II. UNE AUGMENTATION DE LA DOTATION DE L'ÉTAT, COROLLAIRE DE LA PROGRESSION IMPORTANTE DES DÉPENSES DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation demandée par la présidence de la République pour 2024 est en hausse de 10,96 % par rapport à celle de l'exercice précédent (122,56 millions d'euros contre 110,46 millions d'euros en 2023), en raison d'un accroissement des dépenses relatives aux déplacements présidentiels (+ 5,1 millions d'euros), d'un niveau soutenu d'investissement pour entretenir et moderniser les emprises immobilières (+ 2,6 millions d'euros) et, dans une moindre mesure, de l'augmentation des dépenses de personnel (+ 1,9 million d'euros) et de fonctionnement (+ 1,06 million d'euros).

Alors que les exécutions budgétaires des années précédentes avaient donné lieu à des déficits récurrents financés par des prélèvements sur trésorerie3(*), l'équilibre budgétaire pourrait être atteint en 2024 sans recourir à ce mécanisme4(*), mais en contrepartie d'une augmentation substantielle de la dotation octroyée. Ainsi, la dotation de 122,56 millions d'euros, à laquelle s'ajoutent des recettes propres évaluées à 2,55 millions d'euros, permettrait de couvrir l'intégralité des dépenses de la présidence.

A. UNE FORTE HAUSSE DES DÉPENSES DE DÉPLACEMENTS, EN RAISON D'UN AGENDA MÉDIATIQUE PEU PRÉVISIBLE ET DE L'INFLATION INTERNATIONALE, AINSI QUE DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT POUR ENTRETENIR ET MODERNISER LES EMPRISES

La présidence de la République applique depuis le 1er janvier 2017 un règlement budgétaire et comptable, signé le 29 novembre 2016 et actualisé le 29 mars 2019, qui reprend en grande partie les normes applicables à la gestion publique, notamment les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Ce règlement fixe un cadre budgétaire et comptable formalisé qui préserve le principe général d'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 2001.

La présentation du budget décline les crédits sous la forme d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, s'appuyant sur la destination de la dépense qui relève :

· soit de l'action présidentielle, qui correspond aux crédits permettant d'assurer les fonctions de représentation ainsi que les missions militaires et diplomatiques attachées au chef de l'État : déplacements internationaux et nationaux, organisation des réceptions au palais de l'Élysée ;

· soit de l'administration de la présidence, qui concerne la gestion des personnels, l'administration générale, la gestion immobilière, les moyens généraux, les télécommunications et l'informatique, la sécurité ainsi que l'action sociale interne.

Évolution des dépenses de la présidence de la Républiqueentre 2022 et 2024

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024

Les dépenses de la présidence de la République augmentent en 2024 sous l'effet :

· du contexte inflationniste, qui affecte aussi bien les dépenses de fonctionnement que le coût des déplacements internationaux, dont certains sont par ailleurs peu prévisibles et partiellement pilotables ;

· d'une politique d'investissement ambitieuse, poursuivant un triple objectif de renforcement de la sécurité, de modernisation des emprises et d'amélioration de la qualité de vie au travail ;

· des mesures indiciaires décidées par le Gouvernement, qui se traduisent par une hausse des dépenses de personnel dans les mêmes proportions.

1. Des dépenses de déplacement soumises à une inflation internationale soutenue et parfois dépendantes d'un agenda médiatique imprévisible

L'enveloppe consacrée aux déplacements présidentiels augmente de 31,87 % par rapport à 2023 et s'élève à 21,1 millions d'euros. Par comparaison, les dépenses de déplacement avaient augmenté de 6,67 % entre 2022 et 2023.

Les raisons avancées par la présidence de la République pour justifier cette hausse sont de plusieurs ordres.

Tout d'abord, l'inflation internationale exerce une pression haussière sur le coût des déplacements, celle-ci pouvant être bien supérieure à l'inflation constatée au niveau national. Elle est en outre très variable selon la nature de la dépense et la zone géographique concernées. La présidence de la République a ainsi constaté cette année une hausse de 25 % sur les billets d'avion à destination de l'Asie, de 50 % sur la location de véhicules en zone nord-américaine et une augmentation significative du coût des hébergements dans le nord de l'Europe. Au global, la présidence relève que le transport aérien représente environ 60 % du coût total d'un déplacement.

Ensuite, la « tension récurrente sur les offres d'hébergement »5(*) se matérialise par un durcissement des conditions de réservation et d'annulation des chambres d'hôtel. De plus en plus, la présidence est contrainte de s'acquitter des dépenses d'hébergement très en amont du déplacement pour en garantir la réservation, au risque de ne pas récupérer les sommes engagées en cas d'annulation tardive.

À cela s'ajoute l'imprévisibilité des déplacements décidés en fonction de l'actualité, qui représentent environ 30 % du volume total6(*) et dont le coût est, par nature, difficilement pilotable.

