sur la biodiversité sont des phénomènes complexes à appréhender parce que multifactoriels. De même, les effets du changement climatique sur le territoire, les milieux et les activités humaines, directs ou diffus, supposent des grilles de lecture complexes et des modélisations scientifiques poussées.

La décision publique environnementale doit se nourrir de toute l'expertise publique disponible, en croisant les observations et les solutions, pour accroître la capacité de l'État et des élus locaux à se préparer agilement aux défis inédits que les évolutions climatiques font peser sur le territoire.

Connaître, modéliser, cartographier, anticiper et accompagner : tels sont les verbes d'action que l'État est en mesure de conjuguer grâce aux opérateurs du programme 159, qui offrent en outre des outils indispensables aux élus locaux dans leur action du quotidien pour renforcer leur résilience et promouvoir un développement territorial durable.

B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PERCUTÉ PAR LA POLITIQUE D'OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES

La politique d'ouverture des données publiques a fortement mis au défi le modèle économique de ces opérateurs, dans la mesure où le passage à la gratuité en 2021 n'a fait l'objet d'aucune compensation financière de la part de l'État, alors que dans le même temps les coûts de production, de stockage et de diffusion des données augmentaient.

Cet arrêt de la monétisation des données a nettement réduit la capacité des établissements publics à trouver des ressources extra-budgétaires. En conséquence, ils dépendent plus étroitement de l'évolution de leur subvention pour charges de service public et font de ce fait plus difficilement face aux restrictions budgétaires. Les évolutions prévues par le présent PLF érodent donc leur capacité à répondre aux besoins d'expertise publique.

Ainsi, pour Météo-France, la gratuité des données engendre un manque à gagner annuel de l'ordre de 3 M€. À l'heure où la France doit produire des données souveraines robustes, fiables et à une cadence toujours plus soutenue pour tenir son rang dans la compétition météorologique et cartographique, il est regrettable de constater que la soutenabilité des champions français en la matière ne provienne plus que de l'argent public, à travers les dotations budgétaires et les conventionnements avec les directions centrales.

La commission insiste également sur la nécessité de ne pas rater le virage de l'intelligence artificielle (IA), qui peut constituer un puissant levier de croissance, en mesure de faire reculer la frontière technologique. Pour l'IGN, l'IA est susceptible de générer des gains de productivité significatifs liés à l'automatisation, qui amplifiera les productions de données géographiques, avec des descriptions du territoire plus régulières et approfondies5(*). Pour Météo-France, l'IA pourrait révolutionner la manière dont sont produites les prévisions météorologiques, en ouvrant de nouvelles perspectives pour le traitement des observations, avec des temps de traitement plus courts nécessitant moins de ressources de calcul une fois l'apprentissage réalisé, des gains d'anticipation et des modèles de prévision plus précis et fiables.

La capacité de ces opérateurs à investir dans la recherche et le développement est essentielle pour que la France reste dans la « course à la donnée souveraine ». La participation de l'ensemble des établissements publics à l'effort de redressement des comptes publics est évidemment légitime, mais la commission appelle toutefois à la vigilance quant à la préservation de notre capacité à disposer d'une expertise et d'une connaissance publique à la hauteur des enjeux environnementaux, indispensable notamment au déploiement du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC 3).


* 5 Pour l'IGN, l'intelligence artificielle permettra notamment un meilleur suivi des surfaces artificialisées, le déploiement d'un jumeau numérique de la France ou encore une connaissance plus fine des évolutions de la ressource forestière à travers l'inventaire forestier national.

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