TRAVAUX EN COMMISSION

I. EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » - programme 129 - Coordination du travail gouvernemental.

M. Olivier Cadic, rapporteur. - Monsieur le Président, Chers Collègues, nous avons entendu ici même en audition publique le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) avec les responsables des deux principaux services à compétence nationale dont il a la charge : le directeur général de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et le chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum).

Je ne reviendrai donc pas en détail sur les motifs de satisfaction de l'année 2024 concernant la lutte contre les attaques cyber et les ingérences numériques étrangères pour lesquelles nous avons collectivement félicité les services concernés.

Avec l'examen du budget du programme 129 dédié à la coordination du travail gouvernemental, c'est l'année 2025 et l'avenir qui nous préoccupent plus particulièrement avec mon collègue co-rapporteur Michaël Vallet.

À cet égard, je remercie le SGDSN pour sa franchise concernant la contraction des moyens que subira ce programme budgétaire et les choix que ses services devront opérer pour s'adapter. Je les rappelle pour que nous ayons ces chiffres à l'esprit : avec 425 millions d'€ au lieu de 438 millions d'€, les crédits de paiement de l'action n°2 « Coordination de la sécurité et de la défense » subiront en 2025 une baisse de 3 % par rapport à 2024. Sont donc impactés dans ce périmètre budgétaire le coeur de l'activité de défense et de sécurité nationale à savoir les fonds spéciaux qui financent certaines actions des services de renseignement liés à la sécurité intérieure et extérieure (72 millions d'€ en 2025 au lieu de 76 millions d'€ en 2024) et le Groupement interministériel de contrôle (GIC) qui centralise les techniques de renseignement.

Très concrètement les services du SGDSN (principalement l'ANSSI et Viginum) vont devoir fonctionner avec 8 millions d'euros en moins ;

Quant aux effectifs, le plafond d'emplois ne devrait pas évoluer : il reste à 1284 équivalent temps plein (ETP) ainsi que l'a précisé le SGDSN.

Ce contexte nous a conduit à privilégier cette année la méthode du contrôle sur place et sur pièces pour mieux nous rendre compte de la contrainte qui pèsera sur les missions du SGDSN.

S'agissant des services et des opérateurs nous nous sommes rendus aux sièges opérationnels de l'ANSSI, de Viginum et du GIP Acyma qui opère la plateforme Cybermalveillance. À cet égard, mon collègue Michaël Vallet a prévu de revenir plus en détail sur nos observations.

Nous avons également tenu cette année à entendre directement des acteurs de la cybersécurité (Orange cyber défense et plusieurs entreprises du secteur) mais aussi les cibles des attaques dans le secteur hospitalier et universitaire : l'AP-HP et l'université Paris-Saclay.

Concernant la réduction des moyens de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), le Général de Courrège, nouveau directeur de l'Institut, nous a confirmé une réduction d'effectif de 5 emplois dès 2025 pour une réduction totale de 17 emplois sur trois ans, soit près de 24% des effectifs actuels qui s'établissent à 71 (ETP).

L'argumentaire développé pour obtenir le maintien des effectifs s'appuyait sur des actions réalisées. Mais il ne s'appuyait pas sur l'atteinte d'objectifs pertinents. Compte tenu de l'évolution de nos finances publiques, l'IHEDN gagnerait à s'interroger sur sa raison d'être et à se concentrer sur ses activités stratégiques pour sécuriser son budget à l'avenir.

Dans un contexte de réduction généralisée des crédits, il me paraitrait raisonnable que chacun agisse en responsabilité et cherche à redimensionner les services pour qu'ils restent efficaces, plutôt que de porter une appréciation destinée à sanctuariser plutôt tel budget que tel autre.

Viginum devait passer de 42 à 65 ETPT, il restera à 42.