Interrogé par le rapporteur sur la taille moyenne des délégations, Yannick Desbois, directeur général des services, a indiqué que cet indicateur ne lui paraissait pas pertinent pour déceler une tendance, compte tenu de sa forte variabilité d'un déplacement à l'autre. Il a en outre précisé qu'il ne disposait d'aucune marge de manoeuvre sur la taille de la délégation officielle, décidée par le président lui-même, et que celle-ci pouvait varier du simple au double7(*) selon les caractéristiques du pays visité.

En revanche, il dispose d'un pouvoir d'arbitrage en ce qui concerne la délégation non officielle, pour laquelle il valide chacune des participations. En pratique, leur taille est également très variable8(*) et dépend principalement des difficultés logistiques et du niveau de sécurité du pays visité.

Compte tenu de ces éléments, le rapporteur juge plus pertinent d'effectuer une comparaison entre la taille des délégations - rapportée au nombre d'habitants - de différents pays dont le rayonnement diplomatique est équivalent à celui de la France. Interrogé sur ce point, Patrick Strzoda, directeur de cabinet du président de la République, a indiqué qu'une telle comparaison apporterait un éclairage plus objectif sur la question, les seules comparaisons effectuées jusqu'à présent par les services de la présidence n'ayant qu'un caractère empirique.

Par ailleurs, le rapporteur reconnaît les efforts fournis par les services de la présidence pour encadrer, dans la mesure du possible, le coût des déplacements et les invite à poursuivre le travail engagé. Cela s'est jusqu'à présent traduit par :

· la refacturation systématique du coût des déplacements depuis le début de l'année 2023 pour les ministres et leurs accompagnants, les directeurs d'administration centrale, les directeurs généraux d'opérateurs, les chefs d'entreprise du CAC 40 et du SBF 120 ainsi que les journalistes ;

· une meilleure anticipation des déplacements par l'élaboration d'un agenda stratégique à six mois ;

· un suivi précis de leur coût par poste de dépenses ;

· l'institutionnalisation du retour d'expérience pour les voyages officiels les plus complexes, visant notamment à analyser les écarts potentiels entre les coûts prévisionnels et réalisés.

2. Des dépenses d'investissement destinées à renforcer la sécurité, à améliorer la qualité de vie au travail et à moderniser les emprises

Les dépenses d'investissement augmentent de 40,23 % entre 2023 et 2024. Ces dépenses s'élèvent à 9,12 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 6,5 millions d'euros en 2023. Elles représentent 7,29 % du budget total, contre 5,68 % du budget total de l'exercice précédent, et incluent une « dotation exceptionnelle permettant de financer le schéma directeur immobilier 2024-2027 à hauteur de 4,5 millions d'euros »9(*).

Si le rapporteur regrette que l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024 ne comporte aucune précision sur la nature et le montant des principaux projets d'investissement, contrairement aux années précédentes, il relève toutefois que des éléments d'explication lui ont été communiqués lors de son entretien avec les services de la présidence10(*).

Les crédits en investissement seraient donc affectés :

· au renforcement de la sécurité, aussi bien par l'acquisition de nouveaux matériels que par l'amélioration de la résilience et de la résistance des systèmes d'information aux menaces cyber. Sur ce dernier point, Yannick Desbois, directeur général des services, a indiqué que la présidence de la République faisait régulièrement l'objet de cyberattaques mais qu'aucune d'entre elles n'avait jusqu'à présent abouti ;

· à la rénovation et à la modernisation des emprises de la présidence, dans le but de procéder aux mises aux normes nécessaires, d'améliorer la qualité de vie au travail et de favoriser le développement durable. Les travaux de géothermie en cours sur l'hôtel d'Évreux doivent à la fois permettre de rénover le système de chauffage et de recourir à cette installation pour rafraîchir les bureaux en été11(*).

La présidence de la République a précisé que les ressources tirées de la vente du 14 rue de l'Élysée, pour un montant total de 27 millions d'euros, avaient été mobilisées au cours des exercices précédents pour financer les importants travaux immobiliers sur les emprises. Cette ressource étant désormais épuisée, une dotation exceptionnelle de 4,5 millions d'euros par an sera sollicitée sur les trois prochains exercices afin d'en garantir le financement, suivant la recommandation de la Cour des comptes formulée dans son rapport sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République pour 202112(*).

3. Un accroissement des dépenses de fonctionnement, dont le niveau paraît toutefois cohérent au regard des résultats de l'exécution pour 2022

Les dépenses de fonctionnement connaissent une hausse de 5,87 % par rapport à l'exercice précédent et représentent 19,06 millions d'euros en 2024. Elles se composent des crédits dédiés à l'activité présidentielle (2,77 millions d'euros) et de ceux relatifs à l'administration de la présidence (16,29 millions d'euros).

Plusieurs facteurs cumulés sont susceptibles d'expliquer l'évolution constatée entre les deux exercices.

Tout d'abord, l'inflation affecte toutes les dépenses de fonctionnement, quelle que soit leur nature (fluides, denrées alimentaires, coût des matériaux de construction, etc.). À ce titre, le surcoût engendré par la hausse des prix de l'énergie est évalué par la présidence de la République à 1,2 million d'euros entre 2022 et 202313(*).

