B. UNE SOUS-BUDGÉTISATION DES FONCTIONS D'APPUI AUX SERVICES DE RENSEIGNEMENT
1. Les fonds spéciaux : une sous-budgétisation récurrente
Les fonds spéciaux ont pour objet de financer les opérations des services de renseignement qui doivent demeurer couvertes par le secret de la défense nationale afin d'assurer la sécurité extérieure et intérieure de la Nation. Le contrôle parlementaire de l'exécution de ces dépenses relève de la compétence de la seule commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) en application de l'article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, le projet annuel de performances se bornant à préciser que les fonds sont principalement destinés à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)4(*).
En revanche, le montant voté en loi de finances initiale ainsi que l'exécution budgétaire globale des crédits sont des données publiques figurant dans les annexes aux documents budgétaires. Celles-ci font apparaître de manière récurrente une sous-budgétisation systématique, le montant de 76 M€ étant invariablement voté depuis 2021, indépendamment du niveau d'exécution, systématiquement supérieur de près de 30 % en 2022 et 2023 (cf. tableau ci-dessous)
Évolution de la dotation et de l'exécution des crédits de fonds spéciaux
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
||||
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
PLF |
Exécution |
75 976 462 |
101 259 770 |
75 976 462 |
102 126 462 |
75 976 462 |
/ |
71 924 802 |
/ |
Source : réponses au questionnaire budgétaire et annexes aux projets de lois de règlement de 2022 et 2023
Aussi, la réduction de 4 M€ sur les fonds spéciaux (72 M€ pour 2025 au lieu de 76 M€ en 2024) conduit à réitérer la recommandation tendant à allouer une enveloppe de crédits conforme au principe de sincérité de la prévision budgétaire.
2. Le groupement interministériel et de contrôle : baisse de crédits et hausse d'activité
Le Groupement interministériel de contrôle (GIC) met en oeuvre des techniques de renseignement (écoutes domestiques et internationales, données numériques, algorithmes de détection des menaces pour la prévention du terroriste) au profit des services de renseignement du premier cercle (DGSI, DGSE, DRSD, DRM, DNRED, TRACFIN), et des services du second cercle qui exercent des missions de renseignement au sein de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de l'administration pénitentiaire. Le budget 2025 opère une réduction de 1 M€.
Évolution des crédits du GIC
Exécution 2023 en CP |
LFI 2024 en CP |
PLF 2025 en CP |
||||
Titre 2 |
Hors titre 2 |
Titre 2 |
Hors titre 2 |
Titre 2 |
Hors titre 2 |
|
GIC |
16 313 366 |
26 381 022 |
18 063 097 |
29 017 585 |
18 933 443 |
27 078 676 |
Total |
42 694 388 |
47 080 682 |
46 012 119 |
Source : réponses au questionnaire budgétaire
Cette contraction de moyens s'inscrit à rebours des besoins du GIC pour 2025 :
· le nombre des techniques de renseignement utilisées ont augmenté en 2023, avec 94 902 demandes des services soit +6 % par rapport à l'année 2022 et +29,1 % par rapport à 2019, première année du suivi statistique ; 24 209 personnes ont été surveillées par ces techniques (+15 % par rapport à 2022 et +9 % par rapport à 2019). Cette augmentation est selon la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) à mettre en lien avec l'évolution de la menace terroriste mais aussi de la criminalité organisée5(*) ;
· par ailleurs, la loi 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France a étendu la possibilité d'appliquer la technique des algorithmes à deux nouvelles finalités en lien avec les ingérences étrangères et la menace cyber. Or le développement de ces techniques nécessite des moyens techniques et humains importants pour en assurer le développement et l'exploitation sur des volumes importants de données (big data).
* 4 La ventilation qui en est faite entre les différents services de la communauté du renseignement est classifiée.
* 5 Source : rapport annuel 2024 de la CNCTR