L'ANSSI avait demandé 35 millions d'€ et 60 ETP notamment pour conduire la réforme nécessaire pour appliquer le projet de loi relatif à la résilience des entités critiques et au renforcement de la cybersécurité, dont fait partie la transposition de la directive NIS2 ; il n'aura que 27 millions d'€ et zéro ETP en plus ;

Selon l'étude d'impact de la directive NIS 2, ce sont 15 000 entités dans 18 secteurs d'activités, contre 500 dans 6 secteurs pour NIS 1, qui entrent directement dans le champ d'application de cette directive. Mais dans sa mise en oeuvre, ce nombre pourrait être multiplié par 2 ou 3, voire plus car les fournisseurs ou prestataires des 15 000 entités initiales pourraient être soumis aux contraintes de la directive par voie contractuelle. Le coût pour les entités concernées de mise en conformité avec les mesures envisagées n'est pas précisé par l'étude d'impact.

Dans une note de présentation d'une version antérieure du projet de loi communiquée aux ministères en mars dernier l'ANSSI estimait à 400 000 € le coût moyen de mise en conformité pour une entité, quelle quelle soit -- ce qui représenterait donc un coût global de 6 milliards d'€ pour les seules entités entrant directement dans le champ d'application du texte -- et envisageait une subvention moyenne de 25 % pour les collectivités territoriales concernées, ce qui supposerait un budget global triennal de 60 millions €/an.

L'ANSSI devra mieux expliquer comment elle compte répondre à la mise en application de la transposition de la directive NIS 2.

Les missions de l'ANSSI n'étant plus précisées dans le projet de loi qui nous a été soumis, il reviendra à la commission spéciale d'obtenir ces précisions.

De plus, notre commission aura à se prononcer sur une probable réduction supplémentaire de crédit que le Gouvernement demandera au Sénat. Le Gouvernement avait en effet déposé un amendement de réduction supplémentaire de 25 millions d'€ de crédits sur le programme 129, avant que la première partie du projet de loi de finances ne soit rejetée. Cet amendement n'a donc pas été examiné à l'Assemblée nationale mais il risque très certainement de revenir au Sénat.

Plus largement, cette question de moyens pose la question de la gouvernance et des missions. On ne peut pas résoudre un problème ponctuellement pour un service indépendamment des autres. Cela nécessite de revoir les objectifs et les missions assignées à tous les services du Premier ministre : ANSSI, Viginum et les opérateurs y compris Cybermalveillance et l'IHEDN.

M. Mickaël Vallet, rapporteur. - Olivier Cadic a évoqué la question des moyens et je vais revenir sur le bilan et les observations que nous avons pu faire lors de nos différentes auditions et visites de site, notamment sur la question des Jeux olympiques et le panorama de la cybermenace, comme nous le faisons tous les ans, avant de revenir sur les enjeux de gouvernance.

Je tiens donc tout d'abord à saluer la réussite de tout l'écosystème cyber et à sa tête l'ANSSI pour le bon déroulement des JOP alors que le niveau de menace était supérieur à celui de Tokyo. Et même largement supérieur avec 55 milliards d'attaques répertoriées par ATOS, en charge du consortium numérique et cyber, contre moins de 5 milliards aux JO de Tokyo en 2021. Cette réussite est notamment liée à l'efficacité et la rapidité des échanges entre les différents opérateurs concernés par l'évènement comme ATOS et Orange Cyberdéfense. Il faut aussi rappeler qu'en plus des 12 millions d'euros consacrés spécifiquement par l'ANSSI, l'agence a en outre sacrifié 30% de ses capacités à la sécurisation des Jeux, par des activités d'audit et d'accompagnement. Par ailleurs 100 % de ses équipes ont été mobilisés pendant l'événement, nécessitant la formation d'agents non spécialistes à la gestion des notifications d'alertes cyber.

S'agissant du panorama des menaces, les chiffres données par l'ANSSI peuvent paraître modestes mais ils ne sont pas contradictoires avec le niveau élevé d'attaques. Ainsi, si « seulement » 548 tentatives d'attaques, dont 83 ont produit des effets, ont été dénombrées par l'ANSSI sur les JO de Paris, c'est sur la base d'une analyse des 55 milliards d'attaques individuelles en ne comptabilisant que les opérations notables qui regroupent elles-mêmes une multitude d'attaques individuelles. C'est notamment le cas des attaques par saturation des réseaux. Je précise qu'il faut faire attention aux chiffres qu'on entend, car il faut comprendre qu'un événement comptabilisé par l'ANSSI peut recouvrir des milliers ou des centaines de milliers d'attaques individuelles tous azimut pour saturer des installations. Ce que je veux relever, c'est que la menace n'a pas été surévaluée au regard de l'absence d'indicent grave, mais que la menace a bien été évaluée, les attaques ont bien eu lieu et le niveau de défense a été à la hauteur.

