B. LA PARTICIPATION DES OPÉRATEURS À LA RÉDUCTION DU DÉFICIT NE DOIT PAS COMPROMETTRE LES EFFORTS ENVIRONNEMENTAUX

1. Des moyens recalibrés à l'aune des efforts de maîtrise des dépenses publiques

La loi de finances mobilise deux leviers principaux pour permettre aux opérateurs de remplir leurs missions : des moyens financiers, versés sous forme de dotations budgétaires, de taxes affectées et de dépenses fiscales, ainsi que des moyens humains, dans le cadre des plafonds d'emplois susceptibles d'être rémunérés par les opérateurs.

En valeur absolue, les opérateurs sont globalement épargnés par la trajectoire de restriction budgétaire. La progression des moyens est cependant neutralisée par les évolutions de la masse salariale (protection sociale complémentaire, revalorisation du quasi-statut de l'environnement, hausse de 4 points du CAS Pensions, glissement vieillesse-technicité, etc.).

En revanche, le financement de l'action « Gestion des milieux et biodiversité » pâtit d'une baisse marquée, de près de 15 %. Les moyens alloués à la mise en oeuvre de la SNB diminuent ainsi de moitié.

L'essentiel de l'effort budgétaire est ainsi concentré sur les mesures portées par les stratégies nationales plutôt que sur les opérateurs. La baisse des dotations conduira cependant à des effets de bord qui priveront les opérateurs de dotations complémentaires dont ils bénéficiaient en 2024 et qui seront fortement réduites ou inexistantes en 2025. Ainsi, la dotation de 39,5 M€ pour la mise en oeuvre de la SNB au profit de l'OFB sera remplacée par une augmentation de 10 M€ de la SCSP de l'office.

À ces effets indirects, s'ajoutent des points de vigilance particuliers à certains opérateurs :

- le relèvement de 175 M€ du plafond de recettes des agences de l'eau n'aura pas lieu en 2025, comme prévu par le « plan eau », mais seulement en 2026. En outre, un amendement du Gouvernement prévoit un prélèvement exceptionnel de 130 M€ sur la trésorerie des agences, sans considérer les restes à payer et les engagements pris pour soutenir les investissements des collectivités, ce qui limitera leur capacité d'intervention alors que la résilience hydrique de notre pays doit être prioritaire ;

- les parcs nationaux font face à une saturation croissante de leur dotation budgétaire par leur masse salariale : dix parcs sur onze consacrent entre 80 % et 98 % de leur dotation à la rémunération de leur personnel, ce qui obère leur capacité à assurer leur fonctionnement et à co-financer leurs besoins d'investissement.

Le rapporteur souligne la nécessité de mieux concilier mesures d'économies budgétaires et soutenabilité financière des opérateurs. De manière cohérente avec les engagements européens de la France et les politiques publiques environnementales et de reconquête de la qualité de l'eau, les établissements publics doivent être en mesure de s'acquitter de leurs missions socles et de piloter les stratégies qui leur sont confiées.

Pour cette raison, il est nécessaire que les économies budgétaires portent autant que possible sur les mesures moins transformatrices ou aux impacts limités.

2. Une situation budgétaire qui invite à renforcer l'efficacité de l'action environnementale

Face à l'interruption de la trajectoire de progression dynamique des moyens budgétaires alloués à la préservation de la biodiversité et la politique de l'eau depuis plusieurs exercices, les opérateurs devront s'adapter à un « trou d'air » budgétaire qui sollicite leur agilité et leur capacité à renforcer l'efficience de leur action. La remarque attribuée à Einstein, « au milieu de la difficulté se trouve l'opportunité », trouve en l'espèce pleinement à s'appliquer.

Les opérateurs ont indiqué au rapporteur pour avis que le contexte budgétaire leur ferait rechercher des mesures de rationalisation et d'économies, pour faire aussi bien avec moins. La forte diminution des crédits consacrés à la SNB 2030 conduira ainsi l'OFB à renforcer les mutualisations des fonctions supports avec les parcs nationaux et à augmenter le nombre de projets communs, portés par plusieurs établissements publics.

Les parcs nationaux, dont la soutenabilité du schéma de financement budgétaire n'est pas garantie4(*) alors qu'ils jouent un rôle central dans la stratégie nationale pour les aires protégées et constituent de puissants vecteurs de l'attractivité d'un territoire autour du tourisme durable, devront quant à eux rechercher plus activement des financements extérieurs, auprès des collectivités territoriales, de l'Union européenne, des acteurs privés et du mécénat.

De même, en ponctionnant les moyens d'intervention et en différant le relèvement du « plafond mordant » des agences de l'eau, notre pays renforcera moins rapidement sa résilience hydrique face au changement climatique, la stratégie de lutte contre les fuites dans les réseaux ne portera pas les fruits espérés et la reconquête de la qualité de l'eau se heurtera à un mur d'investissements de plus en plus haut.

Si 2025 constituera une année de transition pour améliorer l'efficience des établissements publics et rationaliser certaines procédures administratives, le rapporteur appelle la tutelle à la plus grande vigilance pour accompagner les opérateurs face aux risques budgétaires auxquels ils pourraient être confrontés en cours d'année. Rappelons que la transition écologique sera intensive en moyens humains : les besoins en effectifs seront quasi mécaniquement amenés à croître pour faire face aux effets du changement climatique.

L'agilité budgétaire des opérateurs ne réglera donc pas tout : il est illusoire de penser que l'on pourra atteindre les objectifs des stratégies nationales sans les moyens adéquats. Après le nécessaire effort de réduction du déficit public, les prochains exercices budgétaires devront renouer avec une trajectoire budgétaire plus conforme aux enjeux environnementaux, d'autant que les politiques d'adaptation coûtent bien moins chères que les dépenses de réparation, les épisodes météorologiques extrêmes l'ayant dramatiquement montré.


* 4 Une mission a été confiée à l'IGEDD sur l'adéquation entre les moyens des parcs nationaux et leurs missions, dont les conclusions sont attendues pour le début de l'année 2025.

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