Ensuite, les prévisions des dépenses de fonctionnement pour 2023 se sont avérées sous-évaluées, dans la mesure où elles se fondaient pour partie sur les résultats d'exécution des années 2020 et 2021, particulièrement affectés par les conséquences de la crise sanitaire.

En particulier, les dépenses relatives à l'activité présidentielle, qui excèdent le seul périmètre des dépenses de fonctionnement, auraient augmenté de 8 millions d'euros entre 2022 et l'exécution prévisionnelle pour 202314(*). Lors de l'entretien avec le rapporteur, les services de la présidence ont indiqué que ces dépenses étaient, par nature, difficiles à anticiper, car souvent dépendantes d'éléments d'actualité imprévisibles, et moins pilotables que les dépenses relatives à l'administration de la présidence.

Si les dépenses de fonctionnement progressent effectivement d'un million d'euros entre l'exercice en cours et le suivant, leur montant (19,06 millions d'euros) est en réalité équivalent à celui exécuté en 2022 sur ce même poste (19,02 millions d'euros).

En outre, la présidence s'est engagée à réduire de 5 % ses dépenses de fonctionnement (hors activité présidentielle) entre l'exécution pour 2023 et les crédits alloués en 2024. Le rapporteur accordera une attention particulière au respect de cet engagement, qui ne pourra être constaté qu'en juin 2024, lors de l'examen du projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2023.

Il sera également attentif à l'évolution globale des dépenses de fonctionnement. Si leur tendance haussière a été expliquée et qu'elle peut apparaître légitime, il reste interpellé par leur niveau.

4. Des mesures structurelles affectant les dépenses de personnel

Pour 2024, les dépenses de personnel, qui représentent 60,61 % du budget de la présidence de la République, connaissent une hausse de 2,58 % par rapport au projet de loi de finances pour 2023. Ce besoin supplémentaire de 1,91 million d'euros par rapport à l'exercice précédent s'explique notamment par :

· la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023, dont l'effet, en année pleine, ne pourra être mesuré qu'en 2024 et l'attribution de cinq points d'indice supplémentaires à tous les fonctionnaires à compter du 1er janvier 2024 ;

· la mise en oeuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires, qui a une incidence directe sur l'enveloppe des dépenses de personnel compte tenu de la part importante de cette catégorie dans les effectifs mis à disposition de la présidence.

Cette évolution demeure toutefois contenue au regard des orientations de cadrage des ministères en matière de dépenses de personnel, qui fixent l'augmentation maximale de ces dépenses à hauteur de 3,4 % pour 2024.

Depuis 2020, les effectifs de la présidence de la République sont stabilisés autour de 800 équivalents temps plein (ETP)15(*). Par comparaison, les effectifs de l'Assemblée nationale s'élèvent 1 245 fonctionnaires et contractuels en 2024.

Des schémas d'emplois par grades et par fonctions ont été déterminés pour trois des quatre directions de la présidence. Lors de l'entretien avec le rapporteur, Yannick Desbois, directeur général des services, a indiqué que le schéma d'emplois de la direction des opérations ne serait finalisé qu'en 2024, après le recrutement du nouveau directeur des opérations, actuellement en cours.


* 3 En 2022, le prélèvement sur trésorerie s'est élevé à 5,16 millions d'euros et les prévisions pour 2023 anticipent un prélèvement en fin d'exercice à hauteur de 9,1 millions d'euros.

* 4 Le niveau actuel des disponibilités, qui devraient s'élever à un peu moins de 2 millions d'euros en fin d'année, ne permet plus de les mobiliser pour équilibrer le budget.

* 5 Mentionnée à la page 14 de l'annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.

* 6 Entretien avec Patrick Strzoda, directeur de cabinet, Yannick Desbois, directeur général des services, et Florence Lévérino, directrice des ressources et de la modernisation, le 14 novembre 2023.

* 7 La délégation officielle se compose généralement de 20 à 40 personnes.

* 8 La taille de la délégation non officielle peut représenter jusqu'à trois fois celle de la délégation officielle.

* 9 Annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.

* 10 Entretien avec Patrick Strzoda, directeur de cabinet, Yannick Desbois, directeur général des services, et Florence Lévérino, directrice des ressources et de la modernisation, le 14 novembre 2023.

* 11 L'hôtel d'Évreux est d'ores et déjà raccordé au réseau de l'opérateur Fraîcheur de Paris.

* 12 La Cour indiquait dans son rapport que le coût des opérations de sécurisation des sites pourrait s'élever à 12 millions d'euros sur cinq ans et qu'il « pourrait être de nature à justifier une dotation supplémentaire exceptionnelle, sur le budget de la Présidence ou sur le programme 175 - Patrimoines, afin de résoudre les risques les plus urgents, dès lors que les marges de manoeuvre budgétaire octroyées par la restitution du 14 rue de l'Élysée n'existent plus. »

* 13 Entretien avec Patrick Strzoda, directeur de cabinet, Yannick Desbois, directeur général des services, et Florence Lévérino, directrice des ressources et de la modernisation, le 14 novembre 2023.

* 14 Annexe de la mission « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024.

* 15 Réponse au questionnaire budgétaire.

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