Dans un contexte marqué par de nouvelles tensions géopolitiques, la cybermenace a continué à évoluer. En 2023, 3 703 événements de sécurité contre 3018 en 2022 ont été portés à la connaissance de l'ANSSI dont 1 112 concernait des incidents contre 832 en 2022.

Les attaques à but lucratif se maintiennent à un niveau élevé avec un nombre d'attaques par rançongiciel supérieur à 30 % par rapport à l'année précédente. Les cibles sont également de plus en plus diversifiées.

À titre d'exemple, le secteur du social est de plus en plus ciblé et devient une source d'inquiétude (exemple : en février 2024, deux opérateurs de gestion du tiers payant ont été victimes d'une cyberattaque affectant les données personnelles de plus de 33 millions de personnes). Ce secteur ne devra pas être négligé dans le cadre de la transposition de la directive NIS 2. Le niveau de maturité des universités et des hôpitaux en matière de cybersécurité demeure très bas, hormis l'AP-HP qui fait figure d'exception grâce à la masse critique que son budget numérique et cyber permet pour développer de bonnes pratiques, notamment celle de consacrer 10% du budget numérique à la cybersécurité. Il faut savoir que ce qu'on a pensé être une cyberattaque sur l'AP-HP cet été a en réalité été une panne d'électricité. C'est très loin d'être le cas dans le secteur hospitalier dans son ensemble mais aussi pour le secteur universitaire et de la recherche, dont nous avons entendu le vice-président en charge du numérique de l'Université Paris-Saclay.

Sur la gouvernance, je reviendrai sur nos visites du GIP Acyma, de Viginum et de l'ANSSI en faisant une observation générale valable pour ces 3 entités, à savoir un manque global de lisibilité des données annuelles dans le plan annuel de performance du SGSDN qu'il s'agisse de la répartition des crédits de personnels ou de la projection pluriannuelle des crédits.

Je formulerais deux constats concernant la plateforme cybermalveillance :

- La mise en place d'un filtre anti-anarques a été autorisée par la loi SREN de 2024. Alors que ce filtre devait être fonctionnel pour les JOP, l'appel d'offres lancé par Bercy (via la DGE) concernant le développement et la gestion du filtre est toujours en cours. Nous pourrions nous émouvoir du fait que le GIP ACYMA a été écarté de l'appel d'offres alors qu'il était le candidat idéal en termes de compétence et d'outil et qu'il existe un risque que le marché soit remporté par un acteur privé étranger. Pour l'heure, ce service n'est donc toujours pas mis en oeuvre.

- Nous pouvons également regretter que la plateforme 17Cyber n'ait toujours pas été lancée alors qu'elle est prête depuis mars de cette année. Le lancement de cette plateforme devient urgent car elle pourra pallier la disparition de certains centres de réponse cyber régionaux qui arrivent au bout de leur financement par le plan France Relance en 2024 et qui ne seront probablement pas conservés par un certain nombre de régions. Surtout, alors qu'il s'agissait d'une priorité annoncée pour contribuer à la sécurisation des JO, la plateforme n'a toujours pas été inaugurée par le ministre de l'Intérieur qui assure la tutelle de ce dispositif. Il y a toujours urgence et il convient donc de le signaler au ministre actuel.

Concernant Viginum, il faut signaler que pour la première fois depuis sa création en 2021, le budget de VIGINUM ainsi que ses effectifs ne vont pas augmenter. Une telle stagnation nous paraît inquiétante alors que les manipulations de l'information continuent de croître quantitativement et qualitativement grâce notamment à l'intelligence artificielle.

L'ANSSI va également devoir faire face à une forte contrainte budgétaire : elle devra renoncer à 8 millions d'euros (par rapport aux 35 millions de besoin initial) et elle ne pourra pas recruter d'agent supplémentaire (par rapport aux 20 ETPT supplémentaires prévus). Contrairement à ce qu'on nous dit, c'est compliqué de faire mieux avec moins. Cette contrainte budgétaire emporte nécessairement des renoncements de la part de l'agence sur divers sujets :

- la préparation de la transposition de la directive NIS 2 : le passage à l'échelle qui était annoncé au sein du dernier rapport devra être retardé ;

- le maintien de son expertise de pointe : la création d'un laboratoire dédié à l'intelligence artificielle devra être retardée ;

- la création d'un second centre de données sécurisées devra être reportée ;

- l'agence ne pourra pas non plus continuer à étendre sa couverture des ministères, ni faire l'acquisition de nouveaux téléphones sécurisés.

Par ailleurs, l'élection récente de Donald Trump est un signal d'alerte pour l'ANSSI qui, selon nous, devra s'interroger sur son niveau de coopération futur avec les agences cyber américaines. Face à l'extraterritorialité du droit chinois, l'ANSSI devra également rester très vigilante à ce que des données et des matériels critiques restent bien dans l'escarcelle d'opérateurs français.

S'agissant de la transposition de la directive NIS 2, celle-ci élargit considérablement le nombre d'acteurs soumis à des obligations en matière de cybersécurité par rapport à NIS 1. Nous pouvons déplorer l'absence de réalisation d'un bilan préalable de NIS 1. C'est une maladie française que l'absence d'évaluation avant de passer à l'étape suivante.

Cette observation n'est pas anodine sur le plan des moyens quand on sait que malgré les fonds spécifiquement attribués à la sécurisation des JOP (12 millions d'euros), l'Agence a dû sacrifier 30% de ses autres activités d'audit et d'accompagnement au profit des JOP. Par ailleurs, elle a dû mobiliser 100% de ses équipes pendant l'évènement, s'obligeant à former des salariés non spécialistes à la gestion des notifications d'alertes cyber.

Il me semble par ailleurs important que l'ANSSI fasse un travail d'estimation du coût associé à chaque mesure de sécurité que les entités concernées par NIS 2 devront mettre en place. D'autant plus que les collectivités territoriales seront également concernées.

Nous nous pencherons lors de l'examen du projet de loi sur le projet de l'ANSSI de ne pas sanctionner des manquements à la directive NIS 2 pendant une durée de trois années à compter de la transposition du texte ; ce qui pourrait laisser impunis des graves dysfonctionnements de la part des entreprises concernées, surtout si elles étaient déjà soumises à NIS 1.

Pour conclure, je voudrais rappeler que plus généralement la coordination interministérielle en matière de défense et de sécurité nationale doit s'intégrer dans une stratégie commune à tous les ministères concernés et bénéficier d'un portage politique plus affirmé. J'ai mentionné l'absence d'impulsion politique en ce qui concerne le 17Cyber. Cette question se reposera lorsqu'il faudra porter la révision de la stratégie de cybersécurité et lancer une nouvelle stratégie en matière de lutte contre les manipulations de l'information qu'on nous a promise pour 2025.

Au bénéfice de ces observations, nous vous proposons l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » mais en regrettant la baisse des moyens sur ces sujets si sensibles qui ont des effets extrêmement concrets dans le quotidien de la population.

M. Cédric Perrin, Président. - Je remercie les rapporteurs.

M. Pascal Allizard. - Je remercie nos collègues pour ce rapport extrêmement clair. Ma question porte sur l'intervention de notre collègue Olivier Cadic car je n'ai pas bien compris sa charge ou son propos concernant l'IHEDN et un certain nombre d'institutions qui rentrent dans le périmètre. Dans cette commission nous portons un principe que le Président rappelle à juste titre qu'il faut essayer de gagner la guerre, avant la guerre, et les outils dont vous nous parlez ce matin sont des outils d'influence qui permettent de travailler à cette mission. Je m'interroge sur le fait que nous votions les crédits en l'état. Peut-être aurions-nous pu envisager comme pour l'audiovisuel public et France Média Monde de réfléchir à un amendement. D'ailleurs notre collègue Mickaël Vallet ne l'a pas complètement dit mais est resté ouvert dans sa conclusion. Je suis donc perplexe sur le propos concernant l'IHEDN, que j'ai deux bonnes raisons de connaître, car j'ai été auditeur en 2008 et que je représente le Sénat au conseil d'administration.

L'institution a-t-elle failli dans sa mission ? Et si tel n'est pas le cas je ne cache pas que je suis tenté de m'abstenir sur ce rapport.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je suis d'accord que la situation budgétaire appelle des efforts mais je n'adhère pas à toutes les économies surtout quand je pense qu'elles ne sont pas justifiées. J'ai déjà questionné le ministre des armées, dont ce n'est pas les compétences puisque l'IHEDN relève du Premier ministre. Je pensais que le ministre au vu du rôle de l'Institut de rassembler et préparer des hauts fonctionnaires, des militaires et des civils, dont j'ai fait partie comme plusieurs d'entre-nous, pouvait également prendre position. J'ai bénéficié des enseignements de l'IHEDN pas seulement sur le plan professionnel mais également personnel. C'est une entité conçue en 1936 qui a un vrai rôle compte tenu de l'importance d'une mobilisation globale, comme le rappelait tout à l'heure Roger Karoutchi, où nous avons besoin de toute la population. La mission de l'IHEDN, c'est une pédagogie sur la préparation et la conduite de la guerre pour les non militaires. C'est la deuxième fois que l'institut est visé par des économies à réaliser. D'autres instituts ont disparu et dans ce cas si l'IHEDN perd de son attractivité, au regard du coût des formations, il sera remplacé par quoi ? C'est une tentation du moment de démembrer des institutions qui existent depuis des décennies pour les remplacer par autre chose. Donc quelles économies faisons-nous ? Il y a maintenant une académie des hautes études diplomatiques qui n'existait pas et nous avons créé une académie de l'École militaire qui n'existait pas non plus. Cela coûte. Donc je ne vois pas où sont les économies si elles sont transférées vers d'autres postes, sauf à vouloir remodeler tout ce qui existait avant 2017.

M. Rachid Temal. - Je partage les propos de mes deux collègues sur l'importance de cet institut et je précise que je n'y ai pas suivi de formation. On ne peut pas se demander si les élus sont sensibles aux enjeux majeurs qui se profilent et retirer un outil qui fonctionne. Il y a là une contradiction. Je soutiens la démarche d'un amendement.

Le deuxième point que je souhaite aborder est celui des influences étrangères malveillantes sur lesquelles j'ai fait un rapport avec notre collègue Dominique de Legge. Nous avons salué le travail de Viginum et nous souhaitions que le travail de ce service se développe. Or le Gouvernement décide de lui couper les ailes. On ne peut pas voter ce dispositif en l'état car c'est encore une incohérence. Plus que jamais la guerre informationnelle se répand et nos partenaires, notamment américains et britanniques, citent Viginum comme une référence. Or ce service, c'est seulement 50 ETP, dont une quarantaine sur les opérations. Renforcer ces capacités est un investissement plus que nécessaire, donc je souhaite que l'on puisse faire un abondement de crédits vers un organisme qui a prouvé son efficacité et dévoilé de nombreuses opérations de manipulation en publiant d'excellents rapports techniques.

M. Ronan le Gleut. - L'IHEDN a pour mission de promouvoir l'esprit de défense et sa force est de rassembler des civils et des militaires travaillant ensemble non seulement sur les enjeux stratégiques, la BITD mais aussi sur des sujets académiques, politiques ou du monde des médias. Les officiers supérieurs qui sont auditeurs du Centre des hautes études militaires participent à la session nationale de l'IHEDN, c'est essentiel car ce seront nos futurs généraux. Face au durcissement de la conflictualité, il est important que les civils en prennent conscience et aucune autre institution que l'IHEDN n'offre ce cadre. C'est pourquoi nous avons besoin plus que jamais de cet institut.

M. Roger Karoutchi. - Je n'ai pas été auditeur de l'IHEDN, mais pourquoi faut-il casser quelque chose qui fonctionne ? L'IHEDN a un rôle essentiel car la société civile doit être mobilisé. Je pense à l'« IHEDN jeunes », c'est un outil performant auprès des étudiants. Faisons en sorte que cette institution de 90 ans continue à bien fonctionner car c'est essentiel pour l'avenir de notre défense.

Mme Valérie Boyer. - Nous discutons ce matin essentiellement de l'influence de la France. Il est absolument nécessaire de développer le lien armée-Nation. On ne peut pas balayer un outil qui fonctionne et qui s'est développé régionalement. Le modèle de l'IHEDN a d'ailleurs été copié pour la justice, la sécurité intérieure et la diplomatie. Je ne souscris donc pas aux propos tenus contre l'institut.

M. Cédric Perrin. - Je redonne la parole à Pascal Allizard que je félicite pour son élection à la présidence de la délégation française de l'assemblée parlementaire de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

M. Pascal Allizard. - Merci chers collègues. Au vu des interventions de nos collègues, serait-il possible de suspendre l'examen de ce rapport et d'y revenir la semaine prochaine ?

M. Ludovic Haye. - Je voudrais enfoncer le clou, car il y a des pistes d'économie qui sont néfastes quand elles sont appliquées au mauvais endroit. Le lien armée-Nation évoqué par ma collègue Valérie Boyer s'opère par différents biais : l'IHEDN jeunes par exemple, le service national universel qui va rencontrer de grandes difficultés et le service militaire que nous avons connu qui n'existe plus. Il ne reste plus par défaut que les préparations militaires pour les jeunes qui souhaitent faire un premier pas vers nos armées.

S'agissant de Viginum et de l'ANSSI, je pense que nous avons raté le train des Gafam, alors ne ratons pas celui de l'intelligence artificielle qui est un sujet relié à celui des manipulations de l'information.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je voulais rappeler la présence d'officiers supérieurs qui sont des auditeurs étrangers qui passent un an en France à l'IHEDN. C'est un outil d'influence très important.

M. Cédric Perrin. - Je voudrais ajouter que les missions de l'IHEDN s'inscrivent dans les priorités de la revue nationale stratégique de 2022. Je cite le Président de la République : « je veux qu'en 2030 la France ait conforté son rôle de puissance d'équilibres, unie, rayonnante et influente ». Y concourt l'IHEDN au même titre d'ailleurs que l'ANSSI participe à la cyberdéfense et Viginum à l'influence.

L'IHEDN participe à cette fonction stratégique d'influence. Je voudrais rappeler quelques chiffres concernant les propos du rapporteur sur une nécessité d'introspection de l'Institut. Depuis 2010, les effectifs ont été réduit très fortement, de 111 il y a quelques années à 86 en 2024, dont 15 mises à disposition, soit 71 ETP. C'est une baisse de 22,5 % depuis 2012. Et là on leur réappliquerait une nouvelle diminution de 24 %. On peut donc dire que l'Institut a déjà fait sa réorganisation et son introspection.

Je propose que l'on continue à défendre une continuité stratégique, c'est pour cela que nous avons cette discussion. On a parlé de l'ANSSI, de Viginum et de l'IHEDN, mais ce ne sont pas les seuls. Ce sont des acteurs de l'esprit de défense et de la cohésion nationale, de la lutte contre la désinformation et c'est au nom d'une approche globale qu'il nous faut construire nos outils d'influence.

Je rappelle que l'objet du rapport est de refléter l'avis de l'ensemble de la commission. Donc réfléchissons-y, le cas échéant en reportant si vous le souhaitez. Je consulte les rapporteurs sur ce point, faute de quoi, je pense que nous serons plusieurs à vouloir déposer un amendement en nos noms personnels dans un esprit transpartisan sur ce sujet.

M. Mickaël Vallet. - L'appréciation de mon collègue co-rapporteur sur l'IHEDN lui appartient et il y reviendra. À titre personnel, comme l'a remarqué Pascal Allizard, je ne vois pas d'obstacle à voter le fait que les crédits sont insuffisants et qu'il faut les augmenter. Mais comme disait Lacan, la réalité c'est quand on se cogne. Donc où va-t-on prendre les recettes ?

Ce débat ne doit pas altérer le consensus que nous avons habituellement sur les crédits du programme 129 et les enjeux de cybersécurité.

Sur l'IHEDN, ce que nous dit son directeur, ce n'est pas tant la baisse des moyens sur 2025 que l'engrenage triennal que cela risque d'engendrer de manière conséquente.

C'est ce que j'ai dit pour Viginum et l'ANSSI, ce dernier devant renoncer à certains équipements. Plutôt que de reporter d'une semaine, prenons le temps de régler le sujet aujourd'hui.

M. Olivier Cadic. - Sur le fond, je vis dans un pays, l'Angleterre, où lorsqu'il y a un conflit d'intérêt ou que l'on est concerné, on se déporte. Je regarde cela de manière totalement neutre. J'ai beaucoup de respect pour l'institution. Beaucoup des anciens auditeurs ont rappelé la qualité et l'apport de l'IHEDN. Je ne le conteste pas. La question est qu'il y a des mesures d'économie pour tout le monde du fait de l'état de nos finances publiques. Donc la question qui s'est posée en audition est celle des objectifs et de la mission sur le long terme. Ce sont ces éléments d'analyse que j'attendais et que je n'ai pas eu. C'est pour cela que j'ai appelé à s'interroger sur la raison d'être de l'Institut et à se recentrer sur ses activités stratégiques pour sécuriser le budget de l'IHEDN à l'avenir. Dans une entreprise, quand on a le chiffre d'affaires qui baisse on se pose la question de ses missions. On se reconfigure, c'est cela que j'attendais.

Par rapport à la problématique du programme 129, l'ANSSI, Viginum, comme l'a rappelé Rachid Temal, il y a de vrais besoins. Ce budget est un coup d'arrêt à une mission qui est essentielle comme l'a rappelé sa commission d'enquête. Le développement de Viginum est stoppé. Ce n'est pas à nous de faire ce choix, c'est au Gouvernement. A faire un choix, c'est sur Vigninum que je remettrais des crédits.

M. Olivier Cigolotti. - Il faut le temps nécessaire de la réflexion s'il faut préparer un amendement.

M. Rachid Temal. - Avec Michaël Vallet nous partageons une approche cohérente de cette loi de finances puisque nous ne sommes pas caution de ce budget d'austérité. Sur Viginum, que je connais mieux que l'IHEDN, le rapport que j'ai fait avec Dominique de Legge préconisait d'en renforcer les moyens. Respectons les rapporteurs et je propose que nous portions le message dans l'hémicycle, pourquoi pas au moyen d'un amendement transpartisan.

M. Mickaël Vallet. - Nous pourrions proposer de ne pas adopter les crédits. Ce serait à la commission de prendre position ? C'est ma première question.

Deuxièmement, nous pouvons par avance faire savoir que nous ne serons pas d'accord avec un amendement gouvernemental consistant à aggraver la baisse des crédits de ce programme.

Troisièmement, si nous voulons augmenter les crédits, il pourra y avoir un amendement pour renforcer Viginum, le cas échéant transpartisan, et un autre pour soutenir l'IHEDN.

Sur le reste des analyses, il ne me semble pas qu'il y ait de contradictions sur le bilan des insuffisances que nous avons identifiées.

M. Cédric Perrin. - Les rapporteurs souhaitent-ils amender maintenant, l'idée étant que le transfert de crédit provienne du programme 308 qui finance un certain nombre d'autorités administratives indépendantes.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Votre constat est-il celui d'une insuffisance de crédit, ce qui clarifierait la question, et ensuite il y aura un débat en séance sur la base d'un amendement ?

M. Akli Mellouli. - Le problème sera le même dans tous les programmes ou un amendement prévoit de retirer à un programme pour donner à un autre.

M. Olivier Cadic. - Nous avons bien identifié dans le rapport les contraintes causés par ce budget. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que la commission se prononce sur cette base. Je ne souhaite pas entrer dans une logique de ponction sur un programme pour en abonder un autre.

M. Cédric Perrin. - Je propose que nous donnions un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 129 puis que chacun prenne ses responsabilités pour déposer un amendement en séance.

La commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 129.

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